27/04/2012
Les lendemains de la présidentielle (1ère partie).
J'ai tenu une conférence jeudi 19 avril à Rennes sur les lendemains de l'élection présidentielle, sur cette sorte de « gueule de bois » qui attend sans doute la France, au petit matin du 7 mai et dans les semaines et mois à suivre, quel que soit le malheureux élu le 6 mai au soir...
En voici les principales lignes, en trois parties :
1. Programmes et promesses des candidats, et montée des colères françaises.
Les programmes et les promesses des différents candidats à l'élection présidentielle, et en particulier ceux des deux principaux favoris, semblent négliger les réalités de la crise et les données actuelles de la mondialisation, ce que soulignent avec une certaine condescendance malsaine les journaux économiques des pays étrangers (en particulier anglo-saxons et germaniques), comme le New York Times, ou des éditorialistes français comme Claude Imbert dans Le Point, entre autres : certains parlent, non sans raison, d'une « campagne hors-sol »...
Ces critiques sont bien sûr largement fondées mais elles ne sont pas non plus sans arrière-pensées : le New York Times ou les principaux médias économiques, dont BFM business en France, sont souvent très représentatifs de ces milieux d'affaires mondialisés, de ces grandes institutions financières et économiques qui animent les Bourses et les échanges internationaux, représentatifs de ce que l'on pourrait appeler « la finance anonyme et vagabonde », jadis dénoncée par le duc d'Orléans dans les années 1900 avant de l'être par M. François Hollande dans son fameux discours-programme du Bourget... Je cite ses extraits qu'il conviendrait de retenir et de lui rappeler lorsqu'il sera aux commandes du pays (s'il est élu, naturellement) : « Je vais vous dire qui est mon véritable adversaire. Il n'a pas de nom, pas de visage, pas de parti, il ne présentera jamais sa candidature, il ne sera donc pas élu, et pourtant il gouverne. Cet adversaire, c'est le monde de la finance. »
S'ils sont sévèrement jugés par les médias européens et internationaux, voire français, les propos et programmes des grands candidats répondent aussi, et en cela ils vont à l'encontre des réalités (même s'il n'est pas impossible de vouloir les changer, d'ailleurs : encore faut-il reconnaître d'abord ce qui est avant d'envisager de le modifier...), à un besoin de « rêver », d'imaginer « autre chose » que ce qui existe et fait souffrir... En somme, les programmes et les promesses, nombreuses même si, chez les grands candidats elles restent « prudentes » et plutôt minimales au regard de l'enjeu présidentiel, entretiennent une sorte d'illusion rassurante sur l'état de la France et son avenir.
Néanmoins, aussi réservées soient-elles, ces promesses engagent plus de dépenses qu'elles ne permettent d'économies, et elles ne sont pas toutes financées, c'est le moins que l'on puisse dire : les candidats semblent oublier que les ressources financières de notre pays et de ses contribuables ne sont pas illimitées et pas toutes renouvelables...
Au-delà des deux favoris des sondages, désormais en course pour le second tour, les programmes des autres candidats et surtout leurs discours donnent l'impression d'une « campagne-défouloir », d'un flot de paroles vengeresses et de propositions apparemment plus improbables ou plus démagogiques les unes que les autres, ce qui n'est pas forcément vrai, d'ailleurs.
En fait, cela traduit sans nul doute la montée des colères, au-delà de la crainte du déclassement social, une montée bien réelle et que j'ai déjà évoquée maintes fois au travers de mes notes ou de mes prises de parole.
J'en compte quatre principales, quatre types : 1. colère contre la politique de M. Sarkozy, contre sa tendance « bling-bling », celle-ci étant ressentie comme « l'arrogance des puissants », principalement confondus avec « les riches » ; 2. colères sociales contre les délocalisations, les fermetures d'usines, la disparition des écoles et des services publics dans les campagnes, contre ce qui apparaît pour les Français comme des conséquences, voire des aspects mêmes de la mondialisation « libérale », avec tous les drames sociaux que cela engendre... ; 3. colère contre les « fausses promesses » de l'Union européenne, de sa monnaie unique qui devait protéger de la crise et ne semble avoir fait que l'aggraver en condamnant les moins aisés des Européens à une austérité si mal vécue alors que la Société de consommation nous enjoint, par la séduction publicitaire, à « consommer toujours plus pour être » (sic !)... ; 4. colère contre le « déni » politicien et européen du vote « non » des Français (et des Néerlandais) au référendum sur le Traité constitutionnel européen de 2005 : « à quoi bon voter, puisque cela ne sert à rien ? », entend-on souvent désormais dans de nombreuses discussions politiques, formelles ou non...
