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15/01/2011

Révolution...

La Tunisie nous rappelle opportunément que, même en politique, tout est possible si tout n’est pas forcément souhaitable… En quelques heures, après un mois de manifestations et d’émeutes, un régime s’est effondré, presque sans coup férir : juste quelques communiqués de presse, la déclaration d’un premier ministre devenu président par intérim, des informations sur un avion qui emporte le président « empêché » Ben Ali vers une destination encore inconnue, les rumeurs sur son arrivée en France, la déclaration du président Obama félicitant le peuple tunisien… Et puis, les témoignages sur les événements du soir, un certain chaos et les incertitudes du lendemain…

 

Une révolution en direct, suivie sur les écrans de télévision, dans un café de Versailles…

 

Il y aurait beaucoup à dire sur cette révolution, même si elle est encore en cours et que son issue reste incertaine : l’armée au pouvoir ? Quels partis et quels hommes pour succéder au régime de Ben Ali ? Quel régime, même ? Quels risques, aussi ?

 

Une chose est néanmoins certaine : même en 2011, malgré la répression d’une République dictatoriale et l’absence apparente d’opposition organisée, une révolution reste possible ! Certes, l’armée y a sans doute joué un rôle non négligeable et il n’est pas dit qu’elle ne cherche pas à jouer encore son propre jeu, mais le résultat est là : un régime, considéré il y a encore un mois comme stable et durable, a été balayé par des manifestants décidés, et qui n’avaient plus peur de ce qui les effrayait la veille

 

Mais cette révolution n’est-elle pas aussi une « révolution Wikileaks » ? Car les notes diplomatiques états-uniennes décrivant la corruption totale du régime de Ben Ali et le mépris que Washington avait pour ce régime, notes rendues publiques par le site de Julian Assange, ont libéré les Tunisiens de leur prudence à l’égard de la présidence autocratique du successeur de Bourguiba, ne serait-ce qu’en leur prouvant que les Etats-Unis n’avaient guère de raison de soutenir celui-ci…

 

Demain est un autre jour : une révolution est toujours une rupture et un saut dans l’inconnu, pour le meilleur (qu’il faut souhaiter même si le chemin n’en est pas simple) ou pour le pire (qui n’est malheureusement pas impossible comme tant d’exemples nous l’ont montré par le passé, y compris dans notre propre histoire…). La violente libération d’énergies que crée une révolution, ses illusions comme ses espoirs, ses forces comme ses faiblesses, peut tourner à l’ouragan de feu si elle ne trouve pas un maître à la fois résolu et juste, animé par la volonté de servir et non par l’ambition de se servir.

 

La révolution est un risque, parfois nécessaire : subversion radicale d’un ordre ancien, elle ne vaut que par les valeurs qu’elle incarne et qui lui donnent, ou non, une légitimité devant l’histoire et devant le pays qu’elle prétend gouverner après l’avoir secoué. Tant de révolutions ont endeuillé l’histoire de leurs violences inutiles et injustes ! Tant de révolutions ont transformé l’espérance en intolérance !

 

Il est des révolutions nécessaires et Bernanos appelait, à la suite de son ancien maître Maurras, à une « révolution rédemptrice », au-delà même de « l’acte révolutionnaire », du coup d’état ou du soulèvement populaire, au-delà du « moment insurrectionnel » forcément passager et violent. Il est aussi des révolutions pacifiques, « par le haut », dont les conséquences ne sont pas moins importantes que celles qui déboulent dans la rue, et celle incarnée par Juan Carlos, roi d’Espagne de son état, en a montré l’exemple…

 

Ces jours-ci, la Tunisie a ranimé cette vieille actrice de l’histoire : reste à voir ce que sera cette révolution, concrètement, et à mesurer ses qualités et ses réalités, peut-être ses dangers. Mais ce retour de la révolution sur la scène montre que l’histoire n’est pas finie, et qu’il reste encore des « aventures politiques » à vivre, à faire, à mener…

 

« On a raison de se révolter », clamait Benny Lévy dans ses jeunes années… Mais en France, après les expériences malheureuses des années 1790, cette raison, si elle veut être profitable au pays et à ses peuples, doit conclure à une révolution… royale !

 

06/11/2009

Identité, formule ambiguë ?

Le débat sur l’identité nationale est un débat qui peut être intéressant s’il ne se limite pas à l’invective ou à l’étalage de banalités ou de préjugés : je commence à découper dans les journaux que je lis les tribunes et autres articles sur ce sujet, et ils sont déjà nombreux. Ainsi, dans « Ouest-France » (29 octobre 2009), cet article de l’historien Jean-Pierre Rioux titré « Ne mélangeons pas identité et nation », qui avance que le mot « identité » est un terme qui « s’applique mal à une collectivité ou à un peuple en démocratie. Sauf si l’on veut partir à la rencontre de la race, du sang et du sol de sinistre mémoire ». Et, plus loin, il souligne le caractère « égalitaire », monolithique pourrait-on dire, de cette formule « identité » : en expliquant cela, il rejoint, d’une certaine manière, et Bainville et Maurras, et il s’attaque à la conception jacobine de la nation, celle-là même qui a entraîné la centralisation abusive des hommes et des administrations de la Révolution et de l’Empire, celle-là même qui a marqué le renforcement du Pouvoir, de ce que Bertrand de Jouvenel, en bon royaliste libéral qu’il était, dénonçait sous le terme de « Minotaure » dans son ouvrage « Du Pouvoir ».

