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22/09/2021

La réflexion sur la décroissance et l'économie : vers la Monarchie ?

Dans la campagne des primaires écologistes des Verts, une candidate a tenu un discours fort intéressant et moins dogmatique que celui habituellement tenu par les représentants d’un « écologisme légal » qui, trop souvent, n’a que peu à voir avec l’écologie réelle et beaucoup plus avec des idéologies venues d’Outre-Atlantique. Même si elle n’a pas accédé au second tour de cette primaire, il n’est pas inintéressant de la relire et, dans certains cas, de la citer en se demandant, d’ailleurs, pourquoi elle ne l’est pas plus par les grands médias, alors même que ses idées peuvent contribuer utilement au débat et à la réflexion. C’est une confrontation courtoise qu’elle a eu avec le président des patrons des petites et moyennes entreprises François Asselin qui a attiré mon attention (débat publié dans Libération du mercredi 15 septembre dernier) et qui me paraît mériter quelques échos et approfondissements.

 

Delphine Batho, puisque c’est d’elle dont il s’agit, a été ministre de l’écologie sous François Hollande durant environ un an avant d’être mise à la porte sur proposition du premier ministre d’alors, Jean-Marc Ayrault, qui n’avait pas supporté les critiques d’icelle sur un budget qui accordait peu de place à une politique écologique digne de ce nom. Cette mésaventure, qui en dit long sur la duplicité de la Gauche et du Parti Socialiste, en particulier sur les questions environnementales, va peu à peu mener l’ancienne ministre à préciser sa réflexion écologique et à conclure à la nécessité de la décroissance, s’éloignant alors des théories habituelles et conformistes du « développement durable » (sic), dont le théoricien historique de la décroissance Serge Latouche parle depuis fort longtemps comme d’un oxymore. Bien que ce terme de décroissance, aujourd’hui, serve souvent de repoussoir (parce qu’il est, à tort, confondu avec le terme de « récession » et qu’il semble, encore plus à tort, être le contraire de celui de « prospérité »), l’ancienne ministre, désormais présidente de Génération écologie, en a fait son cheval de bataille tout comme Arnaud Montebourg, il y a dix ans, avait enfourché celui de la démondialisation dans une démarche alors aussi disruptive que celle de Mme Batho en 2021. A-t-elle raison ? En tout cas, elle a de bonnes raisons d’employer ce terme et de vouloir le populariser, et elle a, sans aucun doute, pris date pour de prochains rendez-vous politiques et environnementaux, les autres candidats (dont les deux finalistes de cette semaine) ayant préféré éluder ce thème qui, pourtant, mérite au moins réflexion !

 