Il y a aussi un autre sentiment qui court dans de larges parts de l'Opinion publique, celui d'une « campagne pour rien », d'un « circus politicus » pas vraiment crédible car les médias étrangers, relayés par quelques journaux hexagonaux, nous annoncent que, pendant le temps de cette campagne, l'Union européenne s'impatiente (les réformes structurelles ne vont pas assez vite, selon la Commission européenne...), et que c'est elle, l'Allemagne ou les Marchés qui vont vraiment décider, au-delà de l'expression populaire des deux dimanches d'élection présidentielle.
Certains en concluent qu'il ne sert à rien de voter ni de militer puisque le vrai coeur de l'action politique et de la décision sociale se trouve hors de France, et que le résultat des urnes risque de ne pas peser lourd face aux exigences bruxelloises ou aux traités européens, règle d'or budgétaire et autres règles d'un métal moins noble...
En même temps que ce sentiment d'impuissance et une certaine déception des Français devant l'apparente incapacité des politiques à pouvoir contrebalancer les décisions prises à Bruxelles, à Berlin-Francfort ou par les Marchés, il y a dans notre pays une demande forte de politique par les Français, comme un écho à la fameuse formule du général de Gaulle : « la politique de la France ne se décide pas à la Corbeille », complétée par cette autre citation plaçant le politique en maître souverain : « l'intendance suivra ! ».
Et les programmes présidentiels, justement ? En fait, malgré leur apparente déconnection des réalités pour certains ou leur volontarisme sans moyens pour d'autres, tout n'est pas à jeter ou à rejeter, loin de là, mais (et c'est le malheur de la division et du principe de la disputation présidentielle...) les idées intéressantes se trouvent dispersées dans les différents programmes (les idées néfastes aussi, d'ailleurs...), et, du coup, perdent une grande part de leur visibilité comme de leur crédibilité...
Pourtant, les idées de la maîtrise de notre destin national selon M. Dupont-Aignan, d'un plus grand soin apporté à la gestion des matières premières de Mme Joly, d'une meilleure prise en compte du travail ou d'une plus grande justice sociale (idées qui apparaissent « transversales » et dont on peut retrouver des éléments dans quasiment tous les programmes...), etc. sont des idées qu'il conviendrait d'harmoniser pour les pratiquer à la tête de l'Etat.
Cela étant, il faut bien reconnaître que les idées les plus intéressantes et les plus prometteuses pour l'avenir de notre pays n'ont guère été développées dans cette campagne, dans laquelle on a trop peu parlé de la ruralité, de l'aménagement du territoire, mais aussi de l'environnement (la faute aux « Verts », d'ailleurs...), de la francophonie, de l'enseignement et des programmes scolaires (des questions pas forcément négligeables, non ?), etc. Les absences sont parfois tout aussi révélatrices que les discours eux-mêmes...
(à suivre : 2. Pendant ce temps, la crise continue...)
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25/04/2012
Les électeurs populistes courtisés avant d'être oubliés...
Les grandes manœuvres électorales battent leur plein entre les deux tours, comme d'habitude en pareille occasion. Aujourd'hui, c'est le Front National et ses électeurs qui sont l'objet de toutes les attentions, à droite comme à gauche, et non plus seulement, en fait, pour le dénoncer bruyamment comme en 2002 ou lors des autres élections, mais pour mieux « comprendre » ou pour « ramener dans le droit chemin » les électeurs « égarés » que seraient ceux qui ont voté pour madame Le Pen...
