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01/03/2022

La tragédie russe. Partie 1 : Du communisme à la "Maison commune", le temps des occasions manquées.

 

Quand j’étais lycéen puis étudiant, la Russie était un monstre idéologique et géopolitique qui s’appelait alors l’URSS, ou Union Soviétique : le communisme restait tout-puissant, autant dans les écoles que dans les esprits, et Soljenitsyne ne fut pas très bien reçu par les intellectuels de Gauche lorsqu’il vint évoquer le goulag à l’émission littéraire de Bernard Pivot, au milieu des années 1970… De l’autre côté du rideau de fer, les chars frappés de l’étoile rouge manœuvraient sans entraves, et pouvaient compter sur la bienveillance d’une grande partie des mouvements qui se réclamaient, alors, du « sens de l’histoire » et qui, pour eux, ne pouvait aller que dans celui du communisme façon Lénine : être anticommuniste, et je l’étais, valait parfois quelques déboires à ceux qui en faisaient état au sein du lycée public et de l’université… L’Union Soviétique était, en somme, la patrie de ce « Grand frère » dénoncé par George Orwell. Bien sûr, il y avait, aussi, le souvenir de Stalingrad et de la défaite infligée par les Russes de Staline aux Allemands d’Hitler, mais il était surpassé par celui du débarquement du 6 juin 1944 en Normandie, plus proche. Et puis, la Russie avait aussi été le tombeau de la France de Napoléon quand, après la retraite de Russie, les cosaques étaient venus en 1814 à Paris faire boire leurs chevaux dans la Seine : de quoi faire du Russe un très vieil ennemi, heureusement lointain. Pourtant, il semblait partout où ce que nous nommions alors « l’Occident » reculait devant le « marxisme » : au Vietnam, en Angola, en Éthiopie, etc. Et nous en voyions aussi la main derrière la Chine de Mao (pourtant en froid avec Moscou depuis la mort de Staline), derrière les pacifistes allemands ou japonais qui manifestaient contre les troupes de l’Otan et les fusées états-uniennes, derrière les gauchistes, appellation usuelle pour évoquer tout extrémiste de gauche se référant aux « pères » de l’URSS ! Nous nous trompions largement (mais pas toujours : l’ouverture des archives soviétiques a permis de mieux saisir les liens étranges avec une part de l’extrême-gauche européenne, et les manipulations ourdies par Moscou.)

 

Et puis, l’Empire rouge s’est effondré, en moins d’une décennie : j’étais alors devenu royaliste sans renoncer à mon anticommunisme premier, désormais « secondaire » au regard de mes priorités politiques, et je croyais participer activement à cet effondrement par les opérations que nous menions, quelques amis fleurdelysés et moi, contre les symboles du communisme à Rennes et ses environs. Au printemps 1981, j’avais initié, dans le cadre des activités de l’Action Française que j’animais alors au lycée Chateaubriand, « l’opération Cobra » qui consistait à « nettoyer » Rennes de tout autocollant et de toute affiche du PCF et de Georges Marchais, alors candidat du dit parti à l’élection présidentielle : une opération fort réussie, du moins aux alentours du lycée et dans le centre-ville… De plus, plusieurs années durant, à chaque commémoration du 8 Mai 1945, j’allais décrocher l’immense drapeau soviétique rouge frappé de la faucille et du marteau qui trônait sur la mairie, et je le précipitais dans la Vilaine toute proche, ce qui me valut, un matin, une convocation à l’hôtel de police et la menace d’une lourde amende (1.600 francs de l’époque, je crois), suite à la plainte de la municipalité dirigée alors par le socialiste Edmond Hervé. Sans parler de ma participation aux manifestations pro-Solidarnosc de décembre 1981, ou de l’arrachage de drapeaux soviétiques dans un grand magasin de la rue Le Bastard dans lequel j’avais entraîné une bande de jeunes royalistes au moment de la répression russe contre les manifestants baltes, au début des années 1990… Jusque-là, la Russie restait l’ennemie, particulièrement sur le plan idéologique !

