25/02/2019
Comment peut-on encore être royaliste en 2019 ? Introduction : La République, un repoussoir ?
Comment peut-on encore être royaliste aujourd’hui ? C’est la question que j’ai beaucoup entendu ces dernières semaines, au moment où les Gilets jaunes avaient rouvert la possibilité du débat, comme une faille dans le globalitarisme ambiant, et que, dans les manifestations, dans la rue comme dans les cafés, la parole reprenait, un temps, le pouvoir, avant qu’elle soit à nouveau confisquée par le Pouvoir macronien dans un tourbillon de discours présidentiels et de manipulations médiatiques. Une question à laquelle j’ai toujours volontiers répondu, parfois trop brièvement, et qu’il ne me paraît pas inutile de traiter à nouveau, ne serait-ce que pour dissiper quelques malentendus et avancer quelques arguments en faveur d’une Monarchie royale qui, bien qu’encore trop lointaine, reste une solution institutionnelle possible et, à mon avis, souhaitable.
Il y a évidemment une réponse a contrario à la question posée plus haut : comment peut-on encore être républicain alors que la République, depuis une quarantaine d’années, semble incapable de penser au-delà de l’élection suivante et de définir une politique d’Etat digne de ce nom, susceptible de relever les grands défis contemporains, qu’ils soient économiques, sociaux ou environnementaux ? Ces quatre dernières décennies sont celles des occasions manquées et des renoncements multiples, et cela s’est traduit par un recul sensible de la position de la France dans le monde, alors même que notre pays a des atouts considérables dans la compétition internationale contemporaine et sur la scène diplomatique mondiale. La France possède le deuxième espace maritime du monde, elle a une métropole et des territoires d’Outre-mer qui lui donnent une grande diversité, autant de milieux que d’humains, et de grandes possibilités, énergétiques, agricoles, touristiques ; elle fait partie des cinq membres du Conseil de sécurité de l’ONU et sa langue reste une des langues majeures de la diplomatie comme de la culture ; elle est une terre d’inventeurs et compte nombre d’écoles et d’universités mondialement reconnues ; etc. Mais la France est en République… C’est bien là le nœud du problème, de ce que l’ancien ministre Alain Peyrefitte nommait « le mal français ».
La simple comparaison historique suffit largement à comprendre aisément en quoi la Monarchie royale, malgré ses nombreux défauts et insuffisances, est plus avantageuse pour notre nation que la République qui, au long de ses cinq déclinaisons et malgré quelques beaux (mais courts) moments, n’a su que consommer, voire consumer, ce que la Monarchie royale avait constitué et épargné. C’est d’ailleurs quand la République imite la Monarchie qu’elle est la plus convaincante et la plus efficace, comme une sorte d’hommage du vice à la vertu !
Mais être royaliste ne signifie pas céder à la nostalgie facile et rassurante d’une ancienne forme institutionnelle qui a fait ses preuves mais a fini par s’évanouir dans la mémoire de nos contemporains et dans la fumée des révolutions françaises. Il convient de raisonner, au-delà de l’histoire, en politique, et démontrer, après mûre réflexion, tout l’intérêt d’une Monarchie royale pour notre pays comme pour ceux qui y vivent : une démonstration qui mérite, le plus tôt possible, le passage aux travaux pratiques…
(à suivre : le refus de la nostalgie et l’actualisation monarchiste)
19:14 Publié dans Blog | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : gilets jaunes, contestation, réaction, république, royaliste.
22/02/2019
Benalla, c'est reparti !
C’était le feuilleton de l’été, c’est en train de devenir celui de l’Etat… L’affaire Benalla n’en finit pas de rebondir comme ces balles noires si populaires dans les années 1970 que l’on projetait contre le sol et qui aurait fait devenir fou le marsupilami ! Depuis mercredi soir, le « bel Alexandre » dort en prison, tout comme son compagnon d’infortune, ancien salarié du parti présidentiel, tandis que le Sénat a lancé, dans l’après-midi de ce même mercredi, une véritable offensive contre la Cour élyséenne, à laquelle, du haut de son porte-parolat, le féal Griveaux répond par un discours sur « les contre-vérités du Sénat » et son chef de gouvernement par un ton méprisant : quelle ambiance ! Quel triste spectacle d’une République qui parle de morale et pratique la petite vertu…
Cette affaire, qui n’est pas exactement une affaire d’Etat mais plutôt d’état d’esprit, mérite-t-elle toute l’attention que lui consacrent les médias ? Je n’en suis pas sûr, et je préférerai largement entendre évoquer les vrais débats sur la mondialisation, la place de la France dans le monde, les questions environnementales et sociales, plutôt que les ragots de cour et les rumeurs infâmes qui salissent, sans profit pour la France, la famille présidentielle. L’image de la magistrature suprême de l’Etat en sort abimée et celle de la France avec elle, et c’est l’un des grands scandales que l’on doit à la République !
