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05/11/2010

Ambitions et atermoiements néfastes pour l'Etat.

La République s’amuse… Le petit jeu des pronostics bat son plein à propos du nom du prochain premier ministre, avec deux candidats sérieux : le sortant pas encore sorti, François Fillon, et le ministre centriste de l’écologie, Jean-Louis Borloo. Bien sûr, il y a aussi quelques autres noms que l’on murmure sans y croire vraiment, de François Baroin à… Anne Lauvergeon, actuelle patronne d’Areva ! Pourquoi pas Eric Woerth, tant qu’on y est, s’esclaffait Eric Naulleau vendredi soir sur RTL.

 

Ce petit jeu serait risible s’il n’avait pas de fâcheuses conséquences, d’une part sur l’image de la France à l’extérieur et d’autre part sur le fonctionnement même de l’appareil d’Etat à l’intérieur. En effet, le débat politique semble aujourd’hui ne porter que sur des ambitions ou des querelles de personnes, et l’affrontement de moins en moins feutré entre les deux postulants au poste de premier ministre a quelque chose d’indécent à l’heure où tant de défis sont à relever pour notre pays, et où toutes les énergies, en particulier au sein du gouvernement, devraient être mobilisées et motivées, non pour la désunion mais pour la réflexion, la décision et l’action ! De plus, cela paralyse le travail des ministères, en attente du remaniement annoncé comme imminent. Que de temps perdu !

 

Le président Sarkozy ne fait rien pour arranger les choses, laissant courir rumeurs et supputations, au risque de décrédibiliser un peu plus l’action du gouvernement et surtout de l’Etat. Sans doute y voit-il là un moyen de rappeler que c’est toujours lui qui décide, et que le premier ministre n’est qu’un féal pour lui, beaucoup plus qu’un serviteur de l’Etat…

 

Mais peut-on demander à un président « bling-bling » issu des urnes et fasciné par l’Argent de penser d’abord à l’Etat et à assumer dignement la fonction qu’il est censé incarner ?

 

La République s’amuse mais c’est le pays qui souffre, une fois de plus, du discrédit de l’Etat. Sans doute faudra-t-il bien penser, un jour, à remplacer ce régime aujourd’hui à bout de souffle et d’arguments, et à poser la question des institutions, et pas seulement à travers une nouvelle formule électorale ou une nouvelle mouture républicaine… Redonner du crédit à l’Etat, c’est déjà le fortifier et ne plus le laisser aux mains des coteries ou des féodalités, qu’elles soient politiciennes ou financières, et ne plus laisser les ambitions des uns ou des autres gêner le fonctionnement des institutions étatiques et gouvernementales.

 

Le temps des atermoiements n’a que trop duré : vivement l’annonce du remaniement et que l’Etat reprenne ses activités normales, autant que faire ce peut ! En attendant mieux, évidemment, question institutions…

02/11/2010

La Bastille, un soir de 2007...

J’ai écrit, il y a quelques années, un début de nouvelle qui, comme souvent, est restée inachevée… Mais il me semble que cette petite uchronie, qui part du principe que la Bastille n’a pas été détruite en 1789 et que l’Histoire n’a pas suivi le cours qui fut, malgré tout, le sien, n’est pas forcément totalement ridicule… En voici donc les premiers paragraphes en attendant, peut-être, une suite prochaine.

 

Le contexte est censé être celui des années 2007-2012.

 

 

La Bastille était un ensemble architectural tout à fait original dont les styles se mélangeaient assez bizarrement sans être disgracieux : tours médiévales et enceinte de verre et d’acier enserraient un superbe jardin clairsemé de petites rotondes transparentes qui abritaient des espèces de papillons multicolores mais aussi servaient de serres exotiques. En fait, la Bastille, dont la résistance pugnace durant une semaine de juillet 1789, avait marqué l’échec de l’émeute et la reprise en main par le pouvoir central de Paris, était, depuis cette date, un exemple et un modèle de l’administration royale directe : la « Grande Réformation » lancée par le roi Louis XVI avait fait de la Bastille un véritable centre culturel et politique, et c’est là que se préparait tous les grands projets d’Aménagement du Territoire et de Préservation de l’Environnement.

