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28/09/2016

L'habileté du prince.

Pour définir le « monarque inaugurateur », mon interlocuteur de la semaine dernière emploie le terme de « fin », c’est-à-dire d’habile, et il est vrai qu’il faudra une grande habileté et agilité d’esprit pour éviter les écueils d’une « inauguration » qui ne sera pas forcément acceptée par tous, en particulier par des élites qui, souvent, jouent les Frondeurs pour mieux marquer leur territoire de Pouvoir. Cette habileté, dans l’histoire de la Monarchie, est parfois au fondement des meilleurs moments de celle-ci mais se teinte aussi, dans des cas assez fréquents, d’un certain cynisme, « la fin (le bien de l’Etat) justifiant les moyens (entre manipulation et coercition) », et elle a parfois aussi manqué, précipitant des catastrophes et des révolutions : malgré toutes ses qualités, le roi Louis XVI, trop vertueux sans doute (et sans doute à cause de cela même), n’a pas été assez fin manœuvrier quand il aurait fallu l’être, et il en est mort, assumant ses erreurs stratégiques jusqu’au sacrifice suprême, ce qui peut en faire un martyr quand il aurait mieux valu être un « héros », au sens politique du terme…

 

L’histoire ne doit pas être un champ de ruines et la nostalgie ne fait pas de bonne politique, mais il faut tirer des leçons des bonheurs et des erreurs passés : le roi inaugurateur devra forcément « manœuvrer pour grandir », et il lui faudra un sens politique particulier, entre instinct et réflexion, pour ne pas tomber dans les chausse-trappes politiciennes. C’est sans doute là que son éducation politique et son entourage feront la différence, et c’est une des vertus de la Monarchie de penser, dès le plus jeune âge, à la formation du souverain à venir. « L’éducation du prince » est un élément majeur de la Monarchie elle-même, de son enracinement et de sa pérennité, de ses capacités et de ses réflexes. Quand les hommes et femmes politiques en République sont entraînés à conquérir le Pouvoir, le roi est d’abord éduqué à régner, son pouvoir n’étant pas issu d’une conquête électorale mais d’une simple suite « naturelle », de l’amour et de la naissance, mais aussi de la mort du précédent qui ouvre le règne du suivant.

 

Certes, en République, l’éducation du souverain putatif doit ajouter une dimension peut-être plus « républicaine », le Trône étant à fonder sur un terreau pas forcément favorable (sans être, en Cinquième République, forcément stérile), et la finesse politique du prétendant devra s’exercer en deux temps différents, celui de la République d’avant et celui de la Monarchie d’inauguration, le second étant ce qui nous intéresse ici.

 

L’histoire est parfois taquine : c’est un obèse qui, dans l’après-Révolution, fut le plus fin des hommes d’Etat (après Talleyrand, sans doute, mais qui sut justement être monarchiste et monarchique au bon moment…), et le règne d’outre-Empire de Louis XVIII, jusqu’alors considéré comme un piètre prétendant, fut, d’une certaine manière, exemplaire, sans pour autant être parfait bien sûr ! Il réussit à faire preuve d’une grande finesse en n’oubliant ni ses principes ni la logique royale, et en inscrivant son action dans un temps qui n’était pas celui de l’Ancien régime mais celui d’un Nouveau régime à fonder, qui renouvelait la Monarchie sans la trahir, et qui n’oubliait pas les souhaits et les rêves des hommes de 1789 sans forcément les partager tous… D’ailleurs, nos institutions doivent sans doute beaucoup plus à la Restauration qu’à la Révolution et à l’Empire, comme le remarquent, avec une raison certaine, les constitutionnalistes contemporains.

 

C’est cette possible habileté du monarque qui, reportée en nos temps contemporains, pourra permettre que le règne inaugural ne soit pas un échec, et il me semble bien que le principe même d’une monarchie qui n’a pas de comptes à régler avec le passé mais poursuit l’histoire sans épouser les querelles des uns et des autres (qu’ils soient, d’ailleurs, monarchistes ou républicains), et assume le passé, tout le passé du pays, monarchique comme républicain (et sans exclusive), autorise cette habileté du prince, mieux que ne pourrait le faire une République coincée entre deux élections et des clientèles électorales impatientes… Ainsi, l’institution monarchique « fait » le roi, et donne à l’homme royal un avantage certain en lui rendant une liberté non moins certaine par rapport à ceux qui se croient obligés de rallier une histoire pour en railler une autre, suivant en cela la logique purement démocratique de division entre Droite et Gauche.

 

Le roi inaugurateur, par le simple fait qu’il devient roi « malgré » la République préexistante et au-delà d’elle, a « un coup d’avance » : il dépendra de lui de ne pas gâcher cet avantage éminemment monarchique ! A lui, donc, de jouer finement, en étant pleinement roi donc souverainement indépendant, y compris des royalistes

 

 

 

(à suivre)

 

 

26/09/2016

La vertu du prince.

