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31/10/2009

Comprendre et combattre la crise.

J’étais mercredi dernier à Rennes, ma ville natale, pour quelques heures consacrées à ma famille, mes amis et, bien sûr, au combat politique : j’assumais ce dernier par la tenue d’une conférence-discussion autour du thème de « la crise », thème sur lequel je me suis penché avec insistance ces mois derniers à travers mes lectures et mes prises de notes. Ainsi, durant environ deux heures, dans la belle salle du premier étage du Piccadilly, ce café qui a vu tant de mes « aventures » politiques (entre autres…) des années 80-90, j’ai présenté quelques éléments pour saisir le sens de ce que nous appelons la crise, ses conséquences et les propositions qu’il est possible d’avancer pour en amortir les effets en France, tout cela devant quelques personnes fort attentives et, parfois, heureusement participatives.

 

Voici un petit résumé, forcément incomplet, de mes propos :

 

 

« L’étymologie du mot « crise » nous apprend que celui-ci signale une séparation entre un « avant » et un « après », ce que le théoricien marxiste Gramsci résumait en assurant qu’elle « est ce qui sépare le vieux du neuf ». En fait, celle que le monde voit rouler et se dérouler depuis quelques années, peut aussi être comprise comme le transfert de richesses et de puissance des pays du Nord, anciennement industrialisés, vers ceux du Sud, en fait plus exactement les puissances dites « émergentes » (mais le terme, dans ces cas-là, commence à dater un peu…), soit la Chine, l’Inde, le Brésil… Dans toute crise, il y a des gagnants et des perdants ! Doit-on y voir, aussi, l’application idéologique d’une forme de « darwinisme » économique et social à l’échelle de la planète ?

 

Pour autant, la crise, apparue bien avant la faillite de la banque Lehman Brothers à l’automne 2008, est multiforme : financière, économique mais aussi sociale, voire politique et géopolitique. Elle apparaît, pour nombre d’observateurs, comme révélatrice des déséquilibres d’un monde qui se veut global, au détriment parfois des équilibres internes des continents et des nations. Est-elle une « crise du système » capitaliste, libre-échangiste et consumériste ? Elle semble plutôt être une « crise systémique » qui, en soi, ne remet pas en cause le capitalisme lui-même ni la société de consommation mais se contente de les « purger » ou de redistribuer les cartes, cette fois au détriment de nos pays et de nos populations… On peut peut-être le regretter mais il semble bien que cela soit ainsi, et peu de nos concitoyens remettent en cause l’esprit même du capitalisme libéral malgré quelques grincements de dents : pas de révolution à l’horizon, semble-t-il !

 

L’actuelle redistribution des cartes au plan mondial se fait au bénéfice des puissances émergentes, et que le G8 ait définitivement cédé la place au G20 en est un indicateur non négligeable : cela cache-t-il un G2 Chine-Etats-Unis qui est souhaité beaucoup plus par Washington que par Pékin ? Ce n’est pas exclu…

 

Face à cette crise multiforme (qui prend parfois aussi des aspects de « crise de civilisation », même si nos concitoyens n’en ont pas encore conscience), que faire ?

 

L’Union européenne, pour l’heure, semble peu réactive en tant que telle, et ce sont les pays membres qui, par des politiques de relance et d’endettement, affrontent réellement les problèmes. Le temps du « libéralisme sans contraintes » est, apparemment (je précise bien « apparemment » : reste à voir ce qu’il en sera sur la durée), dépassé et c’est plutôt au retour de l’Etat-pompier auquel on assiste, avec des « dérives déficitaires » parfois inquiétantes, faute de politique vraiment fondée sur le « long terme » dans la plupart des cas, en particulier en France.

 

La France n’est pas épargnée par la crise et ses conséquences, en particulier sociales, avec la montée de la précarité et l’augmentation du chômage, principalement dans le domaine industriel, d’où un sentiment de malaise et d’inquiétude, voire d’amertume et de révolte, d’une révolte qui a du mal à trouver une traduction politique concrète.

 

Les royalistes pourraient se contenter de se joindre au fatalisme ambiant et renoncer à toute réflexion sur ce sujet, en attendant la reprise tant annoncée… cela ne correspond ni à leur tradition ni à leur politique, heureusement ! D’où, au-delà des analyses sur la crise, la volonté de trouver des solutions réalistes mais aussi imaginatives, tout en respectant le principe fondamental, rappelé aussi par la récente encyclique pontificale : « L’économie doit être d’abord au service des hommes, et non l’inverse ».

