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14/01/2016

Les ouvriers trahis par la République.

La mondialisation est brutale, sans beaucoup d'égards ni pour la planète ni pour les masses laborieuses, celles qui sont sa main-d’œuvre préférée car taillable et corvéable à merci. C'est vrai dans les pays dits du Sud, c'est aussi vrai dans nos vieux pays industrialisés qui vivent désormais une tragique désindustrialisation dans les victimes sont les territoires désertés par les entreprises désormais délocalisées et les ouvriers, à qui l'on a demandé parfois tant d'efforts de productivité pour mieux les licencier ensuite, « au nom de la compétitivité », ce dernier mot étant l'un des pires assassins du Travail français, de ses hommes comme de ses qualités et savoir-faire.

 

La mondialisation est « la guerre de tous contre tous », au moins sur le plan économique, mais les perdants de cette guerre sont d'abord les travailleurs quand les gagnants sont les multinationales et leurs actionnaires plus encore que les consommateurs... 

 

En France, les ouvriers qui ont tenté de résister au rouleau compresseur de la mondialisation et de sa violence sociale, ont été, le plus souvent, écrasés, jetés à la rue malgré quelques promesses de reclassement, ou priés d'accepter des conditions de travail de moins en moins favorables pour, disait-on, « maintenir l'activité » : le chantage à la délocalisation et au chômage est devenu une stratégie patronale, puis une habitude. Un véritable scandale social ! 

 

Mais le monde ouvrier n'a plus guère d'alliés en France dans cette guerre asymétrique, et la République qui, dans les programmes scolaires d'histoire se donne le beau rôle de la défense ouvrière et des avancées sociales (et pourtant !), a repris ses vieux réflexes « bourgeois », ceux de 1791, de juin 1848 et des premières décennies de la IIIème, quand les gouvernements républicains faisaient tirer sur les mineurs et emprisonner les syndicalistes : l'affaire des neuf mois de prison infligés par le tribunal correctionnel d'Amiens à d'anciens salariés de l'usine Goodyear de la ville en est une preuve supplémentaire, qui fait suite à l'incroyable répression (pas forcément légitime, même si elle peut apparaître légale) de récents mouvements de colère ouvrière et qui peut laisser croire que la violence des puissances d'argent, celle des licenciements boursiers, est toujours « gagnante » et, même, acceptable dans le cadre d'une mondialisation qui aurait toujours raison... Triste logique, que le royaliste social que je suis, ne peut accepter !

 

Les multinationales se croient tout permis et les Etats semblent bien incapables, faute de volonté et de moyens de persuasion assumés, de ramener les grandes féodalités financières et économiques à la mesure et à l'équité sociale. En veut-on un exemple d'aujourd'hui même ? Les licenciements qui viennent d'être annoncés pour Alstom, à peine deux mois après l'acquisition de cette entreprise française par General Electric et malgré les promesses de cette dernière, avant la transaction, de ne supprimer aucun emploi et, même, ô hypocrisie suprême, d'en créer de nouveaux, sont un véritable pied de nez à la fois au gouvernement qui a fait semblant de croire aux fables de General Electric et aux salariés qui n'auront bientôt que leurs larmes et leurs poings serrés à présenter aux caméras, après tant d'autres... Et l'on voudrait qu'il n'y ait pas de colère, pas de désespoir chez ceux qui sont condamnés à perdre leur emploi alors que les décideurs de ces licenciements, eux, vont, pour certains, empocher des millions d'euros ! Mais de qui se moque-t-on ?

 

Pour en revenir aux peines de prison réservées aux ouvriers de Goodyear abandonnés par la République de M. Hollande, elles me semblent d'autant plus scandaleuses que ceux-là même qui auraient été les plus légitimes à demander de telles sanctions avaient retiré leurs plaintes, et que c'est donc le parquet, qui dépend de Madame Taubira, garde des sceaux, qui a poursuivi les ouvriers qui avaient « retenu » (plutôt que séquestré, terme qui ne correspond pas exactement la réalité) deux cadres de la direction de l'entreprise, celle-là même qui annonçait la fermeture de l'usine d'Amiens-nord et le licenciement du personnel, raisons du coup de sang des travailleurs... Ainsi, c'est bien la République qui cherche, par ce jugement, à dissuader toute nouvelle colère ouvrière et à soumettre, définitivement, le monde des travailleurs français à ce nouvel ordre maudit, celui d'une mondialisation qui raisonne en termes d'argent et non en termes de personnes. Pourtant, comme l'affirmait Jean Bodin, « il n'est de richesse que d'hommes », et l'oublier serait faire le malheur des générations présentes et à venir...

 

 

 

28/10/2014

Valls, nouveau Clemenceau ?

