Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

27/01/2014

Inquiétez les politiciens...

A Rennes, dans les années 1980, les murs étaient nos porte-paroles préférés et nous passions des nuits à décorer la ville de graffitis fleur-de-lysés tandis que les matinées étaient surtout réservées aux affichages, y compris sauvages : c’était un autre temps, lointain sans doute, où la liberté d’expression était beaucoup plus grande qu’aujourd’hui, ce qui n’empêchait pas certains extrémistes républicains de vouloir nous empêcher de parler ou de nous exprimer… Nos slogans n’étaient pas toujours très délicats avec la République, c’est le moins que l’on puisse dire, mais ils avaient un certain succès, comme celui que nous avions tracé à la peinture rouge sur les murs du lycée Jean-Macé, un soir de 1983, et qui avait failli être inachevé à cause du réveil inattendu du gardien des lieux : « Politisez vos inquiétudes, vous inquiéterez les politiciens ! », signé d’une immense fleur de lys que j’avais fait en moins de quatre secondes chrono.

 

En écoutant ce qui se disait l’autre jour dans un café de Versailles, je constatais que ce slogan que j’affectionnais tant jadis n’avait rien perdu de son actualité ni de sa pertinence : les clients accoudés au comptoir, ce « parlement du peuple » dont parlait Balzac, s’en prenaient verbalement aux hommes politiques qui, selon eux, ne pensaient qu’à occuper des places gratifiantes et dont les promesses n’étaient que tromperies. En fait, j’édulcore en un langage convenable ce qu’ils clamaient avec des termes plus verts : décidément, le pays légal n’est guère populaire en ces temps de défiance et il ne trouve guère d’avocat, même en période électorale municipale, bien que les maires, aujourd’hui en campagne pour leur réélection en de multiples villes, semblent les moins touchés par le discrédit général qui pèse sur les élus de la République, du moins si l’on en croit la dernière étude sur l’état de l’opinion faite par le Cevipof (Centre de recherches politiques de Sciences Po)… En fait, c’est tout le spectre politique qui est concerné par ce désaveu, de la droite à la gauche, sans oublier les extrêmes qui, s’ils attirent de plus en plus d’électeurs, ne franchissent jamais (ou très rarement) la barre de la majorité des suffrages exprimés dans les élections partielles ou générales. 

 

Ce divorce entre le pays légal républicain, considéré  comme trop verbal pour être honnête, et un pays réel qui grogne, s’encolère et, parfois, manifeste, mais le plus souvent, se réfugie dans l’abstention et le déni de démocratie, est inquiétant, car il se marque trop souvent par des attitudes négatives et peu civiques quand il faudrait, au contraire, réinvestir le champ du politique.

 

Oui, « politisez vos inquiétudes » reste le meilleur moyen de peser sur la politique et de ne pas laisser à d’autres, et en particulier aux « oligarques », le soin de gouverner sans limite et sans frein à leurs appétits ou à leurs dérives législatives : se politiser c’est peser, ou se donner les moyens de peser sur la décision, qu’elle soit municipale, régionale ou nationale (voire européenne et mondiale).

 

Encore faut-il que cette politisation ne s’illusionne pas sur ses propres capacités et qu’elle amène à réfléchir sur le moyen institutionnel qui peut permettre une meilleure écoute, une plus grande efficacité concrète dans le cadre d’une subsidiarité active, au sein des professions, des communes, ou des régions : c’est la grande question des libertés concrètes et publiques, et non seulement privées et individuelles (ces dernières que le monde des politiciens, « la noblesse législative » (sic !), encense pour mieux désunir les citoyens en individus, plus spectateurs impuissants qu’acteurs décisionnaires…).

 

« Politisez vos inquiétudes », c’est transformer celles-ci en carreaux d’arbalète contre une certaine impolitisation (et pas seulement « dépolitisation ») qui transforme le champ de la politique en chasse gardée des « mêmes partis », et qui cherche à diaboliser toute contestation de son « désordre établi » : il n’y a rien qui fasse plus peur à la République qu’une possible réappropriation du champ politique par les « citoyens décisionnistes » car ce serait la fin d’un système des partis qui a trop souvent monopolisé le champ de la décision politique au détriment des électeurs eux-mêmes et de leurs communautés d’appartenance. Ce ne serait pas la fin des partis, par contre, mais leur nécessaire retour à une certaine humilité et, même, à une plus grande efficacité civique, moins politicienne et plus politique au sens le meilleur du terme.