 

Et puis, le communisme européen a disparu, l’Union Soviétique aussi : la Russie, exsangue, sortait de l’époque totalitaire « léniniste », initiée dès 1917, et la « mondialisation du monde » paraissait finir l’histoire en l’inscrivant dans un nouvel ordre démocratique et capitaliste dirigé par les États-Unis et leur idéologie franklino-fordiste. Mais l’histoire n’est jamais finie, ne finit jamais, et les événements de ces derniers jours nous le rappellent à l’envi ! Elle est faite de joies, de retrouvailles parfois, de mémoires (qu’il est fort dangereux d’oublier, semble-t-il) mais aussi de rancœurs, de batailles, de passions mauvaises ou de guerres, les unes parfois se conjuguant avec les autres dans un ballet infernal dont il est difficile de connaître le terme. Celui qui oublie l’histoire et ce qu’elle peut signifier se condamne, non seulement à la revivre, mais à la revivre douloureusement, sans toujours comprendre vraiment ce qui (lui) arrive

 

La Russie, au sortir de « l’âge des extrêmes » évoqué par Eric Hobsbawm pour définir le « court » XXe siècle (1914-1991), a été pillée, dépouillée, humiliée par un Occident américanisé qui se vengeait des frayeurs qu’elle lui avait faites, un Occident qui, dans son arrogance malsaine, a semblé confirmer de la façon la plus terrible la formule grinçante de Georges Bernanos : « La Démocratie est la forme politique du capitalisme ». Et le bombardement « démocratique » de la « Maison blanche » (le parlement russe, dénommé alors Congrès des députés du peuple, et dominé par les « revanchards » hostiles au nouveau pouvoir « libéral ») par le dirigeant Boris Eltsine à l’automne 1993, fut applaudi par les Occidentaux, les mêmes qui parlent de la démocratie « à défendre » avec des trémolos dans la voix. Il y eut plusieurs centaines de morts, la Maison blanche fut incendiée, et « l’ordre démocratique » fut rétabli… C’est là, sans doute, que je commençais à m’intéresser de plus près à l’histoire de la Russie, reprenant les cours de mon maître Michel Denis qui, quelques années auparavant à la « fac de Villejean », m’avait fait découvrir une histoire contemporaine de la Russie (de 1812 aux années 1940) pas vraiment approfondie au lycée alors (1). Quand Vladimir Poutine s’imposa, la Russie, tombée au fond du gouffre, se releva peu à peu, devenant, en quelques années, une « puissance réémergente » : les oligarques, qui avaient fait la pluie et le beau temps sous l’ère Eltsine, furent, soit emprisonnés, soit intégrés à l’appareil de la puissance économique sans pouvoir interférer sur le politique. M. Poutine pouvait, alors, faire penser au jeune roi Louis XIV faisant embastiller Fouquet, l’homme le plus riche du royaume, pour asseoir son pouvoir et prévenir ceux qui auraient pu être tentés de s’opposer à lui. Oui, je l’avoue, cet exercice du pouvoir politique ne m’a pas déplu, loin de là, et je trouvais qu’il y avait là une certaine justice à vouloir faire rendre gorge à ceux qui avaient, littéralement et pas seulement symboliquement, affamés les Russes au début des années 1990 tout en trahissant la promesse de liberté que la sortie du communisme représentait.

 

En 2003, les États-Unis de George W. Bush voulurent que tous les pays européens les rejoignent dans la guerre contre l’Irak du dictateur laïque et nationaliste Saddam Hussein : la France de MM. Chirac et Villepin marquèrent leur désapprobation, et la grande presse occidentale se déchaîna contre la France, mise au ban des « Alliés » avec des termes qui laissent songeurs sur « l’amitié franco-états-unienne ». Pourtant, et malgré des pressions et des manipulations diverses et variées qui ne furent pas à l’honneur des États-Unis et de leurs vassaux européens d’alors, la France tint bon, et elle réussit à former, de façon temporaire, un véritable axe géopolitique Paris-Berlin-Moscou favorable à une solution négociée avec l’Irak plutôt qu’à une guerre dont, d’ailleurs, toute la région n’est jamais sortie, avec des conséquences jusque chez nous qui se firent plus que sentir en l’année 2015, un certain 13 novembre… Malheureusement, la plupart des pays de l’Union européenne choisirent le camp des Etats-Unis plutôt que celui de l’Europe, et le drapeau bleu étoilé flotta sur les bases espagnoles en Irak, entre autres, semblant inclure toute l’Union européenne dans ce qui fut un véritable bourbier et une véritable catastrophe autant géopolitique qu’humanitaire. L’idée d’une Europe-puissance, avancée par MM. Chirac et Villepin, resta lettre morte, sabotée par les États-Unis et leurs amis, et la proposition d’un cercle de réflexion stratégique russe de former une grande « Maison commune » européenne avec la Russie (déjà évoquée par M. Gorbatchev, je crois) ne fit que quelques lignes dans la presse, un jour de 2004 (2). L’arrivée au pouvoir de Mme Merkel en Allemagne (2005) puis celle de M. Sarkozy en France (2007) enterrèrent définitivement cette politique d’indépendance européenne : le temps de la construction d’une Europe souveraine et éventuellement respectueuse des souverainetés nationales était passé, et il n’est pas certain qu’une nouvelle occasion se présente en ce siècle, même si l’histoire nous enseigne, aussi, que l’imprévisible n’est jamais complètement impossible… En tout cas, cela ne se fera pas du vivant de M. Poutine ! (3)

