09/05/2010
Journée de l'Europe, version 2010.
Le 9 mai est, depuis quelques années, institué « journée de l’Europe » et c’est l’occasion d’une vaste promotion (certains diraient propagande…) pour les bienfaits de l’Union européenne, présentée comme seul et unique horizon glorieux des habitants du continent européen et parfois au-delà, puisque l’Union n’est pas, ne se veut pas, une entité purement géographique ni même seulement « européenne »… Mais cette année, la « fête » est gâchée par la crise de la zone euro et l’effondrement des illusions européistes : malgré les belles promesses et les incantations rituelles sur la « nécessité absolue » de l’Union européenne, les faits sont têtus, et fort peu « européens », d’une certaine manière…
Que cette date du 9 mai soit l’occasion de présenter l’Union européenne, son histoire et ses institutions, ses projets et ses perspectives, cela n’a rien en soi pour me choquer, bien sûr, et je ne suis pas forcément hostile à une certaine construction européenne, mais une construction qui soit respectueuse des Etats et des histoires : on en est bien loin aujourd’hui !
Mais, que cette journée symbolique soit juste une « opération séduction » sans véritable discussion, sans évocation des débats importants qui se posent en U.E., sans esprit critique ni recul même par rapport à certains problèmes actuels (cf la crise de la zone euro, dont les dirigeants semblent bien peu disposés à parler avec les populations autrement que par l’intermédiaire des annonces de la « rigueur obligatoire »…), cela me semble fort malsain et s’apparente à la politique de la « République obligatoire » qu’a pratiquée la IIIe République à travers sa stratégie scolaire, si peu respectueuse des traditions et des libertés provinciales mais aussi de l’histoire française au point, parfois, de la travestir de façon ridicule.
En veut-on un exemple ? alors, prenons l’événement que, justement, l’on commémore ce 9 mai, la fameuse déclaration de Robert Schuman, alors ministre français des Affaires étrangères, le 9 mai 1950 et annonçant la CECA : elle fut préparée dans le plus grand secret, rédigée en fait dans ses grandes lignes par Jean Monnet ; les ministres français, pourtant collègues de Schuman, tout comme les diplomates du Quai d’Orsay, ne furent même pas prévenus de ce qu’elle contenait, mais, par contre, Schuman en informa … le chancelier fédéral d’Allemagne de l’Ouest et les dirigeants états-uniens… Comme le signale Michel Clapié, auteur du manuel « Institutions européennes » (Champs Université ; Flammarion ; 2003), et à qui je dois d’avoir beaucoup appris sur la manière dont s’est construite et se construit toujours l’U.E. : « La gestation de cette Déclaration ne fut donc pas un « modèle de transparence démocratique » »…
D’autre part, il serait intéressant de relire cette fameuse déclaration qui annonce aussi la stratégie européiste vers ce que Schuman appelle la « Fédération européenne » : on comprend mieux alors pourquoi De Gaulle s’y oppose et pourquoi Schuman, dès le retour du Général à la tête de l’Etat, rentre dans une opposition acharnée à l’homme du 18 juin 40, alors que ce dernier lui avait évité, à la Libération, « un procès que son attitude pendant le conflit [la seconde guerre mondiale] incitait certains à lui faire » (Michel Clapié, dans le livre cité plus haut, page 373). Effectivement, petit détail « amusant », Schuman fut membre du Gouvernement Pétain du 16 mai au 17 juillet 1940, et il a voté les « pleins pouvoirs » au Maréchal Pétain le 10 juillet… De plus, malgré sa foi chrétienne et son anti-nazisme avéré, il se refusera à rentrer dans la Résistance, préférant (mais après tout, pourquoi pas ?) une vie monastique pendant laquelle il prie pour la paix, en attendant des jours meilleurs… On peut néanmoins préférer la foi combattante d’un Honoré d’Estienne d’Orves, d’un Colonel Rémy ou d’un De Gaulle…
Alors, je veux bien que l’on fête l’Union européenne le 9 mai ou un autre jour, mais cela ne doit pas empêcher de penser librement à l’Europe sans céder à la tentation de la propagande ou de la sacralisation…
00:32 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : europe, journée de l'europe, robert schuman, euro, crise, de gaulle, déclaration schuman.
05/05/2010
Au-delà des cendres du volcan...
