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27/08/2010

Le temps sans l'économie...

Mon séjour aoûtien à Lancieux, sur la côte d’émeraude, est une respiration nécessaire à la veille d’une année scolaire qui s’annonce sous des auspices peu favorables : être loin de l’agitation urbaine, se promener au fil des sentiers et des côtes, reprendre pied dans le monde des souvenirs en attendant de s’en créer d’autres, lire et méditer, réfléchir aussi aux perspectives d’avenir, autant professionnelles et politiques que personnelles, voilà ce que permet un certain détachement, un « désengagement du quotidien », certes temporaire mais véritablement reposant et bienvenu.

 

Les nouvelles du monde m’arrivent ainsi comme « atténuées », vidées d’une part de leur charge émotionnelle, comme si l’écoulement moins rapide du temps en défaisait la violence… Le calme de ce refuge lancieutin ne signifie pas la mise à l’écart du monde mais une perception différente de ce qui m’entoure et m’atteint, et je ne m’en porte pas plus mal ! Contraint de ne me rendre sur la Toile que quelques minutes par jour (il n’y a pas de connection internet à la maison), celle-ci ne me manque pas particulièrement et cela me libère un temps certain pour « faire autre chose » comme, par exemple, regarder le beau mais déroutant (voire bien plus que cela !) film intitulé « Mr. Nobody » qui ravive mes propres interrogations sur le temps (de plus en plus prégnantes à l’approche de la cinquantaine), les choix et les sentiments, le choix des sentiments en particulier…

 

Peut-on vivre ainsi longtemps ? Pourquoi pas ? Mais dans notre société habituée à la rapidité, la fluidité, une sorte de nomadisme constant de la pensée et de « bougisme », le présentisme et autres aspects de la modernité contemporaine, le fait de rester ancré dans un lieu et dans un temps ralenti, de « prendre son temps » qui est pourtant aussi un moyen de mieux l’appréhender sans y penser et de le vivre sans le craindre, ce fait-là apparaît « décalé » ou « nostalgique », voire pire ! « Ce temps-là est-il bien utile ? », me demandait un peu surpris et ironique il y a quelques années un ami versé dans les affaires : cette question me choque car je conçois mal que le temps doive se résumer à « l’utilité » comme je me scandalise de ce qui est devenu une injonction, « le temps c’est de l’argent ! ». Non, non, mille fois non ! Dans mon séjour lancieutin partagé entre promenades, baignades (rares malheureusement du fait des pluies trop fréquentes et des vagues trop fortes cette semaine), lectures et écritures, je ne compte pas mon temps, je ne le mesure pas aux nombres de lignes lues ou rédigées, je ne le monnaye pas en cafés ou en journaux !

 

Bien sûr, lorsque je serai à nouveau professeur devant mes classes, le temps sera découpé en tranches à peu près égales de cours et il prendra une valeur monétaire lié au salaire versé en proportion des heures effectuées : mais se contenter de ce décompte horaire serait fort frustrant, autant pour les élèves que pour le passionné d’histoire que je suis, heureux de faire partager, autant que faire se peut, mes connaissances sur les thèmes abordés par les programmes et surtout au-delà… J’aime à discuter après les cours tout comme pendant les cours : le programme importe moins que la curiosité qu’il s’agit de susciter, les réflexions d’amener, les savoirs de transmettre, les idées reçues (surtout celles qui traînent dans les médias ou dans les manuels, voire les programmes eux-mêmes) de critiquer et combattre. Le temps de ma fonction et de ma passion ne s’arrête pas au son de la cloche de fin d’heure, et je ne m’interdis pas de poursuivre dans les couloirs ou sur les pelouses du lycée Hoche, voire aux tables des cafés du soir.

 

Je me souviens d’une page du « petit prince » de Saint-Exupéry dans laquelle il est question de pilules contre la soif qui permettent d’économiser (mais ce verbe est aussi à comprendre comme la volonté de l’économique de primer toute autre activité sociale…) plusieurs minutes par jour : quand le marchand qui les propose demande au petit prince ce qu’il voudrait faire de ce temps « économisé », celui-ci répond qu’il marchera alors doucement vers une fontaine… J’aime cette réponse !

