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11/04/2011

Nei, c'est "non" en islandais. Et nei, c'est nei !

 

C’était la deuxième fois en treize mois que les électeurs islandais étaient conviés aux urnes pour approuver le plan de remboursement par l’Islande du Royaume-Uni et des Pays-Bas, pays qui avaient indemnisés « 340.000 épargnants attirés par les rémunérations fort alléchantes d’Icesave [banque en ligne islandaise] sur les livrets d’épargne », lorsque cet établissement bancaire avait fait faillite en octobre 2008, entraînant une perte de 3,9 milliards d’euros pour ces investisseurs, comme le rappelle « Le Figaro » de ce lundi 11 avril.

 

Cette faillite retentissante était liée, il faut le souligner, à un système fondé, non sur le travail ou les richesses créées, mais sur la spéculation, celle-ci encouragée par les institutions financières mondiales et quelques banques états-uniennes et européennes, au nom de la doxa libérale et de la recherche du profit maximal inhérente au système même d’un capitalisme sans limites et sans morale : de nombreux épargnants ont été piégés, croyant faire une « bonne affaire » en oubliant (mais leur a-t-on rappelé les risques ?) que les jeux boursiers ne sont pas « gagnants à tout coup »…

 

Le Royaume-Uni et les Pays-Bas, craignant un effondrement de tout leur système financier, avaient remboursé leurs épargnants locaux, mais souhaitaient obtenir réparation de la part de l’Islande et avaient négocié en 2010 un premier accord de remboursement, accepté par le gouvernement islandais d’alors et par le Parlement du pays, mais refusé par un référendum convoqué, habilement, par le président de la République, Olafur Ragnar Grimsson : 93 % des électeurs islandais avaient voté « Nei » en mars 2010, à la grande fureur des autorités britanniques et des banques des pays concernés. Ce n’était pourtant que le premier acte de ce qui apparaît bien désormais comme une « révolte citoyenne » contre le pouvoir financier et les abus du capitalisme boursier ! Une révolte, voire plus encore !

 

Car le deuxième acte vient de s’achever sur une nouvelle claque pour le « pays légal » islandais comme pour les institutions financières et le système jusque là bien huilé et toujours favorable aux puissances d’argent… La deuxième négociation entre les trois pays avait permis un accord qui revenait à faire payer environ 12.200 euros (selon « Le Figaro ») à chaque habitant sur une période allant jusqu’en 2046… Mais, là encore, le président islandais, soucieux d’associer ses compatriotes à la décision finale et non de se contenter d’un vote parlementaire, s’appuyant donc sur la « démocratie directe » plutôt que sur la seule « démocratie représentative », a organisé un nouveau référendum sur cette question : et là, alors que les sondages donnaient jusqu’à la semaine dernière la victoire au « Oui », c’est en définitive le « Non » qui l’a emporté, au grand dam des députés locaux, ainsi désavoués par le corps électoral de façon fort nette, avec près de 60 % des électeurs hostiles au nouveau règlement négocié ! L’argument des partisans du « Non » a porté : « pas question de payer pour les pertes d’une banque privée ! » et d’être l’otage des financiers et de leurs jeux dangereux, ont-ils ainsi redit ! En somme, ils ont renvoyé les banques et le système financier international à leur propre logique libérale du risque, en considérant que, eux, contribuables islandais, n’avaient pas à assumer les errements et les spéculations de quelques uns, ni les marchandages de quelques autres, les manœuvres de ces oligarques qui se moquent de l’Etat mais s’en servent comme d’une vache-à-lait lorsque cela va mal… Le libéralisme pris à son propre piège !

