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31/07/2015

La lutte contre le chômage est d'abord politique !

Le chômage intéresse-t-il encore les économistes ? J'en doute de plus en plus, et j'ai constaté que, dans les classes préparatoires et en particulier dans les filières qui mènent à HEC, la question du chômage est traitée en quelques lignes sibyllines dans les manuels disponibles, au point que poser des sujets d'oraux sur ce thème déstabilise facilement les étudiants : la croissance semble être, ou presque, le seul but à atteindre, et qu'importent les moyens et les dommages collatéraux ! Rien d'étonnant alors que la période de forte croissance économique des années 50 aux années 70 ait été baptisée « les trente glorieuses » quand on sait désormais (mais on le savait aussi avant !) qu'elles furent aussi les années les plus destructrices de l'environnement en France, des espaces comme des espèces (et particulièrement celles qui peuplaient les fermes et les champs), et qu'elles ont provoqué cette « seconde Révolution française » qui a bouleversé, et pas forcément pour le meilleur, notre société, ses équilibres et une grande part de ses beautés, tout comme la sociabilité, aujourd'hui bien mal en point...

 

Néanmoins, avec la fin des « trente glorieuses » si mal nommées, le chômage, qui n'avait pas disparu mais s'était fait plus rare, est devenu, en quelques années, un chômage structurel, durable et désormais pérenne, comme un pilier majeur de ce système économique, pilier qui permettrait, étrangement, de maintenir celui-ci en étouffant, par la crainte de l'exclusion sociale que provoque le chômage dans notre société de plus en plus anomique et anonyme, toute velléité de révolte et de révolution : la société de consommation, et Jack London l'avait tôt compris (et si amèrement qu’il se suicida) à la suite de Ford, est le meilleur moyen d'asservir les individus, et la peur de « ne plus y être » désarme toute alternative politique, au moins jusqu'à un certain point...

 

Aujourd'hui, le chômage touche officiellement près de 6 millions de personnes dans notre pays, sans que la République n'en soit ébranlée : la société de consommation « amortit » les chocs, ainsi que les différentes et utiles aides financières pour les chômeurs, même si celles-ci se font plus restreintes avec le temps. Doit-on se contenter de ce constat ? Personnellement, je refuse ce fatalisme qui, depuis la petite formule de M. Mitterrand qui affirmait que tout avait été tenté contre ce fléau, n'a cessé de s'enraciner jusqu'à se banaliser. Mais ce refus ne sert à rien s'il n'est étayé par des propositions : mon intuition est que la solution n'est pas « une » mais plurielle, et qu'elle nécessite une impulsion plus politique que simplement économique. Car s'appuyer sur le seul calcul économique est, en fin de compte, vain, ne serait-ce que parce que l'économie n'a pas pour rôle, aujourd'hui, de réduire le chômage ou de donner du travail à tout le monde, mais de faire fonctionner la mondialisation et d'assurer la croissance, terme polysémique que l'on confond trop souvent avec la prospérité alors qu'elle ne l'est pas exactement pour tous...

 

Si l’État ne peut pas tout et n'a pas pour fonction de tout faire en économie, car l'étatisme est une maladie d'hypertrophie de l’État et non la preuve de son efficacité (bien au contraire!), il peut susciter, motiver et lancer, ou soutenir, de grandes initiatives économiques, productrices et distributrices, et une grande politique d'aménagement du territoire (parler « des » territoires serait d'ailleurs plus juste) qui me semble la clef de l'emploi et du travail au sens le plus large du mot : c'est vrai pour l'agriculture qui pourrait, si l'on veut bien rompre avec un modèle productiviste antisocial par principe, redevenir source majeure d'emplois pérennes et permettre un « redéploiement rural » qui redonnerait vie à des campagnes et des villages aujourd'hui en danger de mort par dévitalisation et désertification ; c'est vrai aussi pour des activités artisanales et industrielles qui, combinées avec un système de commercialisation « de proximité », peuvent se déployer au plus près des grands centres de consommation des Français ; etc.