J'ai ressorti mes sept boîtes-archives de l'élection présidentielle de 2002, et la lecture des feuilles d'il y a dix ans est fort instructive pour qui sait lire, et pas seulement entre les lignes, tout comme celles de la campagne référendaire de mai 2005 et celles des émeutes de banlieue de l'automne suivant : en fait, les discours de l'époque ne sont pas si différents de ceux d'aujourd'hui ! A chaque fois, il est dit (jusqu'au sommet de l'Etat et dans les instances de l'Union européenne) qu'il faut s'attaquer aux « vrais problèmes » qui alimentent les votes protestataires, que cela soit ceux de l'insécurité, de la désespérance des populations qui se sentent abandonnées, des banlieues ou des bassins d'emploi frappés de plein fouet par une mondialisation qui se traduit trop souvent par des délocalisations et des fermetures d'usines... Et, à chaque fois, la tempête passée, les élections soldées ou le risque protestataire maîtrisé (temporairement...), tout reste comme avant, rien ne change ! Le désespoir social a de beaux jours devant lui, et les populations de tristes perspectives en vue...
Ce qui a changé, c'est que le Front National s'est banalisé, et la personnalité moins controversée et plus politique (politicienne ?) de Marine Le Pen a sans doute aidé à cette banalisation qui lui permet, à plus ou moins long terme, d'envisager une mutation du F.N. en parti « républicain » (terme qui, aujourd'hui en France, n'a d'autre fonction que de séparer ceux qui peuvent accéder aux fonctions gouvernementales de ceux qui en sont exclus...), à l'image de l'évolution du Mouvement Social Italien (néo-fasciste) en Alliance Nationale, parti allié de Berlusconi et membre de ses gouvernements successifs, sous l'impulsion de Gianfranco Fini, aujourd'hui classé au centre-droit.
En 2002, toute la presse se mobilisait contre le candidat du Front National lors d'une campagne de l'entre-deux-tours absolument délirante et qui n'était pas à l'honneur de la démocratie française... Dix ans après, pas de mobilisation citoyenne contre Le Pen mais des perches tendues et des prêches prudents à son encontre, à son égard plutôt...
Je ne me satisfais pas de cette vaste fumisterie : au lendemain du second tour, le Front National redeviendra évidemment, pour ceux qui auront pourtant profité de ses suffrages, la « peste », en attendant de refaire la même « danse du ventre » devant ses électeurs lors des législatives de juin prochain... Vaste hypocrisie sur laquelle s'appuient les grandes formations politiques parlementaires pour légitimer leur propre pouvoir et se donner, à peu de frais, une bonne conscience « démocratique et républicaine » qui m'agace au plus haut point, tout comme m’agace la démagogie facile des partis populistes, quels qu’ils soient ! Je reproche aux uns et aux autres leur « falsification de la politique et du politique », et leur oubli des intérêts concrets de la Cité, intérêts qui sont, justement, politiques avant d’être politiciens.
Ce blogue, dont les archives remontent jusqu'à 2007, montre que je n'ai eu de cesse de dénoncer certains maux qu'il est de bon ton, dans les grands partis et à l'approche des élections ou lors des grandes crises (sociales ou politiques), de découvrir et de prétendre combattre : je n'ai jamais attendu un quelconque calendrier électoral pour « dire les choses » et je continuerai, autant que faire se peut, de procéder ainsi, sans méconnaître les situations électorales et leurs conséquences, mais aussi sans me laisser dicter mes phrases ou mes raisons par un quelconque opportunisme...
Si je suis royaliste, c'est aussi pour que l'Etat retrouve, au-delà de sa Figure historique, les moyens d'une politique sur le long terme et qu'il ne soit pas prisonnier des querelles politiciennes qui, certes, participent du nécessaire débat politique et civique, mais ne doivent pas étouffer la parole et la décision politiques. Ce que l'on nomme « les populismes » et auquel l'on rattache ordinairement le Front National, tout comme l'autre Front (celui de M. Mélenchon, le « Front de Gauche »), existent et prospèrent en grande partie parce que la République, dans ses diverses présidences depuis près d'une quarantaine d'années, a renoncé à assurer la nécessaire primauté du politique sur les féodalités économiques et financières, et n'a pas joué son rôle de protectrice de la société française et de ses populations, tant sur le plan social qu'environnemental.