 

La politique monarchiste tient en quelques propositions simples, qui ne cherchent pas à « faire système » mais plutôt à « faire force » pour le pays et son économie :

 

-         Néocolbertisme intelligent et adapté aux réalités du moment, dans lequel l’Etat n’est pas le « patron » mais bien plutôt celui qui lance les projets et l’impulsion, qui aide et arbitre, qui fixe des cadres et quelques objectifs simples mais laisse la direction aux entrepreneurs (sous réserve qu’ils acceptent le cadre général fixé par l’Etat) ;

-         Protectionnisme modulé selon les domaines et les cas, qui s’appuierait sur une relocalisation partielle de la production industrielle et agricole, mais aussi des industries de transformation, en particulier alimentaires, et sur la protection des secteurs aujourd’hui menacés par la concurrence déloyale des multinationales qui produisent à bas coût et sans souci social.

-         Aménagement du territoire qui chercherait à maintenir les équilibres au sein du pays et à revitaliser, par le redéploiement rural (entre autres), des zones aujourd’hui désertifiées ou en déshérence démographique : les nouvelles technologies, qui doivent être accessibles en tous les points nécessaires du territoire national, peuvent permettre de « désurbaniser » une partie des emplois du secteur tertiaire, par exemple.

-         Politique de grands projets et de grands travaux, qui peuvent utilement compléter les propositions évoquées précédemment : la « grande gare internationale de Paris » qui permettrait de relier les différents réseaux ferroviaires passant par la capitale pourrait être un de ces grands projets, tout comme la construction de nouveaux porte-avions qui seraient bien utiles en cette période de montée des tensions internationales et permettraient, au-delà de la finalité de Défense, de maintenir l’activité de nombreux ports et chantiers navals ; etc.

 

Cette liste n’est évidemment pas exhaustive, mais encore faut-il que le pouvoir politique d’Etat ait la volonté et, au-delà, la durée suffisante pour mener à bien ces projets et cette stratégie : la République, au regard de son état actuel et de ses limites électorales, est-elle la mieux placée et la mieux adaptée pour relever les défis de la crise ? Poser la question, c’est déjà y répondre… Le philosophe Michel Serres insistait, il y a quelques temps, sur la nécessité d’une « politique du long terme », politique qu’il voyait entravée par les constantes bagarres, querelles d’ego et combats de coqs pour la magistrature suprême de l’Etat. En inscrivant le temps de l’Etat, en sa tête, dans la durée et par la continuité, la Monarchie, à défaut de résoudre d’un coup de sceptre magique les problèmes du pays et du monde, donnerait plus de force à l’Etat et à la nation ainsi incarnée pour résister aux tempêtes qui soufflent, mais aussi à celles qui s’annoncent…

 

27/10/2009

Conférence sur "la crise", à Rennes.

Je serai demain mercredi à Rennes et je profite de ce séjour (trop) rapide pour tenir conférence sur le thème de « la crise », thème sur lequel je travaille depuis déjà quelques temps, non pour éternellement gémir, mais pour chercher des solutions et présenter des propositions qui puissent sortir « par le haut » de la situation présente, y compris au-delà de la seule économie. Voici ci-dessous le petit texte qui annonce, sur plusieurs sites monarchistes, ma conférence du 28 octobre :

 

 

Il n’est pas inutile de se rappeler que le terme même de crise est la traduction française du mot grec « krisis » qui signifie « séparation » : car c’est bien de cela dont il s’agit, une séparation entre un avant et un après, une forme de transition en somme entre deux situations, deux réalités, deux mondes.

 

Ainsi, nous assistons au « passage de témoin » de la puissance financière et économique, des pays du Nord (Etats-Unis, pays européens, principalement) à certaines nations d’Asie, en particulier l’Inde et la Chine, ce que soulignent quelques (rares) articles qui évitent de tomber dans le piège d’une lecture simpliste et seulement idéologique, pas toujours suffisante pour comprendre la situation présente : si crise du capitalisme il y a, cela ne signifie pas la fin de celui-ci mais son transfert dans de nouveaux espaces dominants, dans de nouvelles zones de réalisation et d’expansion. Le centre du monde se déplace vers l’Asie et, comme tout déracinement de ce que l’on a cru éternel et inexpugnable, cela se fait dans de grands craquements et dans la poussière soulevée par ces grands arbres qui s’abattent sur un sol devenu aride… L’argent est désormais ailleurs que dans nos pays qui, en caricaturant un peu, se contentent juste de consommer des produits fabriqués en Asie, serrant par là-même la corde autour du cou de nos économies.