 

Encore faudrait-il que l’État soit assez fort et volontaire pour jouer efficacement son rôle, et qu'il dispose d'une autorité politique suffisante pour s'imposer à des puissances économiques et financières qui ont tendance, de plus en plus, à s'émanciper des territoires et, au-delà, de leurs devoirs sociaux. La République n'est plus aujourd'hui crédible en ce domaine, ayant renoncé depuis longtemps à infléchir le cours de la mondialisation et préférant n'être que le gouvernorat d'une Union européenne trop « libéraliste » pour être vraiment sociale... Or, la lutte contre le chômage nécessite de rompre avec les logiques de la seule croissance et d'un libéralisme qui, en pratiquant le « laisser faire, laisser passer », oublie trop souvent les personnes, leur mode de vie et leur enracinement, en somme leur humanité propre...

 

 

 

 

 

17/07/2015

La retraite à 67 ans : socialement absurde en Grèce comme en France.

La Grèce, prisonnière de son endettement et des institutions européennes qui ne lui font (et feront...) aucun cadeau, est redevenue le laboratoire d'un libéralisme de plus en plus violent, encore plus arrogant depuis la « victoire de l'Europe » (sur la Grèce...) vantée par M. Hollande dans un exercice d'autosatisfaction qui promet bien des désillusions. Ainsi, l'âge du départ à la retraite des Grecs sera désormais de 67 ans... Pour ceux qui me lisent régulièrement, ils se souviendront que, depuis le début 2011, je dénonce ce projet (qui n'est pas nouveau) défendu par la classe dirigeante allemande, la Commission européenne et les divers patronats d'Europe pour qui ce n'est qu'un « début », certains prônant le passage à 69, voire 70 ans, tandis qu'il était évoqué, en France il y a quelques mois, par les services de Mme Marisol Touraine, la possibilité de retarder le départ à la retraite des chirurgiens à... 72 ans !

 

Si le choix était laissé, librement, aux personnes concernées, et qu'elles l'acceptent, pourquoi pas ? Je crois me souvenir que mon grand-père n'a jamais pris sa retraite et qu'il était encore en activité quelques semaines avant d'être emporté par la maladie, à 75 ans... Mais, dans le cas grec et dans les propositions insistantes du Medef et des fonctionnaires européens (qui, eux, gardent un système de retraites très avantageux !), cet âge de départ serait inscrit dans le marbre de la loi et n'ouvrirait de droits à toucher une pension, d'ailleurs pas forcément pleine et entière, qu'à partir de celui-ci, ce qui est proprement dément quand on connaît le taux de chômage en Grèce et plus généralement en Europe, et la difficulté à retrouver du travail après 50 ans !

Ce qui est certain, c'est que « la stratégie du choc » et du chantage pratiquée par l'Union européenne sous domination allemande permet de véritables « avancées » libéralistes qui m'apparaissent comme autant de régressions sociales, et je sais trop bien que la France en sera sans doute prochainement (après l'élection présidentielle et les législatives de 2017 ?) la victime, toujours « au nom de l'euro » et de « l'application des traités ».

 

La retraite à 67 ans comme obligation légale est un véritable scandale, qui repose sur quelques malentendus ou (et ?) manipulations. L'argument d'un accroissement permanent de l'espérance de vie est l'un de ceux-ci, ne serait-ce que parce que, dans le même temps, l'espérance de vie en bonne santé est aujourd'hui, en France, de 62 ans et 5 mois, donc bien inférieure à 67 ans ! De plus, et je reviens sur ce fait indéniable, les personnes de plus de 50 ans, réduites au chômage, ont de moins en moins de chances et de possibilités de retrouver un emploi stable dans leur branche d'activité initiale ou dans une nouvelle fonction pour laquelle leur formation peut être plus ou moins longue, au risque d'accroître la période de non-emploi et, donc, de les pénaliser encore dans le calcul de leurs retraites...

 

Un autre point, peu évoqué par les économistes, c'est le déséquilibre de l'espérance de vie selon le métier et la catégorie sociale : un professeur ou un cadre peut espérer vivre, en moyenne, près de sept ans de plus qu'un ouvrier... Or, ces derniers sont ceux qui, en double peine pourrait-on dire, ont le plus le malheur de connaître une période longue de chômage, en particulier en fin d'activité professionnelle, et qui risquent aussi le plus d'accidents du travail, parfois lourdement handicapants : cela explique en partie la différence d'espérance de vie avec d'autres salariés, même si c'est souvent la dureté des conditions de travail (sur les chantiers par tous les temps, y compris en période de canicule ; dans les usines avec des gestes répétitifs qui peuvent entraîner de lourds problèmes squeletto-musculaires ; etc.) et la difficulté à pouvoir se nourrir de façon équilibrée qui l'expliquent encore plus sûrement...