Le terme de décroissance, qui a été préféré à celui de « l’a-croissance » il y a une quinzaine d’années (le « a » privatif entraînant, à l’oral, une confusion certaine sur le mot…), est de plus en plus employé dans les milieux soucieux des questions environnementales, quand le journal mensuel qui l’affiche en titre depuis presque vingt ans (2004) l’a popularisé près d’une frange non négligeable des partisans d’une écologie active et pas seulement médiatique ou conformiste, malgré des oppositions fortes et parfois violentes de certains extrémistes, plus de gauche qu’écologistes, et malgré les moqueries, plus grinçantes désormais devant la poussée du terme dans les débats environnementaux, des libéraux et des milieux économiques. L’intérêt du débat entre Mme Batho et M. Asselin publié par Libération est de préciser, en quelques lignes, ce que recouvre la notion de décroissance par celle qui s’en réclame désormais : « La décroissance est (…) un mouvement volontaire et progressif, choisi démocratiquement et mis en œuvre par le dialogue social, de réduction progressive de notre empreinte écologique, c’est-à-dire de la consommation d’énergie et de matières premières. Elle s’entend au sens macroéconomique. Cela veut dire qu’il faut sortir d’un certain nombre d’actifs toxiques et développer ce qui a une utilité sociale, ce qui concourt à atteindre l’objectif de bien-être humain avec une empreinte carbone neutre. » Si la stratégie évoquée ici (« choisi démocratiquement ») peut apparaître encore un peu naïve dans une société de consommation où tout est mis en place pour « consommer sans raison » et dans laquelle les populations sont peu disposées à résister aux sirènes du « consommatorisme », le reste de la définition me paraît crédible sans, pour autant, être complète et sans vraiment plonger dans les racines du mal, c’est-à-dire l’individualisme frankliniste (« le temps c’est de l’argent », à comprendre aussi comme « le temps c’est mon argent »…) et les fondements de l’industrialisme capitaliste et de la société de consommation contemporaine, trop énergivore pour être considérée comme acceptable. Mais cette définition a le mérite de sortir du seul domaine écologique pour entrer dans celui de l’économie, ce qui paraît logique au regard de son interlocuteur et des inquiétudes sociales des populations. La décroissance prônée n’est pas la misère que certains annoncent, mais bien plutôt le retour à une économie équilibrée et ramenée à sa juste place d’utilité sociale, avec des conséquences moins lourdes sur les ressources terrestres et marines que celles de l’actuelle société de « gourmandise et de gaspillage » : il ne s’agit pas de « régresser » mais de privilégier la qualité de vie sur la quantité de dépenses et d’extractions de matières premières, dépenses et extractions souvent trop polluantes et sources de trop nombreux rejets de gaz à effet de serre dans notre atmosphère. En soi, la décroissance est « la raison économique (dans le sens de la mesure contre la démesure, contre l’hubris) accordée à l’écologie », et non la destruction de l’économie : il s’agit de reconnaître que, sans limites environnementales (mais c’est vrai aussi des limites économiques et sociales), l’économie se fourvoie et menace de faire dépérir, non seulement les équilibres socio-économiques, mais aussi et surtout les complémentarités et les équilibres environnementaux. La décroissance n’est pas « l’anti-économie », elle est la « juste économie », intégrée aux milieux naturels comme humains et soucieuse d’une conciliation apaisée entre les uns et les autres : à la fois contre l’économie de prédation et contre celle de l’outrance. En cela, la décroissance fait naturellement plus pour la justice sociale que les appétits d’une croissance qui dévore la planète sans contenter tous ceux qui vivent sur celle-ci. Il est néanmoins à rajouter que le contentement n’est pas toujours synonyme de « satisfaction », celle-ci reposant énormément sur la volonté d’assouvir une tentation, et la société de consommation sait malheureusement jouer sur cette corde sensible près de nos contemporains pour maintenir son hégémonie dans notre monde et sa « société distractionnaire », pour reprendre le beau et terrible mot de Philippe Muray…

 

Dans son propos, Mme Batho évoque les « actifs toxiques » : il y a deux manières d’entendre la formule, celle des produits spéculatifs (risqués en Bourse comme périlleux pour les travailleurs considérés alors, dans le cas de cette spéculation, comme de simples variables d’ajustement taillables et corvéables à merci, particulièrement dans des pays qui nous sont lointains) et celle des ressources dangereuses, dans leur extraction-production et leur consommation, leur usage, comme celles qui polluent pour donner, dans le même temps, une énergie nécessaire au transport, au chauffage ou à d’autres aspects de la société technique. Il est à noter que, dans la réalité, ces deux aspects des actifs toxiques peuvent s’appliquer en même temps à certains produits, comme ceux issus du sous-sol ou de l’agroalimentaire, par exemple.

 

L’enjeu environnemental n’est pas négligeable dans une logique économique pensée à long terme. Mais, en notre société « pressée » (et le qualificatif peut s’entendre, là encore, en plusieurs sens, de la vitesse et de l’immédiateté souhaitées à celui de la pression destinée à tirer le meilleur – ou le plus grand, ce qui n’est pas forcément la même chose - profit des ressources comme du travail, parfois au détriment de la nature et des hommes eux-mêmes…), le long terme est trop souvent « défait » par la logique démocratique commune qui raisonne, en notre pays particulier, en termes d’abord électoraux et, en notre République du quinquennat, de cinq ans en cinq ans… Ce qu’évoque ici Mme Batho ne peut que s’inscrire dans un long terme que, seul, peut permettre un Etat disposant de la continuité, non sur deux quinquennats mais sur trois, quatre ou dix quinquennats : en somme, une suite dynastique ! La décroissance de Mme Batho, pour être efficace et ne pas disparaître au détour d’une élection ou d’une autre qui favoriserait ceux qui prônent un « croissancisme » toujours plaisant pour les consommateurs compulsifs, doit s’inscrire, au faîte de l’Etat, par une continuité qui, si elle ne veut pas pour autant être fixiste, doit s’organiser autour de l’axe intergénérationnel, celui qu’incarne la Monarchie royale, héréditaire et successible, éternellement renouvelable par la célèbre formule : « Le roi est mort… Vive le roi ! »…

 

 

 

13/09/2021

Vingt ans après le 11 septembre, que faire ?

