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23/02/2010

La question agricole, un nouveau front social ?

Le Salon de l’Agriculture ouvre ses portes dans quelques jours, dans une ambiance à la fois morose et coléreuse : la baisse significative des revenus agricoles, en particulier pour les petits et moyens agriculteurs (- 34 % en un an…) ; la crise laitière et celle des fruits et légumes à l’été dernier ; l’attitude déloyale des grandes surfaces qui préfèrent se fournir à moindre frais dans les pays du Sud à bas salaires et celle non moins scandaleuse des centrales d’achat qui pratiquent le chantage envers les producteurs ; etc., sont autant de motifs d’inquiétudes que de colère !

 

Devant une telle situation, le nombre d’agriculteurs ne cesse de diminuer et, désormais, de nombreux villages de la France rurale n’ont plus de paysans locaux en activité malgré des terres fertiles, de plus en plus convoitées par les promoteurs et grignotées par la rurbanisation. Or, la vieille formule « Pas de pays sans paysans » nous rappelle que la France sans agriculture de proximité, de qualité et de quantité suffisante, perd son indépendance alimentaire et risque de perdre son âme. Il ne s’agit pas de tomber dans une nostalgie stérile du « bon vieux temps des paysans » mais de défendre ce qui est un élément clé de ce qui fait la France, sa diversité (de paysages, de produits, de gastronomies, etc.), sa beauté aussi. Il s’agit également d’aborder les temps nouveaux du retour à une vie plus saine et moins consommatrice, et de rompre avec les mauvaises habitudes d’un productivisme qui a détruit bocages et parfois rivières pour « produire plus pour (faire) gagner plus (aux multinationales de l’agroalimentaire et de la distribution) »…

 

Le Salon de l’Agriculture, cette année du 27 février au 7 mars, est le moment d’aborder ces questions, de réfléchir aux meilleurs moyens de faire vivre l’agriculture dans notre pays en harmonie avec les paysages et les populations, de repenser les rapports entre consommateurs et agriculteurs, parfois en court-circuitant les intermédiaires inutiles ou les grandes surfaces prédatrices… C’est aussi le moment d’évoquer les questions plus politiques mais non moins importantes de la Politique Agricole Commune, de la fonction du Ministère de l’Agriculture, de la place accordée au monde de la production agricole dans les institutions françaises… Et poser la question, même, du régime politique le plus capable de répondre aux enjeux alimentaires, agricoles et d’aménagement du territoire, enjeux actuels et défis de demain.

 

Il est significatif que le Salon de l’Agriculture soit, à cet égard, en passe de devenir un nouveau « front social », un terrain miné dans lequel l’actuel locataire de l’Elysée rechigne à poser le pied, échaudé par les deux expériences passées en 2008 et 2009 : les rumeurs d’un accueil paysan musclé et de la possibilité de jets d’œufs sur M. Sarkozy en disent long sur le divorce entre monde paysan et République sarkozienne… Que ces incidents aient lieu ou non, en fait, n’a que peu d’importance mais le fait que cela soit possible montre que les Campagnes françaises n’acceptent plus d’être méprisées par celui-là même qui devrait, en bonne logique institutionnelle, en être le garant comme du territoire tout entier et de ses populations…

17/02/2010

Politique souveraine contre Féodalité.

Depuis quelques jours, la question sociale revient régulièrement sous les feux de l’actualité, et cela au moment même où l’affaire des revenus du nouveau patron d’EDF, M. Proglio, continue de faire débat, au moins sur la Toile. Ainsi les salariés d’Ikéa réclament-ils une augmentation des salaires qui correspondent aux efforts consentis ces dernières années pour rester compétitifs sur un marché très concurrentiel en France ; ceux de la raffinerie Total de Dunkerque demandent à leur direction des explications sur l’avenir du site, visiblement menacé dans sa pérennité ; quant aux salariés de l’usine Philips de Dreux, ils ont reçu en fin de semaine dernière une simple lettre recommandée pour leur apprendre leur licenciement tandis que l’entreprise ne fait guère mystère de poursuivre ses délocalisations pour maintenir ses bénéfices…

 

Et pendant ce temps-là, la presse rappelle que les traders, les fonds spéculatifs et les banques ont repris leurs « habitudes », et que les bonus distribués battent des records ! Je me souviens, il y a quelques semaines, d’une première page du quotidien « Le Monde » sur laquelle se côtoyaient deux titres, l’un annonçant un milliard d’euros de bonus pour les seuls traders parisiens tandis que l’autre évoquait les quelques centaines de millions difficilement trouvables pour venir en aide aux victimes du séisme en Haïti… Il y a de quoi hurler !

