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18/03/2008

Armons, armons, armons !

Samedi dernier, passant place Saint-Sulpice avec un ami monarchiste, nous avons croisé quelqu’un dont nous n’avions cessé dire pis que pendre l’heure d’avant : Bernard Kouchner, actuel et calamiteux ministre des Affaires étrangères… Comme nous sommes des gens bien élevés, malgré tout, et que nous n’avions pas envie de nous prendre la tête et de risquer une interpellation policière pour si peu, nous nous sommes contentés de poursuivre notre route vers la librairie toute proche des excellentes éditions de « l’âge d’homme », propriété du Serbe Dimitrijevic, « l’Action Française » sous le bras. Et nous avons poursuivi notre discussion sur la situation de notre pays aujourd’hui sur une scène internationale qui a tendance à devenir de plus en plus glissante et dangereuse.

 

Touchant de près à la « chose militaire », mon camarade de ce samedi m’évoquait l’état désastreux de notre armée, pauvrement dotée au moment même où la situation nécessiterait une véritable mobilisation des moyens et des capacités : le bilan, effectivement n’est guère brillant, avec un porte-avions indisponible pour encore un an, des hélicoptères et des transalls vieillissants, des effectifs insuffisants et une diplomatie aujourd’hui résolument atlantiste et « humanitariste ». Une armée dont les hommes ne manquent pas de courage mais bien de moyens en matériel.

 

Je ne suis pas un militariste ni un belliciste aventureux mais un « nationaliste conséquent » qui se souvient que, dans l’histoire et par delà les temps, une nation qui n’a pas les moyens de dissuader l’attaque et de se défendre « au cas où » est condamnée à subir la loi d’autrui, voire pire : la guerre, l’invasion et l’occupation. Notre pays en a connu l’amère leçon à plusieurs reprises depuis deux siècles et ne s’en est pas forcément bien porté : ce lundi d’hommage national aux combattants français de la « Grande guerre » est une piqûre de rappel qui n’est pas inutile, loin de là, et qui devrait nous inciter à nous poser les questions des conditions de notre survie politique et de notre liberté, publique ou personnelle. Me revient en mémoire la formule de Maurras : « La plus précieuse des libertés humaines, c’est l’indépendance de la patrie ». Il l’accompagnait, dans les années trente, d’une supplique, d’un conseil, d’un ordre : « Armons, armons, armons ! ». Il ne fut pas écouté, pas entendu : on sait ce qu’il en advint et la chute brutale de 1940 dont nous n’avons pas totalement fini de payer le prix, repentance comprise…

 

Je ne vibre pas au clairon qui sonne et les poèmes de Déroulède me laissent froids : mais je suis un pragmatique inquiet, sans doute un peu Cassandre, murmurant parfois un « ça finira mal » qui était déjà celui du perroquet de Bainville… Je ne suis ni un décliniste ni un grincheux fataliste : j’aime la vie et j’imagine, j’espère des lendemains les plus heureux possibles, sans tomber dans l’optimisme béat (ce « bonheur des imbéciles » comme le dénonçait Bernanos), l’illusion du paradis sur terre ou de la perfection absolue de l’espèce humaine. C’est d’ailleurs pour cela que je souhaite le meilleur pour mon pays et ceux que j’aime, de ce pays-là et d’au-delà de ses frontières. Et c’est pour cela que je reprends l’appel évoqué plus haut, mille fois répété par Maurras : « Armons, armons, armons ! » Oui, pour mettre notre nation à l’abri des docteurs Folamour qui aujourd’hui profitent de notre faiblesse pour préparer leurs sinistres projets dans les recoins et les ombres (mais parfois aussi en pleine lumière…) de notre planète.

 

Pour préserver notre droit à vivre et à boire dans nos verres, enfoncés dans nos fauteuils, devant nos cheminées, et à écrire ce que notre liberté nous inspire, envers et contre tout.