 

Pour l’heure, je vais, quant à moi, marcher d’un pas léger vers le bourg, un livre sous le bras, et le nez en l’air à respirer les odeurs de la terre mouillée, de la mer moutonnée par le vent et du goémon laissé sur le sable… J’espère, ce soir, assister à un beau coucher de soleil, sans compter les minutes que je passerai à contempler les derniers rais engloutis par l’ombre liquide quand le ciel rougeoie et peu à peu se laisse recouvrir par le manteau sombre percé d’étoiles… La beauté d’un temps aux couleurs changeantes qui ne se compte plus en minutes mais se respire en admiration et en bien-être…

 

17:04 Publié dans Blog | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : temps, argent, beauté, vie, prince.

17/08/2010

La Chine, 2e puissance économique du monde.

Depuis quelques jours, la nouvelle est officielle et s’étale aux « unes » de la presse, et pas seulement économique : « La Chine devient la 2e puissance économique du monde », titre ce mardi 17 août « Le Figaro » avant de développer cet événement en éditorial. Le dynamisme propre de la Chine et la crise économique ont, à eux deux, permis à l’Empire du Milieu d’accélérer sa montée en puissance et de se substituer aux pays occidentaux dits développés (fortement endettés et peu réactifs) sur les marches hautes de la hiérarchie mondiale même si les Etats-Unis restent encore au sommet de celle-ci.

 

Il n’est pas inintéressant de noter que la Chine se sert des règles de l’économie de marché pour conquérir de nouvelles positions tandis que sa structure politique reste celle héritée de Mao et de ses immédiats successeurs, c’est-à-dire un Etat autoritaire peu accessible à la critique et dirigé par un parti unique, le Parti Communiste, qui se veut garant de l’unité chinoise et de la « démocratie populaire » dont le sens ne correspond pas exactement à celui de « démocratie représentative » façon occidentale… De plus, la Chine pratique une forme de nationalisme économique (protection de ses prérogatives face aux investisseurs étrangers qui empêche ces derniers d’imposer leur loi à l’Etat ; patriotisme des consommateurs qui choisissent, quand c’est possible, un produit chinois plutôt qu’étranger ; politique active de recherche et développement impulsée par l’Etat central ; etc.) qui lui permet d’affronter la mondialisation sans crainte, ne serait-ce que parce qu’elle lui profite par le simple jeu d’un capitalisme qui a tendance à privilégier « le moindre coût pour le meilleur profit » sur les intérêts sociaux des travailleurs !

 

Les pays qui se disent libéraux se trouvent ainsi piégés par leur propre logique économique et n’ont plus guère de moyens efficaces de peser sur les dirigeants chinois : s’il y a pression sur ceux-ci, cela se fera de l’intérieur, par les travailleurs ou les classes moyennes de Chine, pas autrement !

 

Pour l’heure, la nouvelle affirmation et confirmation de la puissance chinoise ne doit pas nous aveugler et, au contraire, elle doit nous imposer de repenser non seulement notre politique économique nationale mais aussi notre politique tout court : la France n’est pas une rivale de la Chine mais elle peut, économiquement et diplomatiquement, représenter une alternative aux modèles capitalistiques chinois comme anglosaxons, une alternative aux empires états-unien et asiatiques, une « autre voie » et une médiatrice possible entre les grandes puissances et les petites nations. Encore faut-il qu’elle en ait, à sa tête, la volonté et les moyens institutionnels ! Puisqu’il n’y a pas de nouveau de Gaulle à l’horizon, la Monarchie royale politique serait le moyen de « figurer concrètement la France » et de lui redonner, par l’indépendance de sa magistrature suprême, la possibilité de parler et d’être entendue, donc reconnue

 

13/08/2010

Une messe à Lancieux.

