21/10/2015
La question des retraites.
La question des retraites, lancinante, revient depuis quelques jours sur le devant d'une scène sociale déjà bien encombrée... La décision prise par plusieurs partenaires sociaux de reculer l'âge de la retraite à 63 ans pour les salariés du privé, pour pouvoir toucher, en fait, leur retraite complémentaire à taux plein pour ceux qui auraient accompli leurs annuités nécessaires, n'est pas anodine et ouvre des perspectives nouvelles sur cette question particulière sans, pour autant, résoudre le problème du financement, plus général, des retraites elles-mêmes.
D'abord, rappelons que cette question dépend aussi du taux de chômage de notre pays : moins il y aura de personnes sans emploi, plus les retraites seront assurées et financées. Là encore, c'est bien la lutte contre le non-emploi ou le mal-emploi qui doit être privilégiée pour relancer l'économie sans, pour autant, tomber dans les pièges de la croissance. D'ailleurs, il n'est pas inutile de rappeler aussi que, si l'on en croit le syndicat CFDT, « 60 % des salariés ne sont déjà plus en emploi quand ils liquident leur retraite : femmes au foyer, chômeurs, invalides... Ceux-là n'ont pas vraiment le choix de rester au travail un ou deux ans de plus ». Dans l'industrie, la proportion est, me semble-t-il, plus importante encore, conséquence d'une désindustrialisation accélérée ces dernières décennies pour cause de mondialisation, mais aussi du fait des maladies squeletto-musculaires ou des infirmités liées au travail à l'usine ou dans le bâtiment.
Il est évidemment plus simple de constater que de proposer, et beaucoup m'expliquent que, en tant que royaliste, je ne peux guère appliquer de solutions, n'étant ni au pouvoir ni en situation de l'être dès les années prochaines, ce que je reconnais sans m'y résigner... A quoi je tiens à rétorquer qu'il me reste, en attendant mieux, le droit (et même le devoir) d'avancer des pistes de réflexion que, peut-être, d'autres utiliseront sans que je n'en éprouve aucune jalousie.
Pour ce qui est des retraites elles-mêmes, il me semble possible d'user de plus de souplesse dans leur gestion, en particulier en tenant compte des souhaits de chacun et des possibilités réelles, locales ou professionnelles : j'ai toujours clamé mon opposition à « la retraite à 67 ans », c'est-à-dire à l'imposition d'un âge légal qui serait le même pour tous les métiers et tous les salariés ou travailleurs, quelles que soient les conditions de travail et de vie, les lieux et les milieux. Pourtant, depuis 2011, c'est la « suggestion », plutôt appuyée, de l'Allemagne faite à la Commission européenne qui s'est empressée de la reprendre, au moins dans ses prospectives, et qui, depuis quatre ans, devient légale dans de nombreux pays de l'Union européenne, le dernier gouvernement à avoir fait voter cette mesure étant celui de la Gauche radicale (ou supposée telle) de M. Tsipras, en Grèce... Mais, cela ne signifie pas que je veuille empêcher qui que ce soit de travailler jusqu'à et au-delà de l'âge de 67 ans : ce qui est une possibilité et une liberté individuelle ne doit pas devenir une obligation pour tous !
Plutôt que d'imposer un âge légal de départ à la retraite, mieux vaudrait instaurer un système à points plus complet que celui d'aujourd'hui, et qui tienne compte des professions, de leurs particularités et difficultés, voire dangerosités, et qui laisse une plus grande liberté dans le choix de l'âge de départ, avec des pensions adaptées à ces différents cas de figure, plus personnalisés, particulièrement dans une époque où les périodes de chômage, les changements de profession ou les temps de travail peuvent être très différents d'une personne à l'autre. Cela pourrait fonctionner comme un système d'épargne-retraite, et le salarié pourrait ainsi y verser, par un système de cotisations variables (mais avec un plancher obligatoire, bien sûr), les sommes-points qu'ils souhaiteraient.
Dans ce cas de figure, le rôle de l’État se limiterait à contrôler et à garantir le système mais non à en avoir la gestion et la direction qui seraient laissées aux associations professionnelles, aux organisations de représentation des salariés et « indépendants » mais aussi aux pouvoirs publics locaux, dans un cadre qui resterait national mais fortement décentralisé (voire fédéral ?), et qui pourrait ainsi admettre plusieurs « variantes » selon les régions.
