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04/05/2010

Question sociale, question politique.

La question sociale n’a pas disparu avec la société de consommation et la prospérité indéniable des Trente Glorieuses comme certains l’espéraient, ni même avec la mondialisation présentée comme la panacée universelle, censée donner à tous les moyens de vivre dignement et « selon ses besoins ». Bien sûr, dans le cas français, le niveau de vie des ouvriers tout comme leurs conditions de travail d’aujourd’hui n’ont plus rien à voir avec ceux du début du XXe siècle, et c’est tant mieux. Mais la question sociale ne s’est pas éteinte pour autant, et la globalisation (mot plus exact et explicite que celui de « mondialisation »), en rebattant les cartes de l’économie et des puissances, a entraîné, au sein même de notre société, des remises en cause douloureuses et des interrogations sur la nature des rapports sociaux, sur leur territorialisation ou sur leurs formes. Globalisation rime aujourd’hui, pour les travailleurs français, avec délocalisations tandis que l’Union européenne évoque, elle, le terme de libéralisation en insistant sur son caractère de nécessité absolue, sans prendre en compte les exigences de la justice sociale et du bien-être moral des populations laborieuses des pays d’Europe. Doit-on, même, évoquer l’actuelle crise de la zone euro dont les victimes expiatoires semblent être aujourd’hui les Grecs avant, demain peut-être, les Portugais ou les Espagnols ? Les banques, l’an dernier, ont eu droit à plus de sollicitude de la part de la Commission européenne et des gouvernements…

 

Ainsi, avec la crise et la sempiternelle épée de Damoclès du financement des retraites, la question sociale revient au cœur des problématiques françaises, comme le souligne l’hebdomadaire « Marianne » au fil de plusieurs numéros récents. Bien sûr, le « nouveau prolétariat » évoqué par ce journal n’est plus celui de 1900, mais, au-delà de ses difficultés présentes, sa nature reste la même ; c’est-à-dire une masse de travailleurs interchangeables sans autre lien avec le Travail que celui que les détenteurs de l’Argent veulent et voudront bien lui allouer, à titre temporaire, pour en tirer des profits substantiels sans être obligés de les redistribuer à ceux qui en sont les producteurs « de base », mais plutôt et seulement aux actionnaires ou aux cadres dirigeants, les uns se confondant parfois avec les autres : c’est d’ailleurs là un des éléments forts du « scandale social » qui voit d’immenses fortunes se bâtir sur de simples jeux boursiers et non plus sur la qualité du travail effectué en tant que telle.

 

Le « nouveau prolétariat » comme l’ancien se caractérise par la « dépossession » : aujourd’hui, les ouvriers ou les artisans sont condamnés par une logique comptable qui fait qu’il est plus simple de fabriquer à grande échelle et à moindre coût dans des pays lointains où les règles sociales sont peu contraignantes voire inexistantes, que dans notre pays attaché à une certaine qualité et à la préservation des travailleurs. Ainsi, de nombreux métiers et savoir-faire disparaissent-ils, dans l’indifférence générale, puisque le consommateur ne regarde le plus souvent que le prix de l’étiquette sans penser au deuxième coût, beaucoup plus élevé, le coût social : ne pas acheter français quand on en a l’occasion sous le prétexte, fort compréhensible d’ailleurs, que le « même » produit fabriqué en Chine est moins cher, est, à plus ou moins long terme, suicidaire, comme le signalent certains économistes. Car, à trop dépendre des productions étrangères, que pourra-t-on vendre demain à des sociétés à qui nous aurions abandonné toutes nos technologies, nos méthodes de travail et pour qui nous aurions sacrifié nos propres outils de production ? Le cas récent d’Airbus est, à ce sujet, tristement éclairant : désormais les avions seront construits à l’étranger, en Asie, tandis que la Chine, à qui la société EADS a « transféré » les technologies de ses appareils, se targue de bientôt vendre à la France et à l’Europe des… Airbus, chinois bien sûr…

 

Devant cette nouvelle donne qui voit le capitalisme libéral sacrifier les travailleurs de France sur l’autel de la rentabilité, gémir ne sert à rien : il faut désormais « repenser la question sociale », sans vaine illusion ni désespérance. Chercher des pistes alternatives à ce jeu malsain qui se moquent des frontières comme des personnes, des familles ou des traditions. Les royalistes, fidèles à la méthode maurrassienne de l’empirisme organisateur et conscients des enjeux, ne feront pas « la politique du pire qui est la pire des politiques » comme l’affirmait avec raison Charles Maurras. Ils ne doivent pas chercher à créer des utopies mais à imaginer, à inventer de nouveaux modèles économiques et sociaux, sans perdre de vue qu’il s’agit, malgré la difficulté, de remettre « l’économie au service des hommes » et non l’inverse.