 

 

 

(à suivre)

 

 

 

 

 

Notes : (1) : Si l’on ouvre aujourd’hui les manuels d’histoire de collège et de lycée, l’on n’y trouvera guère de traces de cette histoire russe (encore moins que lorsque j’étais lycéen) à part pour évoquer la défaite de Napoléon en 1812 face au « général Hiver » et le XXe siècle, de la révolution de 1917 à la chute du communisme…

 

(2) : A l’époque, je n’ai lu qu’un articulet, minuscule, dans La Croix… dont je regrette de ne pas avoir gardé la référence, d’autant plus que j’avais trouvé l’idée intéressante. Ce qui m’a toujours surpris et, au bout du compte, énervé, c’est que l’Union européenne n’en a jamais saisi l’occasion, au moins pour en débattre. Quelques années plus tard, le commissaire européen Pierre Moscovici expliquait doctement que la Russie n’était pas européenne quand, dans le même temps, il soutenait l’entrée de la Turquie dans l’UE : une incohérence que peu de journalistes relevèrent alors…

 

(3) : Quand j’écris « du vivant de M. Poutine », je veux surtout signifier que sa présence même au Kremlin empêche cette possibilité d’une « Maison commune » européenne, au regard de la haine et du ressentiment qu’il suscite dans les pays européens et occidentaux : de plus, les États-Unis, de par leur russophobie traditionnelle (sans doute conjuguée avec une « asiaphobie » instinctive et ancienne (3bis), à ne pas sous-estimer)

 

(3bis) : Que l’on se souvienne du sort réservé aux migrants chinois et japonais à la fin du XIXe siècle-début XXe siècle aux États-Unis et aux lois d’exclusion de ceux-ci de l’entrée sur le territoire fédéral, respectivement en 1882 et en 1907, sans parler du traitement réservé aux Japonais des États-Unis entre 1941 et 1945 (voire au-delà…).

 

 

 

 

23/02/2022

La Monarchie royale de demain, un Etat minimal ? Partie 1 : Quel rôle souhaitable pour l'Etat ?

 

Que sera, que pourra être la Monarchie royale à venir ? C’est une question maintes fois entendue et à laquelle il n’est pas toujours facile de répondre, ne serait-ce que parce que les royalistes en sont réduits, malheureusement, à évoquer la théorie sans savoir si l’histoire confirmera, au moins, l’espérance d’une nouvelle instauration royale. De plus, s’ils se moquent des promesses électorales (et surtout électoralistes), ce n’est pas pour en rajouter ! Néanmoins, ces précautions étant évoquées, il serait tout aussi néfaste d’attendre « le moment bienheureux venu » pour, alors, découvrir un programme ou improviser : une « prise de pouvoir », quelles qu’en soient les formes, s’envisage et se prépare, en-deçà et au-delà du moment même.

 

