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24/05/2011

Quelques mots sur la monarchie...

Je suis en train de regrouper des articles et des commentaires que j’ai rédigés pour mon blogue ou pour des forums de discussion, en vue d’une prochaine publication papier : en quelques années, cela représente près de 3.000 textes, certains très courts, d’autres plus conséquents.

 

Ainsi, je viens de retrouver un petit texte sur la monarchie, écrit en réponse à un commentaire fait sur mon blogue par un contradicteur d’ailleurs fort courtois et néanmoins fortement « réservé » à l’égard de l’institution royale. Voici quelques lignes qui, je pense, restent d’actualité et peuvent contribuer à nourrir le débat sur les institutions politiques de notre pays :

 

 

Non, la monarchie ce n'est pas la république, et la république, cinquième du nom, n'en a été qu'un simulacre, malgré toute la bonne volonté d'un de Gaulle. Non, ce n'est pas la même chose et c'est aussi pour cela qu'il me semble nécessaire, non pas seulement de repenser la république, mais de repenser les institutions, au-delà de la république, voire contre ce qu'elle est, qui explique largement ce qu'elle est devenue...

 

La monarchie n'a rien de ridicule et, même si elle apparaît lointaine, elle reste, fondamentalement, essentiellement, politiquement nécessaire : l'arbitrage royal est le seul qui, après moult expériences, paraît susceptible de dépasser les divisions politiciennes sans pour autant renier les mémoires différentes, souvent conflictuelles de notre pays. Sans doute l'exemple espagnol, avec ses particularités propres, est-il un bon exemple de ce que peut faire, concrètement, une monarchie royale au sortir d'un déchirement de plusieurs décennies, d'une guerre civile et d'une dictature. Si le roi avait été un partisan, c'est-à-dire s'il avait joué "le jeu de la république", l'Espagne aurait-elle pu avancer au coeur même de l'Europe et de son histoire ? J'en doute...

 

Quant au moyen de "faire la monarchie", j'ai toujours dit, et je le répète ici, que "la politique du pire c'est la pire des politiques" : mais la politique c'est aussi l'art d'exploiter les occasions et, si la république est en crise (et elle l'est, visiblement...; au moins  en crise de confiance !), il serait impolitique de ne pas viser à la remplacer par cette monarchie qui, sans être "miraculeuse", a la possibilité de dénouer la crise institutionnellement et de rendre à la France ses possibilités d'action que l'UE lui ôte peu à peu.

 

Là encore, ce n'est pas une illusion que cette dépossession des pouvoirs à laquelle procède l'UE au détriment des pouvoirs nationaux et démocratiques... L'éloignement des institutions et des politiques de l'UE à l'égard des citoyens à qui, d'ailleurs, on évite (par exemple) de demander concrètement leur avis en arguant que ces citoyens ne sont pas capables de comprendre le texte d'une constitution qu'il leur faudra pourtant bien respecter, me semble fort dommageable, autant pour les peuples eux-mêmes que pour ce que l’on nomme la démocratie !

 

Je n'ai pas la prétention de croire que mon amour de la France est plus fort que le vôtre. Ce qui est certain c'est que cette Europe-là n'est pas le meilleur moyen de faire vivre et prospérer la France : la conception gaullienne, inspirée de la tradition capétienne, cherchait à faire de l'Europe un ensemble politique confédéral, une "Europe des Etats" susceptible de peser sur l'histoire et de s'interposer entre les empires possibles, une Europe qui aille de Brest à Vladivostok...

 

Vous comprendrez donc que l'UE d’aujourd’hui n'a rien qui puisse m'attirer et qu'elle me semble le symbole du renoncement du politique devant l'économique, de ce triomphe de l'Argent que je ne cesse de combattre en prônant le partage ; l'amour du prochain et de la cité qui lui permet d'être, au plan politique et des libertés de l'esprit ; la liberté et la souveraineté de la France...

 

Et, là encore, la monarchie « à la française » peut rendre sa place, toute sa place mais rien que sa place, au politique, non pour nier l’économique mais pour le relier au social sans lequel il n’est pas d’économie juste et humaine !

 

17/01/2011

Le cynisme des agences de notation.

La révolution n'est pas encore finie en Tunisie et tous les possibles restent envisageables, entre démocratie et, même, dictature : à l'heure qu'il est, rien n'est encore sûr, si ce n'est que tous les acteurs institutionnels ont intérêt à en finir le plus vite possible avec les désordres et l'incertitude, ne serait-ce que pour rassurer les investisseurs et les touristes qui remplissent d'ordinaire les caisses du pays...