Cette restructuration (« corporative et fédéraliste », diraient certains) du système des retraites pourrait s'inscrire dans une politique plus vaste de l'aménagement du territoire, celles-ci devant tenir compte des conditions locales d'emploi et d'employabilité.
Je ne suis pas, en ce domaine comme en d'autres, un dogmatique, et j'essaye juste, en quelques lignes trop rapides, de tracer une voie possible pour surmonter un problème qui se pose à notre société, et qui se posera d'autant plus que celle-ci, par la faute d'un système politique incapable de relever les défis du temps, se fragilise de plus en plus, au risque permanent de l'explosion et de l'effondrement... Que mes lignes soient incomplètes, insuffisantes ou maladroites, j'en suis bien conscient, et elles n'ont pas d'autres ambitions que de poser quelques questions et quelques jalons dans le cadre d'une réflexion qui, au-delà de l'économique, se doit d'être aussi sociale et politique.
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19/10/2015
Le royalisme est-il crédible aujourd'hui ? 1ère partie : les royalistes et les élections.
Un étudiant de Droit me signale que, lors d'un cours récent, le maître de conférences, par ailleurs directeur adjoint de l'Assemblée nationale, a affirmé : « il n'y a pas aujourd'hui de parti royaliste crédible en France ». Au regard de la situation actuelle des forces royalistes, peut-on lui donner tort ? En fait, plusieurs réponses sont possibles, plus complémentaires que contradictoires, et la question doit être, à mon avis, élargie aux royalistes, au royalisme même (que certains conjuguent au pluriel pour en montrer la diversité) et au projet d'instauration royale.
Tout d'abord, si l'on s'en tient à ce qui tient de principal marqueur en démocratie électorale, c'est-à-dire le nombre de suffrages exprimés pour des candidats ou des listes explicitement royalistes, les dernières consultations n'ont guère été concluantes et j'en ai fait, plus d'une fois, l'amère expérience, avec des scores dérisoires et, pour qui s'arrête à leur simple lecture comptable, désespérants... Comment peser sur la scène politique, même locale, quand les royalistes n'atteignent même plus le simple 1 %, et que certains départements de l'Ouest de la France, ceux-là mêmes des soulèvements chouans de la Révolution, donnent moins de 10 voix à une liste de l'Alliance Royale en 2014, liste que je conduisais et dont j'assume le très minuscule score ? Les dernières fois que des candidatures monarchistes assumées aux élections législatives ou cantonales (désormais départementales) ont dépassé les 2 %, c'était, si je ne me trompe, il y a une trentaine d'années, en Indre-et-Loire, avec l'Union Royaliste de Touraine. Les élections universitaires des années 1970-80 et du début des années 1990 ont été plus fructueuses et les lycées comme les universités ont compté nombre d'élus royalistes ou apparentés, mais cette période est désormais révolue...
Cela signifie-t-il qu'il faille déserter les lices électorales pour éviter la « honte » de la défaite humiliante et permanente, ou abandonner l'étiquette royaliste pour espérer entrer dans les assemblées ou conseils issus du suffrage universel ? A la première proposition, je réponds par la négative : il n'y a pas de honte à être vaincu, il n'y en a qu'à se soumettre, et j'ai toujours, personnellement, prêché pour que le royalisme, partout où cela est possible, brandisse haut et fort son étendard, y compris dans les joutes électorales et cela même si les scores ne sont pas à la hauteur des espérances. Je n'ai cessé de clamer que ce n'est pas de faire des voix qui compte mais plutôt de faire entendre notre voix, la voix des royalistes. Néanmoins, un résultat « positif », c'est-à-dire qui, en suffrages exprimés ou en pourcentage, ne soit pas que le « décompte des copains » mais représente quelques centaines ou milliers d'inconnus et atteigne les 3 ou 4 % au minimum, serait le bienvenu pour nous donner une certaine visibilité et, surtout, une impulsion pour consolider l'appareil politique royaliste et aller plus haut. Certes, la scène électorale est « déjà occupée », et il semble que les royalistes ne disposent pas de beaucoup de possibilités (ne seraient-ce que financières...) pour effectuer une « percée », aussi minime soit-elle. Certes, mais est-ce une raison pour renoncer, sachant que les élections, aussi discréditées soient-elles dans l'esprit commun, restent un passage obligé pour acquérir une certaine légitimité dans le paysage politique contemporain ? Aux royalistes de travailler les champs de bataille électorale pour y implanter quelques bastions ou, au moins, pour y tracer quelques sillons !