 

Les dernières déclarations du premier ministre sur le nom et les idées du Parti Socialiste ont semé le trouble chez ses « amis » socialistes et montrent à l'envi les fractures de plus en plus béantes au sein du Parti né du congrès d'Epinay de 1971 : pourtant, Manuel Valls ne prend personne par surprise et il suffit de lire ses propositions lors de la primaire socialiste de 2011 pour le constater. A l'époque, il n'était qu'un « petit » candidat, marginalisé et très critiqué au sein de ce parti qui, désormais, le soutient mordicus (malgré quelques nuances et avec toute la diplomatie de l'habile Cambadélis) et qui menace de blâme ou d'exclusion ceux qui élèvent un peu trop la voix pour dénoncer ce qui leur apparaît comme une dérive vers un néolibéralisme peu en cours chez les militants de base du PS comme j'ai pu le constater dernièrement en entendant (par le hasard de mes pérégrinations bistrotières) une discussion fort animée entre membres du PS et du MJS (Mouvement des Jeunes Socialistes).

 

D'ailleurs, M. Valls ne cache guère son admiration pour Georges Clemenceau dont il se veut l'héritier assumé et assuré : or, ce dernier n'était pas socialiste et, même, il fut l'un des plus certains adversaires de ceux qui se réclamaient du socialisme... Républicain, il le fut par toutes ses tripes, ce qui ne l'empêcha pas, néanmoins, d'être un patriote mobilisateur (et admiré pour cela par le royaliste Léon Daudet à partir de 1917 – mais pas avant!) mais aussi un nationalitaire aveuglé par sa détestation des Habsbourg, ce qui lui fit rater la paix de 1919-1920. Son bilan est complexe : s'il a permis à la France de disposer d'une police de plus en plus efficace (ce que nous rappelle le feuilleton « Les brigades du Tigre », feuilleton dont j'ai encore le générique dans la tête)... et de rendre les rues et les faubourgs de Paris plus sûrs, il est aussi celui qui réprime avec la plus grande violence les grèves ouvrières et les syndicalistes anarcho-révolutionnaires, s'attirant les foudres des socialistes (surtout guesdistes) d'alors mais aussi des royalistes du « Panache » (revue de jeunes royalistes sociaux) et de l'Action Française, unis dans une improbable alliance (plus théorique que pratique, la plupart du temps...) contre « la République des fusilleurs » qu'il représentait avec une certaine crânerie et sans regret. Les phrases de Maurras dans le quotidien monarchiste (31 juillet 1908) sont cruelles pour « ce vieillard sanglant », « à peine moins sinistre que Thiers », et elles trouvent un écho chez certains syndicalistes qui, pour une petite minorité (mais pas la moins intéressante), iront jusqu'à pendre le buste de Marianne au balcon d'une Maison du Peuple et à rallier, comme Emile Janvion, le combat royaliste à la veille de 1914... Néanmoins, après la violence de la répression (qu'il revendique sans fard), ce même Clemenceau fait adopter par les parlementaires la réduction du temps de travail quotidien à huit heures (vieille revendication ouvrière depuis les années 1880) pour les mineurs de fond, à défaut de la donner à toutes les branches industrielles...

 

Complexité du personnage et de sa politique qui peut inspirer l'actuel premier ministre, mais aussi le perdre à trop vouloir l'imiter... On sait ce qu'il advint quand Georges Clemenceau tenta de se faire élire président de la République (une fonction qu'il déclarera néanmoins aussi inutile que... la prostate!) et qu'il fut sèchement remercié par les parlementaires, en particulier socialistes !

 

Que M. Valls se réfère à Clemenceau plutôt qu'à d'autres figures plus orthodoxes au sein de la Gauche française est assez révélateur de la confusion des temps qui, souvent, se veulent « de synthèse » à défaut d'être « de rigueur » sur le plan intellectuel et politique. Bien sûr, il ne s'agit pas de rentrer dans des querelles qui tiennent plus du débat historique que de la nécessité politique, et il faut tenir compte des évolutions et des glissements idéologiques au sein du paysage politique français. Mais la référence à Clemenceau (récupéré par la droite après 1917, ou du moins par une partie de celle-ci, et souvent abhorré par une grande partie de la gauche qui ne se reconnaissait pas en son patriotisme pourtant jacobin...), qui est d'ailleurs sincère chez M. Valls, a le mérite d'être considérée comme transpartisane et plutôt fédératrice dans l'opinion, plus encore que Jaurès ou Mendès-France, trop « typés » à gauche, et elle préserve M. Valls pour l'avenir qu'il s'agit de ne pas insulter, comme dit le dicton...

 

Pour autant, est-ce vraiment un Clemenceau qu'il nous faut ? Si Maurras soutiendra la « monarchie de guerre » que constituait le gouvernement Clemenceau aux pires heures de la Grande guerre, il ne voyait pas en celui-ci un sauveur, et sans doute (et contrairement à Daudet) pas plus un régent possible ! Juste le symbole éphémère d'une unité française, unité qu'il s'agissait de préserver au cœur de l'épreuve. Sommes-nous dans la même configuration, aujourd'hui ? Oui, l'unité française est en danger, en ces temps de mondialisation subie et de fractures françaises ; non, M. Valls n'y changera rien, faute de cette hauteur historique qui manque à celui qui ne mesure le temps politique qu'au rythme des élections, et c'est le problème récurrent d'une République dont la présidentielle (la « reine des élections », dit-on) semble être le seul horizon, quasiment indépassable, de toute stratégie politique.