 

Nous aurions pu dire tout cela à notre illustre promeneur de la place Saint-Sulpice, mais l’aurait-il compris, lui qui a, depuis longtemps, renoncé à une diplomatie indépendante et a préféré le confort des alliances atlantique et européenne qui, pourtant, ne sont que le mol oreiller de l’abandon… Que lui faudra-t-il pour que ces yeux se dessillent et qu’il voit, enfin, les risques que ses déclarations et sa « politique » si peu politique font peser sur notre pays ?

 

 

17/03/2008

Rééquilibrage.

Ecoutant d’une oreille distraite les résultats des élections municipales, il m’est quand même assez facile de comprendre que la Droite libérale vient de subir une défaite cinglante, à peine dix mois après la triomphale élection de son candidat M. Sarkozy. Ce qui m’agace c’est le discours de ses partisans, discours qui tient de la langue de bois lorsqu’ils parlent, à tous les micros, de « rééquilibrage » : si cela n’est pas entièrement faux, le fait de se raccrocher à ce seul argument risque de leur cacher de plus prosaïques réalités politiques, comme cette colère de nombreux électeurs devant le cinéma sarkozien des derniers mois et sa valse trop voyante avec l’Argent qui ne peut qu’irriter ceux qui, de plus en plus, ont du mal (pour de bonnes ou mauvaises raisons, d’ailleurs…) à boucler leur budget.

 

Il y a aussi une autre raison, peu évoquée, du désaveu ou de l’indifférence d’un certain nombre d’électeurs classés parfois (et de plus en plus à tort) « à droite » à l’égard des listes de Droite, voire du scrutin lui-même : c’est le fait que voter semble ne plus avoir beaucoup d’importance dans une démocratie qui, lorsque les oligarques sont mécontents du résultat, n’hésite plus à contourner le suffrage universel pour imposer leur point de vue, en se référant à la seule « légalité » du vote parlementaire… La comédie de la ratification du traité de Lisbonne, par le Congrès réuni à Versailles et par l’assemblée nationale quelques jours après, en a découragé plus d’un et a fait perdre quelques illusions sur la démocratie représentative à de nombreux « nonistes » de mai 2005. Ce désabusement d’une part de l’électorat « souverainiste » ou « contestataire » (de droite comme de gauche) n’a pas été mesuré par les instituts de sondage ni même signalé par les analystes électoraux, ce qui me semble une erreur ou plutôt, sans doute, une omission regrettable.

 

Je dois avouer que, sans diviniser le suffrage universel ou le recours au référendum populaire dont la légitimité ne me semble pas toujours bien établie ni même acceptable dans certains cas, je suis dans ce cas de figure de ne plus voir, pour l’instant, l’intérêt qu’il y a à se déplacer un dimanche matin pour glisser un morceau de papier dans une urne transparente, en fait un « chiffon de papier » si l’on en croit le sort réservé à la décision référendaire de mai 2005, quelles que soient là encore les raisons, bonnes ou mauvaises, de celle-ci et de son contournement parlementaire moins de trois ans après.

 

Et pourtant, je ne me désintéresse évidemment pas de la politique, locale comme nationale (même si mon cœur bat plus pour ma ville natale de Rennes que pour Le Chesnay…), mais j’accorde de moins en moins d’importance à ces épisodes électoraux, persuadé que les vrais enjeux et débats sont ailleurs que dans le sort des urnes, même si je ne les méconnais pas pour autant.

 

Peut-on, néanmoins, se passer de ces modes de désignation des édiles locaux et nationaux ? Au risque de paraître contradictoire (mais relisez bien ce que j’ai écrit précédemment et vous verrez que ce n’est pas le cas, c’est plutôt complémentaire), je ne le pense pas. Mais je crois fortement qu’il faut repenser leur place dans le système de la « décision politique », tout comme il faut repenser les institutions politiques dans le cadre d’une subsidiarité bien comprise et d’une souveraineté nationale assumant l’unité de l’ensemble français. En somme, redéployer le politique sur la base simple de « républiques locales » et d’un Etat central souverain, dynastique qui « libère » la magistrature suprême de l’Etat des querelles politiciennes et des féodalités financières ou communautaristes.

 

Pour que voter ne soit pas, là où il est légitime et utile de le faire, vain ou démotivé…

 

13/03/2008

La mort du dernier poilu de 14-18.