 

Il leur revient de rappeler que la nation est la première protection sociale, que c’est le plus vaste des cercles communautaires à mesure humaine et historique et qu’il offre des solidarités fortes en son sein, en son espace souverain, au-delà des différences professionnelles ou culturelles.

 

Aussi, la question sociale est une question éminemment politique, et, là encore, le « Politique d’abord » doit être compris comme la nécessité d’utiliser ce moyen pour limiter les excès de la globalisation ; susciter une véritable impulsion de l’Etat pour les grandes réformes sociales (et pas seulement en vue d’équilibrer les comptes publics) qui sont urgentes et son arbitrage pour les conflits de « légitimité sociale » entre les divers « décideurs » et les « acteurs du travail », et cela sans tomber dans l’étatisme ou le dirigisme ; permettre et accompagner un véritable aménagement du territoire qui ouvre la voie à une relocalisation de nombreuses activités et à une prise en compte véritable du « souci environnemental » ; etc.

 

Aujourd’hui, traiter la question sociale signifie « ne plus laisser faire la seule loi du Marché » (dont on voit les ravages dans la crise grecque) mais redonner au Politique des moyens de pression sur l’Economique : si l’on veut inscrire cette démarche dans la durée et l’indépendance, l’Etat doit lui-même disposer de la durée et de l’indépendance, et être respecté à l’intérieur comme à l’extérieur. Au regard de l’Histoire comme de la réflexion et de la pratique politiques, il n’en est qu’un qui, en refusant de sacrifier les hommes à une logique totalitaire ou marchande, soit possible et souhaitable : la Monarchie à transmission héréditaire, politique et sociale à la fois.  En fait, la meilleure réponse à une « économie sauvage » dont les seules valeurs sont financières : pour retrouver, demain, le sens de la mesure et de la justice sociale que la République des Sarkozy, Proglio et Tapie foule aux pieds…

26/04/2010

L'Union européenne et la Grèce : histoire d'une hypocrisie ?

La Grèce paie un prix très lourd à la démagogie et à l’illusion européistes, celles qui consistaient à accepter des pays dont les comptes publics n’étaient pas sûrs et étaient reconnus comme tels, mais elle a aussi sa part de responsabilité, indéniable, dans ce cauchemar qui, à terme, pourrait entraîner une déroute de l’euro et de l’Union européenne face aux Marchés et à ses concurrents, déjà loin devant depuis la crise (encore un mot-concept né en Grèce…) de 2008 (qui n’est jamais que la suite logique de celle de 2007 née aux Etats-Unis !), révélatrice et accélératrice des transferts de richesses et de pouvoirs des pays anciennement industrialisés aux pays émergents et en particulier à la Chine.

 

Souvenons-nous, la fin de l’année 2001, à quelques mois de l’entrée de l’euro dans les poches des citoyens d’une dizaine de pays : l’euro était partout vanté comme un véritable « bond en avant » (la formule aurait dû appeler à plus de prudence, au regard de ce qu’elle avait pu signifier en Chine quelques décennies auparavant…), un remède permanent contre les crises tout comme il signifiait la « solidarité européenne » : une monnaie unique avant une Europe unique, en somme. Et quand la Grèce avait annoncé, triomphalement, qu’elle répondait aux critères d’admission dans la zone euro, les membres de la Commission européenne avaient vanté les vertus d’une aventure monétaire qui, par sa seule existence, permettait des « miracles » et « moralisait les politiques économiques et sociales » (sic !)… J’exagère ? Et non ! Il suffit juste de se replonger dans la lecture des journaux de l’époque pour relire, à longueur de colonnes et de déclarations toutes plus assurées les unes que les autres, ce que je viens de résumer en quelques lignes ! Faîtes l’expérience, mais attention : c’est cruel pour ceux qui « y ont cru » et qui, aujourd’hui, voient leur beau rêve s’effondrer dans les cris, la fureur et les larmes…

 

Mais, aujourd’hui, que faire ? Car il peut être réjouissant de constater que l’on a eu raison jadis et que les événements viennent confirmer nos anciennes prédictions, mais cela n’est guère politique et s’avère tout aussi inutile pour résoudre la crise que pour envisager l’avenir.

