Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

28/02/2012

Taxer les plus riches : une proposition et quelques questions.

La proposition de M. François Hollande de taxer à 75 % les personnes touchant plus d'un million d'euros par an (proposition sur laquelle je ne me prononce pas pour l'instant, même si elle ne me semble pas forcément choquante...) soulève de nombreuses questions, au-delà de la posture électorale, et révèle quelques faiblesses de notre système politique, en définitive.

 

Première question : combien cette mesure toucherait-elle de personnes ? En fait, très peu de personnes, semble-t-il : entre 10.000 à 15.000, selon les sources, sur 36 millions de foyers fiscaux. Des sportifs, des artistes, des dirigeants de grandes entreprises, des héritiers de grandes fortunes...

 

Deuxième question : comment empêcher les plus riches de quitter la France ? Là encore, j'éviterai de proposer des choses définitives car, en ce domaine comme en beaucoup d'autres, l'expérience doit rester maître du jeu et guide pour la suite. Mais je pense que, par exemple dans le cas des sportifs, ne pourraient concourir sous les couleurs françaises que ceux qui payent la plus grande part de leurs impôts en France : est-il normal qu'un joueur de raquette français qui est censé représenter la France, qui est soutenu par la fédération française et, donc, par les licenciés mais aussi par les contribuables français, s'exonère de ses devoirs fiscaux ? « Nationalité est fiscalité », d'une certaine manière. Il ne s'agit pas de « dénoncer les riches » mais d'en appeler à leur sens civique, tout simplement ! L'argument vaut aussi pour tous ces artistes qui trouvent le fisc trop tatillon en France, parce que plus exigeant : mais être Français c'est aussi en accepter les devoirs, ce qui n'empêche pas d'ailleurs de critiquer tel ou tel aspect de ceux-ci, dans le cadre du débat civique et politique.

 

Troisième question : cela ne risque-t-il pas de décourager l'esprit d'entreprise ou l'initiative industrielle ? Evidemment, le risque existe, et j'ai souvenir de ce médecin du sud de la France qui l'a quittée, dégoûté par une taxation qu'il jugeait abusive au regard de sa quantité (et qualité) de travail : il m'expliquait qu'il donnait chaque année « une villa » à l'Etat en équivalent argent. Mais c'était plus les charges sur son travail lui-même que les sommes déboursées pour l'impôt sur le revenu qui le choquaient... Détaxer le travail de manière raisonnable peut aussi être la meilleure manière de conserver ceux qui, attachés à leur entreprise ou à leur fonction, se sentent parfois entravés dans leur initiative ou leur compétitivité.

 

En fait, au-delà de ces questions et de mes tentatives de réponse, cette proposition pose aussi une question à peine subliminale, même si elle est, en définitive, majeure : dans quel type de société voulons-nous vivre ? Une société régie par le seul Argent et mue par l'intérêt individuel, ou une société qui n'oublie pas l'argent, certes, mais n'en fait qu'un moyen et non une fin « majuscule », une idole avec ce « A » impérial, une société qui privilégie l'entraide et le partage équitable ? Bien sûr, l'opposition entre ces deux sociétés n'est pas si manichéenne, et il y a aussi des systèmes d'aide sociale dans le premier cas, des « amortisseurs de crise », diraient certains, mais le sens principal d'une société de consommation et « d'Avoir » ne va guère vers l'équité ou la nécessaire justice sociale, condition d'un équilibre des ensembles économiques, sociaux et humains...

 

 

27/02/2012

La République impuissante face à la mondialisation ?

J'étais il y a quelques jours à Verneuil-sur-Avre, et j'en ai profité pour poursuivre ma campagne présidentielle, distribuant tracts et sourires tout en écoutant ce que mes interlocuteurs avaient à dire : non, la France réelle n'est pas silencieuse, mais elle se sent souvent peu écoutée, ou incomprise ; la mondialisation lui apparaît à la fois comme inéluctable, attirante et, en même temps, fatale à ses habitudes et à ses racines, par exemple. Il est vrai que, vue de la campagne, d'une petite ville de province ou d'une grande métropole européenne, la mondialisation n'a ni les mêmes formes, ni les mêmes couleurs, ni les mêmes saveurs ! Mondialisation et métropolisation vont de pair, semble-t-il, et les Normands de Verneuil-sur-Avre l'aperçoivent à travers leur télévision ou par la toile sous des couleurs chatoyantes tout en la vivant aussi par les difficultés quotidiennes pour boucler le mois ou trouver du travail, pour trouver des pièces de rechange à la voiture « d'avant 2000 » ou bien une école à proximité pour les enfants de la ferme... La mondialisation, qui a tant promis comme la Société de consommation dont elle est l'une des compagnes habituelles, déçoit parce qu'elle semble ne profiter qu'à ceux qui ont déjà le Pouvoir, que celui-ci apparaisse sous des formes politiques ou sous celles de l'économique et du social.

 

J'ai souvent écrit que la mondialisation, si elle est un fait, n'est pas forcément un bienfait : tout comme la guerre, diraient certains... Le lien entre les deux, d'ailleurs, n'est pas un hasard, et de plus en plus d'historiens et d'analystes les relient désormais l'une à l'autre, tout comme l'ancien président de la République, M. Valéry Giscard d'Estaing il y a peu !