Les populismes en France n'existent que parce que l'Etat républicain a oublié, pratiquement, les peuples de France : le peuple comme communauté nationale et « vivre ensemble » ; le peuple comme forces sociales diverses secouées par la mondialisation ; le peuple comme populations enracinées et reconnues dans cet enracinement à la fois particulier et divers, communautaire et individuel...
Il serait dommage que, les lampions de la fête présidentielle éteints, celui qui assumera, pour un temps de cinq ans, les plus hautes responsabilités de l'Etat, oublie les siennes : cela ne ferait qu'attiser un peu plus les braises des mouvements protestataires qui, à défaut d'être crédibles sur les solutions à apporter aux crises françaises, savent canaliser les colères populaires et peuvent, si l'on y prend garde, les transformer en brasier...
14:58 Publié dans Blog | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : front national, populisme, populistes, élection, présidentielle, royalisme.
20/04/2012
Fatigue démocratique et abstentions...
A quelques jours du premier tour de l'élection présidentielle, le bilan que l'on peut tirer de la campagne électorale est mitigé : si nombre d'idées intéressantes ont été développées par les uns ou par les autres, leur intérêt et leur crédibilité dépendent évidemment de la possibilité de leur application d'une part, de la volonté de les mettre effectivement en pratique d'autre part... Et je ne suis pas sûr que les candidats, quels qu'ils soient, croient toujours en ce qu'ils avancent ! Cette démagogie est agaçante même si elle est sans doute inhérente au jeu électoral lui-même qui force à promettre plus que l'on ne peut effectivement tenir, l'important étant, en fait, de faire le meilleur score possible pour pouvoir espérer exercer le Pouvoir ou peser, d'une façon ou d'une autre, sur lui.
Cette désagréable impression d'une grande tromperie, même si on peut parfois la trouver exagérée et, dans certains cas, déplacée, peut permettre de mieux expliquer la montée de l'abstention qui corrode sérieusement la légitimité démocratique des postulants et de celui qui sortira vainqueur de la confrontation des deux tours. Bruno Frappat évoquait jadis « la fatigue démocratique » et celle-ci ne se dément pas ces dernières années, surtout depuis le déni gouvernemental, parlementaire et européen du scrutin référendaire de mai 2005 : j'entends souvent cette récrimination contre les partis et contre l'Union européenne qui n'ont pas respecté le vote (officiellement...) souverain des électeurs français (et néerlandais aussi par la même occasion), et l'ont contourné quelques années après par la ratification simplement parlementaire d'un « mini-traité » (sic !) quasi identique au traité constitutionnel rejeté en 2005.
Ce discrédit de la démocratie « légale » est une réalité qui, pourtant, ne doit pas empêcher de faire de la politique et de s'exprimer, y compris par le vote. Si je peux comprendre l'abstention, je n'en fait pas pour autant la promotion, comme je n'en fais pas non plus la dénégation systématique : je distingue d'ailleurs « l'abstention de confort » (souvent liée à une certaine paresse civique ou à un tout aussi certain fatalisme politique) de « l'abstention de combat » qui est l'aboutissement d'une réflexion politique et qui est revendiquée et argumentée, comme celle du royaliste Lorant Deutsch, par exemple.
Quant à moi, puisque la question sur mes intentions de vote m'est régulièrement posée, je rappelle que, depuis 1981 et pour la seule élection présidentielle je glisse toujours le même bulletin éminemment symbolique (et personnel, car cela n'engage que moi et non ceux qui partagent les idées royalistes que je prône aussi...) : un bulletin fait à la main, orné d'une belle fleur de lys et portant juste l'inscription « vive le roi »... Ma parole politique, ceux qui me lisent le savent bien, ne se limite pas à un carré de papier et, pour cette élection si particulière et qui touche au coeur même du système, je préfère le symbolique au choix du « moins pire »...
Ce qui ne m'empêche pas, aux autres élections (législatives, cantonales, municipales, régionales, professionnelles, etc.) de choisir entre les différents noms ou listes proposés...
Un royaliste n'est pas un exilé de l'intérieur, mais un citoyen actif, « par tous les moyens même légaux »...
12:44 Publié dans Blog | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : abstention, présidentielle, royalistes, élections.