06/01/2009
Révolution royaliste.
Contrairement à ce que l’on continue à lire dans la presse ou sur les forums de la Toile, Sarkozy ce n'est pas la monarchie, c'est bien la république ! Rappelez-vous les Thiers, Grévy, Ferry, etc. qui en furent les fondateurs (après 2 tentatives infructueuses et sanglantes) et qui n'eurent aucune attention pour la question sociale alors que des royalistes sociaux comme Albert de Mun ou René de La Tour du Pin (qui a inspiré de Gaulle pour la "participation") luttaient pour améliorer le sort des ouvriers alors surexploités au nom de cette fameuse « liberté du travail » qui n’était que celle du « renard libre dans le poulailler libre »...
En tenant ces propos, certains me traitent de « réactionnaire », confondant la réaction nécessaire à cette injustice sociale qui porte au pinacle des Tapie quand les ouvriers de Sandouville et d'ailleurs sont abandonnés à un bien triste sort social, avec une attitude qui serait « socialement régressive »... Erreur de perspective de ceux-là qui ne prennent pas assez le temps de me lire et de chercher à comprendre les fondements de ma pensée politique et institutionnelle.
De plus, si j’évoque une « révolution royaliste », politique et institutionnelle là encore, révolution « par le haut » (car c’est par la maîtrise de l’Etat que l’on peut le mieux agir, en utilisant le temps que permet la succession héréditaire qui libère la magistrature suprême de l’Etat des jeux de clientèles et des groupes de pression, nouvelles féodalités contemporaines), c’est parce que ce n'est pas qu'une simple réaction, ou une révolte, mais la volonté de fonder "autrement" le politique, sur les notions d'indépendance, de justice, de transmission. En tout cas, cette révolution, si elle peut sembler lointaine (en tant qu’ « instauration monarchique »), est d'abord et aussi, avant même d’advenir et d’agir en son espace étatique nécessaire, un "état d'esprit" contre le règne indécent de l'Argent.
10:12 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : révolution, révolution royaliste, réaction, social, sarkozy, la tour du pin.
14/07/2008
Le 14 juillet : les paradoxes d'une célébration.
La Fête de la Fédération a fait le monde moderne. En mettant en contact sympathique des populations jusqu’alors étrangères les unes aux autres, de races, d’origines différentes, distinctes par les mœurs, par le langage, par les lois ; en les groupant dans une grande manifestation pacifique, en leur apprenant en un mot à se connaître et à s’aimer, la Fête de la Fédération a fondé, sur des bases indestructibles, l’unité de la patrie ».
Quelques décennies après, l’historien monarchiste Pierre Gaxotte (1895-1982) répliquait, à sa façon, à ce discours par un texte ironique, publié dans l’été 1939, quelques jours avant le début de la Seconde guerre mondiale : « Le 14 juillet est devenu la fête de l’unité française. Devenu, ou plutôt redevenu. Historiquement et légalement en effet, notre 14 juillet ne commémore pas la délivrance des faux-monnayeurs et des satyres qui étaient emprisonnés à la Bastille, mais bien la fête de la Fédération qui eut lieu, en 1790, au Champ-de-Mars.
(…) Quoique agrégé d’Histoire, M. Daladier avait, par prudence, recouru à la science de M. le Directeur des Archives nationales (…). Je ne m’explique pas comment, à eux deux, ils ont pu commettre, dans leur reconstitution, deux énormes oublis.
