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08/01/2014

Les ouvriers de Good Year face au mépris...

 

La séquestration de deux dirigeants de l’entreprise Good Year a pris fin dans l’après-midi de ce mardi mais elle est véritablement révélatrice, à plus d’un titre, d’une part de l’hypocrisie du gouvernement socialiste et de l’absence d’un dialogue social digne de ce nom d’autre part. Hypocrisie d’un gouvernement qui, depuis qu’il est en place, n’a eu de cesse de freiner l’esprit d’entreprise en France et, dans le même temps, de Mittal à Florange à Good Year à Amiens-nord, de céder aux injonctions de multinationales qui semblent ridiculiser à loisir le politique et l’Etat en s’appuyant sur les préceptes d’une mondialisation et d’un libéralisme qui ne s’avèrent, ni l’un ni l’autre, de bon aloi pour les ouvriers, devenus la simple variable d’ajustement des grandes entreprises et de leurs actionnaires. Les insultes des ouvriers d’Amiens qui, ce soir, ont fusé contre M. Hollande et la gauche de gouvernement semblent bien vaines contre la violence sociale d’un certain patronat oublieux de ses devoirs et contre la violence légale d’une République qui est de plus en plus forte à l’égard des faibles quand elle est tristement bienveillante à l’égard des puissants de l’Argent : le discours électoral du Bourget dans lequel M. Hollande s’en prenait aux puissances de la finance apparaît comme une sinistre farce dont les dindons sont les travailleurs de ce pays, abandonnés par ceux-là mêmes qui leur doivent leurs situations présidentielle et gouvernementale… Il est facile de comprendre le profond discrédit de cette classe politicienne dominante près des électeurs des classes populaires et la tentation populiste et celle de l’abstention, qui ne sont ni l’une ni l’autre inciviques mais bien plutôt des formes, plus que d’un appel au secours, d’une colère (de moins en moins…) sourde des « petits », des « sans voix », contre les « méprisants de la République », élus ingrats d’une démocratie trop « représentative » (confiscatoire ?) pour être honnête…

 

A Rennes, il y a quelques mois, j’ai eu l’occasion d’entendre des ouvriers de PSA-La Janais (dont l’un, syndiqué de longue date à la CGT, m’avouait préférer le royaliste social que je suis aux petits messieurs proprets de la social-démocratie hollandiste…) s’encolérer contre une Gauche oublieuse de ses promesses et incapable d’avoir une stratégie face aux oukases de Bruxelles et des multinationales, souvent jetés dans le même panier d’infamie : des mots très durs avaient été lâchés, et j’en avais marqué une certaine surprise, qui n’était pas pour autant de l’incompréhension… L’ami cégétiste, bon et fier travailleur, me déclarait alors ne plus vouloir autre chose que l’explosion finale, preuve d’une sorte de désespoir profond et d’une grande impuissance, notre démocratie électorale n’accordant plus, à son sens, aucun crédit à la parole ouvrière ! « Que ça pète, et qu’ils disparaissent tous, qu’ils aillent au diable ! » : et ce sont des larmes qui perlaient au bord des yeux…

 

Ce soir, alors que tournent en boucle les images des ouvriers de Good Year huant les dirigeants piteux sortant de l’usine occupée, retentissent dans ma mémoire les mots crus du syndicaliste de PSA : j’ai l’impression que ce sont aussi ceux des occupants de l’usine d’Amiens-nord ! Il faudrait bien que les oligarques qui dirigent la République les entendent à leur tour avant que le pire n’advienne : il est des colères qui préparent les révolutions du lendemain, les revanches parfois violentes des méprisés de la veille…

 

Certains me diront que séquestrer des dirigeants d’entreprise, « cela ne se fait pas » : bien sûr, je peux entendre cet argument mais que pèse-t-il face au désarroi des centaines d’ouvriers français jetés à la rue, non pour avoir manifesté ou mal travaillé, mais simplement parce que, comme l’explique avec cynisme un Maurice Taylor, patron de Titan et sinistre exemple états-unien de la cupidité financière, « ils coûtent trop cher », et que des travailleurs exploités, quasiment esclavagisés dans des pays en plein développement industriel comme l’Indonésie ou le Vietnam, peuvent faire le même travail dix fois moins cher, sans protection sanitaire ni sociale ?

 

Maurras, à la suite de La Tour du Pin, rappelait que, dans ces « affaires sociales »-là, ce n’était pas le prolétariat qui avait commencé et que les réactions ouvrières étaient, à défaut d’être toujours justes, étaient au moins légitimes ! Un autre royaliste des années 1970, « gaullo-gauchiste » catholique aujourd’hui malheureusement bien oublié, Maurice Clavel, ne disait pas autre chose quand il évoquait le combat des ouvriers de l’usine Lip, et il n’avait pas tort, là non plus…

 

 

 

 

 

 

05/01/2014

Lecture, réflexion, discussion... action !

