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20/07/2012

Déserts français...

 

Je suis revenu hier soir de Bretagne en passant, comme d'habitude, par les petites routes, d'une part pour éviter les grands flux estivaux des autoroutes et d'autre part parce que j'aime traverser cette France que l'on dit profonde dès qu'elle n'est pas collée ou intégrée à une grande zone urbaine : il y a plus de beauté dans ces villages et ces paysages un peu moins urbains que dans les abords des métropoles, clinquants et envahis de béton et de publicité, pareils d'une ville à l'autre, non pas anonymes (il y a des noms de marque partout étalés sur les façades et aux carrefours) mais impersonnels, déshumanisés par une société de consommation qui ne veut voir que des consommateurs et s'intéresse peu, en somme, aux hommes et à leurs sociétés particulières.

 

 

Mais cette beauté de la France des villages est menacée et cache parfois aussi des réalités et des perspectives moins agréables, autant pour l’œil que pour l'esprit : ainsi, en Basse-Normandie ou en Mayenne, j'ai traversé des villages aux vieilles pierres qui apparaissaient, le soir tombant, absolument déserts et privés de toute vie sociale, tandis que leurs abords étaient grignotés de lotissements pavillonnaires sans âme, tous tristement semblables et si peu intégrés aux couleurs des paysages alentours...

 

 

Dans ces villages traversés, les panneaux « à vendre » étaient parfois plus nombreux que les personnes croisées... Quelle tristesse de voir ces  maisons de pierre recouvertes d'un lierre envahissant et désormais destructeur, maître de lieux qui semblent parfois condamnés à s'enfoncer dans un sommeil définitif ! De grandes bâtisses à l'ancienneté remarquable menacent ruine et certaines, comme à Saint-Symphorien-des-Monts, ont déjà perdu ardoises et fenêtres, squelettes de pierre qui laissent entrevoir de grandes pièces qui furent, visiblement, magnifiques et accueillantes.

 

 

Les places de ces communes, souvent organisées autour d’une église visiblement rarement ouverte, ne révèlent aucune vie sociale : au crépuscule, les seules traces de vie humaine sont les grésillements des postes de télévision que l'on entend à travers les portes et les fenêtres, et les anciens cafés des lieux ne sont plus, comme jadis, des points de rencontre et de discussion, mais signalent juste, par de vieilles peintures effacées par le temps, leur ancienne fonction.

 

 

De vrais déserts sociaux, là où jadis il y avait de la vie, des joies et des disputes...

 

 

Et pourtant, il suffirait, j'en suis certain, de peu de choses pour ranimer cette France endormie : une véritable politique d'aménagement du territoire, des incitations à rouvrir des commerces et à créer des emplois, y compris grâce au télétravail, une nouvelle « ruralisation » à entreprendre en s'appuyant sur des familles qui cherchent un cadre de vie moins citadin pour élever leurs enfants (et qui dit enfants dit école...) et qui pourraient disposer, par une mise à disposition de terres communales, de véritables jardins potagers pour favoriser une petite agriculture de complément et de proximité, etc. Ce ne sont pas les idées et les possibilités qui manquent, ni même, quoiqu'on en dise, les moyens financiers ! Ce qui manque avant tout, c'est la volonté politique ! On en revient toujours là...

 

 

Je ne dis pas que le pouvoir politique peut tout, ce qui serait absurde et même dangereux car cela risquerait d'empêcher toute initiative personnelle et de déresponsabiliser les citoyens. Mais l'Etat peut beaucoup et, surtout, il doit créer les conditions favorables à l'épanouissement des possibilités et des capacités : il doit donner l'impulsion et accorder son soutien actif à tous ceux (entreprises comme services publics et particuliers) qui veulent redonner vie à ce qui, aujourd'hui, peut s'apparenter à des déserts professionnels et, parfois même, des déserts humains...

 

 

Les « déserts français » ne sont pas une fatalité et il est temps de voir au-delà du système de l'urbanisation à outrance caractéristique de la Société de consommation et d'une tertiarisation parfois déconnectée de la réalité productive.

 

 

En somme, il nous faut « un prince charmant pour réveiller la belle France endormie »... Un prince, une monarchie...

 

 

Bien sûr, il serait imprudent de croire que cela suffira : il y faudra aussi un nouvel état d’esprit qui n’hésite pas à remettre en cause les fondements mêmes de la Société de consommation et son modèle (système ?) urbain dominant. Une véritable révolution spirituelle mais qu’il ne faut pas attendre pour agir, politiquement et concrètement, dès maintenant.

 

 

 

 

 

28/05/2012

Des plans sociaux à la monarchie.

