22/02/2014
Ce si inutile et coûteux aéroport...
La manifestation de samedi à Nantes pour protester contre la construction d’un aéroport international sur le site de Notre-Dame-des-Landes suffira-t-elle pour empêcher le début des travaux, annoncés comme imminents par les partisans de ce projet déjà fort ancien, pensé du temps où Concorde faisait rêver la France ? Rien n’est sûr, et il faut craindre, sans doute, une tentative prochaine du gouvernement pour imposer ce qui ressemble de plus en plus à un caprice de notables nantais : M. Ayrault, dans cette affaire comme dans celle du redécoupage régional évoqué en janvier par M. Hollande, raisonne petitement, non en homme d’Etat et de hauteur, mais en féodal départemental.
Cela est d’autant plus regrettable que la nécessité économique de cet aéroport est de plus en plus contestée, à l’heure où le TGV relie Nantes à Paris en un peu plus de 2 heures, mais avec la perspective d’une réduction de ce temps de déplacement de plus d’une demi-heure dans les prochaines années grâce à de nouveaux aménagements ferroviaires. Contestée et contestable aussi, car ce projet s’appuie sur une conception de l’économie désormais de plus en plus remise en cause par les limites mêmes de la mondialisation et de la métropolisation qui, pour s’étendre encore, suscitent néanmoins également des réserves vives d’un nombre croissant de citoyens. Le modèle économique dans lequel s’inscrit le projet aéroportuaire de Notre-Dame-des-Landes n’est plus adapté aux temps qui viennent, ceux de la nécessaire sobriété et de la transition énergétique, et il faut aussi penser la fluidité et les communications en termes d’aménagement du territoire à la fois local et national (sans oublier, si possible, l’international), et non seulement sous la forme d’égoïsmes départementaux centrés sur eux-mêmes et persuadés que leur « développement » (véritable utopie contemporaine des milieux urbains…) va résoudre tous les problèmes locaux.
Il existe déjà, dans l’ouest de la France, un réseau important d’aéroports de tailles diverses qui, en définitive, rendent inutile un nouvel aéroport international en Bretagne historique, aéroport d’ailleurs considéré comme « trop proche » de la région parisienne pour pouvoir jouer un rôle véritable dans la compétition mondiale : mieux vaut jouer la carte, plus intéressante en définitive et sans doute (avec quelques efforts) moins dispendieuse, de ces quelques aéroports régionaux reliés directement au tissu économique local et aux autres modes de transports que celle d’un grand aéroport qui risquerait de monopoliser tous les moyens financiers et toutes les ardeurs des collectivités de l’Ouest au risque d’accentuer une nouvelle centralisation et un nouveau déséquilibre au profit d’une seule métropole dans le nord-ouest atlantique, Nantes.
Sait-on que, d’ailleurs, que les aménagements routiers et ferroviaires pour relier l’aéroport au reste de l’Ouest coûteraient environ 4 milliards d’euros et que leur seule réalisation ne serait pas chose simple car elle se heurterait à de fortes résistances, là aussi, des populations locales mais aussi qu’ils risqueraient de contrevenir aux recommandations déjà anciennes du Grenelle de l’environnement de 2007 qui évoquaient la limitation, voire un moratoire, de la construction de nouvelles autoroutes ? Pour l’heure, n’est prévue que la liaison entre le centre de Nantes et le site de l’aéroport en projet…
Cette affaire montre toute la vanité et, sans doute, l’incompétence d’hommes politiques qui s’enivrent de leurs rêves de grandeur sans en mesurer les conséquences financières et économiques : ce sont les mêmes qui, année après année, ont creusé les déficits de notre pays mais aussi ont endetté chacun d’entre nous et les générations qui suivent de sommes désormais considérables, en oubliant que l’argent qu’ils dépensaient n’était pas le leur, mais celui des contribuables. Que ce soit le même M. Ayrault qui s’avère incapable de redresser les comptes de l’Etat et qui serait prêt à dépenser encore et encore des centaines de millions d’euros (même si l’entreprise Vinci est, officiellement, le principal investisseur) pour « faire son aéroport », en dit long sur la responsabilité d’une République qui utilise de tels hommes et accepte de tels procédés, au détriment de l’intérêt général et du Bien commun ! Il est vrai que la seule sanction que ces personnes risquent, c’est la défaite électorale, et encore ! A voir ceux-ci et cela, la colère apparaît, non seulement logique, mais aussi légitime. Encore faut-il, pour qu’elle ne verse pas dans le nihilisme, qu’elle soit ordonnée et qu’elle se veuille, ou mieux encore, qu’elle soit fondatrice…
01:31 Publié dans Blog | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : aéroport, notre dame des landes, colère, avions, contribuables.
18/02/2014
Une nouvelle agriculture pour demain (2ème partie : quelle agriculture souhaitable?)
