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20/07/2013

La continuité monarchique.

 

Jadis, la vieille formule « le roi est mort, vive le roi » marquait le début d’un règne qui prenait le relais du précédent achevé par le décès du souverain en titre : il semble que cette année 2013 se fasse un plaisir de démentir cette tradition jusque là plutôt bien établie dans les monarchies, en Europe comme ailleurs… Déjà, la reine Beatrix des Pays-Bas a cédé sa place à son fils au printemps comme l’a fait aussi, au lendemain du voyage de M. Hollande au Qatar au début de l’été, l’émir de cette monarchie gazière désormais bien connue pour ses investissements en France. Sans oublier le départ prématuré du pape Benoît XVI du trône de Saint Pierre… En attendant l’abdication que l’on évoque, en Espagne du roi Juan Carlos au profit de son fils Felipe !

 

Certains verront dans cette vague de « départs anticipés à la retraite » royaux une rupture d’avec la tradition monarchique : en fait, j’y vois plutôt la preuve d’une grande souplesse des monarchies et de leur adaptation (sans reniement) aux temps actuels et à cette évolution de la notion de « temps politique », le temps monarchique restant, de toute façon, un temps fort différent du temps démocratique électoral (sans pour autant s’affranchir de l’assentiment populaire qui trouve d’autres biais pour s’exprimer à l’égard de la famille régnante), et nécessaire à l’unité comme à l’incarnation de l’Etat et de la nation. « La vraie tradition est critique », disait Maurras, et la Monarchie, par essence, n’est pas une vieille chose figée mais une réalité politique vivante, un axe nécessaire autour duquel tournent les événements politiques sans remettre en cause la pérennité de l’ensemble : elle est ce symbole de la stabilité, en particulier à travers la continuité incarnée par le passage de relais du père au fils (ou de la mère au fils, dans le cas des Pays-Bas), sans gêner, pour autant, la libre expression des débats et des partis politiques, symbole important dans des sociétés fragilisées et inquiètes devant les aspects de moins en moins heureux de la mondialisation et de son tempo trop rapide...

 

Ainsi, en Belgique et à l’occasion de la fête nationale du 21 juillet, le roi Albert II s’en va-t-il, certes à un moment délicat, mais sans renier l’essentiel de ce qui fait la force et l’intérêt de la Monarchie héréditaire, c’est-à-dire cette transmission particulière de père à fils de la magistrature suprême de l’Etat qui assure au souverain une indépendance de statut et de position, qui fonde sa valeur « morale » au-dessus des jeux politiciens et électoraux auxquels le roi échappe puisqu’il n’en est pas issu et n’a donc pas de « clientèle » à satisfaire et qui rajeunit la tête de l’Etat sans la couper…

 

Philippe, ou Filip (en langue flamande), devient roi des Belges dans un moment où la Belgique est encore menacée d’éclatement, pays qui ne tient que par ce trait d’union royal et qui, en même temps, constitue le trône royal lui-même, ce qui rappelle cet adage évoqué par Merlin l’enchanteur dans « Excalibur », « Terre et Roi ne font qu’un ». Sa tâche ne sera pas simple car, contrairement à ce que l’on croit d’ordinaire, un roi n’est pas une « potiche » dans les monarchies européennes contemporaines, mais bien un lien, « le » lien entre les différentes communautés de la société, celui qui leur permet à toutes d’exister sans remettre en cause l’ensemble et l’équilibre de la nation politique. Le rompre, c’est condamner le pays à l’éclatement ou au centralisme, ce que nous ne pouvons souhaiter pour la Belgique, et parce que nous savons, d’expérience de l’histoire, le mal que la rupture du lien royal a fait à notre pays, jadis hérissé de libertés concrètes avant que d’être enfermé dans une Liberté artificielle et centralisatrice qui ne se décline qu’au singulier de la République…

 

 

 

 

 

05/07/2013

La négociation transatlantique sans les Etats européens concernés...

