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06/03/2011

Le cynisme de M. Trichet face aux salariés européens.

Il y a quelques jours, lors d'un entretien télévisé, M. Trichet, président de la Banque Centrale Européenne, déclarait qu'une augmentation des salaires en Europe serait « la dernière bêtise à faire », ce qui n'avait qu'à peine ému la presse et l'Opinion, blasée depuis longtemps devant tant d'outrecuidance et d'assurance de la part des oligarques qui dirigent l'Union européenne. Le débat sur les salaires n'est pas nouveau et un rapport présenté à la Commission européenne il y a quelques années déjà évoquait sans beaucoup de précaution la « nécessité » de baisser les salaires en Europe pour des raisons de compétitivité : nous y sommes, d'ailleurs, puisque les salaires des fonctionnaires dans plusieurs pays de l'Union, et en particulier de la zone euro, ont déjà diminué, de 5 % en Espagne et au Portugal à 14 % en Irlande et 25 % en Roumanie (le salaire moyen d'un prof y est inférieur à... 300 euros ! Oui, 300 euros mensuels !) ; quant à la France, les salaires des fonctionnaires y sont gelés depuis l'an dernier tandis qu'un quart des salariés (environ 6 millions de personnes), principalement dans le privé, touchent moins de 750 euros mensuels. Il n'est pas interdit de discuter ces conditions salariales, me semble-t-il, y compris en cherchant des alternatives à des hausses qui pourraient peut-être (évitons les affirmations trop péremptoires en ce domaine), si elles ne s'accompagnaient pas de contreparties ou de choix des salariés eux-mêmes sur la charge ou le temps de travail, s'avérer contreproductives sur le plan de l'emploi. Mais, encore faut-il qu'il y ait discussion honnête et que chaque partie négociatrice fasse des efforts à mesure de ses possibilités : sinon, c'est l'injustice sociale qui s'installe, au risque de fragiliser même l'équilibre de notre société et de celle de nos voisins et partenaires.

 

Que chacun fasse des efforts, en particulier ceux qui, encore et toujours, demandent « plus de rigueur » aux Etats dans la gestion des deniers publics et « plus de sarifices » aux salariés. Chacun, y compris M. Trichet lui-même dont le quotidien économique « Les échos » nous apprend qu'il est « le mieux payé des banquiers centraux » : « Ses émoluments ont atteint 367.863 euros, en hausse de 2 % par rapport à 2009 »... Oui, ce monsieur, le même qui s'inquiète d'une possible hausse des salaires du travail en Europe, n'a pas daigné refuser celle qui lui a été octroyée généreusement : n'y a-t-il pas là un « mauvais exemple » et, en tout cas, une preuve de cynisme à l'endroit des salariés européens sommés d'accepter les oukases des technocrates et experts de l'Union européenne sans rechigner ? Il y a des coups de pied au derrière qui se perdent...

 

 

Ce même article des « échos » nous apprend que Mervyn King, le gouverneur de la Banque d'Angleterre a touché un salaire annuel presque équivalent de 356.459 euros mais, et c'est cela qui marque la différence que l'on peut qualifier de morale, qu'il « a refusé, en 2010, toute hausse de salaire », ce qui est tout à son honneur. M. Trichet, lui, n'a même pas eu ce scrupule honorable...

 

Trichet n'est pas qu'un triste sire, il est un malfaisant qui, du haut de son statut de banquier central européen, veut imposer les règles d'une oligarchie qui est, d'abord, celle de l'Argent et du Marché, de ce Marché sans morale ni honneur qui use les travailleurs à les exploiter sans vergogne.

 

Que l'Union européenne, à sa tête, ait de tels personnages, ne rassure pas sur la possibilité qu'elle soit, un jour, véritablement sociale...