 

La question posée dans « Le Monde 2 » dans son édition du samedi 4 octobre 2008 : « Au décours de cette crise, les actuels maîtres du monde seront-ils toujours ceux de demain ? » trouve ainsi sa réponse dans un autre article du « Monde » du même jour : « La crise renforcera l’Asie », article de l’économiste Jean-Raphaël Chaponniere qu’il conviendrait de découper et de conserver dans son portefeuille, non comme un talisman mais comme un avertissement, et qui confirme mes prévisions déjà anciennes.

 

Ainsi, est-il expliqué que « la crise financière, la plus grave depuis 1929, accélérera le glissement du centre du monde vers l’Asie », glissement commencé depuis les années 80-90 et freiné par la crise de 1997. « Cependant, tous les pays asiatiques ont tiré les leçons de la crise de 1997 et ont accumulé des réserves pour se protéger. Investis en bons du Trésor américain, elles ont permis aux Etats-Unis de maintenir des taux d’intérêt bas et aux ménages américains de s’endetter davantage. L’Asie a ainsi profité de la boulimie de consommation aux Etats-Unis. Ces excès ont conduit à la crise. (…)

Depuis l’été 2007, les Etats-Unis souffrent de la grippe des subprimes et, si les marchés asiatiques ont souffert, les économies réelles ont été épargnées. En 2009, elles seront bien sûr affectées par la récession qui s’annonce. Pour autant, elles connaîtront un rythme de croissance supérieur à celui des économies américaines, européennes et japonaises.

(…) L’attention portée aux échanges occulte l’essentiel : la croissance asiatique repose bien davantage sur la demande domestique. L’investissement et la consommation sont les principaux ressorts de ces pays. Ils ne seront affectés qu’à la marge par la crise. (…)

Les Etats et les ménages asiatiques qui en ont les moyens financiers continueront d’investir et de consommer. S’ils ont pâti de la crise financière, les fonds souverains asiatiques vont quant à eux probablement saisir cette opportunité pour acquérir des actifs aux Etats-Unis et en Europe.

(…) En accélérant le basculement vers l’Asie, la crise actuelle accouchera d’un monde multipolaire. ».

 

Comprendre ce transfert de richesses et de puissance économique, c’est en prévenir aussi les conséquences et en amortir le choc : le capitalisme libéral, s’il se retire de nos terres pour aller fleurir ailleurs, pourrait bien laisser la place à de nouvelles formes, traditionnelles ou inédites, d’économie et de société, mieux orientées vers le partage et la sobriété. Pour en finir, non pas avec l’Argent, mais avec son règne indécent et cruel…

 

Mais il faut aussi comprendre que la crise a plusieurs « têtes » et que la limiter à une simple question économique serait faire une erreur d’appréciation et, pire, de compréhension… Les différents aspects de la crise (doit-on dire « les crises » ? Il n’est pas impossible de le penser) nécessitent des réponses diverses, réalistes mais aussi imaginatives : les royalistes, sans prétendre à l’exhaustivité, en ont quelques unes à proposer !

 

10/10/2009

Repenser la question sociale, au-delà de la crise.

La question sociale n’a pas disparu avec la société de consommation et la prospérité indéniable des Trente Glorieuses comme certains l’espéraient, ni même avec la mondialisation présentée comme la panacée universelle, censée donner à tous les moyens de vivre dignement et « selon ses besoins ». Bien sûr, dans le cas français, le niveau de vie des ouvriers tout comme leurs conditions de travail d’aujourd’hui n’ont plus rien à voir avec ceux du début du XXe siècle, et c’est tant mieux. Mais la question sociale ne s’est pas éteinte pour autant, la crise actuelle (qui n’est pas « négative » pour tous les pays, loin de là : il y a aussi des gagnants dans cette redistribution des rôles économiques…) le rappelle à l’envi, et la globalisation (mot plus exact et explicite que celui de « mondialisation »), en rebattant les cartes de l’économie et des puissances, a entraîné, au sein même de notre société, des remises en cause douloureuses et des interrogations sur la nature des rapports sociaux, sur leur territorialisation ou sur leurs formes. Globalisation rime aujourd’hui, pour les travailleurs français, avec délocalisations tandis que l’Union européenne évoque, elle, le terme de libéralisation en insistant sur son caractère de nécessité absolue, sans prendre en compte les exigences de la justice sociale et du bien-être moral des populations laborieuses des pays d’Europe : cela explique l’indifférence des citoyens aux institutions de l’Union européenne et aux élections censées mettre en pratique une « démocratie européenne unitaire »…

 

