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20/03/2011

Libye : quand la République se fait (presque) capétienne...

Jeudi dernier, j’étais en colère devant l’immobilisme des démocraties et l’hypocrisie de la diplomatie mondiale face aux agissements de Kadhafi, et je me rappelais l’impuissance des démocraties dans les années 30 face à la montée des totalitarismes, impuissance qui faisait dire au royaliste Georges Bernanos, sur la même ligne politique que J.R.R. Tolkien d’ailleurs, que « les démocraties sont les mères des totalitarismes » puisqu’elles les laissent prospérer souvent jusqu’au pire, comme l’histoire nous l’a tragiquement démontrée au XXe siècle...

 

Et pourtant ! Le soir même, par la voix d’Alain Juppé, la France réussissait à obtenir l’aval de l’ONU pour imposer au dictateur libyen le respect des règles les plus élémentaires d’humanité à l’égard de ses opposants. Et, pour faire appliquer ces règles simples, la France, suivie par le Royaume-Uni mais aussi les Etats-Unis, envoyait samedi ses avions de combat frapper les infrastructures militaires du régime kadhafiste. Une fermeté inattendue et tardive (trop ?), sans doute, mais bienvenue pour rappeler aussi que la diplomatie n’est pas qu’une question de principes et de beaux discours mais une pratique politique parfois musclée qui use du moyen militaire pour parvenir à ses fins.

 

Sur ce coup-là, la République n’a, pour l’heure, pas démérité, et il serait injuste de ne pas le reconnaître. Mais, sa réaction, justifiée au regard de l’attitude brutale de celui qui avait humilié notre pays à l’automne 2007 en venant planter sa tente au cœur de Paris, doit pouvoir s’inscrire dans la durée et ouvrir les perspectives d’une nouvelle Union pour la Méditerranée, une Union qui, désormais, doit sans doute se passer de la présence des Etats de l’Union européenne non-méditerranéens et en particulier de l’Allemagne, si ambiguë face à Kadhafi et si peu solidaire d’une France qui est pourtant son principal partenaire au sein de l’Union européenne.

 

Après son « coup d’éclat » (qui a montré, a contrario, l’inutilité de la « Politique étrangère et de sécurité commune » de l’Union européenne, cette PESC tragiquement inefficace, voire même néfaste de par le spectacle de division et de mutisme qu’elle a mis en scène ces dernières semaines), la France a le devoir d’assumer jusqu’au bout son action diplomatique : si la République, quand elle se veut gaullienne (en fait, capétienne…), rompt avec la « malédiction des années 30 », elle n’en reste pas moins limitée par son système politicien même, au risque de stériliser ses meilleures intentions et intuitions.

 

Là encore, renouer avec une politique du long terme et de l’équilibre nécessite d’enraciner l’Etat dans la « longue durée » et la « mémoire sélective » (c’est-à-dire sans la rancune ou les préjugés) : l’histoire récente (et moins récente, d’ailleurs) nous incite à la prudence et nous préserve de l’illusion. Malgré ce beau sursaut diplomatique, il est à craindre que la République n’ait pas le souffle nécessaire pour mener à bien, au-delà du simple problème libyen, une véritable politique étrangère digne de ce nom, indépendante et équilibrée.

 

 

 

 

14/03/2011

La question des retraites n'est pas tranchée en Europe...

Le séisme qui a endeuillé le Japon a dissimulé, dans les médias déjà échaudés par les secousses d'un sondage dominical quelques jours auparavant, les discussions du conseil européen des chefs d'Etat et de gouvernement de la zone euro autour de ce fameux Pacte de compétitivité, désormais rebaptisé Pacte pour l'euro, et c'est fort dommage, pour de multiples raisons.