La Monarchie royale sera-t-elle un « Etat minimal », comme le vantait une affiche ancienne de la Nouvelle Action Française longtemps aperçue sur les murs de la Fac de Droit de Rennes ? (1) En fait, depuis déjà bien longtemps, je me réfère à ce qu’en disait Maurras avec lequel, pour ce coup-là, je suis en plein accord (2) : « Que les neuf dixièmes de l’espace stérilisé par l’Etat dit moderne soient nettoyés d’occupants sans qualité ni utilité. Que cet Etat administrateur et gérant universel vide les vastes lieux qui ne lui appartiennent pas. Et qu’il rentre vite dans sa légitime fonction de haut arbitre et de président lointain, de simple contrôleur et de suprême conducteur. Notre essentiel vital, qui est de ne pas être envahis, nous a contraints à concentrer les pouvoirs confédéraux et fédéraux, disons mieux nationaux, dans l’enceinte de l’unique Etat royal. Alors, décentrons tout le reste. Que tout ce qui n’est pas nécessaire à cette autorité protectrice de la sûreté nationale revienne donc à chacun de ses maîtres normaux : provinces, villes, pays, villages, métiers, associations, corps, compagnies, communautés, Eglises, écoles, foyers, sans oublier la personne d’aucun de nous, citoyens et hommes privés. Tout domaine que l’Etat s’est approprié indûment doit être redistribué entre tous, dans la hiérarchie de la puissance et des compétences de chacun. » En quelques mots, voici le programme de la décentralisation qui nous rappelle la fameuse citation du même Maurras, « La France intégrale, c’est la France fédérale », que l’Action Française du début des années 1990 avait renouvelée avec sa campagne « Monarchie fédérative ». Mais, au-delà de ce message décentralisateur (3), il importe de saisir ce que dit Maurras et qui me semble correspondre à l’impérieuse nécessité de « laisser vivre » la pluralité française (condition sine qua non de la pérennité du sentiment d’appartenance à la France), et à celle, non moins impérieuse, de « désétatiser l’Etat » sans le défaire.

 

L’Etat républicain contemporain est devenu ce « Pouvoir » anthropophage que Bertrand de Jouvenel craignait et dénonçait, d’autant plus qu’il avait pu, en les années 1930, paraître céder aux sirènes totalitaires. L’Etat est partout sans être, parfois, ni efficace ni convaincant : la récente crise sanitaire a montré les insuffisances de la politique de Santé publique, minée par des stratégies publiques de court terme et par une administration parfois kafkaïenne et de plus en plus intrusive grâce aux moyens de contrôle numérique (et au numérique tout court…), qui nous transforment en numéros puis en grilles labyrinthiques de codes. L’Etat, qui devrait être « service et serviteur », est devenu, un peu plus encore, « maître et tyran » : s’il est de bons maîtres, il n’est que des tyrans mauvais, de ces Créon parfois de « bonne foi » (ce sont souvent les plus terribles, au regard de l’histoire…) qui parlent de « bonheur » et veulent le rendre « obligatoire », à l’instar d’un Saint-Just, idéologue et praticien de la Terreur des années 1793-94 (4).

 

L’Etat-tout (ou « total », tel que les républicains des années terribles de la Révolution le concevaient, au nom d’une notion abusive de la « volonté nationale sans limite ») est néfaste quand le Tout-Etat ne l’est pas moins ! Ce dernier peut bien s’appeler « Etat-providence » (hommage du vice à la vertu, diraient quelques catholiques taquins…), cela ne change rien à l’affaire. Néanmoins, il n’est pas interdit de penser, qu’en un temps donné, l’intervention massive de l’Etat dans l’économie et pour des raisons éminemment circonstancielles (la reconstruction nécessaire après la Seconde Guerre mondiale, particulièrement), n’a pas forcément été inutile ni inappropriée : au-delà des excès de l’époque et des parements idéologiques de la politique menée à partir des projets du Conseil National de la Résistance, les mesures prises en ce temps particulier, si elle a aussi abouti à l’imposition du modèle de la Société de consommation dont il n’est pas certain qu’il faille forcément se féliciter (5), ont permis à la nation française de « refaire de la force » et d’assumer son rôle devant l’histoire et dans le monde durant quelques décennies tandis que ses populations y trouvaient tout de même quelques avantages et une prospérité qui faisait oublier les rigueurs des temps passés et lui donnait une espérance bienheureuse !

Mais ce temps de l’Etat-providence est aussi celui de notre endettement massif, particulièrement depuis les années Giscard d’Estaing (celles du renoncement à la politique d’indépendance nationale ?), endettement qui, aujourd’hui, condamne (si l’on ne fait rien) les générations nouvelles à être toujours débitrices et donc esclaves des féodalités économiques créancières de la France ! Si une certaine Seisachtheia (6) est possible (voire souhaitable autant que nécessaire, y compris moralement), elle ne suffira pas, seule, à assurer un avenir prospère aux citoyens et à la nation. C’est là tout l’enjeu et l’intérêt de « désétatiser l’Etat » et de sortir du Tout-Etat sans renoncer à l’Etat lui-même, essentiel serviteur et directeur de la nation.

