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15/09/2015

La République n'est pas l'avenir de la ruralité.

Le président et quelques membres du gouvernement étaient lundi en Haute-Saône pour évoquer la ruralité : en fait, il s’agissait surtout de faire « campagne à la campagne » sans apporter de vraies réponses aux problèmes du monde rural et aux défis qu’il doit relever en ces temps de mondialisation et de métropolisation effrénées, l’une entraînant l’autre. Et pourtant ! Je ne suis pas loin de penser que l’avenir de notre pays se joue en grande partie au-delà des villes et des aires urbaines, comme le déclarait plus vivement que moi il y a plus de deux décennies le journaliste agricole Jean-Clair Davesnes, royaliste impénitent qui écrivait sous le nom de Paul Serry dans les colonnes d’Aspects de la France, alors hebdomadaire de l’Action Française.

Les campagnes françaises sont aujourd’hui délaissées, dévitalisées, comme asséchées par une République qui, fondamentalement, n’a jamais aimé le monde paysan, qualifiant, à l’instar de la bourgeoisie urbaine soutenant Jules Ferry, la campagne de « cambrousse », terme méprisant issu du langage colonial, mais faisant, au moins le temps des élections, les yeux doux aux électeurs ruraux qu’il fallait arracher jadis au pouvoir du clergé et des notables monarchistes du XIXe siècle… Désormais, le nombre décroissant d’agriculteurs et leur dépendance, parfois plus subie que voulue, aux logiques du Marché en ont fait, non des agneaux, mais des vassaux malgré eux d’un système dont il leur est difficile de s’échapper sans encourir les foudres de l’Administration ou de la Commission européenne, et la hargne de quelques journalistes prompts à les traiter de « poujadistes » ou de « populistes », termes censés les discréditer aux yeux de l’Opinion : la République a atteint son but, croit-elle, désarmant les agriculteurs et les autres ruraux de leur capacité d’efficace révolte et les cantonnant, non sans la sourde crainte d’une chouannerie toujours possible, au rôle d’émeutiers éphémères vite rappelés aux devoirs de la terre.

J’ai croisé cet été de ces exploitants agricoles désespérés de ce rôle auquel la République voudrait bien les limiter avant que de les réduire définitivement, au prétexte de la productivité et d’une modernité pourtant piégeuse, à un souvenir folklorisé, comme elle l’a fait pour les provinces anciennes. Désespérés et néanmoins conscients, mais politiquement isolés car n’ayant plus de véritables relais au cœur des institutions, si ce ne sont quelques élus de bonne volonté, de toutes les tendances, mais souvent impuissants à renverser les pesanteurs de l’idéologie dominante, « libérale et urbaine »

Pourtant, la messe n’est pas dite : les initiatives au sein du monde rural se multiplient depuis quelques années et les propositions ne manquent pas, ni même les réalisations, parfois en marge des mécanismes du Marché et de la société de consommation. Jean-Clair Davesnes militait pour le développement de l’agriculture biologique et une forme de « retour à la terre », formule aujourd’hui déconsidérée non pour ce qu’elle signifie mais pour l’usage qui a pu, en d’autres temps tragiques, en être fait, et à laquelle je substitue celle de « redéploiement rural » : ces pistes sont sans doute à suivre et à creuser encore, et elles ne pourront donner leur pleine mesure que lorsque l’Etat sera assez solide pour oser une véritable politique nationale d’aménagement du territoire, s’inscrivant aussi dans une sorte de fédéralisation de notre pays qui permettra à chaque collectivité, de la commune à la région, de pouvoir poursuivre et amplifier, à son rythme et avec ses particularités propres, cette « remise en vie » des territoires ruraux. Il y a fort à parier que cet Etat-là ne sera pas la République actuelle, ni la République tout court…

 

 

 

 

09/09/2015

L'échec de la République.