Quelles peuvent-elles être les pistes pour une nouvelle agriculture souhaitable en France ? Des chercheurs de l’INRA (Institut national de la recherche agronomique) mettent en avant l’idée de développer de façon plus large l’agroforesterie, c’est-à-dire la combinaison entre arbres et productions végétales et animales, sachant que, selon les recherches menées récemment, une exploitation de 100 hectares en agroforesterie produit autant qu’une exploitation conventionnelle (c’est-à-dire dissociée des arbres) de… 140 hectares ! En ce domaine, la France a une grande marge de progression puisque seulement 170.000 hectares sont exploités en agroforesterie (chiffres de 2008) alors que l’on pourrait monter à plusieurs millions en quelques années, pour le plus grand bénéfice des terres comme des producteurs. Cela permettrait aussi de revenir sur les inconvénients du remembrement en replantant des haies, et en refaisant, au-delà de l’agroforesterie, des talus et des fossés susceptibles de retenir les terres et de drainer l’eau lors des tempêtes et des épisodes de grandes pluies dont la Bretagne est aujourd’hui victime et dont les conséquences sur les espaces agricoles, réels et fort lourds, sont aujourd’hui peu évoqués…
Développer l’agriculture biologique est aussi une piste intéressante car, là aussi, les possibilités d’extension spatiale et d’expansion économique sont très importantes, comme le faisaient remarquer les participants au Grenelle de l’environnement de 2007 : aujourd’hui, plus d’un million d’hectares sont dédiés au bio, ce qui est encore loin de l’objectif de 20 % des terres pour 2020 qui était alors espéré et qu’il paraît difficile d’atteindre s’il n’y a pas une volonté ferme de l’Etat, mais aussi des fédérations agricoles et des producteurs eux-mêmes, de faire avancer cette perspective par une véritable politique volontariste et par une certaine motivation, toujours nécessaire pour mener à bien ce genre de mutation à terme.
Il apparaît aussi utile de repenser les productions en France elles-mêmes : par exemple, sait-on qu’une grande partie du chanvre que nous utilisons dans notre pays vient… de Chine, alors même que le Berry, ancienne région productrice, n’en produit plus guère et qu’il n’y en a que 8.000 hectares de culture en France ? Cela alors même que le chanvre est utilisable dans de multiples domaines, de la construction et l’isolation à l’alimentation animale et, même, comme carburant et, plus étonnant, comme carrosserie pour véhicules électriques ! Ce petit exemple montre combien il serait possible de moins dépendre d’autrui pour de nombreuses productions que l’on importe aujourd’hui des pays émergents, que cela soit pour se nourrir ou pour de multiples autres raisons.
De plus, à l’heure où la crise de l’emploi frappe durement notre pays, « relocaliser » notre production nourricière agricole permettrait, sur des espaces aujourd’hui délaissés ou sous-exploités, d’installer de nombreux jeunes (ou moins jeunes) désireux de travailler à leur compte et dans un cadre moins urbanisé, avec l’avantage de rajeunir une population d’agriculteurs aujourd’hui vieillissante et de redonner vie à des campagnes et à des villages qui pourraient, avec l’arrivée de ces jeunes « néoruraux » (qu’il s’agira de former aux techniques agricoles les plus soucieuses de l’environnement et de ses équilibres) et de leurs enfants, maintenir ou rouvrir des classes d’école… Cette politique « localiste » est, de plus, rendue possible par un bâti qui, le plus souvent, existe déjà et mérite d’être entretenu ou rénové. Et ce ne sont pas les terres qui manquent en France, mais bien plutôt les bras pour les cultiver. Il est d’ailleurs à signaler que, selon la plupart des recherches menées sur ce sujet, de petites surfaces agricoles sont mieux exploitées et valorisées que de trop grandes : l’étude lancée en 2011 par un chercheur de l’INRA pour 3 ans sur une ferme de Normandie pratiquant le maraîchage bio intensif (étude signalée par la revue « L’écologiste » de l’été 2013) montre qu’il « est possible de dégager un revenu brut d’environ 30 000 euros annuels avec 1400 heures de travail annuels, soit 35 heures par semaine sur dix mois ». Voici, là aussi, une piste prometteuse pour une nouvelle agriculture, à la fois biologique et de proximité, favorisant l’emploi sans écraser l’agriculteur ni la terre et l’environnement !
Cette nouvelle agriculture, certes, ne verra pas son règne arriver tout de suite, loin de là, mais il apparaît de plus en plus nécessaire d’engager la transition agricole vers cette nouvelle forme de production, à la fois plus respectueuse de l’environnement et de ses richesses, des paysages et des communautés rurales (ou néorurales…), tout aussi productive et sans doute plus utile que l’agriculture productiviste, uniformisatrice et épuisante pour les sols, qui domine trop souvent dans nos campagnes sous la coupe d’une industrie agroalimentaire trop dépendante d’une société de consommation vorace et tentatrice…
C’est aussi l’occasion pour la France de se présenter comme le pays de l’excellence environnementale et de l’innovation agricole sans céder aux sirènes scientistes de certaines grandes multinationales de l’agroalimentaire et sans abandonner ses agriculteurs aux oukases des banques ou d’une Commission européenne trop réglementariste et hygiéniste pour être honnête…
L’agriculture est une chance pour la France et la France peut et doit, impérativement, la saisir.