 

Louis XVII avait été le premier à rénover la vieille forteresse médiévale en faisant détruire une grande partie de l’enceinte moyenâgeuse et en ne gardant que la moitié des tours ouvrant la cour et le jardin comme un grand parvis vers le centre de Paris. Cette rénovation avait eu un effet secondaire surprenant : les petits singes dont les premiers ramenés par le fameux Schaffner, cet officier insurgent américain compagnon du marquis de la Rouérie, avaient fait  souche, s’étaient répandus et acclimatés dans tout le Faubourg Saint-Antoine et le Marais, même s’ils restaient en plus grand nombre à l’abri du « château » comme l’appelaient les Parisiens.

 

Les derniers travaux qu’avaient entrepris le roi Henri VI, sur les conseils du Grand Connétable de France, le général de Gaulle, avaient soulevé l’hostilité des amoureux du patrimoine et des riverains, en imposant une grande structure d’acier et de verre, très futuriste, qui avait repris le tracé des anciennes murailles et rompait avec l’aspect un peu bucolique et archaïque du lieu : une véritable crise s’était alors ouverte et des pétitions « pour la préservation de la Bastille » avaient été signées. Mais le roi, qui restait le maître des projets du lieu (c’était l’une des prérogatives constitutionnelles du monarque), n’avait pas cédé et, avec le recul du temps, la Bastille était devenue un véritable centre d’intérêt pour qui se piquait d’art contemporain et de débats d’idées, de « propositions constructives » comme il se disait dans le langage moderne et germanopratin. C’était une véritable attraction touristique et culturelle, et l’on y avait exposé quelques Picasso ou Andy Warhol qui s’ennuyaient dans des collections privées.

 

C’était dans ce cadre magique que travaillait Orléans : bien sûr, ce n’était pas son vrai prénom mais il s’était toujours fait appeler comme cela pour des raisons lointaines et de sonorités qui lui convenaient. Pour tous, c’était Orléans et il ne servait à rien de penser autrement, puisque personne n’avait jamais su son vrai prénom, pas même les services de sécurité pourtant fort sourcilleux sur ce genre de détails. Mais Orléans était un proche de la Cour et, en particulier, du Chargé des Affaires spéciales, sorte de Père Joseph officiel des cercles de la diplomatie d’Etat. Sans doute était-ce lié à son histoire personnelle : à 16 ans, il avait voulu partir se battre aux côtés des « Immortels », cette garde des derniers fidèles du Chah d’Iran, abandonné de tous, et surtout de ses anciens alliés, mais pas de ces quelques centaines d’hommes qui avaient la fidélité au cœur et devaient en payer le prix lourd après la victoire des ayatollahs. Mais il était déjà trop tard et Persépolis était un rêve perdu… Il aurait mieux valu, d’ailleurs, agir à Neauphle-le-Château où se trouvait le symbole et le chef de la rébellion islamiste, comme le lui fit remarquer plus tard son oncle, un ancien évêque missionnaire qui officiait désormais dans un coin perdu d’Armorique. Un peu tard Orléans devait se souvenir de ce trait ironique et désabusé, et le pavillon qui avait abrité le sinistre ayatollah avait mystérieusement explosé, privant les chiites iraniens d’un lieu de pèlerinage…

 

Après une scolarité chaotique et des études diverses, sûrement passionnantes, Orléans avait intégré le prestigieux Centre des Idées Nouvelles, service qui avait pour fonction de « faire de la prospective », en somme imaginer les « futurs possibles »… Il était passé maître dans cet art de construire les théories du lendemain : ce n’était pas exactement le cas pour son propre avenir, et il y voyait le signe que la liberté ne pouvait heureusement être enserrée dans un obligatoire « sens de l’Histoire ».