 

Le seul moyen institutionnel de rendre leurs pouvoirs politiques aux gens, c’est de garantir à la magistrature suprême de l’Etat protecteur (et non plus Etat-providence…) une indépendance souveraine à l’égard des structures partisanes et politiciennes, c’est-à-dire une capacité maximale d’arbitrage et de libre autorité au-dessus des intérêts et des assemblées politiques locales ou nationales. Et, pour cela, au regard de l’histoire comme de la pensée politique, il n’y a que la Monarchie fédérale des provinces libres et unies de France qui puisse exercer cette magistrature suprême.

 

Si l’on veut redonner aux Français le goût de la politique et de la pratique civique du débat et de la décision dans leurs cadres socio-politiques respectifs, si l’on veut fonder de nouvelles agoras, c’est bien en travaillant à refonder l’Etat que l’on y arrivera : qu’on le veuille ou non, et personnellement, je le veux et j’y travaille, le moyen institutionnel monarchique est bien la condition nécessaire du retour des Français à la politique… L’ancienne formule latine « Sub rege, rei publicae », c’est-à-dire « Sous le roi, les républiques (ou « les choses publiques ») », signifie bien qu’elles ne peuvent vivre sans lui et, qu’inversement, elles lui sont nécessaires, non pour lui mais pour elles-mêmes, comme les organes de la respiration politique de la citoyenneté

 

 

 

20/01/2014

Nantes, bretonne évidemment !

En mai 2011, le mensuel Bretons titrait : « La Bretagne réunifiée en 2014 ? », affichant en couverture Franck Louvrier, le Nantais conseiller de Nicolas Sarkozy. Ce titre était-il prémonitoire ? Il faudrait bien sûr l’espérer, pour qui aime la Bretagne et connaît son histoire, et pour qui souhaite une véritable refonte de la carte administrative de France, et la conférence de presse du président Hollande a suscité quelques espoirs quand il a évoqué la réorganisation territoriale, nouvelle étape de la décentralisation après les lois Defferre et Raffarin sur ce sujet. Espoirs vite froidement douchés par l’actuel premier ministre, farouche opposant à toute idée d’une telle réunification bretonne, suivi en cela par quelques uns de ses collègues jacobins comme Benoît Hamon ou, à gauche de la gauche, le robespierriste assumé Jean-Luc Mélenchon qui a ainsi fini de suicider le Front de Gauche aux yeux des Bretons…

 

Et pourtant ! Tous les schémas prospectifs d’un nouveau découpage des régions, tels que ceux présentés il y a quelques jours par Ouest-France, mais aussi celui avancé par la commission Balladur il y a cinq ans, intègrent bien la Loire-Atlantique (et sa capitale départementale Nantes) à la Bretagne, soit dans un ensemble simplement breton, soit dans un ensemble plus large du Grand Ouest. La logique économique comme la tradition historique, qui est aussi une espérance pour de nombreux Bretons, appellent à cette réunification après plus de deux siècles de découpage départemental et de séparation administrative décidée d’en haut, par un Etat qui n’a pas été que républicain mais qui a malheureusement trop longtemps suivi cette logique centraliste administrative si peu respectueuse des us et coutumes locales, ainsi que des libertés provinciales étouffées par la Révolution française.

