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08/08/2011

La gouvernance contre les peuples d'Europe.

Face à la crise financière actuelle, les pays de la zone euro apparaissent bien inégaux malgré l'appartenance à une même entité monétaire : entre les Grecs et les Allemands, ce n'est même pas un fossé mais plutôt un véritable gouffre ! La solidarité, quant à elle, est bien faible entre les Etats de cette même zone, et il est frappant (et humiliant pour les Grecs) d'entendre des ministres allemands demander la mise sous tutelle d'un peuple tout entier au nom de la « défense de l'euro » quand ces mêmes Allemands n'ont utilisé l'euro que dans le sens de leurs propres intérêts économiques nationaux et sans forcément beaucoup de concertation avec leurs partenaires européens. Bien sûr, loin de moi l'intention de critiquer leur volonté de rester maîtres de leur destin, mais je suis beaucoup plus critique sur leur absence d'esprit d'équipe dans la résolution des problèmes économiques qui affectent durement les peuples et leurs Etats respectifs d’une Union européenne dont l’Allemagne apparaît comme la principale puissance économique.

 

Regretter le manque d'esprit d'équipe des Allemands à l'égard de l'Union européenne ne signifie pas que je souhaite une « gouvernance » fédéraliste de la zone euro, au contraire des médias et des économistes autoproclamés qui, eux, veulent profiter de la crise actuelle pour avancer dans la voie d'une « intégration » qui ressemble plutôt à une « fusion » européenne qu'à une union librement consentie... Cette voie eurofédérale serait dangereuse à plus d'un titre, et pas seulement sur le plan économique : elle serait la négation même de la nécessaire coordination et conciliation entre Etats souverains et le dessaisissement des gouvernements et des parlements nationaux (et donc des peuples qu'ils sont censés représenter) au profit d'un cénacle de gestionnaires et d'experts dont la légitimité serait politiquement comme socialement inexistante.

 

Il y a d'ailleurs quelque chose qui me frappe dans les propos que j'entends depuis quelques jours sur la crise de la zone euro et plus largement de l'économie dans les pays occidentaux : c'est l'absence de toute référence aux peuples et à leurs volontés, à leurs difficultés, voire à leur désarroi ! Les peuples, les citoyens, sont les grands oubliés des discours et des propositions européennes, comme si l'habitude était désormais prise par les instances européennes et par la plupart des gouvernements de l'UE de passer outre lorsque les référendums populaires sont défavorables aux intentions de la Commission européenne (cf le traité constitutionnel européen et les refus référendaires de la France et des Pays-Bas en 2005, de l'Irlande quelques années plus tard, mais aussi de la Slovénie cette année). Ainsi, cette gouvernance européenne que l’on nous annonce désormais comme inéluctable et « obligatoire » pour « sauver l’euro » se fera, quoi que l’on dise, sans la consultation ni l’assentiment des peuples à qui l’on semble juste réserver l’austérité

 

Sans être un populiste (car je ne fais pas du peuple un mythe ou une idéologie), je suis néanmoins inquiet de cette marginalisation des peuples dans le processus de réflexion et de discussion politique, économique et sociale, des démocraties européennes : oublier les peuples comme le font la Commission européenne, la Banque centrale européenne et la plupart des gouvernements démocratiques de l’Union, est plus qu’une erreur, c’est une faute historique au regard de l’ambition d’une construction européenne crédible et favorable au plus grand nombre. Signaler et dénoncer cette faute, c’est aussi préserver les possibilités d’une « autre Europe » que celle de Bruxelles : mais elle ne pourra se faire véritablement que par la reprise en main de la construction européenne par le politique, pour remettre l’économique à sa place et rendre aux Etats les moyens d’agir librement, au-dessus des féodalités financières, boursières ou actionnariales.

 

23/07/2011

Pas de ministre européen de l'économie, s'il vous plaît !

 

Depuis quelques temps et profitant de la crise de la zone euro, certains financiers et politiques avancent régulièrement l’idée d’un ministre des affaires économiques européennes, y voyant là l’occasion de faire un « saut qualitatif » vers une Europe de plus en plus fédérale : c’était encore le cas hier à l’occasion de la réunion entre les partenaires de l’Union européenne pour sauver l’euro, réunion qui semble s’être limitée à un dialogue à trois entre Nicolas Sarkozy, Angela Merkel et Jean-Claude Trichet.

 

Cette idée peut paraître logique, d’une certaine manière : puisqu’il y a une seule monnaie pour dix-sept pays, pourquoi pas un seul ministre chargé, au-dessus des gouvernements européens, de l’économie de cette zone monétaire ? En fait, là encore, on reproduit les mêmes erreurs qu’au moment de la création de l’euro en ne voulant pas voir qu’il y a plusieurs manières de concevoir l’économie en Europe et qu’il y a des traditions (bonnes ou mauvaises, c’est une autre question), voire des mentalités différentes en ce domaine : ne pas reconnaître ces différences initiales c’est se condamner, à plus ou moins long terme, à de cruelles désillusions et commettre des impairs toujours difficiles à réparer par la suite. La situation actuelle en est d’ailleurs la rude illustration…

 

S’il y a ministre des affaires économiques européennes, son rôle risque rapidement d’être celui d’imposer une politique économique unique, au risque de déstabiliser les sociétés européennes : car, peut-on appliquer la même politique, en particulier à travers ce que l’on nomme pudiquement la rigueur, à des pays qui n’ont ni les mêmes structures administratives d’Etat ni les mêmes fiscalités ni les mêmes règles sociales parfois ?