 

Un coup d’Etat peut en cacher un autre ou, du moins, en amoindrir la perception : ainsi en a-t-il été, ce mercredi 3 juillet, alors que tous les regards médiatiques étaient tournés vers la place Tahrir du Caire, en Egypte. Au même moment, Bruxelles et Berlin décidaient, contre l’avis premier –à peine écouté…- de M. Hollande encore une fois isolé et impuissant, d’entamer dès lundi prochain les négociations pour la création d’une vaste zone de libre-échange transatlantique, tandis que, dans la foulée et quelques heures après, la France refusait l’asile politique à celui qui avait révélé (mais est-ce vraiment une révélation ?) l’importance de l’espionnage des institutions, entreprises, ambassades des pays européens par les Etats-Unis !

 

Ainsi, lundi 8 juillet, sera lancé officiellement un processus qui, en définitive, en finira avec le rêve (l’illusion ? Sans doute pas si simple…) d’une Union européenne indépendante, puisqu’elle « raccordera » (pas seulement économiquement mais aussi réglementairement et sans doute « socialement ») purement et simplement les pays de l’UE aux Etats-Unis, dans une relation qui risque bien de souligner un peu plus la vassalisation du Vieux continent à l’hyperpuissance américaine, ce que de Gaulle avait tenté, par son projet d’une Europe confédérale des Etats, d’éviter à tout prix. Bien sûr, dans ce processus, il y aura des gagnants en Europe, en particulier l’Allemagne qui a su s’imposer ces dernières années au détriment de son partenaire (son égal ou son concurrent, pouvait-elle penser en d’autres temps…), un certain nombre de multinationales (désormais baptisées plus justement « transnationales ») et la Commission européenne, à la manœuvre, qui est la seule habilitée à négocier au nom de l’Union et à pouvoir mener les négociations, ce qui n’est guère rassurant quand on sait ses penchants d’un extrême libéralisme. La France a beau avoir obtenu l’assurance que son « exception culturelle » serait préservée, dans la réalité rien n’est moins sûr ! M. Barroso, sinistre président de la Commission européenne, a rappelé haut et fort que les négociations étaient bien du seul ressort de celle-ci et qu’elle avait reçu mandat par les Etats pour ce faire ; un commissaire européen n’a pas hésité à affirmer que, de toute façon, l’avis de la France pourrait être négligée, si besoin est (selon les négociateurs…), y compris sur ce que notre pays croit avoir protégé ! La menace d’un veto français apparaît, à ce propos, de plus en plus improbable…

 

Le renoncement du mercredi 3 juillet de M. Hollande, car c’en est bien un, qu’on le veuille ou non, montre aussi que les dirigeants de la République n’ont guère d’égards pour le peuple français, qu’il soit électoral ou plus vaste : cet abandon entre les mains d’une Commission qui va jouer son rôle et même, sans doute, profiter de l’occasion pour le redéfinir et le renforcer, n’est qu’un aspect, le plus triste peut-être, de ce véritable coup d’Etat politique européen qui va engager le continent tout entier, au nom de l’économie et des principes de libre-échange et de libéralisme économique, dans une situation que les nations et les peuples n’ont pas souhaité et ne souhaitent sans doute pas.

 

La mise à l’écart des peuples et des Etats par les institutions européennes, prouve à l’envi que cette « Europe légale », de plus en plus, se coupe de ce que l’on pourrait nommer « l’Europe réelle » : il n’est pas sûr que les conséquences d’une telle attitude de la Commission européenne (le terme « trahison » est-il trop fort ?) mais aussi des gouvernements (de moins en moins souverains et politiques) et des parlementaires européens soient heureuses…

 

 

26/06/2013

La République de l'outrance.