 

« Le cœur et la raison » : il ne faut pas, dans cette question de définition territoriale, séparer l’un de l’autre. Le nouveau découpage administratif que le président a annoncé d’une façon peut-être trop légère ne doit pas se limiter à un nouveau bornage administratif ou économique qui répondrait aux seules exigences de Bruxelles (ce qui ne serait rien d’autre que l’exercice d’un nouveau centralisme, désormais plus européen que français), mais négligerait ce qui fait qu’un ensemble politique suscite, ou non, de l’adhésion ou de la répulsion. Pour réussir et entraîner les cœurs, il faut que ce découpage réponde aussi aux échos de l’histoire et du sentiment : la Bretagne n’est pas qu’un nom sur une carte de papier, elle n’est pas qu’un trait noir sur un manuel de géographie, elle est une histoire et un mystère, une terre de terres et de légendes, de langues et d’habitudes, de vivants et de morts… Nantes participe de cette mémoire et de cette « nation celte » de la fin de l’Eurasie, du bout de la terre : c’est là qu’il y a son cœur politique, et que celui, physique, de sa duchesse deux fois reine de France, Anne, « la duchesse en sabots » comme on a pu la surnommer, a reposé avant que les républicains de 1793 ne le fassent disparaître dans leur furie d’amnésie !

 

D’ailleurs, le successeur de M. Ayrault à la mairie de Nantes rappelle, dans ses vœux 2014 à l’Union des Sociétés bretonnes (mouvement très marqué à gauche…), la dimension toute bretonne de sa ville : « Nantes, capitale historique de la Bretagne, est très attachée à la culture bretonne, à promouvoir son extraordinaire richesse et sa diversité. La langue bretonne y est bien présente. (…) Il y a donc, pour les amoureux de la Bretagne et de sa culture, bien des choses à découvrir à Nantes ! (…) Je vous invite donc à venir découvrir les multiples charmes de la Capitale des Ducs de Bretagne. Nous vous y accueillerons en dignes représentants de la tradition bretonne d’hospitalité ! »

 

Nantes, capitale historique de la Bretagne, doit retrouver la Bretagne dans toutes ses dimensions géographiques : l’occasion est à nouveau offerte et il serait bon et juste qu’elle soit saisie par les plus hautes autorités de l’Etat ! En cette année du 500ème anniversaire de la mort de la duchesse Anne, cela serait un beau symbole et un hommage actif à celle qui a tant fait pour sa terre chérie de Bretagne : en somme, comme son dernier bienfait…

 

 

 

16/01/2014

La conférence de presse de M. Hollande et ses incomplétudes...

La conférence de presse de François Hollande était un retour au discours politique après une semaine d’émotions, d’indignations et de vaudeville, toutes choses qui n’étaient guère à l’honneur d’une République qui semble en avoir oublié jusqu’à la notion, faute de le pratiquer souvent… Mais il est trop vrai que M. Hollande n’est sans doute pas, en ces heures délicates, l’homme de la situation, et il me rappelait le président Albert Lebrun, celui-là même qui avait, bien malgré lui, enterré la IIIe République : pourtant sympathique et honnête, les événements l’avaient submergé sans qu’il n’y puisse rien… De Gaulle, le rencontrant après-guerre, avait jugé d’une phrase la situation : « Au fond, comme chef de l’Etat, deux choses lui avaient manqué : qu’il fût un chef ; qu’il y eût un Etat.» La formule reste terriblement actuelle…

 

Bien sûr, le locataire présent du palais de l’Elysée a fait quelques annonces qui confirment sa logique qualifiée de social-démocrate ou de libéral-démocrate, selon les observateurs, et a déçu autant la Gauche qu’il a déstabilisé la Droite, pratiquant ainsi la vieille stratégie du « diviser pour mieux régner » qui reste toujours une arme redoutable pour qui sait la manier. Bien sûr, il a évoqué une possible réforme de simplification territoriale qui, en définitive, pourrait bien reprendre les grandes idées développées dans le projet Balladur, comme le redécoupage du territoire de métropole en 15 régions au lieu de 22 actuellement, et, donc, le retour de Nantes en Bretagne à cette occasion, ce qui serait, en cette année de commémoration de la duchesse Anne de Bretagne, un bel hommage à son combat de défense de l’autonomie et des libertés bretonnes. Bien sûr, il a évoqué la relance du couple franco-allemand… Mais, il donne plus, en fait, l’impression d’être le « bon gouverneur » d’une province soumise mais encore fière, que le président d’un Etat souverain et susceptible de faire des choix géopolitiques qui lui soient propres : d’ailleurs, les institutions de l’Union européenne ont souligné avec insistance qu’elles étaient satisfaites du bon élève Hollande depuis qu’il a parlé le langage que « l’Europe libérale voulait entendre… » Il n’est pas sûr que le pays de France, « ce cher et vieux pays » chanté dans l’histoire par le général de Gaulle mais aussi par les rois capétiens depuis Philippe-Auguste, en soit satisfait, lui…