 

D’abord, comprenons bien que, pour l’heure, l’euro existe et qu’il faut en tenir compte : la politique n’est pas de nier ce qui est mais de changer ce qui est si besoin est. Certes, à écouter les économistes sur BFM (émission « Good Morning Week-end », ces dernières semaines), l’euro est « mal barré » (les mots choisis étaient parfois plus rudes encore !), et la géographie de la zone euro pourrait être modifiée plus rapidement qu’on ne le croit, par exemple par la sortie de la Grèce ou de l’Espagne… En attendant, la Grèce, acceptée jadis sur des comptes falsifiés par une Commission européenne trop contente d’inscrire un onzième pays dans la zone euro (sur quinze pays à l’époque dans l’UE) pour forcer la main au Royaume-Uni (qui, plus prudente, ne voulait pas renoncer tout de suite à sa souveraineté monétaire), est encore dans cette zone euro et, même si elle n’y était pas (ou plus…), il me semble logique de ne pas l’oublier et surtout de ne pas la laisser tomber au moment où les errements des uns et des autres l’ont mené au bord d’un précipice dont on n’aperçoit pas le fond… Car, si l’Union européenne existe, n’est-ce pas « pour le meilleur comme pour le pire » ? Ou alors, tous les discours sur « l’unité européenne », sur cette grande fraternité des peuples du continent (mal défini au demeurant…), ne seraient-ils que du vent et le simple alibi d’une construction économique qui oublie les hommes pour ne voir que « les affaires », ce que les Anglo-saxons nomment « le business » ? J’ai bien peur que la construction européenne ne soit aujourd’hui plus que celle d’un vaste supermarché où règnent la concurrence et la loi du plus fort, et où les salariés et les peuples servent de variables d’ajustement… L’attitude des banques européennes, renflouées par les Etats et soutenues par la Commission européenne, est, à cet égard, scandaleusement révélatrice, sans parler de la banque états-unienne Goldman Sachs dont on découvre chaque jour un peu plus qu’elle a participé, et participe toujours, à une vaste manipulation des spéculateurs contre les finances et les économies de la zone euro !

 

Je ne suis pas un européiste fervent, c’est le moins que l’on puisse dire : mais je ne supporte pas non plus l’hypocrisie qui consisterait, pour ceux qui se disent ou veulent « européistes », à dénier à la Grèce sa place dans l’Union parce qu’elle serait « un poids pour l’Europe »… D’autant plus que ce sont souvent les mêmes qui vantent, à longueur de colonnes, les beautés de la mondialisation, de l’ouverture au monde que celle-ci représenterait, et les vertus du libre-échange ! Or, le premier des devoirs de l’Union européenne n’est-il pas d’aider ses propres membres quand ceux-ci souffrent, et même si, je le répète, la Grèce est en grande partie responsable de ses souffrances actuelles ? Ou alors, et cela confirmerait un sentiment ancien (et que je pensais disparu) en mon for intérieur, l’Union européenne n’est qu’une vaste escroquerie destinée à faire avaler la pilule d’une mondialisation libérale (ou plutôt « libéraliste ») aux citoyens des Etats qu’on a progressivement désarmé de leurs attributs souverains et politiques pour les rendre inoffensifs face à la « gouvernance mondiale », nouveau nom du règne de l’Argent au niveau mondial, nouvel argument et nouvelle stratégie de cette « fortune anonyme et vagabonde »  (formule qu’il s’agit de lire et de comprendre littéralement) qui se moque bien du sort de la planète et de ses habitants et ne pense qu’en termes de rentabilité et de profits...

 

Les masques tombent, et le (vrai ?) visage de l’UE apparaît aujourd’hui sous les traits hideux de l’égoïsme et du cynisme ! Et pourtant, tout nationaliste français que je sois, attaché au sens capétien de l’Etat et de la géopolitique, fidèle à « une certaine idée de la France » qui implique des devoirs envers les plus faibles, je suis persuadé qu’il y aurait d’autres moyens pour animer et faire vivre, aux yeux des citoyens comme du monde entier, cette « Union européenne » aujourd’hui oublieuse des leçons de l’histoire et des réalités humaines et sociales. Mais, pour donner un autre sens à l’Union, encore faudrait-il travailler à rendre, en France, au plus « démocratiquement proche » de nous, un autre visage à l’Etat et à sa magistrature suprême… En somme, une Monarchie sociale, un Etat « à cœur humain », responsable et libre, capable de rendre son véritable sens au politique, sens qui peut se résumer en un verbe : « servir » !

23/04/2010

De Philippe Auguste à Jeanne d'Arc.