 

La période des vacances est toujours l’occasion pour moi de me plonger dans les nombreux ouvrages que j’achète au cours de l’année ou que l’on m’offre à la période des fêtes : il n’est pas dit, pour autant, que j’arrive à tout lire, tant le nombre de livres qui s’entassent dans mon appartement, mais aussi dans ma voiture, est élevé ! Néanmoins, c’est une activité à laquelle je consacre, même en temps normal et au-delà des nombreux journaux et revues que je me procure quotidiennement (y compris le dimanche, au grand dam de mon épargne…), quelques heures chaque jour, et je n’ai pas vraiment l’impression de perdre mon temps.

 

La lecture d’un essai ou d’un document d’histoire, par exemple, n’est pas qu’un loisir divertissant, c’est parfois aussi l’abord de nouvelles pistes idéologiques ou de nouveaux chantiers intellectuels, et la réflexion s’en trouve encore plus stimulée, y compris par l’agacement que je puis éprouver à certaines pages : ainsi, ces livres rédigés par les néo-robespierristes, nombreux autour de M. Mélenchon, et qui voient en Lorànt Deutsch ou en Jean Sévillia d’ignobles réactionnaires à chasser des bibliothèques et des plateaux télévisés, mais qui ont, en même temps et parfois a contrario, le mérite de montrer que la recherche et le débat historiques sont toujours d’actualité en notre pays et que ce sont des enjeux diablement importants ! Que certains veuillent faire taire ou marginaliser ceux qui ne sont pas « dans la ligne » de l’Education nationale officielle est révélateur des tentations permanentes de la censure qui s’exprimèrent (et pas toujours du même côté politique) avec tant de hargne aux heures sombres de notre histoire, des années de la Terreur républicaine à celles de l’Occupation : tentations bien vaines aujourd’hui si l’on veut bien se donner la peine d’ouvrir les livres et, de plus en plus, d’allumer l’écran d’ordinateur qui, lui-même, ouvre tant de voies bibliophiliques nouvelles pour qui est curieux et pas seulement opportuniste.

 

Mais, au-delà des cris d’orfraie des amoureux de Maximilien et des murmures plus insidieux des Girondins et du Marais, la Révolution française, car c’est le plus souvent autour d’elle que se crispent le plus les attitudes et les postures, n’est plus ce « temple des principes et des valeurs » que la IIIe république a voulu ériger et que l’école issue de Jules Ferry avait pour tâche de faire vénérer à tous les élèves de France, y compris, comme le faisait remarquer Marcel Pagnol avec justesse, au détriment de la simple vérité historique ! Les livres de Gaxotte jadis, de Furet hier, ou de Sécher et Deutsch aujourd’hui, ne sont pas pour rien dans la ruine du temple des illusions « francorévolutionnaires »… Le livre est une arme de papier parfois terrible !

 

Je ne lis évidemment pas que des ouvrages sur la période ouverte par 1789, et je me suis penché, sans doute influencé par l’actualité récente de ma province natale, sur les livres et revues consacrés à Anne de Bretagne, dont on commémore cette année le 500e anniversaire de la mort comme reine de France et duchesse de Bretagne, et sur ceux posant la question de l’identité bretonne, comme « être Breton ? », de Jean-Michel Le Boulanger, et d’autres encore évoquant les révoltes bretonnes dans l’histoire, jusqu’aux tentations nationalistes (ou européistes…) des années 30 à nos jours… De quoi alimenter de prochaines notes sur mon site personnel !

 

La lecture n’est pas un simple acte intellectuel, elle doit mener, d’une manière ou d’une autre, à l’action : « On a raison de se révolter », cet ouvrage écrit à trois mains par Sartre, Gavi et Pierre Victor (devenu ensuite Benny Lévy, passé « de Mao à Moïse », selon sa propre expression), rappelle, d’une certaine manière, le texte court et acéré de Maurras « Si le coup de force est possible », véritable « bible » des militants monarchistes des années post-68, et, dans les deux cas, la lecture promeut (certains diraient « promet », ce qui semble moins mobilisateur…) l’action politique, réfléchie, stratégique, déterminée, celle qui doit faire l’histoire ou qui en est le moteur, pensent Sartre comme Maurras… J’avoue avoir puisé quelques éléments extrêmement intéressants (malgré un fatras de théories difficilement soutenables sur le plan intellectuel) dans le texte des trois fondateurs de Libération, en particulier autour de la grande question de la légitimité et de l’illégalité, question qui est déjà celle que Sophocle pose dans son « Antigone ».

 

Combien de livres ouverts en cette période de vacances qui s’achève ? Peut-être une vingtaine… sans doute un peu plus ! Ce sont ces lectures nombreuses, variées, parfois antagonistes, qui nourrissent ma réflexion et enrichissent mon action, et inversement… Je ne lis pas pour lire ou seulement pour lire : je lis pour me provoquer, et agir !