 

Mais il est des sujets que le président n’a pas abordés et qui, pourtant, auraient mérité quelques bonnes phrases et quelques vraies annonces et justes propositions ; des sujets qui, en définitive, sont des révélateurs (y compris a contrario quand ils sont négligés…) de la volonté de puissance, non pas au sens agressif mais fondateur du terme, et de la longue vue que l’on doit avoir pour mener une politique efficace sur le temps long au-delà des simples échéances électorales :

 

  1. La question démographique, au lendemain de l’annonce d’une baisse, pour la 2ème année consécutive, du taux de fécondité en France, repassé sous la barre symbolique des 2 enfants par femme en âge de procréer, et du plus faible accroissement naturel depuis une douzaine d’années : cette tendance est sans doute la conséquence d’une politique entamée sous le gouvernement Fillon, au moment de la réforme des retraites, et qui, de plus en plus, remet en cause les avancées qui avaient été faites depuis les années 1930 en faveur des familles et en particulier des mères de famille nombreuse… Or, permettre aux familles de prospérer dans de bonnes conditions, c’est assurer une meilleure intégration de leurs enfants dans la société et pérenniser un système de retraites par répartition qui, malgré ses nombreux défauts, reste le moins inéquitable des systèmes…

 

  1. La question de l’Outre-mer français et de ses potentialités gigantesques, aujourd’hui négligées à tort : la présence de la France sur tous les continents et dans tous les océans est une chance formidable qu’il serait absurde et même criminel de laisser filer en d’autres mains. Encore faut-il rompre avec un certain repli métropolitain et européen qui domine dans notre société, et engager une véritable réflexion sur les moyens d’accorder sa juste place à l’Outre-mer dans les institutions et dans les politiques nationales ; en finir aussi avec une « économie de la rente » là où il faudrait promouvoir l’audace pour mettre en place des projets d’énergies renouvelables appropriées aux lieux considérés, qu’elles soient solaire, houlomotrice ou éolienne, et des politiques de préservation et de valorisation des richesses de la biodiversité, par exemple.

 

  1. La question des mers : grâce à ses 5.500 kilomètres de littoraux métropolitains et à ses territoires ultramarins, la France possède la 2ème Zone économique exclusive du monde, aujourd’hui sous-valorisée. Là encore, il y a une véritable politique de la Mer à développer, entre préservation environnementale, en particulier des zones de frai, et exploitation mesurée des ressources halieutiques, énergétiques et sous-marines… Or, la Marine française est aujourd’hui délaissée par l’Etat, qu’elle soit militaire ou marchande, au risque, là encore, de voir d’autres puissances s’approprier nos propres espaces maritimes, faute que nous puissions les protéger de leurs appétits. Pourtant, relancer une industrie navale digne de ce nom serait l’occasion de pérenniser l’activité de construction navale de nos ports et d’améliorer encore notre expertise en ce domaine dans lequel la France est considérée comme fort crédible, et cela à juste titre !

 

 

En oubliant ces trois thèmes qui devraient être majeurs dans l’esprit de nos gouvernants, M. Hollande a confirmé, à ses dépens, la formule du général de Gaulle : mais il faudra bien un jour, aussi, et au-delà de la seule personne du président, poser la question de l’Etat susceptible « d’être et de durer, de décider et d’agir ». Car, accuser M. Hollande de tous les maux serait risquer de ne pas voir les responsabilités historiques et politiques d’une République qui néglige trop souvent le pays et ses citoyens quand, dans le même temps, elle n’est plus que le paravent d’une oligarchie oublieuse des devoirs politiques de l’Etat…