 

Pour l'heure et pour les habitants de Verneuil, la mondialisation, qu'ils croient donc inéluctable, fatale (au double sens du terme...), est l'une des explications à l'impuissance des politiques dans lesquels, tout compte fait, ils continuent à placer quelques espérances : après tout, ils en connaissent quelques figures locales, ceux que l'on pourrait nommer, sans péjoration, « les notables ». Mais les habitants rencontrés ne se font aucune illusion sur les postulants à la magistrature suprême : à tel point qu'il me suffisait de dire a contrario, en tendant mon tract à des personnes d'abord perplexes : « je ne suis pas candidat ! », pour voir les mines s'éclairer et les mains demander les feuilles siglées royalistes !

 

Aux yeux des citoyens électeurs rencontrés, le Pouvoir politique central est lointain, trop lointain : non pas qu'il soit absent ou invisible, bien au contraire, puisque les médias assomment les Français des débats présidentiels ou, plutôt, des bons mots et disputes politiciennes ; mais parce qu'il apparaît impuissant à réagir face aux délocalisations, à la désindustrialisation, à la déprise agricole, toutes choses qui touchent, parfois de très près, les habitants de ce pays et de ses provinces.

 

Cette double question de l’éloignement et de l’impuissance du pouvoir politique mérite réponse : si la République ne trouve plus les « voies du peuple » ni la force d’agir concrètement face aux aspects les plus contestables de la mondialisation ; si elle s’abandonne au fatalisme et à la démagogie par temps d’élections, et qu’elle se réfugie derrière les décisions « prises ailleurs et par d’autres » pour se défausser de ses responsabilités…, elle perd toute légitimité à incarner efficacement la France, nation et Etat, face aux défis contemporains !

 

26/02/2012

Ne pas négliger le monde rural.

Chaque année, c'est un rituel qui annonce le printemps et, en période électorale, aucun des postulants à l'Elysée n'oublie d'y sacrifier : le Salon de l'agriculture ! Mais cela cache aussi un immense malentendu : les politiciens, pour la plupart, ne s'intéressent plus à l'agriculture ni aux agriculteurs parce qu'ils ont intégré que le monde actuel était désormais « urbain » et qu'ils plaquent sur la société des campagnes des modèles économiques qui oublient les particularités rurales et paysannes, ces mêmes politiciens ne raisonnant qu'en terme de compétitivité et de profits, alors que ce ne sont pas forcément les éléments les plus déterminants de l'activité agricole.

 

De plus, la poussée de la rurbanisation qui mange littéralement près de 80.000 hectares de terres arables chaque année se fait au détriment des agriculteurs, même si ceux-ci participent de ce mouvement par le simple fait qu'une terre devenue constructible vaut parfois jusqu'à 50 fois ce qu'elle valait comme terre agricole ! Pour des propriétaires ruraux souvent en difficulté financière ou simplement désireux de laisser un héritage à leurs enfants, la tentation est forte, et cela n'est pas incompréhensible, me semble-t-il...

 

Autant dire que, les critères de profitabilité ayant envahi tout (ou presque) l'espace mental de nos sociétés, les agriculteurs sont soumis à des pressions qu'il leur est difficile de supporter très longtemps : il est loin le temps où la terre comptait plus que l'argent, et cela explique aussi la difficulté de maintenir une agriculture de petites et moyennes exploitations qui, pourtant, serait un moyen de relancer, en de multiples espaces ruraux aujourd'hui en cours de déprise agricole, un véritable aménagement du territoire et une agriculture plus équilibrée et moins dépendante des Marchés internationaux...

 

Les politiciens et les technocrates (ce dernier terme étant pris de manière « neutre » si, eux, par formation et déformation, ne le sont pas...) connaissent ces tendances lourdes contemporaines et ils n'ont guère de temps à « perdre », semble-t-il, à défendre un monde paysan qui apparaît en déclin, malgré la place des exportations françaises sur le Marché mondial, et qui ne compte plus guère en tant que spécificité sociale, ce qu'expliquait déjà Henri Mendras dans son maître-livre « La fin des paysans », dans les années 60, en un temps où, pourtant, l'agriculture employait encore directement plusieurs millions de personnes !

 

Ainsi, les dirigeants politiques, candidats à la présidentielle ou non, sont-ils moins intéressés à la question agricole, ne serait-ce que parce que le réservoir de voix y est désormais moins rempli, et que notre société a rejeté largement ce qui pouvait apparaître comme les « valeurs paysannes », pourtant plus « naturelles » ou respectueuses du temps et de la terre... J'ai bien écrit « valeurs paysannes » et non seulement « agricoles » car, aujourd'hui, je ne confonds pas ces valeurs et traditions paysannes avec la sorte de fureur productiviste et le modèle de « l'agrobusiness » qui savent si bien et si dangereusement faire « mentir la terre »...

 

Et pourtant ! La France agricole, dans sa diversité, ses tentations et, parfois, les errements de ceux qui la représentent, reste une « France des possibles », et la crise actuelle pourrait bien, paradoxalement, entraîner un certain renouveau paysan (j'ai bien écrit « paysan ») et une revitalisation des campagnes, là où il y a de la place et des richesses à faire surgir de terre...

 

Les politiciens auraient tort de négliger un monde rural qui a encore, s'il saisit l'occasion au vol, de belles et prometteuses heures devant lui. Aussi, se contenter d’aller à la pêche aux voix (sans approfondir la réflexion sur l’avenir de nos campagnes…) comme le font, rituellement, nos candidats à l’Elysée est une preuve supplémentaire du « court-termisme » électoral dont la France toute entière, en définitive, est la principale victime…