Voici la deuxième partie du résumé de mon propos tenu dimanche dernier devant les participants au « Cercle Lutétia », dans le cadre des activités du Groupe d’Action Royaliste : en fait, ce résumé est enrichi de quelques éléments que j’ai rajouté après coup, et qui mériteront évidemment plus de développements dans la brochure à paraître sur ce sujet, sans doute durant l’été prochain :

 

 

De Philippe Auguste à Jeanne d’Arc :

 

 

Après Hugues Capet, les premiers capétiens vont voir leurs vassaux s’émanciper les uns après les autres mais le domaine royal va, au contraire, se renforcer et s’approfondir, condition indispensable à tout éventuelle et future extension solide du territoire. Le règne de Philippe Auguste (1180-1223) va marquer une étape importante dans la construction nationale, autant sur le plan territorial que politique et sentimental : effectivement, c’est la bataille de Bouvines du 27 juillet 1214 qui voit l’ébauche d’un véritable sentiment national avec le soutien des bourgeois des villes, soutien qui vient confirmer la formule des légistes du royaume « Le roi de France est empereur en son royaume », formule destinée à déjouer les ambitions des adversaires de la France, en particulier de l’empereur germanique Otton. Cette union entre les bourgeois et l’Etat indique une remise en cause de plus en plus affirmée des mécanismes de la féodalité et la mise en place de plus en plus nette d’un Etat qui s’affranchit des liens vassaliques pour créer de nouveaux liens avec les communautés, liens fondés sur une relation privilégiée avec le monarque, incarnation du royaume.

 

Dans le même temps, le règne de Philippe Auguste marque un trait important de la tradition politique française : le refus de l’empire territorial et administratif, qu’il soit européen ou autre, refus que Maurras rappellera dans son livre « Kiel et Tanger » et que De Gaulle, fidèle ici à la tradition capétienne, pratiquera au XXe siècle… Cela vient en complément du refus de la théocratie pontificale et montre combien, dès ses origines, la monarchie fondatrice de la nation et de son unité politique a pratiqué, à l’intérieur comme à l’extérieur, le « Politique d’abord » : à l’intérieur par le refus des communautarismes et des féodaux qui se pliaient mal à l’obéissance envers l’Etat royal, mais aussi par l’incorporation des communautés, des populations des nouveaux territoires conquis au sein du royaume vécu comme ensemble territorial uni et représenté par le Roi, au-delà de sa seule personne physique et par ses multiples incarnations physiques successives signalées par la formule « Le roi est mort, vive le roi ! ». Unité par delà le temps et les générations… A l’extérieur par sa politique que l’on peut qualifier de « libre destin » ou d’ « indépendance nationale » en des termes plus contemporains.

 

Les conquêtes territoriales du roi Philippe Auguste, roi audacieux et chanceux, sont importantes et aboutissent à quasiment tripler la superficie d’un royaume qui devient conséquent : c’est aussi la démonstration que, dans cette histoire médiévale française, c’est bien l’Etat, et plus précisément l’Etat royal, qui bâtit la nation, qui « fait la France », lentement certes mais sûrement, au regard du résultat que nous connaissons aujourd’hui et qui diffère peu de celui de la veille de la Révolution…

 

Cela étant, les progrès vécus et renforcés par les successeurs de Philippe Auguste sont-ils alors pérennes et n’ont-ils pas connu des remises en cause ? La Guerre de Cent ans a effectivement failli emporter l’ouvrage mais, après plus d’un siècle de troubles, de souffrances et de tragédies marquées aussi de gloires et de quelques joies (heureusement !), la France non seulement a survécu mais elle sort renforcée, en son corps comme en son esprit : Jeanne d’Arc en est peut-être le symbole le plus marquant même s’il ne faudrait pas négliger pour autant ce que nous apprend la présence de Bertrand Duguesclin, Breton des environs de Dinan, aux côtés du roi de France, c’est-à-dire le rayonnement du royaume au-delà de ses limites territoriales.

 

La Guerre de Cent ans a renforcé « l’unité de sentiment » : la France existe et suscite le désir de se battre pour que son Chef d’Etat soit issu de son histoire et de la famille qui siège sur un trône de plus en plus territorialisé et politique. C’est ainsi que l’on peut comprendre la chevauchée héroïque mais surtout éminemment politique de Jeanne d’Arc qui, non seulement reconnaît le dauphin Charles, mais le fait, contre toute logique stratégique, d’abord sacrer roi à Reims (Charles VII) plutôt que de pousser son avantage militaire : Jeanne comprend que rien ne sert de gagner des batailles si la légitimité de l’Etat royal français n’est pas assurée et pérennisée à travers l’institution de « l’unité renouvelée » intergénérationnelle, c’est-à-dire la transmission héréditaire de l’Etat au sein d’une même famille selon les règles initiées par Hugues Capet et ses successeurs. En somme, pas d’unité du royaume sans l’affirmation du principe de continuité (autre forme de l’unité, mais là sur le plan temporel) !

 

 

 

 

(à suivre)