1° La fête de la Fédération consista d’abord en une messe solennelle chantée par un évêque. Cette année, pas de messe. 2° Pour la présider, il y avait un roi, circonstance importante et nécessaire. Un roi, monsieur le président, un vrai roi à fleurs de lys, avec sa femme, son fils, sa fille et sa sœur. Puisque vous vouliez que votre fête révolutionnaire et commémorative de l’unité française fût exacte, il fallait y mettre le roi. Il fallait rétablir la monarchie. Sinon, ce n’est plus de l’histoire, c’est du roman ». Il est vrai que les deux « 14 juillet » se sont déroulés quelques années avant la République, en un temps où cette idée même apparaissait incongrue en France, et que, au grand dam de nos républicains, les deux se sont faits aux cris de… « vive le roi », y compris pour mieux, dans celui de 1789, violer la loi…
Car, malgré les accents lyriques du député Achard, le 14 juillet 1789 ne fut pas vraiment glorieux et il n’y a pas de quoi s’en vanter. Il est d’ailleurs amusant de constater que nos officiels de la République célèbrent une émeute dont ils se seraient effrayés à l’automne 2005… Comment, ainsi, dénoncer les désordres des banlieues quand on glorifie un épisode d’une violence aveugle et, à l’origine, si peu politique ? Je viens d’acquérir un livre fort intéressant intitulé « Les secrets de la Bastille tirés de ses archives » et écrit par l’historien Frantz Funck-Brentano dans les années 30, et qui remet un peu les choses au point : après le pillage des dépôts d’armes des Invalides (28.000 fusils et 24 canons), l’émeute se déplaça vers la Bastille pour y aller chercher la poudre qui s’y trouvait, et pas vraiment pour aller libérer les prisonniers qui y étaient enfermés (au nombre de … 7… : connaissez-vous beaucoup de prison aujourd’hui qui n’accueille que ce petit nombre de personnes ?). Funck-Brentano écrit : « Il faut bien distinguer les deux éléments dont se composa la foule qui se porta sur la Bastille. D’une part une horde de gens sans aveu, ceux que les documents contemporains ne cessent d’appeler « les brigands » et, d’autre part, les citoyens honnêtes – ils formaient certainement la minorité – qui désiraient des armes pour la constitution de la garde bourgeoise. La seule cause qui poussa cette bande sur la Bastille fut le désir de se procurer des armes. (…) Il n’était pas question de liberté, ni de tyrannie, de délivrer des prisonniers, ni de protester contre l’autorité royale. La prise de la Bastille se fit aux cris de : Vive le Roi ! tout comme, depuis plusieurs mois en province, se faisaient les pillages de grains ».
Je passe sur les différents épisodes de la journée relatés dans cet excellent petit bouquin. Mais il n’est pas inintéressant d’évoquer un élément souvent oublié dans les manuels d’Histoire (trop anecdotique, sans doute) qui montre un « autre » aspect de ce 14 juillet 1789 : « Une jolie jeune fille, Mademoiselle de Monsigny, fille du capitaine de la compagnie d’invalides de la Bastille, avait été rencontrée dans la cour des casernes. Quelques forcenés s’imaginèrent que c’était Mademoiselle de Launey (M. de Launey, ou Launay, était le gouverneur de la Bastille). Ils la traînèrent sur le bord des fossés, et, par gestes, firent comprendre à la garnison qu’ils allaient la brûler vive si la place ne se rendait. Ils avaient renversé la malheureuse enfant, évanouie, sur une paillasse, à laquelle, déjà, ils avaient mis le feu. M. de Monsigny voit le spectacle du haut des tours, il veut se précipiter vers son enfant et est tué par deux coups de feu. (…) Un soldat, Aubin Bonnemère, s’interposa avec courage et parvint à sauver la malheureuse enfant ».
La Bastille se rendit sans vraiment combattre et le gouverneur, malgré les promesses, fut massacré et sa tête fichée au bout d’une pique : c’était la première à tomber, la première d’une liste fort longue…
Ce livre donne d’autres indications intéressantes et qui rompent avec « l’histoire sainte » de la prise de la Bastille : en particulier les textes relatant l’événement dus à Saint-Just et à Marat, révolutionnaires insoupçonnables de tendresse pour l’Ancien Régime et qui offrent quelques surprises à leur lecture… Quant à la liste définitive des « vainqueurs de la Bastille », elle comptera près de 900 noms (863 selon Funck-Brentano), ce qui est fort loin des foules ou du « peuple de Paris » évoqués par les manuels d’Histoire (ou d’histoires ?)…
Le dramaturge Victorien Sardou, dans sa pièce « Rabagas », écrit ceci, qui résume bien l’affaire : « Mais alors à quoi distingue-t-on une émeute d’une révolution ? L’émeute, c’est quand le populaire est vaincu…, tous des canailles. La révolution, c’est quand il est le plus fort : tous des héros ! » : une leçon à méditer, pour l’historien comme pour le politique…
18:15 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : 14 juillet, révolution, gaxotte, république, royauté, histoire.