 

Il avait un fils, Clarence, presque bachelier à ce jour, fruit empoisonnant de ses amours avec Tendresse (elle aussi avait oublié son vrai état civil…), sa passion estudiantine des années 80-90, partie pour d’autres horizons sentimentaux, un soir d’été. Cette rupture, qu’il considérait comme un échec personnel sans pour autant se remettre en cause, l’avait profondément affecté : les sables de l’oubli avaient peu à peu tout recouvert, mais, de temps en temps, une tempête nouvelle découvrait les vestiges de cet amour fossilisé, et il s’assombrissait…

 

Clarence aurait pu être son « héros » mais ce fils qu’il avait tant désiré s’était vite révélé détestable et Orléans, qui remplissait ses devoirs d’assistance et d’éducation (du moins par le portefeuille), s’en était fait une raison : Clarence n’était même plus un chagrin, juste un agacement. Depuis, Orléans éprouvait une certaine indifférence aux enfants, redoutant d’avoir à croiser la poussette d’un couple d’amis. Il n’avait pas de tendresse ni de regard hypocritement extatique sur la marmaille vagissante dont les autres étaient fiers et fous… Cela se savait et passait pour une insensibilité qui lui convenait tout à fait.

 

Pourtant, il s’était beaucoup « investi » (horrible formule !) pour Clarence pour lequel il avait espéré le meilleur, et fait le plus, du moins le croyait-il… Clarence, ou l’ingratitude incarnée. Bien sûr, il fallait encore l’aimer, filialement parlant, et il payait largement ses frasques adolescentes, avec un grand mépris qui n’avait plus rien de paternel. Il savait que ses sentiments, dont il ne faisait pourtant pas étalage, lui valaient une réputation exécrable…

 

Son travail lui laissait beaucoup de temps à vivre et à perdre, et d’ailleurs, il n’était pas un ennui ni même une contrainte. Il aimait ce qu’il faisait : brasser des idées, manier des concepts, monter des projets… Cela pouvait remplir une vie, pas forcément une âme ou un cœur, pensait-il les jours d’obscurité.

 

Il flânait dans la vie, avec cette amertume discrète et un grand scepticisme à l’égard de ses contemporains et de leurs sentiments, ce qui lui faisait un talisman contre les illusions et les échecs. Il n’avait jamais été pris en faute et personne ne pouvait se vanter de l’avoir vu ému, ou même triste.

 

Ses mondanités étaient brillantes et ennuyeuses, comme il se doit. Mais il ne les confondait pas avec l’intimité et, là encore, personne n’aurait pu décrire son grand appartement encombré de dossiers et de livres qu’il avait lu et envisageait, sans doute, de relire… Tout comme personne ne pouvait déclarer, sans risque de ridicule absolu, l’avoir vu ivre : ce n’était pas si courant dans ce monde des mondains, et il soignait cette différence sans s’empêcher de boire des alcools forts qui lui grisaient un peu les sens. Quand les autres courraient après le bonheur, il se contentait d’en apprécier les odeurs et les humeurs…

 

 

L’élection du Grand Connétable avait provoqué quelques incidents non loin de la Bastille, et l’odeur de pneus brûlés chatouillait les narines d’Orléans qui avait, à tout hasard, pris son casque et ses gants noirs, relevé le col de son cuir au revers duquel s’affichait l’un des emblèmes de la ligue interdite de Maurras, ce Richelieu colérique qui avait réussi à se brouiller avec les princes qu’il servait… Il aimait ces ambiances chaudes qui lui rappelaient les risques qu’il n’avait pas couru là-bas, dans ce lointain pourtant si proche de quelques heures d’avion. Sur le trottoir, des badauds se mêlaient aux encagoulés qui lançaient quelques pierres et jouaient de la barre de fer contre les vitrines, victimes expiatoires des soirées électorales. Les Compagnies Royales chargeaient de temps à autre, troupes compactes de « bleu luisant », courant après des ombres qui disparaissaient dans les portes cochères ou les fumées des lacrymogènes.