 

Quand certains rêvent d'une Sixième République qui ne serait que la répétition de feue la Quatrième, d'autres, dont je suis, réfléchissent au moyen permanent de la conjugaison d'une continuité assurée et d'une décision assumée par l’État : en somme, d'une Monarchie qui renoue un lien malheureusement délié en République...

 

 

 

 

 

08/01/2014

Les ouvriers de Good Year face au mépris...

 

La séquestration de deux dirigeants de l’entreprise Good Year a pris fin dans l’après-midi de ce mardi mais elle est véritablement révélatrice, à plus d’un titre, d’une part de l’hypocrisie du gouvernement socialiste et de l’absence d’un dialogue social digne de ce nom d’autre part. Hypocrisie d’un gouvernement qui, depuis qu’il est en place, n’a eu de cesse de freiner l’esprit d’entreprise en France et, dans le même temps, de Mittal à Florange à Good Year à Amiens-nord, de céder aux injonctions de multinationales qui semblent ridiculiser à loisir le politique et l’Etat en s’appuyant sur les préceptes d’une mondialisation et d’un libéralisme qui ne s’avèrent, ni l’un ni l’autre, de bon aloi pour les ouvriers, devenus la simple variable d’ajustement des grandes entreprises et de leurs actionnaires. Les insultes des ouvriers d’Amiens qui, ce soir, ont fusé contre M. Hollande et la gauche de gouvernement semblent bien vaines contre la violence sociale d’un certain patronat oublieux de ses devoirs et contre la violence légale d’une République qui est de plus en plus forte à l’égard des faibles quand elle est tristement bienveillante à l’égard des puissants de l’Argent : le discours électoral du Bourget dans lequel M. Hollande s’en prenait aux puissances de la finance apparaît comme une sinistre farce dont les dindons sont les travailleurs de ce pays, abandonnés par ceux-là mêmes qui leur doivent leurs situations présidentielle et gouvernementale… Il est facile de comprendre le profond discrédit de cette classe politicienne dominante près des électeurs des classes populaires et la tentation populiste et celle de l’abstention, qui ne sont ni l’une ni l’autre inciviques mais bien plutôt des formes, plus que d’un appel au secours, d’une colère (de moins en moins…) sourde des « petits », des « sans voix », contre les « méprisants de la République », élus ingrats d’une démocratie trop « représentative » (confiscatoire ?) pour être honnête…

 

A Rennes, il y a quelques mois, j’ai eu l’occasion d’entendre des ouvriers de PSA-La Janais (dont l’un, syndiqué de longue date à la CGT, m’avouait préférer le royaliste social que je suis aux petits messieurs proprets de la social-démocratie hollandiste…) s’encolérer contre une Gauche oublieuse de ses promesses et incapable d’avoir une stratégie face aux oukases de Bruxelles et des multinationales, souvent jetés dans le même panier d’infamie : des mots très durs avaient été lâchés, et j’en avais marqué une certaine surprise, qui n’était pas pour autant de l’incompréhension… L’ami cégétiste, bon et fier travailleur, me déclarait alors ne plus vouloir autre chose que l’explosion finale, preuve d’une sorte de désespoir profond et d’une grande impuissance, notre démocratie électorale n’accordant plus, à son sens, aucun crédit à la parole ouvrière ! « Que ça pète, et qu’ils disparaissent tous, qu’ils aillent au diable ! » : et ce sont des larmes qui perlaient au bord des yeux…

 

Ce soir, alors que tournent en boucle les images des ouvriers de Good Year huant les dirigeants piteux sortant de l’usine occupée, retentissent dans ma mémoire les mots crus du syndicaliste de PSA : j’ai l’impression que ce sont aussi ceux des occupants de l’usine d’Amiens-nord ! Il faudrait bien que les oligarques qui dirigent la République les entendent à leur tour avant que le pire n’advienne : il est des colères qui préparent les révolutions du lendemain, les revanches parfois violentes des méprisés de la veille…

 

Certains me diront que séquestrer des dirigeants d’entreprise, « cela ne se fait pas » : bien sûr, je peux entendre cet argument mais que pèse-t-il face au désarroi des centaines d’ouvriers français jetés à la rue, non pour avoir manifesté ou mal travaillé, mais simplement parce que, comme l’explique avec cynisme un Maurice Taylor, patron de Titan et sinistre exemple états-unien de la cupidité financière, « ils coûtent trop cher », et que des travailleurs exploités, quasiment esclavagisés dans des pays en plein développement industriel comme l’Indonésie ou le Vietnam, peuvent faire le même travail dix fois moins cher, sans protection sanitaire ni sociale ?

 

Maurras, à la suite de La Tour du Pin, rappelait que, dans ces « affaires sociales »-là, ce n’était pas le prolétariat qui avait commencé et que les réactions ouvrières étaient, à défaut d’être toujours justes, étaient au moins légitimes ! Un autre royaliste des années 1970, « gaullo-gauchiste » catholique aujourd’hui malheureusement bien oublié, Maurice Clavel, ne disait pas autre chose quand il évoquait le combat des ouvriers de l’usine Lip, et il n’avait pas tort, là non plus…