 

Alors, quelle place légitime et utile pour l’Etat dans la société contemporaine ? Si l’Etat joue un rôle d’incitateur et assume un certain soutien des forces d’initiatives économiques sans se mêler des affaires elles-mêmes ; si l’Etat facilite la vie des entreprises et permet, par une législation adaptée, l’essor de certains secteurs ou industries stratégiquement importants pour le pays tout entier ou pour quelques parts de celui-ci, selon les « traditions » économiques et socio-professionnelles des provinces ou des localités ; si l’Etat joue un rôle de protection des activités françaises (entre autres sur le plan national et face à la concurrence mondiale parfois indélicate et immorale) et favorise, sans y intervenir directement, l’organisation des secteurs et des acteurs économiques et sociaux ; s’il mobilise les énergies et les compétences (et, éventuellement, favorise leur formation et leur information) dans le cadre d’une véritable « mise en ordre » de l’économie nationale pour affronter les défis de la mondialisation ; s’il intervient, au niveau national comme international, pour rappeler les devoirs sociaux des dirigeants d’entreprise et des actionnaires… Il est possible alors de considérer qu’il est dans son rôle politique de préservation et « d’incitation à la prospérité » de l’armature économique et sociale du pays, et qu’il tient sa place de « Chef protecteur » de la nation et de ses citoyens. S’il veut tout contrôler et réglementer sans fin ; s’il se veut autant maître d’école que grand « aspirateur » fiscal, au risque de décourager l’esprit de liberté et d’initiative (en particulier chez les jeunes créateurs ou inventeurs) ; s’il se comporte en Etat-nounou, déresponsabilisant les uns et les autres, et distribuant sans compter un argent qu’il finit par ne plus avoir, juste propriétaire des dettes qu’il ne cesse d’aggraver… Il n’est plus alors qu’un « Grand Frère » sourcilleux et inquiétant qui organise la vie de tout un chacun sans égard pour les libertés sociales comme pour les équilibres économiques : n’est-ce pas ce qui, aujourd’hui, domine (même si accuser le président et son gouvernement de tous les maux qui les précédent largement serait injuste, au double sens de ce qualificatif) dans la pratique de la République libérale et social-démocrate contemporaine (macronienne, depuis 2017), tout en accélérant la dépossession industrielle et la déresponsabilisation sociale des plus aisés (dirigeants et actionnaires) ?

 

D’où la nécessité d’une Monarchie royale pour concilier « le minimum d’Etat pour le maximum des libertés » : l’un ne peut aller sans l’autre, mais, dans cette formule politique, c’est l’Etat qui est la condition politique des libertés, sans en être le « surveillant » intrusif et sévère

 

 

 

(à suivre)

 

 

 

 

Notes : (1) : Le texte exact de l’affiche en question était (je cite de mémoire) : « Etat-minimum, liberté maximum », et elle était collée par les jeunes militants rennais de la NAF, à la fin des années 1970.

 

(2) : Je ne suis pas maurrassien, mais je ne suis pas de ceux qui se bouchent le nez à son évocation : je sais ce que je dois à Maurras et, sur de nombreux sujets, je le cite sans hésitation, ce qui ne m’empêche pas d’être violemment opposé à certains de ses propos qui, à bien y regarder, ne font honneur ni à son intelligence ni à l’école de pensée dont il a été l’incomparable animateur et « excitateur d’idées ».

 

(3) : Un message fort actuel au moment où le président de la Région Grand-Est, création artificielle de la République hollandiste en 2015, conteste la volonté affirmée par nombre d’Alsaciens de reconstituer une véritable région d’Alsace, donc séparée de la structure Grand-Est, et où les manifestations se multiplient en Bretagne pour obtenir le retour de Nantes, ancienne capitale des Ducs de Bretagne, dans le giron de la province armoricaine, au grand dam des jacobins désormais ralliés aux concepts de « mondialisation » et de « métropolisation » et peu soucieux des racines et des terreaux historiques locaux…

 