 

Il n'est pas interdit de penser que, si la France elle-même retrouvait en son sommet une famille et un père de famille soucieux de l'avenir de ses enfants comme de celui de ses sujets-citoyens, il en irait bien autrement : la France royale se doit de prouver qu'il ne peut, aujourd'hui, y avoir d'Etat légitime s'il n'y a pas de justice sociale concrète assurée par celui-ci. Si le politique ne doit pas étouffer la liberté économique, il a le devoir de s'imposer aux féodalités financières et industrielles pour préserver le Bien commun et les équilibres sociaux. En France, la main de justice est remise au roi lors du sacre : cette main n'est pas un hochet futile, elle est un symbole, un attribut même du pouvoir royal, et, face aux Trichet de l'Union européenne, une nécessité pour rappeler qu'il n'y a pas de société viable et libre sans justice sociale !

 

28/02/2011

Diplomatie.

« Tant vaut l’Etat, tant vaut sa raison », disait Maurras. Les évènements des derniers jours l’ont obligeamment démontré, si besoin en était encore ! Après quelques semaines d'errance politique et diplomatique, la République sarkozienne tente un redressement dont il n'est pas sûr qu'il soit suffisant pour redonner confiance aux Français mais aussi aux Etats et aux populations qui attendaient tant de la France.

 

C'est Anatole France qui, bien que républicain (certes désabusé...), affirmait que la République n'avait pas de politique étrangère, même si Théophile Delcassé au début du XXe siècle avait tout de même essayé de faire mentir cette assertion, et que la République issue de la volonté gaullienne avait permis de renouer en partie avec la diplomatie des Vergennes et Choiseul. Mais, les efforts de Védrine et de Juppé dans les années 1990-2000, et celui de Dominique de Villepin et du « grand refus » de 2003 face aux États-Unis, ont été ruinés par la calamiteuse diplomatie sarkozienne depuis 2007, dont Bernard Kouchner fut l'illustration la plus honteuse et Michèle Alliot-Marie la victime expiatoire...

 

Alain Juppé aura fort à faire pour restaurer l'image de la France, et, surtout, son influence dans le monde, et il n'est pas sûr qu'il y parvienne car le président Sarkozy ne semble pas encore avoir totalement compris que la diplomatie n'est pas un simple marchandage mais qu'elle exige une vision à long terme et parfois une « politique d'altitude ». Comment pourrait-il le comprendre, lui qui ne pense plus qu'à sa propre réélection et qui ne peut se défaire d'un véritable « tropisme occidental » qui n'a que peu à voir avec la tradition capétienne pour laquelle « les alliances sont saisonnières », comme l'avait bien compris le général de Gaulle ?

 

Faut-il, pour autant, désespérer de la diplomatie française ? Non, car la France reste une puissance dotée du deuxième réseau diplomatique du monde par ses ambassades et sa présence internationale, mais aussi par son siège au Conseil de sécurité de l'ONU, siège qu'il ne faut, pour rien au monde, sacrifier à une illusoire représentation de l'Union européenne, comme le souhaitent certains européistes brouillons. La France a des moyens, il lui faut à nouveau « la volonté politique d'être », et c'est par sa liberté historique, sa liberté d'esprit comme de pratique, parfois agaçante pour nos alliés mais nécessaire et espérée par les peuples du monde, c'est par sa « libre action », éminemment française, qu'elle peut retrouver sa place sur la scène internationale.

 

Mais, pour pratiquer cette liberté qui est sa force, la République quinquennale et des apparences, la République des oligarques et des « experts » est-elle le meilleur outil de la France ? C'est peu probable, et il faudra bien, si l'on veut inscrire notre puissance diplomatique dans la durée, dans la pérennité, repenser la question des institutions. Régis Debray, il y a quelques années, avait rappelé que, pour peser sur la scène diplomatique, il manquait « à la République une famille royale » : il n'est pas trop tard pour y penser encore, même s'il peut parfois paraître trop tôt pour y penser déjà...

 

Mais, « y penser » ne suffira pas toujours ! Il faudra bien pratiquer à nouveau « le nécessaire » : et ce nécessaire, pour mieux incarner la France qui pèse dans le monde, c'est, qu'on le veuille ou non, cette famille royale institutionnalisée, ces visages reconnus dans le monde comme ceux d'une France qui ne meurt jamais, d'une France libre et souveraine, par son Souverain même...


26/02/2011

La dation ratée et le Marché de l'art.