 

Et j’y retourne, l’ordinateur à peine éteint !

 

 

 

31/12/2013

La Grèce face à l'Europe.

 

L’Europe doit beaucoup à la Grèce, historiquement comme politiquement, et jusqu’à son nom, celui de la fille d’Agénor et de Téléphassa, enlevée et violée par Zeus en Crète… Les noms et les principales notions de politique, mais aussi des différentes sciences sociales, de l’histoire à l’économie, des mathématiques à la philosophie, sont d’origine grecque : ainsi, la monarchie et la démocratie, par exemple, qui sont, à mes yeux, les éléments essentiels du débat politique en France, même si le terme république, d’origine latine, a tendance à les cannibaliser ou à les occulter dans la plupart des expressions politiques et civiques, jusqu’à entretenir quelques confusions malheureuses, en particulier lorsque les hommes du pays légal évoquent les « valeurs »…

 

L’Europe doit beaucoup à la Grèce et pourtant, l’Europe ne lui en est guère reconnaissante ces dernières années, et encore moins l’Union européenne depuis 2010 et le déclenchement de la crise grecque qui a révélé, non seulement la forte corruption des féodalités politiciennes locales, mais aussi et surtout que les institutions européennes avaient fait le choix d’un libéralisme qui, en définitive, s’accorde mal à la solidarité pourtant nécessaire à la cohésion de l’ensemble européen : ainsi, c’est une Grèce exsangue qui va, à partir du 1er janvier, présider l’Union européenne pour six mois, une Grèce qui n’en finit pas d’expier les fautes des siens politiciens et les défauts de construction de la monnaie unique, et de subir un véritable régime punitif de la part d’une troïka constituée de l’Union européenne, de la Banque centrale européenne et du Fonds monétaire international.

 

« Cinq ans de traitements de cheval des bailleurs financiers ont produit le plus haut chômage d’Europe (27 % en moyenne et près de 60 % pour les jeunes de moins de 25 ans) », rappelle Laurent Marchand dans son article du quotidien Ouest-France (lundi 30 décembre 2013), tandis que, dans ce même journal, Marc Pennec enfonce le clou : « Dans un pays d’à peine onze millions d’habitants, on compte désormais 1.450.000 chômeurs, un million de plus qu’il y a trois ans. Le PIB a chuté de 25 %, le pouvoir d’achat de 37 %. Entre 2008 et 2012, la consommation a reculé de 30 %. » Et Le Figaro d’ajouter : « La dette publique atteint 322 milliards d’euros fin 2013, soit 176 % du PIB. Elle est jugée insoutenable sur le long terme. » Un tableau économique et social terrifiant, et dont les effets se font dramatiquement sentir, y compris dans le domaine de la santé publique : « Trois Grecs sur dix n’ont plus de couverture sociale, si on compte les ayants droits, rapporte Christina Psarra, responsable de Médecins du Monde à Athènes. De plus en plus d’enfants qui ne sont ni couverts ni vaccinés. (…) Depuis septembre, (…), si l’enfant ne présente pas de carnet de vaccination, il peut être déscolarisé. » Sans oublier l’augmentation tout aussi terrifiante du taux de suicide des Grecs, pourtant jadis le plus bas d’Europe !

 

On aurait pu attendre de l’Union européenne envers les citoyens grecs une certaine solidarité, même critique des causes intérieures qui avaient aggravée la situation : or, l’UE n’a joué qu’un rôle sinistre de Père Fouettard, et, par ses principes idéologiques libéralistes, ses blocages europhiliques, ses institutions mêmes, cette « Europe légale » qui apparaît si lointaine de « l’Europe réelle » a manqué à ce qui aurait pu être ses devoirs si elle avait eu quelque conscience au-delà de ses seuls intérêts financiers…

 

Et d’ailleurs, la troïka qui « occupe » Athènes (selon le terme employé par de nombreux Grecs), cette troïka dans laquelle l’Europe a la part la plus importante, continue à écraser la Grèce et à lui compter l’aide à lui apporter de la façon la plus sordide : ainsi, elle réclame instamment la levée du moratoire sur les expulsions et les saisies immobilières, et cela pour permettre, dit-elle, le recouvrement des créances impayées des banques… Mais quelle est donc cette Europe qui oublie les hommes et les réduit à la misère lorsque ce sont les banques et les politiciens qui ont, d’abord, failli ?

 

La Grèce, « cette Grèce où nous sommes nés », comme l’écrivait Thierry Maulnier (ce royaliste qu’il est urgent de relire en ces temps troublés), mérite mieux que les oukases des banquiers de l’euro : elle peut être, au-delà de ses épreuves terribles, l’occasion de penser une nouvelle fondation de l’Europe, au-delà et peut-être même hors des clivages et des habitudes d’une Union européenne trop peu sociale pour être viable à long terme