La vague des plans sociaux post-présidentielles que j'évoquais dans mes conférences et sur ce blogue bien avant l'élection elle-même a commencé à dérouler ses annonces et ses effets, au point d'alarmer la presse parisienne, bien après la presse économique et celle des provinces, cette dernière plus réactive car plus directement au contact d'un « pays réel » des travailleurs qui n'est pas négligeable même s'il est moins valorisé par les médias que les classes moyennes issues du secteur tertiaire. Il faut bien avouer que le réveil, après le temps des promesses et des espérances (ces dernières qu'il ne faut jamais moquer, au risque de les voir se muer en monstres de désespérance dont on ne connaît jamais à l'avance le destin...), est rude ! A en croire Le Figaro de ce lundi, ce sont 45.000 emplois qui sont directement menacés pour les semaines à venir, que cela soit dans le secteur automobile, dans la métallurgie et la sidérurgie, dans l'agro-alimentaire, etc.

 

Dans son édition du vendredi 25 mai, Libération consacre plusieurs pages à ce qui risque vite de devenir un incendie social dévastateur si l'Etat (entre autres) n'y prête garde ou ne sait comment arrêter la contagion des plans sociaux. Nicolas Demorand, dans son éditorial, trouve les mots justes pour résumer une situation complexe et, à terme, explosive : tout son article serait à citer, qui oscille entre dégoût et colère, mais surtout qui, à défaut de donner quelque réponse institutionnelle qui soit, pose quelques bonnes questions et remarques...

 

« Ils existaient donc bien, ces plans sociaux mis sous le tapis le temps de la présidentielle. Notons juste le cynisme des entreprises concernées, effrayées à l'idée d'affronter la polémique publique en plein chaudron électoral. Reste aujourd'hui, pour les salariés sur le carreau, une immense souffrance. » Il faut bien dire que la souffrance ouvrière n'est pas ce qui empêche de dormir la plupart des dirigeants des grands groupes ou de ces économistes qui parlent de la « nécessaire adaptation à la mondialisation » sans voir le coût humain de celle-ci... Si tel était le cas, ils placeraient l'équité sociale et humaine au coeur de leurs discours, ce qui n'est guère leur habitude, malgré quelques efforts de... communication !

 

« Pour la gauche, nouvellement au pouvoir, [reste] un défi d'ampleur : sauver, dans l'urgence, ce et ceux qui peuvent l'être ; faire que chacun assume ses responsabilités, à commencer par les « grands » patrons qui le plus souvent échappent au sort qu'ils infligent à leurs salariés » : il est vrai qu'il est particulièrement choquant de voir quelques uns de ces grands entrepreneurs s'augmenter leur propre salaire au motif qu'il faudrait « rattraper » les rémunérations de leurs homologues anglo-saxons, au moment même où les salaires des fonctionnaires sont gelés pour deux ans et que les multinationales se livrent de plus en plus à un chantage sur leurs ouvriers en menaçant de délocaliser si les salariés n'acceptent pas une réduction de leur paye...

 

Pour arriver à sauver les emplois et à responsabiliser les patrons, entre autres, Nicolas Demorand souligne qu'il faut donc « un Etat stratège, inventif, capable de s'abstraire de l'actualité pour identifier les futurs gisements de richesse et planifier, au sens le plus fort du terme, les moyens de les conquérir. Longtemps la puissance publique  fut ainsi à l'initiative de ce qui déboucherait sur les fusées Ariane, les avions d'Airbus, les TGV, pour ne citer que les exemples les plus visibles. Avec, en amont, une vraie politique de recherche, fondamentale et appliquée » Oui, il faut bien cela pour sortir de l'ornière dans laquelle un libéralisme excessif a mis la France, au nom, parfois, de règles européennes de non-concurrence et du fantasme d'une « mondialisation heureuse » (sic !)... Il est intéressant de noter, au passage, que M. Demorand égratigne l'argument habituel des européistes sur les « réalisations européennes » en rappelant que les grands projets dont se targue l'Union européenne doivent d'avoir leur existence et leur réussite à la puissance publique, c'est-à-dire à l'Etat de notre pays !

 

Nicolas Demorand poursuit, dans une sorte de « révélation gaulliste » (certains diraient « coming out » en langue globale...) : « Et, en parallèle, un consensus qui considérait ces sujets comme relevant de la continuité de l'Etat et de son intérêt supérieur. Toute cette mécanique s'est profondément déréglée. Il faudra du temps pour la reconstruire. Or l'incapacité à se projeter dans le temps est aussi ce qui caractérise la politique moderne. » La politique moderne ? Peut-être, mais surtout le principe d'une République qui fait reposer la légitimité de sa magistrature suprême sur le jeu des partis et des politiciens, et de leur course quinquennale au pouvoir, cette « présidentielle permanente » qui empêche souvent de voir au-delà des prochaines échéances électorales... Oui, c'est bien la question du temps qui est centrale dans cette refondation d'un Etat stratège, efficace et décidé, voire, par moments si nécessaire, volontariste ! Un Etat qui peut penser en termes de générations, et non du seul calendrier électoral !