Bien sûr, je ne confonds pas politique et morale, et j’ai en tête la fameuse formule d’Henri Vaugeois, souvent mal comprise d’ailleurs, « Nous ne sommes pas des gens moraux ». Parfois, la politique, au nom de la raison d’Etat chère au cardinal de Richelieu, conduit à des pratiques peu sympathiques et fort amorales, voire moralement condamnables. Mais, là encore, je sais faire la différence entre le service de la France et de son Etat avec le service d’un système qui se sert de la France plutôt que de la servir. Avouons que, dans l’affaire actuelle, nous voilà bien ennuyé de constater que la sauvegarde d’un système oligarchique, sous les ors du palais de Madame de Pompadour, a prévalu sur l’intérêt de l’Etat : les féodaux, au sens médiéval du terme, tiennent l’Etat, et Jupiter, que je crois inspiré autant par Machiavel que par Mazarin, n’arrive pas totalement à s’élever à la hauteur du souverain qu’il aimerait, sans doute, être. Est-ce sa simple faute ou celle d’un système qui a tendance, essentiellement, à « neutraliser » tout ce qui pourrait le fragiliser ? C’est là que l’on mesure la justesse du propos d’Emmanuel Macron dans l’été 2015 quand il évoquait les faiblesses de l’Etat depuis la Révolution : « Il y a dans le processus démocratique et dans son fonctionnement un absent. Dans la politique française, cet absent est la figure du roi, dont je pense fondamentalement que le peuple français n’a pas voulu la mort. La Terreur a creusé un vide émotionnel, imaginaire, collectif : le roi n’est plus là ! On a essayé ensuite de réinvestir ce vide, d’y placer d’autres figures : ce sont les moments napoléonien et gaulliste, notamment. Le reste du temps, la démocratie française ne remplit pas l’espace. On le voit bien avec l’interrogation permanente sur la figure présidentielle, qui vaut depuis le départ du général de Gaulle. Après lui, la normalisation de la figure présidentielle a réinstallé un siège vide au cœur de la vie politique. Pourtant, ce qu’on attend du président de la République, c’est qu’il occupe cette fonction. Tout s’est construit sur ce malentendu. » Si même Jupiter le dit…
19:46 Publié dans Blog | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : benalla, monarchie, roi, président de la république, oligarchie.
20/02/2019
Les classes moyennes en France. Partie 1 : la fin des illusions ?
Dans la profusion d’articles sur la révolte des Gilets jaunes, il en est quelques uns qui s’attachent à évoquer et à comprendre les causes profondes, et pas seulement conjoncturelles, de la crise en cours : tel est le cas de l’entretien (publié sur le site du Figaro Vox le 15 février) avec le sociologue Louis Chauvel sur les classes moyennes qui précise utilement la situation de ce « groupe social hétérogène, trop riche pour réellement bénéficier de la redistribution mais trop fragile pour espérer une ascension sociale », ce que l’ancien président Nicolas Sarkozy avait formulé en une phrase simple : « ceux qui, trop riches pour être pauvres, sont trop pauvres pour être riches ».
« Ces personnes soupçonnent qu’ils paieront des impôts que les élites économiques évitent, et que leurs efforts seront sans récompense, parce qu’ils sont au-dessus des seuils de solidarité » : c’est cette impression qui nourrit une grande part de l’inquiétude mêlée de ressentiment des classes moyennes, et qui a formé comme une immense poche de gaz sociale dont la brutale explosion en novembre dernier a fait trembler, un court moment, les murs de la République élyséenne. Et c’est la réalité du déclassement qui constitue le carburant d’une révolte qui n’a pas complètement cessé, faute de réponse sérieuse aux angoisses des classes moyennes fragilisées par les grands mouvements de la mondialisation et de la métropolisation : « La grande transformation [depuis la fin des Trente Glorieuses] a été le déclassement du salarié qualifié moyen. Sans accès au patrimoine (…) le seul travail salarié ne permet plus aux ouvriers comme aux ingénieurs d’accéder à un confort supérieur. (…) C’est au centre de la pyramide que la tension entre les espoirs déçus et les réalités est la plus forte. Une année de travail salarié moyen permettait d’acheter neuf mètres carrés de logement parisien dans les années 80, et plus que trois aujourd’hui. ». En somme, le travail salarié a été victime d’une mondialisation dans laquelle l’actionnaire a pris le pas sur ceux qui vivent de leur force ou de leur intelligence de travail, et, pour la France, il ne paraît pas impossible de dater l’accélération de ce processus des années Mitterrand, quand s’étiolent les idéologies du partage et de la redistribution (ou, plus simplement, de la justice sociale, formule chère au cœur des royalistes), idéologies ou doctrines subsistantes mais dépassées par le désir des élites de moins en moins nationales de rejoindre le modèle de « réussite » anglosaxon, une réussite indexée avant tout sur l’argent-capital : c’est le temps des « gagneurs » qui remplacent les « meilleurs » ! Désormais, être un « gagneur » s’apparente à gagner le plus d’argent possible, « la » valeur finale, quand les « meilleurs », parfois symboles d’un monde ancien ou d’une culture traditionnelle, semblent ne pas prêter la même attention à cette « valeur-là », à leurs yeux trop corruptrice : l’abbé Pierre ou sœur Emmanuelle sont « nos meilleurs » dans ces années 1980-2000 quand Bernard Tapie ou Robert Maxwell, de l’autre côté de la Manche, se veulent les « gagneurs » qui, d’une certaine manière, termineront mal, le premier déconsidéré, le second opportunément noyé… Mais, déchus, les gagneurs n’entraînent pas le système dans leur chute, bien au contraire, et celui-ci survit et se nourrit de cette séduction faustienne permanente pour ce que Maurras nommait « le vil métal ».
