04/03/2010
La Vendée martyre.
L’histoire est parfois terrible, et elle semble aimer les coïncidences tragiques : ainsi, la Vendée a été frappée par la tempête dévastatrice Xynthia le 28 février, jour anniversaire du tristement célèbre massacre des Lucs de 1794, massacre perpétré par les fameuses colonnes infernales que la République avait lâché sur la contrée « catholique et royale » pour la punir de sa résistance à l’égard de la Terreur…
Cette terrible tempête a entraîné la mort d’une cinquantaine de personnes et dévasté le littoral, inondant et rendant impropre à la culture plus de 45.000 hectares de terres agricoles, noyant des milliers d’animaux, détruisant les parcs ostréicoles et les marais salants, etc. Une catastrophe pour toute la région, au-delà du département vendéen ! Sans oublier toutes ces zones « rurbanisées », ces nombreux lotissements construits parfois de façon anarchique et qui ont été surpris par la montée et l’invasion des eaux…
Certes, cette catastrophe pose beaucoup de questions sur le mode de développement de l’habitat, et les polémiques vont désormais bon train pour dénoncer là-bas ce qui continue (et continuera, malheureusement) à se faire ailleurs, en particulier dans la région parisienne ou sur tous (ou presque) les littoraux de notre pays et, au-delà, du monde, pour des raisons touristiques ou économiques. Rappelons-nous que les questions posées aujourd’hui pour le littoral atlantique sont les mêmes que celles déjà posées au moment du tsunami asiatique de 2004 !
Il est certain qu’il ne faudra pas refaire les mêmes erreurs que par le passé, relativement récent, de l’urbanisation « individualiste de masse » : cela passe par une véritable réflexion sur l’aménagement des terroirs et territoires, mais aussi sur la préservation des équilibres naturels et littoraux, et sur la définition de protections adaptées aux risques, jamais totalement inexistants si peu fréquents, du vent et de l’eau. Sans doute faudra-t-il envisager de relâcher la pression rurbaine et pavillonnaire sur les littoraux et sur les bords de fleuves et de rivières, et de reconstruire des digues, mais aussi des talus et fossés qui, aujourd’hui en recul pour des raisons qui se voulaient d’efficacité économique, peuvent pourtant jouer un rôle important dans l’évacuation et le « pompage » naturel des eaux : en somme, refaire un bocage qui, trop souvent, a été démembré (au titre du remembrement…) sans penser aux conséquences…
En attendant cette reconstruction et cette nouvelle orientation de l’aménagement rural comme urbain et rurbain, il est nécessaire de rappeler la solidarité française envers une région qui, aujourd’hui, est durement frappée en ses flancs comme en son cœur : il faut souhaiter que l’Etat joue son rôle protecteur et sache mobiliser les moyens nécessaires, avec ceux de la Région et du Département, pour panser rapidement les plaies et rassurer les populations. Mais ne négligeons pas, dans le même temps, les enjeux du lendemain…
11:03 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : vendée, tempête, xynthia, bocage, habitat.
02/03/2010
Eliminer les plus économiquement faibles ?
J’étais hier au Salon de l’Agriculture et j’avais préparé un petit dossier sur le thème agricole avec des articles tirés de journaux divers et variés, et généralement récemment publiés. Or, l’un d’entre eux m’a intrigué et, en même temps, navré : publié dans « Les Echos » (vendredi 27 février 2010), il reprenait un article paru dans la presse danoise et mérite d’être intégralement reproduit comme il a été rédigé, sous le titre « Des économistes pour l’élimination des petites fermes au Danemark » :
« Faut-il laisser mourir les petites exploitations agricoles au Danemark ? C’est ce que pensent, selon le quotidien « Politiken », des experts danois. Après avoir annoncé un important remaniement ministériel cette semaine, le gouvernement danois a décidé un nouveau programme économique à l’horizon de 2020 dont la principale mesure concerne le passage à l’euro. Ce plan prévoit également un soutien à l’agriculture sous la forme d’un allégement d’impôts fonciers représentant 1 milliard de couronnes (environ 135 millions d’euros) pour 2011 et 2012, pour compenser les effets de la crise. Mais, pour les économistes du Conseil économique de l’environnement, cela n’est pas une bonne idée. Pour eux, la crise actuelle pourrait être une bonne chose pour ce secteur à long terme, car nombre de petites exploitations, faiblement rentables, pourraient fermer, laissant les plus grandes et les plus efficaces survivre.