Claude Berri n'était pas qu'un cinéaste, c'était aussi un collectionneur. A sa mort, et pour alléger des frais de succession importants, ses deux fils avaient entamé une procédure de dation en faveur du Centre Pompidou. Mais la logique du Marché, impitoyable, l'a emporté : mercredi soir, le site internet du « Journal des Arts » annonçait que les fils, dont le cinéaste Thomas Langman, s'étaient rétractés « pour vendre les oeuvres au Qatar pour une somme de 50 % supérieure à l'offre de l'Etat français »...

 

Plusieurs remarques : 1. il peut paraître dommage que des œuvres détenues par des collectionneurs français soient ainsi dispersées vers des pays dont la stabilité n'est peut-être pas certaine pour les années à venir, au regard des évènements actuels dans le monde arabe...

 

  1. Cela étant, cela souligne aussi combien le marché de l'art est aujourd'hui « en pleine forme », au risque de créer de véritables « bulles spéculatives » qui risquent bien, comme les autres, d'éclater un jour ou l'autre.

 

  1. Les fils de Berri font preuve d'ingratitude à l'égard de l'Etat et des contribuables français qui, à maintes reprises, ont participé aussi au financement des films qui ont fait la renommée et la fortune de leur père, et la leur, par contrecoup...

 

Il ne sert à rien de s'indigner même s'il est évident que l'attitude des fils Berri n'est guère honorable et qu'elle prouve que l'appât du gain est parfois plus fort que le sentiment d'appartenance à une communauté d'intérêts nationale, ce qui ne surprend pas vraiment quand on connaît l'état d'esprit des « élites » contemporaines, plus soucieuses de leurs profits que de leurs devoirs civiques...

 

L'Etat a, de toute façon, quelques moyens (fiscaux, par exemple) pour tirer un certain profit de cette transaction privée et il serait dommage qu'il n'en fasse pas usage... D'autre part, que quelques œuvres contemporaines changent de mains et quittent le territoire permet, après tout, de faire de la place pour de nouvelles oeuvres et de nouveaux artistes, en particulier français ou vivant en France, et il me semble que la France, « mère des arts » comme on le disait jadis, ne doit pas se cantonner à être un musée : elle doit permettre la création, la susciter, en toute liberté, en donnant leur chance à de jeunes artistes prometteurs, par exemple en leur dédiant des espaces de création où ils pourraient travailler à l'aise. Cela ne doit pas être une obligation, juste une possibilité : je connais quelques peintres et sculpteurs qui seraient ravis de disposer d'ateliers pour s'exprimer...

 

De plus, nos musées eux-mêmes ont les caves pleines de tableaux, de scuptures, d'oeuvres multiples et variées, qui, au lieu de s'entasser sans profit (ni pour les amateurs d'art ni pour les institutions elles-mêmes...), seraient susceptibles de « vivre leur vie d'oeuvre » chez des particuliers ou dans des établissements privés (ou publics, d'ailleurs), français ou étrangers. Il y a là, sans attenter au patrimoine culturel national, de quoi remplir quelques caisses aujourd'hui bien vides de l'Etat, et financer de nouveaux projets, de nouvelles initiatives publiques, sociales, industrielles, etc.

 

L'affaire de la succession Berri doit, au lieu de mobiliser le chœur des pleureuses, ouvrir quelques pistes de réflexion, et il me semble utile de tirer profit, pour l'Etat, de cette « folie » du Marché de l'art tant qu'elle peut rapporter encore quelques véritables avantages à notre pays... Cynisme de ma part ? Non, juste la volonté de « chevaucher le tigre », tout simplement, c’est-à-dire de saisir des opportunités sans se leurrer sur la réalité économique (voire culturelle, parfois) du Marché de l’art... Cela ne veut pas dire qu'il faudrait « tout vendre », mais simplement faire un heureux tri sans oublier que notre patrimoine mobilier n'est pas « immobile », et que c'est tant mieux ! Après tout, vendre les colonnes de Buren (sises au Palais Royal à Paris) à quelque magnat du pétrole oriental aurait été plus intéressant et plus profitable que de financer à hauteur de 14 millions d’euros leur restauration récente…