A la deuxième proposition, je serai moins catégorique, mais il faut préciser le propos pour éviter tout malentendu : d'abord, je constate qu'il est possible, dans certains cas, de garder son étiquette royaliste tout en étant candidat sur une liste plus « large » lors d'élections municipales ou, même, régionales. Il est même possible d'être reconnu comme élu royaliste, et d'être apprécié comme tel par son sérieux et son travail au sein d'une municipalité, tout comme l'on peut être un royaliste élu sans avoir pour autant brandi cet oriflamme pendant la campagne électorale elle-même : l'essentiel est que cela soit « évident » sans avoir besoin d'être affiché sur des placards électoraux ou administratifs.
Il est aussi possible d'être élu sans faire publiquement mention de ses idées royalistes ou de sa préférence pour la Monarchie, mais de travailler, au sein de tel ou tel parti et dans le cadre du régime actuel, à faire avancer celles-ci, parfois tout aussi discrètement qu'efficacement : c'est ce qu'ont tenté de faire, avec un succès mitigé malgré les intentions de départ, des hommes qui furent à la fondation de la Cinquième République, comme Edmond Michelet, gaulliste et démocrate-chrétien revendiqué et monarchiste fidèle au Comte de Paris. J'ai aussi rencontré parmi les parlementaires ou les conseillers municipaux des monarchistes discrets qui, au fil de la discussion, ne font pas vraiment mystère de leur « fidélité capétienne »... Ainsi, si « abandon » de l'étiquette publique de royaliste il y a, il n'a rien de définitif (je parle de sa publicité et non de sa réalité) et ce n'est qu'un moyen de se faire accepter pour pouvoir, ensuite et le plus librement possible, « faire ses preuves » et, ainsi, donner du crédit à ce que l'on veut défendre et, plus loin dans le temps, établir. Pourquoi pas, après tout ? Ce n'est pas ma stratégie personnelle mais elle est possible et tout à fait défendable...
Mais ces différentes attitudes n'ont de sens et d'intérêt politique que si les « maisons-mères » du royalisme sont solides et... crédibles, pourvues d'un projet et d'une stratégie monarchistes qui permettent, le jour venu, l'affirmation et la valorisation des énergies et des principes monarchiques.
(à suivre : la crédibilité des mouvements royalistes et des idées monarchiques ; le rôle des princes)
16:45 Publié dans Blog | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : royalisme, crédible, élections, votes, voix, monarchistes.
07/10/2015
Le rôle historique des rois, d'Athènes à Paris.
Dans le cadre des cours de Seconde sur la citoyenneté et la démocratie dans l'Antiquité, j'évoque l'histoire politique d'Athènes, histoire passionnante et qui permet d'ouvrir encore de nombreux débats sur l'organisation de la cité, sur les institutions et sur les politiques menées ou possibles : de la monarchie de Cécrops, Égée ou Thésée, à la démocratie de Périclès, puis à la conquête de Philippe de Macédoine qui met un terme, non à l'histoire d'Athènes mais à son indépendance diplomatique et politique. Histoire passionnante et éminemment instructive, y compris pour notre temps !
Quelques remarques ou réflexions d'élèves méritent l'attention et peuvent ouvrir à la discussion, et j'essaye de les compléter, parfois de les nuancer, voire les démentir.
L'an dernier, un élève avait comparé l'histoire politique d'Athènes à celle de la France, en faisant remarquer que, dans la cité grecque comme dans notre nation, les rois avaient joué un rôle historique qui était celui de fondation et d'unification de l'ensemble civique national, et, qu'une fois cette tâche achevée, ils s’effaçaient devant d'autres formes de régime, de l'oligarchie à la démocratie, voire à une monocratie impériale ou républicaine. La remarque est intéressante même si, au regard d'un royaliste contemporain, elle peut paraître pécher par pessimisme pour la France d'aujourd'hui qui serait ainsi condamnée à la République à perpétuité ou à la perte de souveraineté inévitable.
