05/09/2011
"Peut-on sauver la Grèce ?"
La Grèce n'en finit pas de s'enfoncer dans la crise, malgré tous les efforts des dirigeants de la zone euro et les plans successifs d'austérité qui saignent littéralement la population sans guérir le malade... L'éditorial du « Figaro » de samedi matin (3 septembre 2011) n'est guère optimiste, c'est le moins que l'on puisse dire, sur l'avenir de ce pays et, plus largement et plus implicitement, sur celui-là même de la zone euro, voire de l'Union européenne : « Peut-on sauver la Grèce ? Les dernières nouvelles en provenance d'Athènes, pour le moins décourageantes, ont de quoi semer un sérieux doute dans les esprits les plus europhiles. Alors que tous les dirigeants de la zone euro s'efforcent de « vendre » à leur opinion publique et à leur représentation nationale le plan d'urgence voté dans la douleur en juillet dernier, le pays, totalement désorganisé, se délite à grande vitesse. »
Oui, vous avez bien lu : « totalement désorganisé »... En somme, l'Etat grec n'est plus maître de rien : les grèves des jours derniers, la contestation grandissante d'une population financièrement exsangue, la désespérance sociale des jeunes du pays et l'émigration qui en est la conséquence directe, tout cela montre l'échec des plans destinés, non à sauver les salariés grecs mais d'abord et surtout (seulement ?) la monnaie unique, construite trop rapidement et sans grande précaution, suivant l'idée que sa seule existence résoudrait bien des problèmes quand, en fait, elle en a créé d'immenses, aujourd'hui « hors de contrôle » comme l'est la situation en Grèce.
L'éditorialiste du jour continue son triste constat : « Non seulement le gouvernement grec est incapable de tenir les engagements pris à l'égard de ses créanciers – qu'il s'agisse de lever correctement l'impôt ou d'engager des privatisations -, mais en plus l'économie s'effondre et les déficits ne se résorbent pas. » L'austérité s'avère ainsi contreproductive, faute d'un Etat assez solide pour rassurer ses citoyens contribuables et les défendre socialement contre les effets les plus malheureux de la crise : la Grèce paye aussi là les conséquences d'un système politique plus fondé sur le clientélisme et l'oligarchie de quelques grandes familles qui se partagent le Pouvoir, au gré des alternances politiciennes et électorales, que sur le débat d'idées et le service de l'Etat. République corrompue par nature, l'Etat grec n'a pas cette légitimité qui serait bien nécessaire pour être suivie dans l'effort par ses citoyens et reconnue sérieuse et souveraine par ses partenaires européens, aujourd'hui si peu enclins à être solidaires avec ce que les Allemands nomment ironiquement, voire méchamment, « les cueilleurs d'olives »... On touche d'ailleurs là aussi à l'une des erreurs de conception de la monnaie unique et de la zone euro qui est d'avoir mêlé des économies bien différentes, voire divergentes, au risque d'accroître des déséquilibres antérieurs et de masquer, provisoirement, les dérives de certains Etats ayant pris l'habitude de vivre à crédit en pensant que la bonne gestion des autres suffirait, dans la zone monétaire de l'euro, à garantir la bonne santé de l'ensemble et de toutes les parties prenantes à la monnaie unique... Dérives que n'a pas empêché la Commission européenne pourtant prévenue dès le départ des tricheries et des faiblesses du système étatique héllène !
La semaine prochaine risque à nouveau d'être déterminante pour la Grèce et toute la zone euro alors même que le Sommet européen extraordinaire de la fin juillet était évoqué par les experts et journalistes comme la « fin de cette crise » : moins de six semaines et, pour la France, malgré 15 milliards d'euros promis aux Grecs, auront suffi pour ruiner les espoirs des Européens ! Voilà de quoi faire réfléchir, une fois de plus, aux errements de ceux qui ont tant cru en leur idéologie d'un « euro miracle » et qui prônent désormais une véritable fuite en avant en évoquant une « gouvernance européenne » dont on sait trop bien qu'elle serait la dépossession des Etats et des citoyens de leurs souveraineté...