J’ai retrouvé hier mardi mes classes de Seconde et de Première, et j’en ai profité pour faire un bref résumé des grands sujets d’actualité des vacances de printemps : trois thèmes importants (même si ce choix peut paraître, et est effectivement, subjectif) à mes yeux, et qu’il n’est pas inutile de signaler sur ce blogue.
Premier thème : le nuage de cendres et ses conséquences géopolitiques « annexes » ou révélatrices, en particulier en Europe. Car ce nuage est « tombé au bon moment », si l’on peut dire : au moment des funérailles du président de la République polonaise, président controversé car catholique traditionnel et nationaliste polonais ! Ce nuage a permis aux chefs d’Etat et de gouvernement des pays d’Europe occidentale d’excuser leur absence à cette cérémonie funèbre… Absence pourtant inexcusable ! Pourquoi ? Au-delà de la simple courtoisie élémentaire, cette absence est une erreur géopolitique grave car elle laisse entendre aux Polonais, pourtant membres de l’Union européenne, que leur peine vaut moins que les embarras créés par une éruption volcanique… Et la mauvaise excuse du volcan au nom imprononçable laisse la place libre à la puissance européenne réaffirmée que constitue la Russie qui, elle, a su être présente (malgré les cendres qui n’ont visiblement pas effrayé le président Medvedev…), une semaine après sa spectaculaire reconnaissance du crime soviétique de Katyn, aux côtés de ses ennemis héréditaires d’hier… En quelques jours, la « réconciliation » entre Pologne et Russie a fait un pas de géant, à l’égal de la réconciliation franco-allemande initiée par De Gaulle et Adenauer lors de la fameuse rencontre entre les deux hommes ! N’oublions pas que ce précédent a été la véritable origine, beaucoup plus que la fort technocratique démarche du plan Schuman de 1950 sur la CECA, de la construction européenne avec cette mise en marche du « moteur franco-allemand »…
Recomposition géopolitique à l’est, au moment où l’Union européenne se délite vitesse grand V à l’occasion de la crise de la zone euro ? Ce n’est pas impossible, et l’on aurait tort de méconnaître ces éléments symboliques des semaines dernières…
(à suivre : les deux autres thèmes…)
23:49 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : pologne, russie, medvedev, avion, katyn, réconciliation
04/05/2010
Question sociale, question politique.
La question sociale n’a pas disparu avec la société de consommation et la prospérité indéniable des Trente Glorieuses comme certains l’espéraient, ni même avec la mondialisation présentée comme la panacée universelle, censée donner à tous les moyens de vivre dignement et « selon ses besoins ». Bien sûr, dans le cas français, le niveau de vie des ouvriers tout comme leurs conditions de travail d’aujourd’hui n’ont plus rien à voir avec ceux du début du XXe siècle, et c’est tant mieux. Mais la question sociale ne s’est pas éteinte pour autant, et la globalisation (mot plus exact et explicite que celui de « mondialisation »), en rebattant les cartes de l’économie et des puissances, a entraîné, au sein même de notre société, des remises en cause douloureuses et des interrogations sur la nature des rapports sociaux, sur leur territorialisation ou sur leurs formes. Globalisation rime aujourd’hui, pour les travailleurs français, avec délocalisations tandis que l’Union européenne évoque, elle, le terme de libéralisation en insistant sur son caractère de nécessité absolue, sans prendre en compte les exigences de la justice sociale et du bien-être moral des populations laborieuses des pays d’Europe. Doit-on, même, évoquer l’actuelle crise de la zone euro dont les victimes expiatoires semblent être aujourd’hui les Grecs avant, demain peut-être, les Portugais ou les Espagnols ? Les banques, l’an dernier, ont eu droit à plus de sollicitude de la part de la Commission européenne et des gouvernements…
Ainsi, avec la crise et la sempiternelle épée de Damoclès du financement des retraites, la question sociale revient au cœur des problématiques françaises, comme le souligne l’hebdomadaire « Marianne » au fil de plusieurs numéros récents. Bien sûr, le « nouveau prolétariat » évoqué par ce journal n’est plus celui de 1900, mais, au-delà de ses difficultés présentes, sa nature reste la même ; c’est-à-dire une masse de travailleurs interchangeables sans autre lien avec le Travail que celui que les détenteurs de l’Argent veulent et voudront bien lui allouer, à titre temporaire, pour en tirer des profits substantiels sans être obligés de les redistribuer à ceux qui en sont les producteurs « de base », mais plutôt et seulement aux actionnaires ou aux cadres dirigeants, les uns se confondant parfois avec les autres : c’est d’ailleurs là un des éléments forts du « scandale social » qui voit d’immenses fortunes se bâtir sur de simples jeux boursiers et non plus sur la qualité du travail effectué en tant que telle.