Il y a vingt ans, le mardi 11 septembre, j’ai assisté comme tant d’autres et par médias interposés à l’attaque de New-York par les islamistes et à l’effondrement des deux tours qui surplombaient, encore triomphantes la veille, la capitale économique du monde : le premier jour du XXIe siècle, en somme, comme l’assassinat de l’archiduc François-Ferdinand le 28 juin 1914 l’avait été pour le XXe siècle, pour ce siècle que Eric Hobsbawm avait baptisé « l’Âge des extrêmes » et qui fut celui d’un mélange de violences et de contraintes mais aussi de pacifications et de détentes, entre démocraties libérales et démocraties totalitaires, dans une sorte de reprise élargie et mondiale de ce qu’avait été la courte période de la Révolution française. La chute du communisme européen, en 1991, chute qui avait suivi celle du Mur de Berlin a, un temps, pu laisser croire à une possible « fin de l’histoire » vantée par quelques idéologues états-uniens (comme Francis Fukuyama) qui avaient tout simplement oublié les leçons de cette dernière… et qui auraient sans doute gagné à lire Jacques Bainville, à la fois plus prudent et plus lucide : Cassandre a trop souvent raison !

 

Car l’histoire ne s’arrête jamais, en définitive, et le feu couve sous la cendre des histoires passées. L’orgueil démocratique des Etats-Unis, persuadés d’être, par eux-mêmes et leur modèle de société démocratique de consommation, cet « empire du Bien » que tout le monde devrait aimer, est le même que celui qui a perdu l’Athènes de Périclès ou la Rome de Caracalla : bien sûr, la « déroute occidentale » en Afghanistan au mois d’août n’est pas forcément une défaite pour les Etats-Unis qui ont atteint, pour l’heure, leur principal objectif : éloigner guerre et terrorisme international du « Mainland » depuis 2001 tout en refilant les soucis et les conséquences de leur propre stratégie à leurs vassaux européens… Mais les Etats-Unis devraient se souvenir de l’antique formule : « Tout empire périra », formule qui appelle à l’humilité ces géants géopolitiques qui, parfois, deviennent trop imposants pour survivre… « Son embonpoint cache ses pieds », dit une autre formule moins connue et pourtant si explicite ! D’ailleurs, les Etats-Unis ne sont plus cette « hyper-puissance » que l’ancien ministre Hubert Védrine évoquait il y a quelques années, et ils ne font plus vraiment peur à des adversaires ragaillardis par la prise (sans combats) de Kaboul le jour de l’Assomption quand, à l’inverse, ils inquiètent ceux qui se sont placés (parfois bien imprudemment) sous leur protection, en particulier en Europe. La chance de la France, dans cette affaire, est d’avoir gardé les moyens d’une indépendance française, à défaut de toujours savoir ou vouloir les utiliser et les valoriser.

 

Vingt ans après le 11 septembre, il faut bien reconnaître que la situation n’est guère joyeuse et la crise sanitaire participe de cette ambiance particulière et, parfois, désespérante ou défaitiste. Partout dans le monde, les forces islamistes semblent progresser et paraissent pouvoir « frapper où et quand elles veulent », y compris au sein de nos sociétés sécurisées et pacifiées (ou pacifiques), et la France est sur la défensive qui, il faut bien le reconnaître, n’est pas la meilleure position pour affronter les défis de l’avenir avec les meilleures chances. Quand, depuis 2015 et les attentats qui ont frappé la France de la plus horrible des façons, notre pays vit le plus souvent en état d’urgence ou suivant des mesures dites d’exception mais qui deviennent la règle, il est possible de penser que, si les islamistes n’ont pas gagné (et Dieu merci !), ils ont au moins remporté une manche en provoquant une restriction des libertés en France, restriction qui nous prive de quelques aspects de notre civilisation si particulière et joyeuse. Il faut bien admettre aussi que l’actuelle pandémie est une terrible alliée (pour nos ennemis) qui, ironie du sort, masque les visages que ces mêmes islamistes veulent, pour les femmes, couvrir, tout en fermant, dix mois sur les dix-neuf qui viennent de s’écouler, ces lieux si caractéristiques de notre art de vivre « à la française », des théâtres aux restaurants dont les terrasses furent, hier, les cibles des tueurs de l’automne 2015…

 