« Le risque, note le conseil gouvernemental, est de remettre à plus tard les restructurations nécessaires dans l’agriculture. D’après le journal, l’aide a été décidée par le gouvernement parc que l’on redoute que, sinon, le quart des exploitations agricoles au Danemark disparaissent au cours des cinq prochaines années. Le conseil recommande pour sa part que les conditions imposées aux exploitations soient plus rigides en matière environnementale afin que Copenhague puisse répondre à ses obligations internationales. Le secteur agricole, rappelle-t-on par ailleurs, représente moins de 2 % du PIB danois et moins de 3 % de l’emploi. »
Cet article est tristement révélateur d’un système de pensée économique qui oublie les hommes et qui ne veut voir que la rentabilité comme seul critère de jugement ! Que ce soient des économistes, des experts, des conseillers gouvernementaux qui réclament, en somme, la mort des plus faibles économiquement en dit long sur l’état d’esprit de certaines élites que je n’hésite pas à qualifier de « déshumanisées » : dans leur mode de réflexion, les hommes ne sont qu’une simple variable d’ajustement, et meurent les petites exploitations agricoles pourvu que les (leurs, plus exactement…) principes de rentabilité économiques soient respectés ! Ce genre de raisonnement me met en colère mais je crains que nos gouvernants actuels ou plutôt les milieux financiers et économiques qui les soutiennent et les tiennent partagent le même état d’esprit : l’Argent plutôt que les hommes ! Triste…
C’est aussi pour cela que je suis royaliste, c’est par refus de cette déshumanisation, de cette dépersonnalisation, de cette réduction des hommes à de simples critères économiques, non que je refuse les raisonnements économiques, mais je pense que l’économie qui oublie les hommes ou les ravale au rang de statistiques ou de choses n’est pas une bonne économie. Toute économie, si elle veut répondre à sa définition première et à son étymologie grecque, doit se mettre au service des hommes, et non l’inverse ou à celui exclusif de quelques uns : c’est une question de justesse humaine et, donc, de justice sociale.
14:24 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : économie, agriculture, danemark, crise, justice sociale, exploitations agricoles.
23/02/2010
La question agricole, un nouveau front social ?
Le Salon de l’Agriculture ouvre ses portes dans quelques jours, dans une ambiance à la fois morose et coléreuse : la baisse significative des revenus agricoles, en particulier pour les petits et moyens agriculteurs (- 34 % en un an…) ; la crise laitière et celle des fruits et légumes à l’été dernier ; l’attitude déloyale des grandes surfaces qui préfèrent se fournir à moindre frais dans les pays du Sud à bas salaires et celle non moins scandaleuse des centrales d’achat qui pratiquent le chantage envers les producteurs ; etc., sont autant de motifs d’inquiétudes que de colère !
Devant une telle situation, le nombre d’agriculteurs ne cesse de diminuer et, désormais, de nombreux villages de la France rurale n’ont plus de paysans locaux en activité malgré des terres fertiles, de plus en plus convoitées par les promoteurs et grignotées par la rurbanisation. Or, la vieille formule « Pas de pays sans paysans » nous rappelle que la France sans agriculture de proximité, de qualité et de quantité suffisante, perd son indépendance alimentaire et risque de perdre son âme. Il ne s’agit pas de tomber dans une nostalgie stérile du « bon vieux temps des paysans » mais de défendre ce qui est un élément clé de ce qui fait la France, sa diversité (de paysages, de produits, de gastronomies, etc.), sa beauté aussi. Il s’agit également d’aborder les temps nouveaux du retour à une vie plus saine et moins consommatrice, et de rompre avec les mauvaises habitudes d’un productivisme qui a détruit bocages et parfois rivières pour « produire plus pour (faire) gagner plus (aux multinationales de l’agroalimentaire et de la distribution) »…
Le Salon de l’Agriculture, cette année du 27 février au 7 mars, est le moment d’aborder ces questions, de réfléchir aux meilleurs moyens de faire vivre l’agriculture dans notre pays en harmonie avec les paysages et les populations, de repenser les rapports entre consommateurs et agriculteurs, parfois en court-circuitant les intermédiaires inutiles ou les grandes surfaces prédatrices… C’est aussi le moment d’évoquer les questions plus politiques mais non moins importantes de la Politique Agricole Commune, de la fonction du Ministère de l’Agriculture, de la place accordée au monde de la production agricole dans les institutions françaises… Et poser la question, même, du régime politique le plus capable de répondre aux enjeux alimentaires, agricoles et d’aménagement du territoire, enjeux actuels et défis de demain.
Il est significatif que le Salon de l’Agriculture soit, à cet égard, en passe de devenir un nouveau « front social », un terrain miné dans lequel l’actuel locataire de l’Elysée rechigne à poser le pied, échaudé par les deux expériences passées en 2008 et 2009 : les rumeurs d’un accueil paysan musclé et de la possibilité de jets d’œufs sur M. Sarkozy en disent long sur le divorce entre monde paysan et République sarkozienne… Que ces incidents aient lieu ou non, en fait, n’a que peu d’importance mais le fait que cela soit possible montre que les Campagnes françaises n’acceptent plus d’être méprisées par celui-là même qui devrait, en bonne logique institutionnelle, en être le garant comme du territoire tout entier et de ses populations…
10:57 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : agriculture, salon de l'agriculture, politique, sarkozy, campagnes.