Ce que je veux retenir, c’est ce rôle reconnu de la monarchie, d’Athènes à Paris : elle fonde autour de l’Etat, par l’Etat ajouteraient certains, la nation ou, plutôt, elle lui « permet d’exister », comme le souligne Gérard Leclerc dans un numéro des Cahiers de Royaliste d’octobre 1981. Si « l’Etat n’a pas de pouvoir ontogénique » (qui fait naître l’être) », selon le philosophe catholique Claude Bruaire (1932-1986), il « est la condition indispensable de l’apparition, de la persistance et du développement (…) de la nation, de la patrie et de notre être spirituel ». Ainsi, « L’Etat a un rôle prépondérant. Toute l’histoire de France est là pour nous le montrer. Sans la monarchie capétienne, il n’y aurait pas eu de France. Ce n’est pas l’Etat capétien qui fabrique la terre de France, qui fait les Français ou qui crée la langue française, mais c’est lui qui permet que tout cela s’épanouisse. »
Mais, comme à Athènes, c’est ensuite que cela peut paraître se gâter : les rois écartés, la cité est tentée par l’impérialisme, par cette sorte de fuite en avant vers la démesure politique comme territoriale.
Le principe royal, fondé sur le devoir, le service et la tempérance, ne serait-ce que pour permettre la survie de la dynastie (un « égoïsme familial » salvateur…), limitait les velléités bellicistes sans pour autant s’interdire de pratiquer la conquête quand elle pouvait servir l’ensemble national ou le protéger des appétits limitrophes. En ce sens, le règne de Louis XV peut sembler « conclure » l’effort commencé huit siècles auparavant, achevant l’hexagone français par la Lorraine (Napoléon III y adjoindra Nice et la Savoie un siècle plus tard), et laissant à son successeur une France que la Révolution et son « soldat » Napoléon épuiseront sans l’agrandir durablement, ces derniers mimant la grenouille qui se voulait aussi grosse que le bœuf de la fable de La Fontaine, avec les résultats malheureux que l’on sait.
Charles Maurras, l’esprit encore embué de quelques sentiments républicains au début des années 1890, avait définitivement déserté le camp de la Démocratie avec un grand D en se rendant à Athènes, à l’occasion des premiers jeux olympiques depuis l’Antiquité, et en constatant que le règne du Démos était « la consommation » des siècles précédents, de leurs efforts et de leurs richesses accumulées… Il est vrai que les citoyens libres d’Athènes n’ont pas toujours été à la hauteur, aveuglés par une puissance dont ils avaient héritée plus qu’ils ne l’avaient créée ! Cela se terminera mal, par une série de guerres qui, en définitive, entraîneront la ruine, puis la soumission de la cité à des conquérants plus forts qu’elle… La France, après la chute de la monarchie, connaîtra elle aussi, moins d’un quart de siècle après le 10 août, l’humiliation de la défaite et de l’occupation étrangère, les chevaux russes se désaltérant dans la Seine, avant que les Prussiens de l’empereur Guillaume Ier et les Allemands du IIIème Reich ne leur succèdent… Et il n’est pas certain que notre pays se soit vraiment remis du choc de la Révolution, recherchant désespérément, parfois sans se l’avouer, la « figure du roi » (ce qu’a bien compris Emmanuel Macron) à travers des présidents de moins en moins « monarchiques », en attendant (qui sait ?) « le roi » lui-même : retour vers le futur, d’une certaine manière ?
Le temps des rois est passé, et la France est faite, la Révolution ne pouvant être française que parce que la France lui préexistait, justement ! Mais, en ces temps de triste République, les rois ne sont pas dépassés : ils sont juste, pour l’instant, absents… et la France, du coup, semble en dormition, attendant le Prince qui la réveillera… L’histoire n’est pas finie, et la messe n’est pas dite !
23:13 Publié dans Blog | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : histoire, démocratie, monarchie, roi, passé, dormition.