 

Mais les agences de notation, celles-là mêmes qui menacent régulièrement les pays de la zone euro de dégrader leur note pour des raisons pas toujours très claires, ne laissent aucun répit à la Tunisie : ainsi, le site internet du « Figaro » signalait vendredi soir que « l'agence de notation Fitch a placé la note BBB de la Tunisie sous surveillance négative. Cette décision « reflète l'éclatement soudain et imprévu d'un risque politique et les incertitudes politiques et économiques » qui en découlent. ». En somme, la révolution est un risque, ce qui n'est pas vraiment une surprise, et la stabilité antérieure était, aux yeux de l'agence, bien préférable... Comme quoi la question du régime politique n'intéresse les économistes que sous l'angle des affaires (et des profits) potentiels et non sous celui de la justice sociale ou de la liberté politique, ce qui « légitime » (sic!) sans doute la véritable sinophilie qui s'est emparé des milieux industriels et boursiers ces dernières années !

 

Mais le cynisme de Fitch ne s'arrête pas là : « La promesse d'élections anticipées ainsi que d'une ouverture du système politique introduit des incertitudes supplémentaires », poursuit le communiqué de l'agence de notation. En somme, « l'ouverture du système politique » n'est vraiment pas une bonne chose, si l'on comprend bien l'agence, car elle représente ce que détestent ces milieux d'affaires qui pourtant se réclament du libéralisme et du libre jeu du Marché : le risque ! Il y aurait beaucoup à dire sur la duplicité de ces agences qui ne cessent de réclamer une déréglementation et un démantèlement de la fonction publique d'Etat mais ne supportent pas que leurs activités soient dérangées par de misérables événements politiques ou la contestation d'un régime dictatorial...

 

Cette arrogance des milieux d'affaires devra bien, un jour, être contrecarrée par une politique d'Etat qui privilégiera les hommes et les sociétés, la justice sociale et la parole politique elle-même : en France, la monarchie a jadis montré qu'elle savait agir, y compris contre les intérêts des plus riches, et qu'elle n'hésitait pas à s'imposer aux féodalités économiques, au risque de déplaire à celles-ci qui n'eurent alors de cesse de l'affaiblir pour mieux installer leur propre règne.

 

Si cette agence de notation avait eu quelque conscience ou morale, elle aurait suspendu pour quelques semaines ses jugements sur la Tunisie, le temps que la situation s'éclaircisse (en bien ou en mal, d'ailleurs...) et elle aurait évité de jeter de l'huile sur le feu, au risque de pénaliser un peu plus un pays déjà en difficulté ! Mais la cupidité est, non pas une seconde nature, mais bien la première de ce genre d'agences qui ne créent rien mais vivent de leurs chantages à l'égard des pays qu'ils notent dans une logique purement spéculative.

 

Il est temps que le politique reprenne ses droits, et pas seulement en France...

 

18/07/2010

La politique, de moins en moins politique ?

L’été 2010 restera dans les mémoires comme un « été meurtrier » pour le gouvernement actuel mais aussi pour la classe politique dans son ensemble et pour la République elle-même : choquée des « affaires de la République », l’opinion publique, malgré les accusations de populisme à son égard, se détourne de « la République des affaires » et, plus largement et fort dangereusement, de toute politique, comme si celle-ci était constitutivement, constitutionnellement « scandaleuse »…

 

Pourtant, cette situation n’est ni inédite ni surprenante au regard de l’histoire de la politique française, mais elle a sans doute des causes en partie différentes de celles d’antan, adaptées (si l’on peut dire) aux enjeux et aux modes de fonctionnement actuels, au plan mondial comme strictement national. Ainsi, le sociologue et anthropologue Georges Balandier souligne les travers d’une présidence Sarkozy qui apparaît à la fois comme « le pouvoir sans sacralité et l’effacement de la distance » : « Observez ce qui se passe avec la nouvelle présidence en France, avec la capacité politique (…) convertie en création de multiples commissions, ces étranges machines qui masquent les impasses plus souvent qu’elles ne les ouvrent. (…) Il s’agit moins de politique au sens fort que de gestion, de recours à des catalogues de recettes (…). Où est la politique, où est Aristote, où sont Montesquieu et les penseurs du politique ? Où est la grandeur du politique, où est sa force, sa capacité de projection dans un avenir moins mal défini, désiré, débattu, contesté aussi ? » (1). La politique semble ainsi de moins en moins… politique, au risque de perdre toute prise sur les forces économiques, sociales et mêmes politiciennes, les grands partis n’ayant d’autre programme que de gagner les élections, en particulier « la reine des batailles », l’élection présidentielle. D’ailleurs, celle de 2012 est déjà lancée, et depuis longtemps si l’on en croit les observateurs : le quinquennat, adopté il y a déjà 10 ans, a renforcé cette « présidentielle permanente » qui mine les institutions et décourage parfois les débats de fond comme les politiques de long terme pourtant nécessaires, non seulement à la respiration du corps civique français mais aussi à la pérennité même de notre existence politique et diplomatique de nation indépendante au cœur d’un monde de plus en plus instable…

 

 

 

 Notes : (1) : Georges Balandier, Le dépaysement contemporain, l’immédiat et l’essentiel, Entretiens avec Joël Birman et Claudine Haroche, PUF, 2009.