(4) : Que l’on ne me fasse pas dire ce que je ne dis pas : je ne considère pas que la République actuelle soit une « tyrannie » au sens terrible et sanguinaire que l’on accole souvent à ce mot, mais au sens symbolique (et premier, en fait) d’un Pouvoir qui s’impose sans respect pour ceux qui en sont ses adversaires ou qui paraissent présenter une alternative à celui-ci. Si les oppositions existent et peuvent s’exprimer dans notre pays (et c’est heureux !), leur champ d’application et de « faisabilité » se restreint de plus en plus, et la possibilité d’un changement ne s’envisage que comme une alternance (qui ne remet pas en cause les fondements du Pouvoir contemporain) et non plus comme une véritable alternative ou « renouvellement » (retournement ?) du paysage idéologico-politique…

 

(5) : La Société de consommation, que le philosophe traditionaliste Marcel de Corte repérera comme menant, en définitive, à la « dissociété », est véritablement née et s’affirme dans les années qualifiées par Jean Fourastié de « Trente Glorieuses » et qu’il n’est pas déplacé de rebaptiser « Trente Ravageuses » (référence au livre de Barjavel) au regard de ses dégâts environnementaux dont nous payons, aujourd’hui mais encore moins que demain, la note particulièrement salée… Sans oublier ces nouvelles dépendances qu’elle créée et entretient, autant sur le plan technique que purement ludique : le vieil adage impérial romain « Panem et Circenses » (traduit par « Du pain et des jeux ») pourrait figurer sur les frontons des lieux de Pouvoir aujourd’hui sans choquer outre mesure la réalité…

 

(6) : La Seisachtheia est la politique pratiquée par Solon il y a 2.500 ans : elle signifie « la remise du fardeau » et a consisté en l’abolition des dettes des paysans pauvres d’Athènes, une mesure qui a été l’une - mais pas la seule - des principales causes de la prospérité de la cité grecque au Ve siècle avant Jésus-Christ…

 

16/02/2022

Malgré l'absence d'une candidature royaliste à la présidentielle...

 

Il n’y a pas, il n’y aura pas de candidat royaliste à l’élection présidentielle cette année… Le dernier (le seul, en fait, dans l’histoire de la Cinquième République) a été, en 1974, Bertrand Renouvin, et il n’a pu se représenter sept ans plus tard, faute des fameux 500 parrainages de maires nécessaires depuis M. Giscard d’Estaing pour pouvoir concourir au siège élyséen. Bien sûr, il y eut d’autres tentatives de candidature, comme celle d’Yves-Marie Adeline qui mit une belle énergie à essayer de mobiliser d’autres forces nouvelles pour la cause royale au début des années 2000. Il y eut aussi des tentations de candidature, y compris de feu le comte de Paris, mais rien qui n’ait, malheureusement, abouti. Et pourtant ! N’est-il pas dommage que les royalistes, si prompts à crier « vive le roi ! » tous les 21 janvier ou à afficher des slogans tout le long de l’année universitaire, voire au-delà, soient aussi cruellement absents et apparemment silencieux au moment où les citoyens s’intéressent, un peu plus que d’ordinaire, à la politique ? Sont-ils condamnés à n’être que les mercenaires ou les électeurs de telle ou telle candidature « nationale », qu’elle soit nationaliste, libérale, macroniste ou, même, socialiste, voire communiste ? Cette situation comme ses perspectives ne sont guère réjouissantes : mais, limiter l’engagement royaliste en temps de présidentielle à ces « dégagements républicains » selon la formule d’un observateur critique du royalisme contemporain, serait une erreur, et nous essayons de ne pas y céder, par conviction comme par logique politique.

 

D’abord, l’absence d’une candidature spécifiquement royaliste est-elle si grave ? Bien sûr, je regrette que, dans les débats actuels, la question institutionnelle ne soit pas vraiment abordée, si ce n’est, très à gauche, pour évoquer une hypothétique renaissance de la Quatrième sous la formule de « Sixième République » (sic !). Mais surtout, je regrette que le « projet royaliste », sous ses formes politiques et sociales, n’ait pas d’incarnation reconnue et visible pour les citoyens, si ce n’est sous les traits de Stéphane Bern qui, pourtant, ne fait plus de politique en tant que telle : ne serait-il pas sympathique de pouvoir entendre, à une heure de grande écoute, sur les médias nationaux sans doute trompeurs mais néanmoins regardés par le grand nombre, une personne qui pourrait porter une parole éminemment royaliste et reconnue comme telle par les auditeurs et téléspectateurs ? L’idée, déjà ancienne dans les milieux issus de la Nouvelle Action Française (devenue Royaliste) depuis les années 1970, était de former quelques « politiques » susceptibles, justement, de crédibiliser et de rendre visible dans l’espace médiatico-politique l’engagement royaliste. Il faut bien reconnaître que, pour l’heure, nous n’en sommes pas encore là, même si certaines idées valorisées par l’Action Française (par exemple) semblent « resurgir » sur quelques plateaux télévisuels, malheureusement sans cette coloration spécifiquement royaliste qui leur donnerait tout leur sens et toute leur portée positive.