 

Il y a aussi autre chose qui m’inquiète : c’est que, dans les déclarations des sauveteurs de l’euro, jamais ne sont évoquées les populations de la zone euro, seulement les dettes, les déficits, les risques financiers… Or, peut-on faire une politique économique sans au moins écouter ce que disent les peuples qui ne sont pas que contribuables mais aussi citoyens ? Ecouter ne veut pas dire céder à la démagogie mais pouvoir répondre à leurs inquiétudes, chercher avec eux et pour eux (parfois malgré eux aussi, mais cela ne doit pas être un principe, loin de là !) des solutions acceptables et compatibles autant avec les équilibres économiques que sociaux et écologiques : cette proposition de ministre de l’économie européenne semble éloigner un peu plus la « gouvernance » (terme en fait dangereux qui semble limiter le politique à une simple gestion de l’économique) des peuples sur laquelle elle est censée s’exercer !

 

Alors, que faire ? Au lieu d’un ministre des affaires économiques qui, en définitive, ferait une seule politique, mieux vaut une forme de coordination plus efficace et plus réelle que celle qui existe aujourd’hui, et qui, par la discussion entre les représentants des différents Etats, chercherait à concilier les économies entre elles plutôt qu’à vouloir les fondre et les confondre dans une seule et même économie : une coordination autant qu’une conciliation, ce qui n’est pas la même chose que « l’imposition » que serait, en définitive, le ministère européen des affaires économiques au-dessus des gouvernements et des parlements et qui risquerait, effet pervers peu évoqué mais bien réel, d’entraîner une sorte de « grève du zèle » permanente des salariés de la zone euro pour protester contre une administration encore plus lointaine et aveugle que celles, nationales, d’aujourd’hui… A-t-on oublié comment cette attitude de « résistance passive » des ouvriers, des fonctionnaires et des paysans a peu à peu asphyxié l’économie toute entière de l’Union soviétique, pourtant grande puissance, dans les années 1960-80 ?

 

Cette coordination, que je souhaite, ne doit d’ailleurs pas forcément se limiter aux pays de la zone euro, mais elle doit aussi redonner des moyens aux Etats eux-mêmes, pour reprendre l’initiative par rapport aux institutions financières et boursières : « réarmer le pouvoir politique », disait, avec raison, Nicolas Demorand avec des accents dignes de Maurras la semaine dernière dans « Libération » … Sans cela, aucune sortie saine de crise de la zone euro n’est véritablement possible et durable !

  

 

 

16/07/2011

Réarmer le pouvoir politique, ou l'éditorial maurrassien de "Libération".

 

La crise de la zone euro n’en finit pas de bousculer l’Europe et d’affoler les compteurs économiques comme idéologiques, avec ce risque d’une surenchère eurofédéraliste de mauvais aloi, cette sorte d’entêtement à vouloir faire triompher l’européisme alors même qu’il a échoué à éviter « le pire » dans lequel nos pays se débattent, cherchant à sauver ce qui peut encore l’être…

 

Cette crise majeure de l’Union européenne, dont il n’est pas certain qu’elle soit ultime, suscite aussi des réactions parfois surprenantes, non pas tant qu’en elles-mêmes, mais par ceux qui les développent : ainsi, dans son éditorial de « Libération » du 13 juillet dernier, Nicolas Demorand, d’ordinaire plus consensuel ou plus conformiste (ces deux qualificatifs n’étant pas toujours péjoratifs, d’ailleurs), écrit ce qu’en d’autres temps un Charles Maurras aurait sans doute lui-même écrit (avec quelques références antiques en plus, sans doute…) et pensé, sous le titre « Réarmer », titre que Maurras n’a cessé de décliner à tous les temps (ou presque) de l’indicatif et sur de nombreux sujets, pas seulement militaires…

 

Il faudrait citer tout l’article de Demorand, qui traite là, en somme, de la question de l’Etat face aux acteurs financiers et économiques : sa question initiale, « Le pouvoir politique a-t-il du pouvoir ? » (pouvoir qu’il est aussi possible de ne pas résumer au seul Etat, bien sûr), suivie d’une autre, encore plus inquiétante, « En est-il même encore un ? », est « la » question politique majeure de notre temps, me semble-t-il, la même qui n’a cessé de préoccuper Maurras qui craignait que l’Etat ne soit plus capable d’agir et donc d’être, au sens fort du terme.