Ainsi, la question sociale revient au cœur des problématiques françaises, comme le souligne l’hebdomadaire « Marianne » au fil de plusieurs numéros récents. Bien sûr, le « nouveau prolétariat » évoqué par ce journal n’est plus celui de 1900, mais, au-delà de ses difficultés présentes, sa nature reste la même ; c’est-à-dire une masse de travailleurs interchangeables sans autre lien avec le Travail que celui que les détenteurs de l’Argent veulent et voudront bien lui allouer, à titre temporaire, pour en tirer des profits substantiels sans être obligés de les redistribuer à ceux qui en sont les producteurs « de base », mais plutôt et seulement aux actionnaires ou aux cadres dirigeants, les uns se confondant parfois avec les autres : c’est d’ailleurs là un des éléments forts du « scandale social » qui voit d’immenses fortunes se bâtir sur de simples jeux boursiers et non plus sur la qualité du travail effectué en tant que telle.

 

Le « nouveau prolétariat » comme l’ancien se caractérise par la « dépossession » : aujourd’hui, les ouvriers ou les artisans sont condamnés par une logique comptable qui fait qu’il est plus simple de fabriquer à grande échelle et à moindre coût dans des pays lointains où les règles sociales sont peu contraignantes voire inexistantes, que dans notre pays attaché à une certaine qualité et à la préservation des travailleurs. Ainsi, de nombreux métiers et savoir-faire disparaissent-ils, dans l’indifférence générale, puisque le consommateur ne regarde le plus souvent que le prix de l’étiquette sans penser au deuxième coût, beaucoup plus élevé, le coût social : ne pas acheter français quand on en a l’occasion sous le prétexte, fort compréhensible d’ailleurs, que le « même » produit fabriqué en Chine est moins cher, est, à plus ou moins long terme, suicidaire, comme le signalent certains économistes. Car, à trop dépendre des productions étrangères, que pourra-t-on vendre demain à des sociétés à qui nous aurions abandonné toutes nos technologies, nos méthodes de travail et pour qui nous aurions sacrifié nos propres outils de production ? Le cas récent d’Airbus est, à ce sujet, tristement éclairant : désormais les avions seront construits à l’étranger, en Asie ou dans la « zone dollar », tandis que la Chine, à qui la société EADS a « transféré » les technologies de ses appareils, se targue de bientôt vendre à la France et à l’Europe des… Airbus, chinois bien sûr…

 

Devant cette nouvelle donne qui voit le capitalisme libéral sacrifier les travailleurs de France sur l’autel de la rentabilité (et la crise actuelle, qui a bon dos, semble permettre l’accélération du processus…), gémir ne sert à rien : il faut désormais « repenser la question sociale », sans vaine illusion ni désespérance. Chercher des pistes alternatives à ce jeu malsain qui se moque des frontières comme des personnes, des familles ou des traditions. Les royalistes, fidèles à la méthode maurrassienne de l’empirisme organisateur et conscients des enjeux, ne feront pas « la politique du pire qui est la pire des politiques » comme l’affirmait avec raison Charles Maurras. Ils ne doivent pas chercher à créer des utopies mais à imaginer, à inventer de nouveaux modèles économiques et sociaux, sans perdre de vue qu’il s’agit, malgré la difficulté, de remettre « l’économie au service des hommes » et non l’inverse.

 

Il leur revient de rappeler que la nation est la première protection sociale, que c’est le plus vaste des cercles communautaires à mesure humaine et historique et qu’il offre des solidarités fortes en son sein, en son espace souverain, au-delà des différences professionnelles ou culturelles.

 

Aussi, la question sociale est une question éminemment politique, et, là encore, le « Politique d’abord » doit être compris comme la nécessité d’utiliser ce moyen pour limiter les excès de la globalisation ; susciter une véritable impulsion de l’Etat pour les grandes réformes sociales qui sont urgentes et son arbitrage pour les conflits de « légitimité sociale » entre les divers « décideurs » et les « acteurs du travail », et cela sans tomber dans l’étatisme ou le dirigisme ; permettre et accompagner un véritable aménagement du territoire qui ouvre la voie à une relocalisation de nombreuses activités et à une prise en compte véritable du « souci environnemental » ; etc.

 

Aujourd’hui, traiter la question sociale signifie « ne plus laisser faire la seule loi du Marché » mais redonner au Politique des moyens de pression sur l’Economique : si l’on veut inscrire cette démarche dans la durée et l’indépendance, l’Etat doit lui-même disposer de la durée et de l’indépendance, et être respecté à l’intérieur comme à l’extérieur. Au regard de l’Histoire comme de la réflexion et de la pratique politiques, il n’en est qu’un qui, en refusant de sacrifier les hommes à une logique totalitaire ou marchande, soit possible et souhaitable : la Monarchie à transmission héréditaire, politique et sociale à la fois.