 

Alors, que faire ? D’abord, rester soi-même sans être sourd aux débats présidentiels. Entendons-nous bien : il ne s’agit pas de se perdre dans les querelles entre tel ou tel candidat et de soutenir l’un ou l’autre, ou l’un contre l’autre, mais de présenter et de développer quelques thèmes qui nous sont chers sans rien cacher de la coloration royaliste que nous donnons aux réponses que nous pouvons apporter. Ainsi sur la question sociale : le combat contre le recul de l’âge légal de départ à la retraite à 67 ans, engagé depuis 2011 au sein du Groupe d’Action Royaliste, mérite d’être mis en avant durant cette campagne présidentielle, et cela doit aussi s’accompagner d’une « explication de texte », non seulement pour préciser les raisons profondes de notre opposition et les propositions que nous faisons, en tant que royalistes, pour tenter de résoudre l’immense question du financement des retraites, condition sine qua non de leur pérennité pour nos compatriotes et pour les décennies à venir. Idem pour la question industrielle, à la fois contre les délocalisations spéculatives et pour une réindustrialisation intelligente et ordonnée nécessaire à la souveraineté française, autant sur le plan économique que sur le plan énergétique, mais surtout sur le plan politique et géopolitique. Sur ces questions-là, qu’il s’agit de rendre audibles malgré la cacophonie politicienne de la campagne présidentielle, nos réponses, argumentées, doivent être fleurdelysées… N’est-ce pas, après tout, la meilleure pratique du « Politique d’abord » théorisé par Charles Maurras au début du XXe siècle ?

 

De plus, en cette période encore marquée par la lourdeur des mesures de contrôle liées à la crise sanitaire, nos concitoyens paraissent bien peu motivés par les candidats eux-mêmes, ce que traduisent, parfois vertement, les enquêtes d’opinion. Pourtant, il y aura bien un élu à la fin du mois d’avril, et il semble déjà que cela sera « par défaut » plus que par enthousiasme, ce qui laisse entendre que le fossé entre la légalité issue des urnes et la légitimité reconnue par les citoyens n’en sera que plus grand, réactivant le vieux clivage « pays légal-pays réel » plus violemment encore que lors de la crise sociale de l’automne-hiver 2018-2019. Il y a là une occasion de rappeler que la Monarchie royale, sans posséder un sceptre magique, peut apporter une réponse institutionnelle à l’insatisfaction post-électorale, sorte de dépression démocratique et politique qui frappe de plus en plus notre société et qui empêche, sans doute, de motiver nombre de ses jeunes énergies, désormais de plus en plus tentées, soit par l’émigration vers des pays apparemment plus « ouverts » (sic !) ou « dynamiques, ou, en tout cas, plus accueillants au « risque de la jeunesse », soit vers une forme d’émigration intérieure qui peut se signaler par un repli individualiste ou communautariste, par une résignation sourde ou par une colère souvent trop froide pour trouver un débouché politique…

 

L’autre jour, sur une affiche électorale apposée et déjà déchirée le jour même, quelques mots simples avaient été tracés : « Présidentielle ? Bof… Vive le Roi ! », accompagnés d’une fleur de lys un peu maladroite (ou très stylisée…). Un peu plus loin, la même main avait écrit : « Mieux vaut le roi que le pire ! »… Tout cela ne pèse sans doute pas bien lourd dans une campagne présidentielle qui, de plus, passe largement par les réseaux sociaux et les moyens numériques. Mais, malgré son aspect dérisoire, cette double et maladroite évocation de la proposition royale aura peut-être l’effet de rappeler à quelques uns que l’élection présidentielle ne fait pas forcément rêver tout le monde, et que « l’imagination au pouvoir », cette forte demande des étudiants de Mai 68 (y compris royalistes…), pourrait bien prendre la forme d’une Monarchie royale ou, en attendant mieux, de celle de l’espérance royale…