 

« La République gouverne mal, mais elle se défend bien » : combien de fois ai-je écrit, crié, murmuré cette citation d'Anatole France, l'auteur d'un roman terrible sur la Terreur, « Les dieux ont soif » ? Mais, aujourd'hui, je la répète encore une fois et avec une sourde colère au regard des nombreuses interpellations, gardes à vue et procès qui frappent les opposants au mariage homosexuel, sanctions souvent sans grand discernement et dans l'injustice la plus certaine. Bien sûr, tout Etat doit se défendre et l'ordre public doit être préservé, au risque sinon de voir triompher la loi de la jungle qui n'est jamais que la loi des plus forts et des plus violents. Sans doute, toute contestation n'est pas bonne en soi... Mais l'on pourrait attendre d'un Etat comme la France, issu d'une longue et parfois douloureuse histoire, un plus grand sens de la mesure : mais la République, elle, surtout lorsqu'elle se pare de grands principes moraux, a tendance à cultiver l'hubris, cette outrance qui, en somme, détruit la légitimité de ce qu'elle est censée préserver !

 

 Ainsi, cette affaire « Nicolas », prénom d'un jeune manifestant hostile à la loi Taubira, désormais promulguée et appliquée avec quelques conséquences collatérales sur le Code civil comme, entre autres, la disparition des termes de « père » et « mère » de ce texte fondamental du Droit français.

 

Ce jeune, Nicolas Bernard-Buss, incarcéré depuis la semaine dernière à Fleury-Mérogis, en fait, est plus encore un révélateur qu'un exemple comme l'aurait voulu un gouvernement aux abois qui ne sait plus comment en finir avec une opposition qui n'est pas « encartée » ou parlementaire mais plus concrète et remuante, moins partisane (au sens politicien du terme) et plus doctrinale. En faisant condamner ce jeune de 23 ans à une peine de prison ferme, le gouvernement (qui se défausse avec une certaine hypocrisie sur « l'indépendance de la Justice »...) espérait effrayer ces opposants qui « ne lâchent rien » comme ils le clament fièrement... Dans ce cas, je doute fortement de la « pédagogie » d'une telle condamnation et de ses arguments ! Bien au contraire, cela a remobilisé des jeunes (et des moins jeunes) qui, décidément, ne veulent plus quitter un pavé auquel ils ont pris goût, comme j'ai pu concrètement le constater encore dimanche dernier, entre la place Dauphine et la rue de Rennes, dans cette immense partie de cache-cache dans les rues de Paris avec des forces de l'ordre visiblement désabusées.

 

Révélatrice, donc, cette incarcération : au moment même où les casseurs du Trocadéro, même condamnés à des peines de prison ferme, semblent échapper plus facilement aux geôles républicaines ; révélatrice aussi, par les raisons évoquées pour un tel traitement, en particulier le « refus de prélèvement d'ADN » qui, désormais, est criminalisé pour tout citoyen désireux de maintenir son « anonymat génétique » (tant que cela est possible, malgré ce risque de sanction...) ; révélatrice également par ce brusque légalisme forcené d'une Gauche qui, pourtant, n'a de cesse, lorsqu'elle n'est pas au pouvoir, de dénoncer les « atteintes aux Droits de l'Homme » que constitue l'usage de la force contre des manifestants parfois beaucoup moins pacifiques que ceux issus des « Veilleurs » ou de « La Manif pour Tous »... Révélatrice également d'une volonté de criminaliser ceux qui ne pensent pas selon les canons de « l'idéologie dominante », suivant une logique un peu inquiétante et qui poussent certains, avec un brin d'exagération à évoquer une « dictature socialiste » quand il faudrait surtout y voir « la dictature du prêt-à-penser », beaucoup plus prégnante et, de toute façon, commune à une grande partie du monde politique et économique, entre libéralisme, social-démocratie et individualisme consumériste...

 

En voulant faire un exemple, le gouvernement a surtout révélé sa faiblesse profonde, une faiblesse qui se crispe en autoritarisme, cette caricature de l'autorité quand « l'ordre et la loi » de la République sont celles de la justice et de la légitimité, voire leurs exacts opposés !

 

Il est des révélateurs et des révélations qui ne peuvent laisser insensibles ceux qui se targuent de réfléchir sur les conditions politiques les plus propices à l'équilibre des sociétés.

 

 

 

Quant à ce jeune homme qui sert, à son corps défendant, de « révélateur » des faiblesses et des outrances de cette République, il faut souhaiter sa libération la plus rapide possible et, mieux, travailler à l'accélérer.