 

Certains nous diront que ces situations sont liées à la mondialisation et que l’on ne peut rien y faire. Ce fatalisme est impolitique et il peut être démenti si l’Etat veut bien se donner la peine de renoncer à quelques préjugés idéologiques et affronter les féodalités économiques aujourd’hui passées maîtres dans l’art du chantage (« Si vous nous taxez plus, nous partirons de France », par exemple…). Encore faudrait-il que cet Etat soit libre de ses décisions, c’est-à-dire souverain : or, aujourd’hui, il semble que la mondialisation ne soit rien que d’autre que la nouvelle Féodalité, celle des financiers, des groupes de pression et des communicateurs…, Féodalité étendue au monde entier ou qui en aurait l’ambition ! Et dans ce cadre-là, c’est en terme de vassaux et de suzerains que s’expriment les échanges et les relations économiques et politiques…

 

La France peut-elle alors réagir, résister ? Bien sûr que oui ! « La politique de la France ne se fait pas à la Corbeille », disait fièrement le général de Gaulle, et il est encore possible de le prouver, pourvu que l’Etat en ait, non seulement la volonté, mais les institutions qui lui permettent une telle liberté et lui donnent les moyens politiques de limiter les abus des grandes sociétés financières ou industrielles. Cela sera-t-il facile ? Sans doute pas, mais il y a une carte à jouer, et il serait dommage de ne pas la jouer…

 

D’autre part, l’Histoire nous rappelle que la naissance de l’Etat en France s’est faite par la politique des rois capétiens qui ont su aller à l’encontre de la pensée dominante et de ces féodaux qui se gaussaient du roi en le questionnant « Qui t’a fait roi ? ». La souveraineté de l’Etat royal est née de cette lutte, de cette extraction de la féodalité ambiante, et cela malgré les faiblesses économiques et financières des capétiens : le politique a triomphé de la force des féodaux, malgré tout ! S’en souvenir et en tirer des leçons pour aujourd’hui comme pour demain, c’est déjà faire œuvre politique…

18/06/2009

La France et l'Afrique.

Les funérailles du président Omar Bongo ont donné lieu à quelques manifestations d’hostilité au président français, habitué à des publics plus enthousiastes à son endroit. En fait, il semble bien que ces mécontentements exprimés rentrent surtout dans le cadre d’une succession délicate du chef d’Etat gabonais…

 

Mais, parmi les cris des manifestants, l’un aurait pu soulever quelques questions chez les journalistes présents, c’est celui de « Nous voulons la Chine », car il est très révélateur du nouveau rapport de forces en Afrique : au moment où la France ne sait plus très bien comment se débrouiller avec une Afrique francophone qui semble lui échapper ou vouloir en finir avec la fameuse Francafrique, les pouvoirs africains se tournent vers de nouveaux protecteurs, peu regardants sur la nature des régimes politiques et sur la question des droits humains, et principalement intéressés par les matières premières du sous-sol africain, par les millions d’hectares de terres « à louer » (malgré la présence de populations indigènes sur celles-ci…) et par le rôle qu’ils peuvent jouer sur ce continent encore en devenir. La Chine est aujourd’hui bien implantée en Afrique et n’a guère de scrupules ni de gêne dans sa politique africaine : pragmatique avant tout, elle a compris que les démocraties européennes, en particulier la France, se repliaient sur leur pré carré et abandonnaient leurs traditionnelles amitiés au Sud, légitimant cet abandon derrière la volonté de solder un post-colonialisme parfois douteux…

 

Ce repli des démocraties européennes et en particulier de la France est incontestablement une erreur en attendant de devenir une faute : la domination chinoise est un avant-goût de ce qui pourrait bien attendre (et atteindre) les pays européens s’ils ne sortent pas de cet engrenage de la repentance facile et de ce « retrait de l’Histoire » qui laisse entendre qu’ils n’ont plus d’autre volonté que de « consommer en paix ». C’est une tentation que le général de Gaulle a déjà, en son temps, combattue, convaincu que la France avait un rôle notable à jouer dans la recomposition africaine et dans le développement d’une francophonie utile dont l’Afrique reste un moteur nécessaire.

 

« Nous voulons la Chine » : ce cri sonne comme un véritable échec pour une République française qui, faute d’un grand dessein pour la politique africaine, n’a pas su aborder les temps nouveaux (et l’évolution des mentalités) et n’a pas su offrir à ses partenaires africains une alternative crédible aux jeux des grandes puissances états-unienne et chinoise (en attendant l’Inde…).

 

Pourtant, il faudra bien que la France, au lieu de s’obnubiler sur la seule construction européenne qui, si elle a une importance indéniable, n’est pourtant pas la seule voie ouverte à l’avenir français, réfléchisse et agisse pour renouer avec une Afrique qui a tant à lui dire et à lui offrir, et envers elle a tant de devoirs et de liens à entretenir.

 

S’il manque une grande « politique africaine de la France », n’est-ce pas parce que l’Etat ne dispose ni de la durée ni de cet enracinement dans l’Histoire qui sont pourtant si nécessaires pour s’assurer un destin et une place (de médiation, par exemple) dans le monde. Là encore, il manque un Etat à la France digne de son histoire et capable de parler aux Africains sans condescendance ni démagogie : un Etat royal, en somme, qui incarne la France dans la durée et soit capable d’écouter et de soutenir les espérances des Africains.