Que devra être et faire « le monarque inaugurateur », expression que j’emprunte à l’un de mes récents interlocuteurs, et qui me semble une formule heureuse mais qu’il faut préciser ? C’est la question la plus délicate, peut-être, et dont la réponse ne nous appartient pas complètement, puisque nous ne sommes pas « le roi », que nous ne pouvons nous substituer à sa personne et à sa conscience, et que nous ne savons ni le lieu ni l’heure de l’événement « inaugural ». Mais nous pouvons néanmoins y réfléchir et poser quelques éléments de réponse, que certains interpréteront comme des conseils au futur monarque, comme, en leur temps, les « mémoires » de Louis XIV « pour servir à l’instruction du Dauphin ».

 

Mon interlocuteur posait qu’il devait être, selon lui, « vertueux, fin et très populaire », si ce moment inaugural précédait la construction d’une véritable démocratie, mais que si, à l’inverse, les murs de la démocratie précédaient la monarchie, le roi pourrait en apparaître et en être une clé de voûte tout à fait acceptable et surtout logique aux yeux des citoyens, sans que cela nécessite des qualités extraordinaires pour le monarque : c’est fort possible et il est intéressant d’étudier les deux options, et de s’y préparer, dans l’un ou l’autre des cas.

 

Premier cas, qui peut apparaître comme le plus complexe mais qui ne me semble pourtant pas forcément le plus problématique : la monarchie inaugurée avant le renouvellement de la démocratie ou, plus largement, de la Res Publica (la Chose publique). Il y faudra certes « l’homme et l’événement », comme le soulignait de Gaulle, et les qualités personnelles du monarque compteront sans doute fortement, mais pas seulement, et il me faudra y revenir ultérieurement.

 

« Vertueux » ? Si cela signifie que le roi doit être d’une grande probité et qu’il se doit d’être un saint en cette période inaugurale de la nouvelle monarchie, pourquoi pas ? Cela peut aider à sa reconnaissance publique et inspirer à la classe politique (animatrice des jeux démocratiques, pour le meilleur moins souvent, malheureusement, que pour le pire, au regard des mœurs politiciennes actuelles) un « monarchisme de fidélité » à défaut de l’être de conviction, mais cela n’est qu’un moyen, pas une fin en soi.

 

L’exemple relativement récent du roi Juan Carlos, au milieu des années 1970, en est un cas d’école, et a montré comment un roi, non pas méconnu mais mal connu de ses contemporains espagnols (et des autres), pouvait « manœuvrer et grandir », et instaurer une démocratie qui, jusque là, n’avait jamais trouvé le temps ni le terreau pour s’enraciner durablement en terre ibérique. Bien sûr, l’on peut considérer que cette démocratie parlementaire suscitée par le roi Juan Carlos est bien imparfaite et qu’elle a entraîné un retour malheureux des démagogies dans les jeux politiques, au détriment de l’Espagne et des Espagnols, mais la faute en incombe à ceux qui n’ont saisi que leur intérêt particulier quand il aurait fallu penser, encore et d’abord, en termes de Bien commun. Sans le roi et Juan Carlos comme roi, l’Espagne n’aurait sans doute pas connu cette période de paix civile sans dictature qui a permis à ce pays de retrouver une part de sa place historique sur la scène internationale, en particulier au sein de l’Europe et dans le monde américain : ce n’est pas rien, tout de même !

 

Dans ce cas, la vertu du roi n’est pas « morale » et d’ordre privé, elle est politique et publique : peu importe que le souverain ait une vie privée chaotique et parfois répréhensible aux yeux des principes familiaux, car ce qui compte, c’est sa vertu politique et sa « colonne vertébrale », sa capacité à « être le roi » et à mener la barque de l’Etat sans faiblir et sans faillir. Là encore, Juan Carlos a été « vertueux », politiquement parlant, quand, au même moment, ses frasques sentimentales avaient déjà éloigné la reine Sophie du lit conjugal…

 

Si l’on considère le cas de la France, notre royaume, peut-on évoquer cette notion de « prince vertueux » ? En relisant les écrits du dauphin de France actuel issu de la lignée des Orléans, le prince Jean, ou en l’écoutant, il est aisé de constater que celui-ci a une haute idée de ce que sont et doivent être les devoirs d’un roi, et les principes qui guident sa pensée et son action publiques trouvent leurs sources dans sa foi catholique, au point qu’il apparaît comme « un prince chrétien » beaucoup plus que ses prédécesseurs (sans, d’ailleurs, que cela préjuge de leur foi respective) : sans doute cela préfigure-t-il une attitude politique qui prenne en compte la nécessaire justice sociale et le respect des libertés fondamentales plus que tous les discours politiques des candidats à l’élection présidentielle qui, eux, s’inscrivent dans une immédiateté qui néglige le « temps long » pour se concentrer sur l’approbation « immédiate », élections obligent, un quinquennat n’étant guère plus long, désormais, qu’une campagne présidentielle… Quand la République pense en termes « d’état d’urgence », le monarque aurait tendance naturelle à penser en termes « d’urgence, l’Etat », c’est-à-dire l’inscription d’un exercice de l’Etat dans le temps qui ne confonde pas vitesse et précipitation et ne soit pas prisonnier d’un calendrier électoral qui pousse plus aux promesses intenables qu’aux réalisations pérennes.