Je profite de mon séjour en Bretagne pour lire, en particulier les ouvrages qui se sont accumulé ces derniers mois sur mon bureau et à ses pieds, et pour me promener, de la Côte d’émeraude à la Mayenne, de Rennes au Finistère, retrouvant des chemins anciens que mes jeunes années ont empruntés. Ainsi, mardi matin, sous une pluie battante, j’arpentais le marché de Lancieux et, comme à chaque fois, j’ai poussé la porte de l’église dans laquelle j’accompagnais ma grand-mère ou mon père le dimanche. A ma grande surprise, la voix du prêtre qui officiait était fortement accentuée : ce n’était plus l’accent chantant et légèrement traînant du recteur Castel, le prêtre de mon enfance, mais un autre accent qui arrondissait les mots et semblait les amplifier, leur donner une forme et une force étranges, presque magiques. Surprenant et réjouissant, aussi… Car, qu’au cœur de l’été, en un jour qui n’était pas un dimanche, une messe réunisse une bonne vingtaine au moins de paroissiens autour de l’autel, que ceux-ci soient attentifs et chantent de tout leur cœur des prières et des louanges à Dieu et à ses saints, c’est, en ces temps si peu aimables à l’Eglise catholique, une bonne nouvelle pour le croyant que je suis !

 

D’autant plus qu’aucun mot sur la porte de l’église n’annonçait cette messe quotidienne, et que c’est le policier municipal, celui que nous appelions le garde champêtre il y a quelques années encore, qui m’avait indiqué cet office inattendu alors que je m’inquiétais, quelques quarts d’heure avant la cérémonie, de voir close la porte habituellement toujours ouverte… Je n’y vois pas un signe du destin, mais bien une heureuse surprise et un signe d’espérance : dans une société qui ne pense le plus souvent qu’à consommer, qui oublie trop fréquemment le service des autres mais aussi ses particularités historiques et sa personnalité, cette simple messe m’a semblé très symbolique et réconfortante.

 

Mais il y avait un autre symbole : le prêtre qui officiait avec tant de ferveur, qui évoqua en quelques mots la question du malheur et de ses leçons comme des moyens de le surmonter, cet homme d’Eglise qui faisait vivre la parole de Dieu dans cette petite église bretonne de la Côte d’émeraude était d’origine noire-africaine. C’est son accent que j’avais entendu avant que de l’apercevoir et qui m’avait tant surpris ! Mais sa présence m’a aussi rappelé que l’un de mes copains d’enfance à Lancieux était de la même couleur mais n’avait aucunement l’accent que l’on prête aux personnes d’origine africaine. Je me souviens aussi que sa couleur, étonnante à l’époque dans ce petit village encore agricole et pêcheur, alors très « France profonde », n’a jamais, à ma connaissance, été un motif d’exclusion ou de raillerie : le racisme nous était, aux enfants que nous étions, inconnu et n’avait aucune raison d’être.

 

A l’heure où certains font des différences de couleur ou d’origine des motifs de repli communautaire et des arguments de revendications parfois fort agressives et dangereuses pour l’unité française elle-même, ce prêtre était la preuve vivante que le langage d’amour et d’espérance est encore possible et qu’il est même nécessaire aujourd’hui pour surmonter les défis du monde contemporain.

 

En écrivant cela, je ne tiens pas un discours religieux en tant que tel mais bien plutôt je me permets de faire un rappel politique, au sens le plus fort de « politique », celui qui naît au cœur de la Grèce antique, c’est-à-dire la vie de la Cité, son organisation, ses valeurs, ses fondements… Partisan d’une Monarchie royale d’abord politique et sans référence au « droit divin », je n’oublie pas que, sans la conscience du sacré d’une part, de la doctrine sociale de l’Eglise d’autre part, la Monarchie se priverait d’une partie de sa force et, sans doute, de sa légitimité, ce qui serait, pour le moins, regrettable !

 

Je vais retourner à la messe quotidienne de ce prêtre et je tâcherai de converser quelques minutes avec lui, sans doute dans un café proche puisque le presbytère vient d’être vendu, signe des temps… Sans doute aussi lui dirai-je mes espérances politiques dans lesquelles je vois certaines possibilités d’un « ordre social chrétien » (tel que l’a évoqué La Tour du Pin) sans que cela ne fasse de l’Etat un « obligé de l’Eglise », ce que la Monarchie française n’a d’ailleurs jamais autorisé dans son histoire multiséculaire…