 

« En voyant se propager la crise au sein de la zone euro, la foudre frapper des pays exsangues et d’autres en train de se noyer, asphyxiés par les plans de rigueur, la réponse est aussi claire que dramatique : non. Les banquiers et les marchés financiers dictent leur loi, déterminent d’autorité les politiques publiques, le mode de vie et l’avenir de millions de citoyens. Et se moquent du difficile art de gouverner et du rythme propre à la démocratie. Bref, ils jouissent d’une surpuissance qu’aucun contrepouvoir n’en est en mesure de limiter, les classiques outils d’intervention des Etats ayant été quasiment neutralisés. » Cette dénonciation de la « surpuissance » des banquiers et des marchés financiers reprend le discours traditionnel de la dénonciation des féodalités, ici financières et économiques, dénonciation coutumière chez un Maurras mais aussi chez un La Tour du Pin ou un de Gaulle, chez tous ces membres du « parti des politiques » qui, depuis l’Ancien régime, n’acceptent pas que l’Etat soit soumis à des factions particularistes ou à des groupes de pressions, à ces féodaux des temps modernes et contemporains. Toute l’œuvre d’un Maurras, malgré ses outrances et, parfois, ses délires sémantiques et antisémites (que je condamne évidemment), vise justement à empêcher que cette surpuissance féodale ne soumette l’Etat et la société (dans le cas de la France en particulier) au risque de revenir à cette ère antépolitique qu’il qualifie de « barbarie », qu’elle soit économique ou même « nationaliste » ou « nationalitaire », et pendant laquelle régnait une « loi de la jungle », cette « anarchie féodale » qui brimait les libertés au nom du plus fort ou du plus sauvage : cette condamnation de ce que l’on nommerait aujourd’hui « néolibéralisme » ou, même, « mondialisation libérale », voire « mondialisation » tout court (mauvaise traduction, d’ailleurs, du terme anglosaxon « globalization ») se voulait aussi « obligation », celle de restaurer un Etat politique digne de ce nom et susceptible de s’imposer aux féodalités, parfois avec une certaine vigueur… Maurras pensait le politique comme un moyen (et non comme une fin), comme un levier au service de l’équilibre social, et il le pensait à travers l’existence d’un Etat qui « est » l’expression majeure du politique sans être toutes les expressions de celui-ci et de celle-là, la politique… Ce qui est redit, en d’autres heures et sous d’autres formes sémantiques, par M. Demorand quand il écrit, et je souligne : « (le) difficile art de gouverner et (le) rythme propre de la démocratie », rythme qui est proprement national (voire européen, une fois tous les cinq ans), mais aussi régional et municipal, et s’accorde parfois bien mal avec les exigences des marchés financiers…

 

Quand M. Demorand se plaint que les Etats aient été, en somme, désarmés par la neutralisation de leurs outils d’intervention classiques, on croit entendre, là encore, le vieux grognard de l’Action Française qui y voyait la victoire de l’Economique sur le Politique quand il eut fallu, au contraire, que Politique et Economique s’accordent, sur le plan du Bien commun, pour permettre au Social de prospérerMaurras ne séparait pas les uns des autres, mais les ordonnait au Bien à atteindre, à l’équilibre nécessaire et capable d’éviter « l’hubris » de l’un ou de l’autre qui aurait entraîné, qui entraîne l’injustice ou la paralysie, ce que constate désormais l’éditorialiste de « Libération ». Mais Maurras en revenait toujours au « Politique d’abord », là encore non comme fin, mais comme moyen, comme, expliquait-il, il faut d’abord bander l’arc pour tirer la flèche et atteindre la cible visée !

 

Dans le reste de son article, Nicolas Demorand s’en prend à « la grande poussée dérégulatrice entamée par les Etats dans les années 80 », ce que l’on pourrait appeler le « désarmement de l’Etat » et qui n’est pas moins dangereux en temps de paix qu’il n’est suicidaire en temps de guerre lorsque l’on évoque la question militaire. Et Demorand d’espérer (d’appeler ?) un réarmement du pouvoir politique en ses dernières lignes, comme Charles Maurras en son temps face aux défis de l’Allemagne hitlérienne et qui finissait nombre d’éditoriaux de son quotidien monarchiste par la formule, mille fois répétée : « Armons, armons, armons ! », et pas seulement sur le plan militaire !

 

Oui, Nicolas Demorand a raison : il est nécessaire de redonner au pouvoir politique, à l’Etat, des moyens de réagir aux oukases des marchés financiers dans cette crise de la dette qui est aussi une véritable guerre des féodaux financiers et économiques contre les peuples et contre les traditions d’équilibre et de justice sociale de notre pays !

 

Cet éditorial de « Libération », si éminemment maurrassien, mérite d’être médité, mais aussi complété et, pourquoi pas, dans l’espérance, là aussi maurrassienne, d’une magistrature suprême de l’Etat libre et solide, pour laquelle « la politique de la France ne se joue pas à la Bourse » (comme le disait le général de Gaulle devenu président de la République tout en gardant quelques espoirs du côté du comte de Paris)… En somme, d’une Monarchie politique, active et forte pour protéger la société et ses citoyens, quels que soient leurs fonctions et leurs rangs dans la grande Communauté française

En tout cas, merci à M. Demorand pour ses quelques lignes d’un maurrassisme intelligent !