 

Néanmoins, il me semble possible d’objecter à M. Rioux que le terme « identité » n’est pas forcément limité à son caractère apparemment uniformisateur et qu’il faut bien des points de repère qui, au-delà des différences qu’il y a au sein de tout corps social, constitue un « canevas » d’appartenance à une communauté, à une société, à une nation. Mais sans doute faut-il lui préférer le terme « unité »… Appartenir à une nation n’est pas en nier les particularités et les différences en son sein, mais reconnaître une unité supérieure, qui protège les personnes et les communautés de cet ensemble sans les écraser ou vouloir les fondre dans le même moule. Après tout, c’est bien la définition jacobine et républicaine (démocratique ?) de la nation qui s’est acharné à massifier les Français pour en faire une « Nation » dont émanerait la souveraineté, une République déclarée (et il me semble que c’est encore un des principes de la Constitution française…) « Une et indivisible ». Maurras répondait à cela qu’il souhaitait une « France fédérale » et une « Monarchie fédérative », le fédérateur national (le Roi) étant l’incarnation politique, statutaire, diplomatique de la nation française. Qui dit fédération dit unité plus encore qu’identité ! Cette conception maurrassienne de la nation est aussi la reconnaissance d’une France qui, de la Bretagne à l’Alsace, de la Corse à la Normandie, prend des couleurs différentes sous le soleil, se chante avec des accents multiples et se régale de bouillabaisse comme de galettes de blé noir selon les lieux… Bainville résumait tout cela par une formule encore citée la semaine dernière par Max Gallo dans « Le Figaro », formule écrite en ouverture de cette « Histoire de France » dont je conseille, encore et toujours, la lecture : « Le peuple français est un composé. C’est mieux qu’une race. C’est une nation. »

28/01/2009

Révolution ?

La colère monte, dit-on et constate-t-on un peu partout en France, et l’arrogance des puissants, de la finance comme de la République sarkozienne, exacerbe cette montée de la fièvre contestatrice. Le succès annoncé de la manifestation du jeudi 29 janvier tient beaucoup à ce sentiment diffus et confus, et c’est sans doute ce qui est le plus dangereux, car les syndicats eux-mêmes ne savent pas comment gérer la colère des masses, parfois versatiles et violentes lorsque les cadres sociaux sont fragilisés ou brisés et que l’énergie de la fureur se libère brutalement, en explosion dévastatrice, que cela soit pour de bonnes ou de mauvaises raisons d’ailleurs.

Peut-on, aujourd’hui, passer de la révolte à la révolution, comme le titrait jadis le quotidien « Combat », imité en cela par toutes les feuilles contestatrices, maoïstes, anarchistes ou, même, monarchistes à la suite du philosophe Maurice Clavel, « révolutionnaire chrétien » qui, à la veille de sa mort, avait reconnu dans les royalistes post-maurrassiens de la Nouvelle Action Française ses « héritiers » ? Si l’on voit bien ce que peut recouvrir le terme de révolte, que peut vouloir signifier celui de révolution à l’heure où l’histoire nous rappelle que celle-ci fut souvent sanglante et cruelle dans ses diverses déclinaisons et qu’elle devient tout aussi terrifiante, dans l’imaginaire des populations occidentales, que les guerres et les totalitarismes ?

Maurras, qui ne passait pas particulièrement pour un gauchiste, affirmait qu’était nécessaire une « révolution rédemptrice » qu’il qualifiait, plus loin, de « conservatrice » (sans, évidemment, les connotations actuelles que lui donnent les libéraux et leurs contempteurs), et se proclamait « traditionaliste révolutionnaire ». Le plus intéressant était son idée qu’il est de bonnes révolutions et qu’elles se font principalement « par le haut », par l’action même de l’Etat et, particulièrement, de sa magistrature suprême.

Les exemples contemporains les plus fameux sont, entre autres, celle accomplie par le général de Gaulle par son action réformatrice à la tête de l’Etat et qui a donné naissance à cette « monarchie inachevée » qu’est la Cinquième République, et celle menée, du haut de sa position « d’héritier libre du franquisme » (et libéré par son essence même de cet héritage encombrant), par le roi Juan Carlos d’Espagne entre 1975 et 1981 et qui a permis une transition en douceur de la dictature à la démocratie, souvent qualifiée de « révolution tranquille », formule d’ailleurs reprise par les partisans de François Mitterrand en 1981-1983…

C’est bien « par le haut » que peut, en France, se faire la véritable révolution politique, condition nécessaire d’une justice sociale retrouvée : il est possible que, comme en 1958, les événements de la rue servent de détonateur à cette révolution souhaitable. Mais c’est bien la magistrature suprême ainsi instaurée qui peut agir et remettre les puissants à leur place qui ne doit pas être la première, comme le soulignaient tout autant Louis XI que Louis XIV ou de Gaulle… « La politique de la France ne se fait pas à la Corbeille » (à la Bourse, dirait-on aujourd’hui), formule gaullienne qui fait écho à la mise au pas d’un Fouquet (l’homme le plus riche du royaume, véritable oligarque de son temps !) par le roi-soleil, résume bien la nécessaire révolution qu’il s’agit de mener, à la fois éminemment politique à la tête de l’Etat et, en même temps, dans les esprits et les mœurs des pouvoirs publics.

M. Sarkozy n’est pas l’homme de cette révolution car il incarne le Pouvoir du Seigneur Argent, celui qui tient la République quand elle-même tient sa légalité du jeu des influences et des clientèles, des partis et des factions : la véritable révolution, qui n’est pas non plus celle d’un Besancenot ou des nihilistes, est bien celle de l’Etat et de sa magistrature suprême. Reste, pour les monarchistes qui attendent et espèrent cette révolution, à trouver les moyens de la faire advenir…

Recherche Talleyrand, pour instauration royale, nécessaire et urgente