Mais désormais, le travail ne paie plus directement ou « aussi bien qu’avant » celui qui l’effectue, mais bien plutôt celui qui exploite le travail d’autrui et en tire profit : les classes moyennes, attachées à un modèle de société de consommation auxquelles elles ont été habituées depuis les années Cinquante et qui les rend dépendantes d’icelle, consentent aux efforts durant un temps relativement long avant que de risquer la contestation lorsque leur ressentiment (ou leur déception), trop longtemps ignoré des gouvernements successifs, se cristallise brusquement (brutalement, même) sur ce qui semble un « détail » mais devient symbole aux yeux des « hommes communs », que cela soit le prix du carburant, la hausse annoncée d’une taxe ou la limitation à 80 kilomètres par heure. Le fait que ces décisions « d’abord technocratiques » soient prises par un « Pays légal » qui paraît trop parisien pour pouvoir respecter les provinces et se faire comprendre du « Pays réel » (dans sa pluralité), aggrave le sentiment d’injustice, qu’elle soit territoriale ou sociale (ou les deux à la fois).
Ainsi, « Les « gilets jaunes » ne sont pas des nostalgiques du monde d’hier qui auraient tout à perdre, mais au contraire un conglomérat d’individus conscients d’être la double victime désignée de notre temps : beaucoup leur est demandé pour soutenir le système, sans que grand-chose ne leur soit restitué. Par exemple, ils s’attendent à ce que, après avoir tenu le système de retraite à bout de bras, lorsqu’à leur tour ils devront y puiser, la caisse ne soit vide. » Ce ne sont pas des bénéficiaires des aides sociales ou des « prolétaires » mais des salariés qui constatent que les promesses de la société de consommation et d’abondance, promesses apparemment tenues durant ce que l’on nomme un peu facilement et sans doute injustement les « Trente Glorieuses », ne sont plus que des rêves évanouis. Reste alors la frustration, ce moment compliqué d’un réveil de lendemain de fête, bouche pâteuse et angoisse affleurante…
Le prochain débat sur la réforme des retraites pourrait bien, ainsi, rouvrir le champ des inquiétudes et des désappointements, et nourrir, peut-être, de nouvelles colères au-delà même de celle qui s’est couverte de jaune fluo sur les ronds-points : c’est ce que paraît évoquer Louis Chauvel en parlant, à propos de la révolte des Gilets jaunes, de « véritable séisme social que l’on sentait venir ». Et il ajoute dans le même mouvement une sorte d’avertissement : « Mais ce n’est pas encore le « Big One » (1) auquel il convient de se préparer. » N’est-il pas temps, alors, de réfléchir aux moyens concrets de répondre à cette « insurrection » qui s’annonce, et qui pourrait bien ouvrir la voie à une alternative, idéologique, politique et sociale, aux idéologies dominantes contemporaines ? Comme si les Gilets jaunes avaient ouvert, peut-être sans le savoir et de manière impensée, un nouveau cycle historique qui pourrait bien prendre le contrepied des principes de 1789-1793… Une révolution rédemptrice, qui mènerait à une Contre-Révolution française ?
Notes : (1) : Le « Big One » désigne le grand tremblement de terre dévastateur qui devrait, selon les scientifiques, frapper la côte Ouest des Etats-Unis d’ici quelques décennies (ou années), et, par extension, il prend ici le sens d’un événement fortement déstabilisateur du monde d’aujourd’hui, voire d’un cataclysme social et politique…
22:05 Publié dans Blog | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : gilets jaunes, classes moyennes, révolte, argent.