22:13 Publié dans Blog | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : agriculture, agriculture biologique, paysans, néoruraux, campagnes, berry, chanvre.
17/02/2014
Une nouvelle agriculture pour demain (1ère partie : l'agriculture française en crise ?)
« Labourage et pâturage sont les deux mamelles de la France » : cette citation célèbre de Sully, ministre du roi Henri IV, a-t-elle encore un sens aujourd’hui ? Certes, le Salon de l’Agriculture remporte chaque année un succès populaire indéniable mais de plus en plus on le visite comme on irait au zoo, c’est-à-dire en quête d’exotisme plus que de racines ; certes, il reste environ un million de personnes qui travaillent dans le secteur agricole mais de moins en moins en relation avec les saisons et les paysages et de plus en plus en fonction des cours des produits agroalimentaires ; certes, les productions agricoles françaises se vendent et s’exportent encore bien mais elles ne constituent plus qu’une part dérisoire du PIB français (environ 4 %)…
En fait, l’agriculture française est en crise, mais surtout elle semble douter d’elle-même, presque négligée par un État qui ne la considère que sous le seul angle économique quand il faudrait la penser sous les angles sociaux, environnementaux, voire même politiques, dans le cadre d’une stratégie à long terme et d’une politique d’aménagement du territoire dont les terroirs, les paysages et les sociétés locales humaines ne peuvent être absentes. D’ailleurs, cette crise, qui provoque de nombreux drames dans le monde des exploitants agricoles (suicides nombreux, marginalisation sociale et isolement, endettements dangereux, arrachages d’arbres fruitiers ou abandon –et disparition- de cultures ou d’espèces végétales comme animales…), n’est que le prolongement ou la pratique d’une mondialisation qui uniformise plus encore qu’elle n’internationalise les produits tirés de l’activité agricole, et d’une logique agroalimentaire qui privilégie les profits et les grandes quantités, souvent (même si cela souffre quelques belles exceptions) au détriment de la qualité et des traditions des terroirs et des communautés. La logique de la société de consommation n’arrange rien en favorisant des formes de restauration rapide et bon marché qui dévalue les attitudes du bien manger et dévalorise la nourriture comme les arts de la table, les ramenant à une simple routine quantitative, trop sucrée, trop salée et trop grasse : du coup, les consommateurs sont peu sensibles, la plupart du temps, à la provenance ou à la qualité propre des produits alimentaires, n’en considérant que le prix ou le goût plaisant sans en mesurer les conséquences ni même les saveurs véritables…
Et pourtant ! La France est un pays d’une richesse absolument exceptionnelle, et ses terroirs, multiples et si variés, révèlent et recèlent des trésors qu’il serait dommage de laisser perdre ou s’oublier, que cela soit dans le domaine des vins, des fromages, des légumes ou des viandes, entre autres : la France est, disait-on jadis, un véritable jardin et ses 28 millions d’hectares de Surface agricole utile (mais quelques autres millions peuvent aussi permettre des activités agricoles, entre landes et forêts, par exemple) nous le rappellent, comme la diversité des produits qui en sont issus et que nous retrouvons, parfois, sur les marchés locaux. C’est une chance qu’il nous faut saisir ou, plutôt, ressaisir : le « pétrole vert » de la France, c’est bien l’agriculture ! Encore faut-il ne pas faire n’importe quoi, et ordonner les activités et les productions agricoles aux capacités et aux qualités des lieux, dans le respect des paysages et des climats qui sont, tout de même, les maîtres naturels d’une agriculture saine et appropriée à la pérennité des milieux. Cela nécessite de prêter plus d’attention aux modes de production eux-mêmes, et d’en limiter, autant que faire se peut, les inconvénients pour les terres comme pour les hommes.
Bien sûr, l’agriculture actuelle est productiviste et très mécanisée, très « chimique », mais ce n’est pas une fatalité et il est possible (et sans doute nécessaire, d’ailleurs) de la « désindustrialiser » sans pour autant faire s’effondrer les quantités produites nécessaires à la consommation nationale et à l’exportation : une réorientation de la formation professionnelle et de la production agricole est possible, comme l’a été, dans les années 50-60, la politique de modernisation qui, si elle a permis l’augmentation des quantités produites, a parfois négligé, gravement, les conséquences environnementales et culturales. Il s’agit, non d’un retour en arrière, mais d’une meilleure prise en compte des conditions nécessaires à la pérennisation des milieux et de la présence agricole en France, partout où la terre peut donner à nourrir, mais aussi à vêtir et à installer (construction et ameublement, etc.), les hommes.
(à suivre)
21:51 Publié dans Blog | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : pétrole vert, agriculture, mondialisation, uniformisation, crise, productions.