Le hasard fait parfois drôlement les choses : c’est au moment même où je révisais mes cours sur la « Grande guerre » que je présente aux élèves de mes classes de Première les jours prochains que j’ai appris la mort de Lazare Ponticelli, le dernier poilu, à l’âge de 110 ans. Ainsi, il ne reste de témoignages de cette page sanglante de notre histoire que les monuments aux morts de nos villages, villes, églises et lycées (comme les plaques qui citent les noms des professeurs et élèves de l’établissement tombés pour la France, plaques qui couvrent les murs intérieurs de la chapelle du lycée Hoche), les nombreux textes et images de cette tragédie et de ses acteurs, et puis ce jour férié du 11 novembre, commémoration de l’Armistice, et quelques pages dans les manuels d’histoire…

 

En fait, il reste beaucoup plus que cela, et je ne suis pas sûr que toutes les traces de cette guerre qui ouvre le siècle des totalitarismes et des horreurs, des progrès techniques de la mort rapide et de masse, de la brutalisation des rapports diplomatiques et politiques, …, soient complètement effacées : la guerre de 1914, dont on connaît les débuts mais dont on ne connaît pas vraiment la véritable fin (8 mai 1945 ? 9 novembre 1989 ?), a bouleversé le monde et ses équilibres, a « tué » un certain mode de sociabilité, déjà bien ébranlé par l’industrialisation du monde, et a ouvert la voie à « l’américanosphérisation » du continent européen.

 

Jacques Bainville avait bien pressenti cela et il suffit pour s’en convaincre de relire son journal privé des premières années de la guerre (intitulé à sa publication posthume « La Guerre démocratique ») et ses écrits, parfois désabusés et souvent inquiets mais toujours clairvoyants, de son après-guerre… La guerre de 1914 a ouvert de multiples boîtes de Pandore et le principe des nationalités,  et celui de la « guerre du Droit », ont tendance à nier les règles classiques de la diplomatie et de la politique au profit d’une « morale » (symbolisée par les fameux « quatorze points de Wilson »…) en définitive grosse des futures guerres qui surgiront dès la génération suivante…

 

C’est aussi cette guerre qui ruine les sociétés d’Europe et les rend bientôt dépendantes de ceux qui en sont partis, s’en sont déracinés pour créer une société idyllique « sans le passif de l’Histoire », une société où « tout est possible » et dans laquelle cette simple formule autorise tous les moyens pour la vérifier, y compris les moins honorables…

 

Nous sommes les héritiers de cette Histoire, héritiers lointains et insouciants de ce bouleversement : après tout, on ne revient pas en arrière et il nous faut aller de l’avant ; mais cela ne nous empêche pas de connaître les raisons de ce qui est désormais, et de chercher à fonder (à refonder ?) un nouvel équilibre sans refaire les erreurs qui « nous ont tant coûté »… Bien sûr, la guerre est finie, et c’est tant mieux ; désormais, les ennemis d’hier sont devenus amis, et Strasbourg, d’enjeu, est devenu un « pont entre la France et l’Allemagne ». Cela en finit-il, pour autant, avec les dangers et avec les guerres ? Rien n’est moins sûr, et le souvenir des horreurs, pourtant bien présent dans les années 20-30, n’a rien empêché entre 1939 et 1945…

 

Le dire, le rappeler n’est pas faire preuve d’autre chose que de cette prudence qui doit présider aux exercices de la responsabilité politique et humaine que nous devons aussi à nos contemporains et aux générations qui viennent, qui viendront. Pour éviter de revivre, en farce tragique ou pire encore (même si, Dieu merci, le pire n’est pas toujours certain !), les « ballets noirs » de l’Histoire, mieux vaut s’armer, politiquement comme militairement, en espérant que la dissuasion sera assez forte pour écarter les tentations bellicistes ou terroristes de ceux pour qui notre pays reste une « terre à conquérir », ou « à convertir »…

 

Pour que Lazare Ponticelli repose en paix, sur une terre de France (cette terre qu’il a tant aimée et pour laquelle il s’est, avec amour et sans haine, si bien battu) définitivement (ou le plus longtemps possible) « paisible »…