 

Cette affaire est révélatrice de l’exaspération des peuples à l’égard d’un système financier oublieux du « social », mais aussi à l’égard de ces gouvernants ou parlementaires qui se font élire et trahissent trop vite ceux-là mêmes qu’ils sont censés représenter. D’ailleurs, la peur de voir le « mauvais exemple » islandais se répandre explique sans doute la discrétion mise par la grande presse à rapporter ce qui constitue, véritablement, une révolte, voire une « révolution » par le bulletin de vote, révolution qui paraissait encore improbable il y a quelques années lorsque la Démocratie représentative balisait tous les chemins du politique pour éviter les « mauvaises surprises »…

 

Mais il faut bien noter aussi que cette révolution a été rendue possible par le courage et la rouerie d’un Chef de l’Etat, le président islandais, qui a joué la carte du « pays réel » contre les habitudes du « pays légal »… Une attitude maurrassienne, diraient certains ; gaullienne, diraient d’autres : en tout cas, une « divine surprise » pour le peuple islandais et pour tous les peuples qui ne supportent plus les oukases des institutions financières internationales ou européennes, des Strauss-Kahn ou des Trichet…

 

Un exemple à suivre !

 

19/01/2011

Jean Dutourd, ce royaliste.

 Lundi soir, je flânais dans Paris, des journaux pleins les bras et le nez au vent, le sacré-coeur chouan en épinglette sur mon manteau et, comme d'habitude, mes pas m'ont mené chez Boulinier, vaste débarras de livres, disques et films dans lequel il m'est arrivé plus d'une fois de trouver quelques raretés et pépites, autant livresques que cinématographiques. Pour une fois, j'ai été raisonnable, n'achetant qu'un vieux livre de Stéphane Bern des années 80 intitulé « L'Europe des rois », au demeurant très instructif malgré son ancienneté (relative), pour la somme modique d'un euro !

 

Parmi les autres livres en rayon, « Le feld-maréchal von Bonaparte », de Jean Dutourd : un livre que j'ai lu lorsqu'il est paru au milieu des années 90, un véritable brûlot « contre-révolutionnaire » sous la forme d'une uchronie mais aussi un essai qui remettait en valeur la monarchie et son oeuvre comparées aux régimes qui suivirent. Négligemment, je me suis mis à feuilleter cet ouvrage, m'arrêtant sur quelques passages qu'il serait utile de rappeler aux « oublieux » de notre histoire ou aux républicanistes idolâtres.

 

Tiens, celui-ci : « Tant qu'il y avait un roi et que le roi ressuscitait périodiquement, le peuple sentait sur lui une autorité paternelle et protectrice, même si parfois cette autorité se manifestait rudement, voire inhumainement (ou ne se manifestait pas, ce qui était encore plus douloureux). Le roi avait l'inestimable privilège d'être le fils de son père, lequel était le fils de son père également, et ainsi de suite jusque dans la nuit des temps (c'est-à-dire jusqu'à Hugues Capet puisque, depuis lui, la même famille était assise sur le trône). Bref, le roi, fût-il tout juste majeur, fût-il un gamin de treize ans, était très vieux, bien plus vieux que le peuple, et de ce fait plus savant, plus capable, voire infaillible ; il était le patriarche qui conduisait la nation au ciel. Mieux encore, grâce à lui le pays, ayant été renversé, navré, laissé pour mort, finissait par reprendre la position verticale, et conséquemment par retrouver sa fierté, comme si le roi eût été un facteur d'équilibre ; quelque chose comme le bloc de plomb à la base des poupées de bois, qui les maintient en équilibre. »

 

Ou, plus loin : « La France de l'Ancien Régime était protégée du pouvoir dit « absolu » par une infinité d'habitudes et d'avantages locaux qui, à force d'exister et de durer, avaient fini par devenir intouchables. » Ce que les royalistes du XIXe siècle résumaient par la formule « Les républiques françaises sous le patronage et l'arbitrage du roi », ou « Sub rege, rei publicae »...

 

J'ai refermé le livre avec un sourire et j'ai repris le métro pour rentrer tranquillement chez moi.