 

Ce qu'il en ressort pour l'heure, c'est que la sauvegarde d'une monnaie jadis présentée comme l'anti-crise par excellence (avant 2008) appelle de nouveaux sacrifices des populations européennes, particulièrement des 350 millions d'habitants des pays de l'eurozone et encore plus des pays du sud de l'Europe et de l'Irlande. « Pacte d'austérité » a dénoncé le Parti socialiste français, semblant oublier que les gouvernements socialistes européens ne se rebellaient guère contre les oukases des Marchés, de la Commission européenne ou du FMI. Ainsi, le gouvernement de M. Zapatero a récemment fait voter par les députés espagnols l'élévation de l'âge légal de la retraite à 67 ans, cette même limite d'âge minimale étant, il y a quelques jours encore, l'une des conditions posées par le gouvernement allemand pour accepter de mettre la main à la poche pour sauver les pays aujourd'hui en grande difficulté : c'était d'ailleurs l'un des points forts de ce fameux Pacte de compétitivité rebaptisé officiellement vendredi et qui était censé rassurer des Marchés de plus en plus avides mais de moins en moins acceptés par les Opinions publiques.

 

Bien sûr, il faut attendre le prochain Sommet européen du 25 mars pour savoir ce qu'il en sera exactement mais, dès maintenant, il faut « s'opposer et proposer », non par attitude dogmatique (ce qui serait néfaste et inopérant dans la situation économico-politique actuelle) mais par volonté positive de préserver la justice sociale nécessaire à la bonne santé de nos sociétés et de leurs peuples, et par souci de trouver des solutions satisfaisantes à une crise qui, d'économique, est de plus en plus sociale. Le chantier est immense et ne doit pas se limiter à quelques raccommodages d'un Système qui apparaît désormais, non pas à bout de souffle, mais de plus en plus inéquitable, par nature plus encore que par dérive...

 

S'opposer au relèvement de l'âge légal de la retraite à 67 ans pour tous les salariés de la zone euro ne signifie pas qu'il faille interdire, a contrario, la possibilité de travailler au-delà de l'âge légal quel qu'il soit pour ceux qui le souhaitent et s'en sentent la force, mais d'empêcher que tous soient obligés d'attendre cet âge de 67 ans pour se reposer d'une vie professionnelle parfois harassante et usante pour les corps comme pour les cerveaux... Combien de mes collègues professeurs, malgré des emplois du temps qui, grâce aux vacances scolaires répétées sur l'année, semblent fort « privilégiés » dans la gestion de leur temps, arrivent épuisés et démotivés à la soixantaine ? Et cette situation est d'autant plus facile à comprendre quand ces enseignants exercent leur métier dans des zones dites « difficiles » ou devant des publics plus consommateurs que motivés...

 

Il est d'ailleurs intéressant d'en discuter avec les élèves eux-mêmes qui, parfois, ressentent aussi douloureusement le vieillissement d'enseignants parfois complètement déconnectés de leur public scolaire, au risque même de détourner les élèves de tout intérêt pour l'école... Bien sûr, en ce domaine comme en d'autres, la nuance s'avère nécessaire et l'âge n'est pas forcément la raison du désintérêt scolaire mais c'est un élément qu'il serait dangereux de négliger...

 

De plus, il suffit de se promener certains jours d'hiver dans les rues de nos grandes villes pour y constater que le travail des ouvriers du bâtiment ou de la voirie peut être aussi particulièrement éreintant, ne serait-ce que par la rigueur de la météo... Cela se traduit d'ailleurs par une espérance de vie des ouvriers « de plein air » largement inférieure à celle des fonctionnaires « d'intérieur », comme le montrent à l'envi les études démographiques contemporaines.

 

Si le Pacte pour l'euro devait négliger ces données concrètes, l'Union européenne perdrait un peu plus de son crédit sans pour autant motiver les efforts nécessaires au redressement de l'économie de l'ensemble « eurozone » : elle apparaîtrait un peu plus encore comme cette « Europe punitive » qui « écrase les petits pour engraisser les gros » comme le disait au comptoir d'un bistrot rennais un conducteur de bus quadragénaire un peu dépité... Et derrière son dépit, j'ai senti cette colère qui monte fort et dont je crains que, si elle éclate désordonnée, elle n'emporte tout à la façon d'un tsunami... A moins qu'elle ne s'ordonne, dans une forme de « nouvelle chouannerie », autour d'idées fortes et simples sans être simplistes, autour de ce nécessaire « réveil du politique » qui est sans doute, selon le mot de Thierry Maulnier et par la Monarchie sociale, « la dernière chance de la Liberté »...