Comme le souligne l'éditorial du « Figaro », « au train où vont les choses, tous les ingrédients sont réunis pour provoquer une nouvelle tempête sur les marchés financiers, selon un scénario désormais bien connu. Le poison de la défiance ne tardera pas à se diffuser à d'autres pays de l'euro (...) ». D'ailleurs, Chypre est aussi en difficulté, son économie étant très liée à celle de la Grèce ! Il n'est pas impossible que ce petit pays entré dans la zone euro en 2008 demande bientôt à son tour l'aide de l'Union européenne, en attendant l'extension de cette crise à l'Espagne ou à l'Italie... Scénario catastrophe qu'il ne faut évidemment pas souhaiter mais qui n'est pas totalement improbable !
Certains économistes prônent désormais une sortie provisoire de la zone euro de quelques pays, dont la Grèce, tandis que d'autres parlent d'en finir avec « l'euro monnaie unique » pour passer à ce que le Royaume-Uni réclame depuis les années 90, c'est-à-dire « l'euro monnaie commune », chaque pays gardant un certain contrôle sur sa politique monétaire. Quoi qu'il en soit, les Etats ne pourront faire éternellement l'économie d'un véritable débat sur l'euro et, au-delà, sur l'Union européenne : une « Europe légale » qui serait trop déconnectée de « l'Europe réelle » (et c'est déjà le cas aujourd'hui !) pourrait bien mener à des catastrophes politiques et sociales dont l'Union européenne elle-même risquerait d'être la première victime...
11:59 Publié dans Blog | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : grèce, crise, dette, zone euro, colère.
02/09/2011
Madame Parisot l'a dit : l'Europe patronale, c'est l'Europe fédérale (et inversement)...
L'Université d'été du MEDEF est marquée, cette année, par l'actualité économique européenne et, surtout, par la volonté de madame Parisot de faire triompher l'idéologie du fédéralisme européen qui, faut-il le souligner, n'a pas grand chose à voir avec le fédéralisme traditionnel français... Idéologie est bien le mot approprié car cet eurofédéralisme repose sur des présupposés que les réalités ne confirment pas vraiment... Bien sûr, le politique a besoin d'imagination, voire de rêve, mais il faut, l'histoire nous l'enseigne, se méfier des utopies quand elles oublient les hommes ou veulent plier ceux-ci à des règles qu'ils refusent intimement parce qu'ils sentent qu'elles atteignent à leur être propre, à leur manière d'être au monde, à leurs libertés... mais aussi à leurs intérêts les plus élémentaires et qui ne sont pas que matériels !
Quelle est d'ailleurs l'Europe fédérale que souhaite madame Parisot ? Il ne s'agit évidemment ni d'une Europe fondée sur une culture qui serait commune ou, plutôt, dominante (il est difficile de définir véritablement une « culture commune » entre des nations, des peuples, des histoires aussi diverses que celles du continent européen), ni d'une Europe-puissance à la sauce gaullienne, éminemment politique, indépendante et souveraine face aux empires extérieurs...
L'Europe fédérale que veut la patronne des patrons est une Europe d'abord « patronale », c'est-à-dire au service de ses entreprises et d'une certaine idée de l'économie, bien loin de « l'esprit de Philadelphie » ou de la notion de « partage » chère aux chrétiens et rappelée récemment encore par le pape Benoït XVI dans l'encyclique « Caritas in veritate » . Je ne suis pas de ceux qui voient dans les patrons des sortes de diables avides de la sueur et du sang des ouvriers pour remplir leurs caisses, mais il faut bien reconnaître qu'une part non négligeable du grand patronat actuel ne réfléchit qu'en termes de coûts et de profits, ces dirigeants d'entreprises étant souvent prisonniers (victimes consentantes ?) et acteurs tout à la fois d'une logique actionnariale qui, par principe, repose sur l'idée de « gagner plus » sans se soucier des moyens employés à cette fin...