En ce début d’année scolaire, ce ne sont pas les sujets d’actualité et parfois d’indignation qui manquent, et l’absence d’une monarchie digne de ce nom dans notre pays se fait cruellement sentir en ces heures à la fois douloureuses et incertaines : la République n’est plus, suivant l’expression terrible de Pierre Boutang, qu’un « Semble-Etat » incapable de mener une politique sur le long terme, bornée qu’elle est par l’échéance de l’élection présidentielle (2017, 2017 ! En attendant 2022…), cet horizon apparemment indépassable de l’action politicienne en France qui fait oublier toute raison et toute humilité… Triste régime qui brasse du vent quand il faudrait un grand souffle pour la nation et ses générations présentes et à venir.

 

 

Cela ne veut pas dire que tous nos ministres sont médiocres, et il en ait même d’excellents, malgré leur étiquette social-démocrate. Mais la République, par ses principes et son exercice mêmes, entre domination oligarchique et légitimation partisane (la démocratie dite représentative…), dévalorise l’action politique et la légitimité même de celle-ci, et laisse le champ libre à une « gouvernance » qui est bien la vassalisation du politique et des Etats à l’économique et à ses grandes féodalités. On peut le regretter, et c’est mon cas, mais c’est ainsi : la République ne s’impose plus aux puissances économiques et financières, mais est devenue leur pitoyable jouet. Cela étant, est-ce seulement contemporain de MM. Hollande et Sarkozy, ou n’est-ce pas une tendance lourde des démocraties contemporaines quand elles ne sont plus ordonnées par une autorité d’Etat forte et éminemment politique ? Georges Simenon, dans son livre « Le Président » qui inspira l’excellent film éponyme de Verneuil avec Gabin et Blier dans les rôles principaux, l’avait laissé entendre de façon plutôt explicite, ce qui ne surprend guère de la part de cet écrivain un temps proche des amis du Comte de Paris…

 

 

Le fondateur de la Cinquième République n’avait que mépris pour les Troisième et Quatrième Républiques, tellement parlementaires qu’elles en étaient impuissantes et corrompues, ce que Clemenceau, pourtant républicain radical (au sens originel du terme…) et qui ne connut pas celles postérieures aux années 30, confirmait par ses piques incessantes et désabusées sur les représentants du peuple et ses collègues députés ou ministres. Si l’Etat sembla restauré en 1958 sous la férule du général de Gaulle, cela ne dura que le temps pour les politiciens de reprendre le terrain que l’homme du 18 juin leur avait soustrait : en redevenant le régime des partis, la République, même si elle sut encore faire illusion quelques années et au-delà, en quelques occasions (sorte d’hommage du vice à la vertu, en somme…), abandonnait dans le même mouvement ce qui aurait pu lui assurer l’indépendance et l’efficacité. Plus la Cinquième République se « démonarchise », plus elle retombe dans les travers qui ont entraîné la perte des précédentes… et, plus grave encore, le malheur de la France : si le sort de la République n’est pas forcément ma préoccupation première, celui de la nation France m’importe et je m’inquiète de la voir si mal défendue face aux périls qui montent à l’horizon. Si, pour ceux qui ne le sont pas encore, il n’y a pas d’urgence à devenir royaliste (et cela n’a en somme que peu d’importance), il y a nécessité pour le pays d’instaurer au plus vite cette Monarchie active que j’appelle de mes vœux, non pour le simple décorum royal, mais parce qu’elle, selon l’heureuse formule de Thierry Maulnier, « la dernière chance de la liberté »…

 

 

 

 

 

31/08/2015

De la Monarchie louisquatorzienne à la Cinquième République...

Un jour, le soleil s’est couché et il ne s’est pas relevé… C’était le 1er septembre d’il y a trois siècles : et pourtant, comme il l’avait promis, sa mort physique marque aussi sa « sur-vie » politique, au-delà de son temps et pour la mémoire des siècles, par la reconnaissance que l’Etat est maître du pays, par son administration et son autorité, mais aussi à travers ses monuments, autant Versailles que ce que Napoléon qualifiera des « masses de granit », c’est-à-dire les grands principes qui fondent l’Etat moderne et son fonctionnement. Louis XIV, d’une phrase célèbre prononcée sur son lit de souffrance et de mort, déclare : « Messieurs, je m’en vais, mais l’Etat demeurera toujours », sorte d’explication de texte à la formule rituelle de la Monarchie française « Le roi est mort, vive le roi », qui, après le dernier soupir du monarque, fut prononcée comme une évidence « absolue » au balcon du palais royal.