Faut-il désespérer ? Non, car cela serait reconnaître, ou accepter, le triomphe du Mal, et s’empêcher de vivre et transmettre aux générations suivantes le trésor français. Encore faut-il prendre les moyens de combattre efficacement et il me semble que c’est un double combat, politique et civilisationnel, qu’il faut mener. Maurras évoquait le « politique d’abord » parmi les moyens : « Faîtes-moi une bonne politique, je vous ferai de bonnes finances », s’écriait le baron Louis au roi du moment. Je reste persuadé que ce moyen-là est le premier à mettre en œuvre pour préserver et entretenir ce que nous sommes et aimons (même s’il est possible de préférer tel ou tel aspect plutôt que tel autre, mais c’est la pluralité enracinée qui fait, aussi, notre unité et notre être français), et c’est pour cela que je mène, encore et toujours, un combat royaliste qui n’est pas que celui de l’instauration monarchique, mais qui a comme idée principale que c’est bien un pouvoir dynastique, à la fois central et fédérateur (fédératif, diraient certains), qui peut être le plus efficace dans cette contemporanéité troublée. Quant au combat civilisationnel, dont Georges Bernanos fut un chantre passionné, il paraît plus que jamais, dans le même temps, nécessaire : la France n’est pas une simple société de consommation et les « valeurs de la République », dont la définition se fait de plus en plus floue (d’où les malentendus autour de la laïcité, devenue largement inopérante dans un monde qui ne croit plus au politique et qui prône l’individualisme tout en se communautarisant…), sont impuissantes face aux idéologies religieuses ou impériales, de plus en plus mondialisées dans un monde qui se veut « global ». Notre civilisation française mérite toute notre attention, non comme pour un trésor caché, mais comme un trésor vivant aux multiples aspects, un trésor à transmettre, certes, mais aussi à utiliser, à valoriser, à faire prospérer, sans nostalgie inutile mais avec l’espérance de l’avenir.

 

Du haut de nos cathédrales, tant de siècles nous contemplent… et nous contemplons tant de siècles, passés et à venir…

 

 

 

 

07/09/2021

La question des retraites : de l'audace macronienne à l'atonie syndicale...

 

La crise sanitaire aidant, certains pensaient que la réforme des retraites jadis promise par le candidat de 2017 Emmanuel Macron et en partie remise, voire compromise par la pandémie, ne serait plus d’actualité. Le président lui-même avait évoqué cette impossibilité, en somme, de continuer à réformer sous les bombardements covidiens, et les syndicats, échaudés par leurs échecs à empêcher les premières vagues réformatrices et libérales, s’en rassuraient, semble-t-il bien à tort : alors que nous sommes à huit mois de l’échéance présidentielle, voilà que la question des retraites, telle un monstre du Loch Ness audacieux, resurgit dans le discours politique et gouvernemental, tandis que les journaux de tendance libérale insistent, à l’image du journal Le Figaro dans son édition du vendredi 3 septembre dernier, sur la problématique du temps de travail global des Français : « Pourquoi les Français vont devoir travailler davantage », titre les pages économiques du quotidien conservateur sans beaucoup de délicatesse et avec un entrain nouveau, comme si la sidération syndicale des derniers mois autorisait tous les assauts. Il est vrai que la timidité estivale des organisations syndicales officielles et nationales face aux menaces désormais légalement assumées et assurées contre les droits des salariés rétifs à la vaccination (et il ne s’agit pas ici de prendre parti pour ou contre cet acte médical, ni d’en évoquer les effets et les limites), a pu donner l’impression de leur manque de résilience comme il est non moins vrai que nombre de syndiqués, se sentant alors abandonnés, marquent désormais une défiance profonde à l’égard du syndicalisme du « pays légal ». Une défiance qui pourrait priver les syndicats de leurs troupes habituelles de manifestants ou qui pourrait les réduire à une portion si congrue que le gouvernement se sentirait conforté dans ses intentions, et saurait alors avancer sur ce terrain déserté par les opposants. Avec des « si », l’on mettrait aisément Paris en bouteille, mais il n’est pas interdit de penser que le gouvernement pourrait bien se saisir de l’occasion de la « fatigue syndicale » pour pousser son avantage…

 