 

Faut-il adapter l'âge légal de départ à la retraite à la profession exercée ? Cela peut être une réponse intelligente, même si elle ne peut avoir son plein effet positif que si elle s'inscrit dans une stratégie économique et sociale (l'un ne devant pas être complètement disjoint de l'autre) plus générale et dans une logique qui n'oublie pas les personnes, les familles et, tout simplement, la vie...

 

 

 

 

(à suivre : quelques arguments supplémentaires contre la retraite légale à 67 ans.)

 

 

 

14/10/2014

Quelques petites propositions contre le chômage.

 

Les embarras du gouvernement Valls sur le front du chômage ne me réjouissent pas, loin de là. Bien sûr, je pourrai insister sur le « Je vous l'avais bien dit », mais cela n'apporterait pas grand-chose au débat et ne ferait pas reculer ce fléau social qui, aujourd'hui, touche directement près de 6 millions de nos concitoyens et en affecte encore plus, dans les familles, les quartiers, les communes. Je connais trop de gens qui, chaque soir, se couchent en se demandant si, le lendemain matin, ils auront encore leur emploi, pour rire des malheurs de MM. Hollande et Valls sur ce sujet. Mais cela ne m'empêche pas de penser et de dire qu'ils font, à mon avis, fausse route et qu'ils risquent bien d'aggraver plus encore une situation déjà hautement dramatique.

 

La critique est facile quand l'art est difficile, dit-on, et ce n'est pas faux ! Berthold Brecht affirmait, quant à lui, que « Seul celui qui propose a droit à la critique », ce qui, bien que cette formule ait figuré en en-tête des tracts monarchistes de la « Génération Maurras » que je distribuais à Rennes dans les années 1990, me semble désormais un peu réducteur, mais mérite tout de même quelque considération : il est effectivement énervant d'entendre les « y'a qu'à » et les « faut qu'on » de tous ceux qui ne sont pas aux responsabilités et n'envisagent pas d'y être demain, et qui se contentent surtout de morigéner quand il faudrait mobiliser idées, propositions et initiatives de tous les acteurs de la vie professionnelle, économique et sociale, pour ouvrir de nouveaux chantiers, à tous les sens du terme, autant intellectuels que pratiques...

 

Sans doute faut-il envisager de repenser le modèle économique actuel, trop « centralisé » sur la métropolisation et trop dépendant d'une mondialisation qui a cessé d'être heureuse pour nos concitoyens et qui, à travers les délocalisations et la recherche de la rentabilité à bas coût, détruit les équilibres sociaux de notre pays : c'est par un aménagement du territoire intelligent et soucieux d'exploiter les potentialités multiples de notre pays et de ses diversités qu'il est possible de redonner du souffle à toute politique de l'emploi en France. Par exemple, pourquoi ne pas relancer la culture du chanvre en Berry et y implanter les structures de transformation industrielle de celui-ci pour fournir les entreprises de bâtiment en matériau isolant naturel de haute qualité qui, à plus ou moins long terme, pourrait remplacer certains bétons, surtout à l'heure où le sable devient une ressource de plus en plus rare...

 

Pourquoi ne pas promouvoir une nouvelle ruralité qui permettrait de redonner vie à de nombreux villages aujourd'hui en déshérence ? Le télétravail, par exemple, peut permettre de maintenir des secrétaires, des comptables, des ingénieurs... au cœur des campagnes tout en intervenant au sein de leurs entreprises ou de leurs administrations par le biais des nouvelles technologies de l'information et de la communication. En même temps, cela peut relancer une vie associative locale, autoriser au maintien (ou à la recréation) de services publics, d'écoles maternelles ou primaires, ou de petits commerces de proximité, etc.

 

Il me semble que, dans notre pays, ce ne sont pas les idées ou les bonnes volontés qui manquent, et encore moins les potentialités : les littoraux, les montagnes, les campagnes, etc. attendent parfois qui leur rendra vie et vitalité ! Voici l'aventure française de demain, d'une certaine manière...

 

Si l’État ne peut pas, et n'a pas vocation à tout faire, il lui appartient de susciter, de stimuler, de soutenir autant que faire se peut, les initiatives individuelles, familiales ou associatives qui peuvent permettre de redonner souffle et santé à la société et à l'économie françaises. Il appartient aussi à l’État de dénoncer, non par la simple parole mais par des actes forts et révélateurs, le fatalisme, ce mal qui fait tant de tort à notre nation...