Le « nouveau prolétariat » comme l’ancien se caractérise par la « dépossession » : aujourd’hui, les ouvriers ou les artisans sont condamnés par une logique comptable qui fait qu’il est plus simple de fabriquer à grande échelle et à moindre coût dans des pays lointains où les règles sociales sont peu contraignantes voire inexistantes, que dans notre pays attaché à une certaine qualité et à la préservation des travailleurs. Ainsi, de nombreux métiers et savoir-faire disparaissent-ils, dans l’indifférence générale, puisque le consommateur ne regarde le plus souvent que le prix de l’étiquette sans penser au deuxième coût, beaucoup plus élevé, le coût social : ne pas acheter français quand on en a l’occasion sous le prétexte, fort compréhensible d’ailleurs, que le « même » produit fabriqué en Chine est moins cher, est, à plus ou moins long terme, suicidaire, comme le signalent certains économistes. Car, à trop dépendre des productions étrangères, que pourra-t-on vendre demain à des sociétés à qui nous aurions abandonné toutes nos technologies, nos méthodes de travail et pour qui nous aurions sacrifié nos propres outils de production ? Le cas récent d’Airbus est, à ce sujet, tristement éclairant : désormais les avions seront construits à l’étranger, en Asie, tandis que la Chine, à qui la société EADS a « transféré » les technologies de ses appareils, se targue de bientôt vendre à la France et à l’Europe des… Airbus, chinois bien sûr…
Devant cette nouvelle donne qui voit le capitalisme libéral sacrifier les travailleurs de France sur l’autel de la rentabilité, gémir ne sert à rien : il faut désormais « repenser la question sociale », sans vaine illusion ni désespérance. Chercher des pistes alternatives à ce jeu malsain qui se moquent des frontières comme des personnes, des familles ou des traditions. Les royalistes, fidèles à la méthode maurrassienne de l’empirisme organisateur et conscients des enjeux, ne feront pas « la politique du pire qui est la pire des politiques » comme l’affirmait avec raison Charles Maurras. Ils ne doivent pas chercher à créer des utopies mais à imaginer, à inventer de nouveaux modèles économiques et sociaux, sans perdre de vue qu’il s’agit, malgré la difficulté, de remettre « l’économie au service des hommes » et non l’inverse.
Il leur revient de rappeler que la nation est la première protection sociale, que c’est le plus vaste des cercles communautaires à mesure humaine et historique et qu’il offre des solidarités fortes en son sein, en son espace souverain, au-delà des différences professionnelles ou culturelles.
Aussi, la question sociale est une question éminemment politique, et, là encore, le « Politique d’abord » doit être compris comme la nécessité d’utiliser ce moyen pour limiter les excès de la globalisation ; susciter une véritable impulsion de l’Etat pour les grandes réformes sociales (et pas seulement en vue d’équilibrer les comptes publics) qui sont urgentes et son arbitrage pour les conflits de « légitimité sociale » entre les divers « décideurs » et les « acteurs du travail », et cela sans tomber dans l’étatisme ou le dirigisme ; permettre et accompagner un véritable aménagement du territoire qui ouvre la voie à une relocalisation de nombreuses activités et à une prise en compte véritable du « souci environnemental » ; etc.
Aujourd’hui, traiter la question sociale signifie « ne plus laisser faire la seule loi du Marché » (dont on voit les ravages dans la crise grecque) mais redonner au Politique des moyens de pression sur l’Economique : si l’on veut inscrire cette démarche dans la durée et l’indépendance, l’Etat doit lui-même disposer de la durée et de l’indépendance, et être respecté à l’intérieur comme à l’extérieur. Au regard de l’Histoire comme de la réflexion et de la pratique politiques, il n’en est qu’un qui, en refusant de sacrifier les hommes à une logique totalitaire ou marchande, soit possible et souhaitable : la Monarchie à transmission héréditaire, politique et sociale à la fois. En fait, la meilleure réponse à une « économie sauvage » dont les seules valeurs sont financières : pour retrouver, demain, le sens de la mesure et de la justice sociale que la République des Sarkozy, Proglio et Tapie foule aux pieds…
00:37 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : question sociale, justice sociale, politique, globalisation, argent, crise.