D’autant plus que les circonstances paraissent favorables au gouvernement et au président, la crise sanitaire, là encore, ayant changé les donnes de la question économique et sociale en Europe, et que l’Union européenne, fidèle à son idée déjà ancienne mais jamais abandonnée de fixer l’âge légal de départ à la retraite dans tout l’espace unioniste à 67 ans (motivation évoquée et revendiquée depuis 2011), l’a imposée comme condition sine qua non de l’attribution des aides à la relance à d’autres pays comme, par exemple, l’Espagne. Dans son édition du 26 août dernier, le quotidien Les Echos rappelait cette situation particulière et ce chantage de l’UE aux gouvernements des pays européens du Sud (en attendant plus ?) : « Cette réforme est l’une des conditions au déblocage des fonds du plan de relance européen », explique-t-il, en précisant plus loin : « Le nouveau système vise à rapprocher l’âge effectif de départ -64 ans en moyenne actuellement- de l’âge légal qui est fixé à 66 ans et doit être repoussé à 67 ans d’ici à 2027. » Le gouvernement espagnol étant dirigé par une Gauche socialiste à laquelle le soutien de la Gauche radicale (Podemos) ne doit pas manquer pour survivre politiquement, il peut servir de référence à la République française pour signifier aux syndicats et aux Gauches locales que s’opposer aux mesures d’élévation de l’âge légal de départ à la retraite à 67 ans reviendrait à s’isoler un peu plus en Europe, ce qui, évidemment, apparaîtrait comme le comble pour une Gauche radicale qui se veut « internationaliste » : en fait, le piège se referme, et les contradictions de la Gauche radicale, en Europe, sont autant d’éléments de satisfaction pour les partisans de la réforme des retraites en France. De plus, l’exemple de Syriza et de M. Tsipras, choisissant « l’Europe » plutôt que « les Grecs » en l’été 2015, alors même que la Gauche radicale hellène avait su, un temps, créer les conditions d’un rapport de forces qui ne lui était pas forcément défavorable, peut inciter M. Macron à « jouer le coup ». Pour risqué qu’il soit, il n’en serait pas moins payant à moyen terme pour le président sortant qui, ainsi, pourrait paraître tenir ses promesses même à l’orée d’élections incertaines, et couperait l’herbe sous le pied de ses concurrents de la Droite libérale sans, pour autant, provoquer une renaissance française d’une Gauche trop divisée et affaiblie pour s’imposer au printemps 2022. Le simple fait d’en parler ou d’en laisser parler, en cette veille d’automne qui s’annonce plus « sanitaire » que « social », montre la confiance des dirigeants en cette stratégie osée : la relative apathie qui a accueilli ces « rumeurs » de réforme des retraites-bis chez les adversaires du Chef de l’État semble démontrer que ce dernier applique la formule de Danton (1) sans effroi particulier…

 

Reste à savoir si une sorte de « chouannerie sociale », surgie du pays réel des forces vives et des travailleurs indépendants (fondements du mouvement premier des Gilets jaunes), est possible ou non, et pourrait enrayer ce mouvement (qui semble inéluctable) d’un recul annoncé (et permanent ?) de cet âge légal de la retraite pour les salariés. Non pour empêcher qui le veut de travailler aussi longtemps que sa santé le lui permet, mais pour permettre à ceux qui veulent sortir du monde du travail (ce qui ne signifie pas, d’ailleurs, ne plus travailler…) à un âge raisonnable au regard de l’espérance de vie sans incapacité (ou « en bonne santé », sans affection grave) qui, en France, n’atteint même pas les 63 ans, bien loin des 67 ans « légaux » que l’Union européenne voudrait imposer à tous et, de toute façon, inférieure à l’âge légal de départ à la retraite voulu par M. Macron (64 ans, mais 65 ans pour les candidats libéraux républicains) et hautement désiré par le patronat français.

 

 

 

(à suivre)

 

 

 

 

 

 

Notes : (1) : « De l’audace, encore de l’audace, toujours de l’audace ! ». Il faudrait replacer cette célèbre formule de Danton dans son contexte historique (celui des terribles journées de septembre 1792 et des massacres dans les prisons parisiennes, versaillaises ou lyonnaises que Danton va laisser faire ou, pour certains historiens, suscitera) pour en saisir toute la dimension stratégique, le but étant de terrifier l’adversaire pour mieux le bousculer et le vaincre. Ce qui a marché, terriblement, du temps des débuts sanglants d’une République pas encore établie, peut-il encore fonctionner aujourd’hui ? Si les parlementaires macroniens paraissent plus timorés que leur inspirateur, il n’est pas douteux que le président lui-même et ses proches disciples n’ont pas de ces timidités politiques… Et quelques sondages favorables à la réforme (ou pas trop hostiles…) pourraient bien entraîner les réticents à suivre l’élan donné d’en haut ! Le « Qui m’aime me suive » du président Macron pourrait connaître le même sort bénéfique pour lui que pour son prédécesseur Philippe VI de Valois…