 

Orléans observait la scène avec un certain dépit : les émeutiers n’étaient que des pillards et non des idéalistes, et leur fureur n’avait rien de très politique, pas de quoi en faire une aventure ou une révolution.

 

 

 

(à suivre, peut-être…)

 

29/10/2010

Mortalité infantile en France.

La démographie est un indicateur important de la santé d’une société et tout pouvoir politique digne de ce nom doit y être attentif, non pour se mêler de la vie des alcôves mais pour prévoir et gouverner : c’était déjà l’une des préoccupations majeures du pouvoir des pharaons, et l’une des activités des scribes consistait à compter les sujets de l’Etat, pour des raisons fiscales et militaires…

 

Aussi, l’information rapportée dans son édition du mercredi 27 octobre 2010 par le quotidien « La Croix » n’est-elle pas anodine, loin de là, et mérite intérêt et réflexion : « La mortalité infantile a augmenté en France en 2009. ». Bien sûr, cette évolution est très limitée (on passe de 3,6 à 3,7 décès pour 1000 naissances vivantes) mais elle est significative car elle intervient après plusieurs années de stagnation d’une diminution qui, jusque là, apparaissait inéluctable et alors que nos voisins européens enregistrent une baisse continue de cette même mortalité infantile. « La France est ainsi passée du 5ème au 14ème rang en la matière. La détérioration de la situation concerne surtout les premiers jours. « Les décès survenant au cours de la première semaine de vie augmentent, eux, depuis trois ou quatre ans (…). Nous sommes passés de 1,5 décès pour 1000 naissances vivantes en 2005 à 1,7 en 2009. » ».

 

C’est en Outre-mer que les chiffres sont les plus mauvais et c’est souvent lié au suivi insuffisant des grossesses et à la mauvaise qualité de l’eau dans certains quartiers. Mais, au-delà, sans doute faut-il y voir un avertissement pour la métropole elle-même à l’heure où tant de maternités de proximité ferment et où, selon une enquête récente, plus de 8 millions de nos concitoyens ont un accès de plus en plus limité aux soins faute de moyens ou de remboursements suffisants.

 

Le gouvernement en place aurait tort de négliger cette question car, si elle reste apparemment marginale, c’est cette évolution négative elle-même qui pose question et problème : la France doit-elle, même pour des raisons budgétaires, relâcher l’effort pour améliorer la venue et l’accueil au monde des enfants, avenir de notre pays ? Peut-on accepter que l’Outre-mer ou que les campagnes métropolitaines soient délaissées par le combat contre la mortalité infantile (mais aussi la mortalité maternelle qui reste un souci pas totalement évacué) ?

 

En fait, la politique de lutte contre les mortalités maternelle, infantile et enfantine, s’inscrit dans la question plus large de la politique de santé de notre pays et dans celle de la politique familiale, deux questions qui n’occupent pas le devant de la scène médiatique mais qui n’en sont pas moins importantes. Là encore, il faut repenser la philosophie et l’architecture de ces politiques, et il y a fort à parier que la République actuelle, qui a du mal à se projeter au-delà des prochaines échéances électorales ou des prochains oukases des agences de notation financières, n’en aura ni le temps ni la volonté… Sans doute aussi parce que la République a tranché le lien avec « la famille mère », celle-là même qui donnait à la France un visage humain, non celui d’un buste de plâtre ou des affiches électorales, mais celui d’une famille, d’une dynastie régnante, d’un mélange constant des générations, des plus vieux aux plus jeunes… La Monarchie naît au sein d’une famille quand la République élective, elle, se pense en s’émancipant des rapports et des liens familiaux : cela se ressent aussi dans son appréhension des questions démographiques…