 

Encore un effort, M. Demorand, pour conclure ! Sans doute vous faudra-t-il du temps, à vous aussi, pour reconnaître que l'Etat que vous appelez de vos voeux porte ce nom, souvent tabou en France, de Monarchie... Mais si vous voulez que la question sociale ne soit plus, comme en ce moment, cette longue litanie d'ouvriers sacrifiés, il faudra bien vous y résoudre, et ne pas hésiter à le faire savoir...

 

07/05/2012

Et maintenant ? Les défis à relever du prochain président.

« Ite missa est » : la grand-messe électorale est dite, et c’est donc M. Hollande qui est le malheureux élu… Je dis bien malheureux car il arrive au plus mauvais moment possible et à la tête d’un Etat qui a, depuis quelques années déjà, renoncé à certains instruments du politique, laissant bien trop libres les féodalités économiques et les institutions européennes, celles-ci et celles-là trop heureuses d’en profiter… Ce qui se passe aujourd’hui en Europe et en particulier en zone euro marque la Grande Transition que j’évoque fréquemment et qui se fait, en large part, au détriment de nos vieilles et anciennes (à défaut de l’être encore) nations industrialisées, qui semblent incapables de sortir de la logique absurde d’une mondialisation devenue folle et de celle, non moins dangereuse, de la société de consommation et de distraction qui pousse à s’endetter toujours plus pour répondre à l’addiction consumériste de nos sociétés elles-mêmes…

 

Le nouveau président aura-t-il la force de « restaurer l’Etat » et, au-delà, le politique ? Au regard des institutions républicaines actuelles d’une part, et des pressions des puissances financières et économiques d’autre part, j’en doute ! Je ne mets pas en cause la volonté et la bonne foi de M. Hollande, qui seront plus tard discutées lorsque les grandes échéances arriveront, mais bien plutôt les capacités mêmes de la République qui n’est plus celle, même si elle en porte le même numéro, de son fondateur, le général de Gaulle.

 

Les premières difficultés seront sans doute avec le partenaire allemand, peu enclin à céder sur ses positions rigoristes, et avec les institutions européennes qui en appellent déjà au « sens de la responsabilité » de M. Hollande pour accélérer les réformes dites « structurelles », c’est-à-dire le démantèlement d’un droit social français jugé trop protecteur et pas assez libéral ; mais il faudra aussi compter sur des Marchés qui voudront impressionner le nouveau président et lui signifier qu’ils sont, en définitive, les « maîtres du jeu » et que, sans eux, rien n’est possible. Quant aux multinationales qui attendaient la fin de la présidentielle pour annoncer, au fil des mois qui viennent, de nouveaux plans sociaux, elles pourraient mettre leurs projets rapidement à exécution, au risque de provoquer l’ire du nouveau pouvoir mais, peut-être aussi, de montrer la faiblesse d’un Etat prisonnier de règles de libre-échange que Bruxelles mais aussi l’OMC sont chargés de garantir…

 

La République s’est liée les mains en abandonnant, au fil des ans, sa souveraineté politique à des institutions qui n’en étaient pas au sens politique mais beaucoup plus au sens administratif : des carcans, en somme, dont il est difficile de s’extraire légalement aujourd’hui…

 

Il ne faut pas se réjouir des difficultés de l’Etat à faire face à ces problèmes économiques comme institutionnels, mais il convient de rappeler que la remise en force, nécessaire, de l’Etat face aux groupes de pressions et aux défis de la mondialisation, passe par une nouvelle mutation institutionnelle qui inscrive le politique dans la durée, dans le temps long des générations successives et non plus dans les atermoiements d’une action gouvernementale limitée par le calendrier électoral et bridée par des forces économiques émancipées de leurs devoirs sociaux depuis trop longtemps.

 

Les faiblesses congénitales de la République, aggravées par la course d’un temps qui l’a usée prématurément, sont aussi des occasions de réflexion pour ceux qui veulent refaire un Etat politique solide et durable, socialement juste et économiquement équilibré : sans doute cela pourra-t-il aussi ouvrir un chemin, étroit mais qu’il conviendra d’élargir peu à peu, à la possibilité monarchique qui est, d’abord, celle d’une Monarchie du possible mais aussi de la volonté et de l’action, qui ne sont rien sans la durée et l’unité, ces éléments de définition de la Monarchie elle-même