 

Ce mardi matin, un ami m'a envoyé un texto fort bref : « Jean Dutourd est mort cette nuit ». Au moment même où je lisais sa charge contre-révolutionnaire !

 

Ce soir, j'ai repris « Le feld-maréchal von Bonaparte » et je passe cette nuit, trop froide, à le relire : non, Dutourd n'est pas mort, puisqu'il reste ses livres, ses phrases, ses mots...

 

J'irai déposer une brassée de lys sur votre tombe, M. Dutourd : que ces fleurs de la fidélité vous accompagnent dans le Grand voyage...

 

 

17/01/2011

Le cynisme des agences de notation.

La révolution n'est pas encore finie en Tunisie et tous les possibles restent envisageables, entre démocratie et, même, dictature : à l'heure qu'il est, rien n'est encore sûr, si ce n'est que tous les acteurs institutionnels ont intérêt à en finir le plus vite possible avec les désordres et l'incertitude, ne serait-ce que pour rassurer les investisseurs et les touristes qui remplissent d'ordinaire les caisses du pays...

 

Mais les agences de notation, celles-là mêmes qui menacent régulièrement les pays de la zone euro de dégrader leur note pour des raisons pas toujours très claires, ne laissent aucun répit à la Tunisie : ainsi, le site internet du « Figaro » signalait vendredi soir que « l'agence de notation Fitch a placé la note BBB de la Tunisie sous surveillance négative. Cette décision « reflète l'éclatement soudain et imprévu d'un risque politique et les incertitudes politiques et économiques » qui en découlent. ». En somme, la révolution est un risque, ce qui n'est pas vraiment une surprise, et la stabilité antérieure était, aux yeux de l'agence, bien préférable... Comme quoi la question du régime politique n'intéresse les économistes que sous l'angle des affaires (et des profits) potentiels et non sous celui de la justice sociale ou de la liberté politique, ce qui « légitime » (sic!) sans doute la véritable sinophilie qui s'est emparé des milieux industriels et boursiers ces dernières années !

 

Mais le cynisme de Fitch ne s'arrête pas là : « La promesse d'élections anticipées ainsi que d'une ouverture du système politique introduit des incertitudes supplémentaires », poursuit le communiqué de l'agence de notation. En somme, « l'ouverture du système politique » n'est vraiment pas une bonne chose, si l'on comprend bien l'agence, car elle représente ce que détestent ces milieux d'affaires qui pourtant se réclament du libéralisme et du libre jeu du Marché : le risque ! Il y aurait beaucoup à dire sur la duplicité de ces agences qui ne cessent de réclamer une déréglementation et un démantèlement de la fonction publique d'Etat mais ne supportent pas que leurs activités soient dérangées par de misérables événements politiques ou la contestation d'un régime dictatorial...

 

Cette arrogance des milieux d'affaires devra bien, un jour, être contrecarrée par une politique d'Etat qui privilégiera les hommes et les sociétés, la justice sociale et la parole politique elle-même : en France, la monarchie a jadis montré qu'elle savait agir, y compris contre les intérêts des plus riches, et qu'elle n'hésitait pas à s'imposer aux féodalités économiques, au risque de déplaire à celles-ci qui n'eurent alors de cesse de l'affaiblir pour mieux installer leur propre règne.

 

Si cette agence de notation avait eu quelque conscience ou morale, elle aurait suspendu pour quelques semaines ses jugements sur la Tunisie, le temps que la situation s'éclaircisse (en bien ou en mal, d'ailleurs...) et elle aurait évité de jeter de l'huile sur le feu, au risque de pénaliser un peu plus un pays déjà en difficulté ! Mais la cupidité est, non pas une seconde nature, mais bien la première de ce genre d'agences qui ne créent rien mais vivent de leurs chantages à l'égard des pays qu'ils notent dans une logique purement spéculative.

 

Il est temps que le politique reprenne ses droits, et pas seulement en France...