 

 

08/03/2011

Sondages...

Ce mardi 8 mars était la traditionnelle « journée de la femme » et, dans les médias comme dans la salle des profs, on ne parlait que... d'une femme : Marine Le Pen, et des sondages, au nombre de trois désormais, qui la donnaient en tête des intentions de vote au premier tour de la prochaine présidentielle, prévue pour 2012, dans quatorze mois maintenant.

 

Plusieurs remarques s'imposent : d'abord, « sondage n'est pas suffrage », comme le dit l'adage, et, à une telle distance de l'élection elle-même, ils indiquent plus un état de l'Opinion à un moment donné, sans enjeu ni conséquences apparents, qu'une réalité politique concrète. Par expérience, on sait que les sondages éloignés du vote lui-même sont souvent, par la suite, « corrigés », voire totalement démentis par les urnes : Giscard, Barre, Balladur ou Chevènement, chacun en leur temps, ont fait les frais de cette règle simple, mais aussi la Constitution européenne qui, à l'été 2004, frôlait les 75 % d'opinions favorables avant d'être condamnée à un maigre et défait score de 45 % des suffrages exprimés le soir du 29 mai 2005...

 

Ensuite, ces sondages interviennent dans un moment particulier : troubles non loin de nos côtes ; exaspération des citoyens devant les hausses multiples des produits de consommation courante tandis que les salaires stagnent et que le chômage s'est fortement accru ces derniers mois ; sentiment de dépossession des citoyens face à une Europe qui se fait de plus en plus punitive et dont les dirigeants, tels M. Trichet, se font trop arrogants, voire méprisants à l'égard des salariés et des peuples, etc. L'arrogance des oligarques, qu'ils soient ceux de notre République sarkozienne ou des Marchés financiers, exacerbe les réactions des populations et, après un temps de grand fatalisme, l'exemple des « révolutions arabes » (sans doute moins révolutionnaires qu'on ne le croit d'ailleurs...) réveille quelques ardeurs ou des discours populaires plus combatifs, voire activistes : faute d'émeutes dans les rues et de révolutionnaires prêts à renverser le régime d'un grand coup d'épaules, les citoyens énervés se « lâchent » dans les sondages, se servant du nom de « Marine Le Pen » comme d'un klaxon destiné à faire sursauter et s'indigner une classe politique qui leur semble sourde aux multiples avertissements électoraux ou sociaux des années (voire des décennies) dernières... En somme, c'est sans risques, pensent de nombreux Français qui y voient juste là une manière de gâcher les « soirées de la Haute » !

 

« Ils n'ont rien compris », grincent de nombreux Français en pensant aux hommes politiques et aux partis classiques de « l'arc républicain » : il est vrai que la suffisance des politiciens du Pouvoir en place comme de l'Opposition officielle (qui cache sans doute une impuissance douloureuse face aux féodalités financières et économiques), leurs discours décalés du réel et du vécu des populations, leurs « grands principes » souvent paravents de leur « petite vertu », leur « européisme sans Européens », etc. délégitiment le jeu politique traditionnel et une démocratie représentative malade de n'être désormais qu'une sorte de « pays légal » de plus en plus coupé du « pays réel ».

 

Les sondages «Marine Le Pen », comme on les appelle déjà dans un raccourci surprenant, sont un symptôme, et rien qu'un symptôme, celui du malaise politique qui saisit depuis quelques temps déjà l'Opinion publique dans ses multiples secteurs, groupes et sous-groupes : il n'apporte pas de réponse concrète aux problèmes de notre société et aux questions de civilisation, et ce n'est sans doute pas sa fonction, d'ailleurs.

 

Mais ils montrent aussi que la République, telle qu'elle s'est montré ces derniers temps, ne remplit plus le rôle historique qu'elle avait revendiqué en des temps plus anciens, et qu'elle est à bout de souffle, faute d'avoir su préserver l'indépendance et la force de l'État face aux féodalités qui se veulent suzeraines de notre société et de nos familles.