 

Dans La Croix (samedi 29-dimanche 30 août 2015), Frédéric Mounier écrit joliment que « Louis XIV fait naître la France » pour expliquer qu’il met en place les structures d’un Etat qui, d’une manière ou d’une autre, sera renforcé au fil des règnes et des circonvolutions de l’histoire, sans doute bien au-delà et pas forcément dans le même esprit (au contraire de ce qu’affirme Tocqueville) que celui de son incarnation la plus emblématique, celle-là même qui fit déclarer au roi-soleil, post-mortem et « faussement », « l’Etat c’est moi » ! Mais il est des faux, et celui-ci est de Voltaire dans son « siècle de Louis XIV », qui révèlent mieux la vérité que cette dernière elle-même quand elle n’ose se mirer dans les glaces de son palais ou se parer de grands mots, atours parfois vains du prestige : humilité royale, sans doute, peu compréhensible en nos temps d’egolâtrie républicaine… Evidemment que c’était lui, l’Etat, et il a passé son temps et usé ses énergies à le faire comprendre à tous ceux, féodaux du service d’eux-mêmes, qui oubliaient qu’ils devaient plus à la France qu’elle ne leur devait. Mais Louis XIV n’était « que » l’Etat et son Etat n’était pas encore ce Moloch ou ce Minotaure qu’il devint avec la Révolution et l’Empire, et que Bertrand de Jouvenel a si bien décrit et compris dans son ouvrage « Du pouvoir » publié dans les années 1940.

 

Si l’Etat royal devint plus fort sous et par Louis XIV que jamais il ne l’avait été auparavant, il restait fondateur et non uniformisateur, ce que, à travers sa formule sur la France considérée comme « un agrégat inconstitué de peuples désunis », le Mirabeau de 1789 reconnaissait pour mieux s’en plaindre, tout comme le fameux abbé Grégoire qui ne trouvait pas de mots assez durs pour fustiger cette diversité qui, pourtant, fait aussi la réalité de la France. Avec Louis XIV, la Monarchie devenait fédératrice, elle ordonnait autant qu’elle unifiait symboliquement autour du roi, et de la pluralité foisonnante de la France, elle gardait le côté pluriel mais aiguisait l’épée politique : l’Etat se musclait, il ne s’engraissait pas vainement

 

Trois siècles après la mort du monarque-Apollon, qu’est devenu cet Etat qui fut sien avant que d’être officiellement « nôtre » par la grâce de la démocratie ? Si le fondateur de la Cinquième République fut, avec quelque raison sans doute, souvent comparé à Louis XIV (en particulier par ses opposants) et caricaturé comme tel par le dessinateur Moisan dans Le Canard enchaîné (qui en fit quelques recueils à succès avec André Ribaud), ses successeurs récents n’en ont guère la stature et font penser à cette phrase terrible du général de Gaulle rapportant sa rencontre cordiale mais vaine avec l’ancien président de la République Albert Lebrun, celui de 1940 : « Au fond, comme chef de l’Etat, deux choses lui avaient manqué : qu’il fût un chef ; qu’il y eût un Etat ». Effectivement, entre les mains des perpétuels présidents-candidats, l’Etat semble laisser filer ses fonctions et ses responsabilités régaliennes pour ne plus être qu’un « Semble-Etat » selon la formule si expressive de Pierre Boutang…

 

C’est quand elle est la plus monarchique que la République a la possibilité d’être grande et efficace, comme une sorte d’hommage du vice à la vertu. Mais la Cinquième République, même en ses plus belles heures gaulliennes, n’est pas la Monarchie et elle vire plutôt à la monocratie quand le président en poste ne pense qu’à sa réélection ou à sa postérité personnelle quand c’est à celle de l’Etat et de la France qu’il faudrait penser et pour laquelle il faudrait agir… La comparaison entre le roi-soleil et l’actuel président fait sourire bien de nos contemporains, et ce n’est pas aux dépens du monarque versaillais…