Cette Europe fédérale voulue par madame Parisot se conjugue avec l'idée d'une « gouvernance économique européenne » dont il est évident qu'elle s'émancipera (plus encore qu'aujourd'hui ce n'est le cas dans le cadre des institutions de l'Union européenne) des Etats et des peuples, de ces structures nationales qui, quels que soient leurs qualités et défauts respectifs, restent le moyen privilégié du dialogue civique et, si on le veut bien, l'utile bouclier social contre les abus des puissances de la finance et de l'industrie. Elle sera aussi la défaite d'une certaine conception du politique, celle-là même qui voulait que « la politique de la France ne se fait pas à la Corbeille » (c'est-à-dire à la Bourse), ni ailleurs qu'en France...
De plus, il est remarquable que l'Europe fédérale de madame Parisot accorde bien peu de place au « social », et en particulier au « syndical » : il est évident que l'Europe fédérale ne sera pas sociale, si elle est d'abord économique ou (et ?) patronale !
Il est fort possible qu'une partie de la résolution de la question sociale contemporaine passe aussi (mais pas seulement !) par le biais de l'Europe, de coopérations entre Etats de l'Union européenne (voire au-delà) et d'aménagements économiques, fiscaux et sociaux, mais il serait dangereux et vain de limiter la construction européenne à ce seul « fédéralisme » quand existent d'autres formules, en particulier confédérales, sans doute plus équilibrées et socialement justes...
16:08 Publié dans Blog | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : crise, europe fédérale, patronat, fédéralisme.
17/08/2011
Maîtriser le temps pour mieux affronter la crise...
A l'heure où la chancelière allemande et le président français annonçaient leurs projets pour défendre l'euro monnaie unique, se déroulait une émission de « Cdansl'air » fort instructive sur le rôle possible de l'Allemagne dans le règlement de la crise actuelle et les réticences des Allemands à s'engager plus avant dans le sauvetage de l'euro.
L'une des questions SMS posées en fin d'émission évoquait la possible nécessité pour la France de revenir au septennat pour renouer un tant soit peu avec le long terme aujourd'hui redevenu un élément important de la gestion et de la résolution des crises et de la mise en oeuvre des politiques économiques et sociales des pays de la zone euro.
Que la question ait été posée est un élément intéressant, révélateur d'un changement progressif d'état d'esprit, même si cela reste encore timide : le long terme était, il y a peu, négligé dans la réflexion politique parce que l'époque était à l'immédiateté et au zapping, à cette sorte d'impatience permanente qui correspond tant à la société de consommation « pressée et pressante » : mais les événements récents démontrent à l'envi que le court terme est souvent plus propice à l'affolement, à cette maudite panique qui s'avère mauvaise conseillère en économie comme en politique.
Renouer avec le long terme, c'est refuser de céder à la panique, c'est prendre le temps des grandes décisions, c'est distinguer la vitesse de la précipitation. C'est aussi accepter de ne pas tout avoir tout de suite : ce n'est pas un renoncement, c'est une forme d'humilité mais aussi de reconnaissance du simple fait que, comme pour la nature, « on ne commande au temps qu'en lui obéissant », ce que François Mitterrand avait jadis résumé par la formule « laisser du temps au temps ».
Alors, le septennat plutôt que le quinquennat ? Le philosophe Michel Serres, quand il évoquait il y a quelques années la nécessité de politiques de long terme, affirmait qu'il fallait voir au-delà même du quart de siècle : cela nécessite une traduction institutionnelle, et cela ne peut être, dans la tradition politique française, que la Monarchie royale qui, par son principe de permanence dynastique (« le roi est mort, vive le roi »), accompagne le temps pour mieux le maîtriser, et permet de « voir loin »...
Le quinquennat actuel de la magistrature suprême de l'Etat, qui devait permettre une respiration plus rapide de la démocratie, a montré ses limites, particulièrement en temps de crise, parce qu'il a « raccourci le souffle » de l'Etat : cela n'est pas irrémédiable si l'on ne limite pas sa réflexion à la seule République, désormais trop essoufflée pour tenir la distance...
13:33 Publié dans Blog | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : crise, zone euro, temps, durée, dettes, septennat, monarchie.