 

Il n’en reste pas moins que la vertu du prince, vertu qui se doit d’être qualité politique et non idéologie comme celle de la Terreur de Robespierre (l’une n’allant pas sans l’autre en République, si l’on suit la pensée de « l’Incorruptible »), ne sera totalement prouvée que par l’épreuve même du Pouvoir, épreuve qu’il faudra considérer sur la longueur du règne et non sur le seul temps électoral de la démocratie parlementaire. Ce sera un enjeu majeur pour le monarque inaugurateur du règne inaugural

 

 

 

 

 

(à suivre)

 

 

 

 

 

02/05/2009

Jean, notre prince.

Samedi 2 mai est célébré le mariage religieux du prince Jean d’Orléans, Dauphin de France de jure, avec Philomena de Tornos, en cette même ville de Senlis qui a vu les débuts de la dynastie capétienne en 987, par l’élection du roi Hugues Capet… Faut-il y voir un de ces intersignes chers à Léon Daudet ?

 

Je ne serai malheureusement pas à Senlis ce jour-là, mais je fêterai à ma manière cet événement princier qui annonce, peut-être, d’autres bonheurs, dont celui de la naissance d’un héritier (ou héritière, car je ne suis pas hostile à l’idée d’une reine au sens politique…) qui poursuivra la lignée et incarnera, un jour à son tour, la continuité dynastique.

 

En 1987, j’avais assisté à Amboise à la cérémonie organisée par le défunt comte de Paris pour titrer Jean d’Orléans de « duc de Vendôme » : nous avions pu, avec mes amis bretons, approcher les princes venus se mêler simplement à la foule après la cérémonie pendant laquelle le prince avait prononcé quelques mots qu’il n’est pas inutile de rappeler : « Servir, ce beau mot de la langue française, a toujours été mis en honneur dans notre Maison qui a partagé, dans les épreuves comme dans les heures de paix et de faste, l’existence de ce peuple de France auquel, depuis mille ans, nous n’avons cessé d’appartenir ».

 

En fait, si les jeunes princes étaient sous les feux des projecteurs, c’était bien le patriarche, le comte de Paris, qui organisait et tenait les choses en main, tandis que le prince Jean et son frère Eudes suivaient timidement leur grand-père. Si le comte de Paris, malgré toutes ses espérances et tous ses efforts, n’a pas réussi à conquérir la tête de l’Etat, il avait pourtant toute l’autorité et tout le charisme d’un Chef de l’Etat, et cela était bien visible alors.

 

Quelques années après, Pierre Pujo et moi nous sommes entretenus avec le prince Jean pour le compte de « L’Action Française ». Ce qui m’avait favorablement impressionné lors de cette rencontre avec le prince, dans son petit appartement situé à deux pas du palais de l’Elysée, c’était son écoute et sa curiosité : lorsque je lui avais dit que j’étais professeur d’histoire dans une ville de la banlieue parisienne, il m’avait alors posé de multiples questions sur l’enseignement, ses difficultés, ses qualités… Sa curiosité n’était pas feinte et marquait son envie de savoir, de comprendre notre société et ses acteurs, divers dans leurs professions comme dans leurs convictions. Je m’étais alors lancé dans une longue explication, dont il ressortait, en somme, que l’école vivait une crise de confiance et d’autorité, qu’elle avait du mal à trouver sa place dans la société de consommation et de loisirs, et qu’elle souffrait de la concurrence des nouveaux médias, etc. Ainsi, alors que j’étais venu pour l’interroger, le prince Jean avait renversé les rôles et sa modestie et son attention m’avaient confirmé dans mon impression qu’il était « le » prince que nous attendions, nous les royalistes, pourtant perpétuellement insatisfaits et trop souvent critiques à l’égard d’une Maison de France que nous voudrions voir plus remuante…

 

Les années ont passé, ma fidélité n’a pas varié : elle est tout autant politique que sentimentale, et c’est très bien ainsi ! Ainsi, à défaut d’être physiquement présent sur le parvis de la cathédrale de Senlis ce 2 mai, j’y serai au moins par le cœur et l’esprit.

 

Senlis, « cent lys » : Noël pour la Maison de France !