12/01/2009
Le gagneur, figure du libéralisme.
J’ai profité des dernières vacances de Noël pour m’acheter sur la Toile quelques ouvrages utiles pour compléter ma bibliothèque royaliste et, au-delà, politique. Ces jours derniers, la boîte aux lettres recueille quotidiennement ces grosses enveloppes ou ces paquets solidement scotchés qui, une fois ouverts, dévoilent quelques petits trésors dont je suis friand…
Ainsi, ce samedi 10 janvier, avec l’arrivée d’un bel exemplaire, fort bien conservé, de « la revue du siècle », dirigée par le catholique monarchiste Jean de Fabrègues, daté de l’année 1934 et consacré au penseur social René de La Tour du Pin (1834-1924), à l’occasion du centenaire de sa naissance.
Il faudrait citer toutes les pages de l’article de Jean de Fabrègues mais aussi celles de Jean Terral et de Jacques Saint-Germain, car, au-delà du contexte propre à cette époque des années trente, elles restent d’une criante actualité : la question sociale, non seulement n’est pas résolue aujourd’hui mais, même, elle redevient, en ces temps de crise, brûlante. Ce qui est intéressant dans l’approche de La Tour du Pin et de ses jeunes disciples de « la revue du siècle », c’est le fait de poser la question, non pas seulement ni d’abord en termes d’économie, mais d’abord en termes de civilisation, sans en méconnaître l’aspect politique.
« Il a osé rappeler, en un siècle de conformisme bourgeois, que la dignité de l’homme et le souci de son destin sont les premières valeurs, les seules, et que rien ne vaut contre elles. Il a osé dire, dans le silence ou la réprobation, que l’économie dite « libérale » avait livré l’homme enchaîné à la puissance matérielle du capital. » Non, ce ne sont pas les « valeurs démocratiques » que La Tour du Pin et Fabrègues mettent en avant, ces fameuses valeurs qui se contentent souvent d’être l’alibi de la « bonne conscience » de ceux qui, en définitive, ne veulent pas remettre en cause les causes profondes de l’injustice sociale, mais les valeurs éternelles qui reconnaissent en l’homme, non pas un simple consommateur dont il faudrait satisfaire à tout prix « la liberté de consommer », mais un être pensant, souffrant ou satisfait, un être de chair et de sang dont le destin n’est pas de subir mais d’agir, de réfléchir et de décider, avec ses compagnons et dans ses cadres sociaux, en citoyen et en sujet de droit (et non en simple objet de celui-ci…).
Ce rappel de l’éminente dignité de l’homme est, aujourd’hui, encore plus nécessaire quand celle-ci est moquée par cette société dite « libérale » qui abaisse la valeur de l’être à ce qu’il peut consommer ou matériellement posséder, au risque de ne plus voir ce qui différencie l’homme de la « bête à gaver ». La course indigne au profit a valorisé le « gagneur », prêt à tout pour arriver à ses fins et qui fait de la « liberté » un usage sans morale ni conscience, au détriment du « meilleur » pour qui tout n’est pas permis et qui se doit aux autres, qui sait servir et non uniquement se servir, qui a conscience que sa position lui donne plus de devoirs que de droits… Quand le gagneur ne pense qu’en termes de compétitions économiques, de valeurs financières, sonnantes et trébuchantes, le meilleur pense en termes de valeurs humaines, en termes d’honneur et de victoire sans haine ni mépris.
Mais dans notre société matérialiste, quelle chance le message de La Tour du Pin a-t-il d’être entendu et compris ? Et par qui ?
Sans doute la remise en cause du modèle consumériste et individualiste, critique qui pointe désormais au cœur même de notre pays, sous le bitume des métropoles comme sur les bancs des universités, offre-t-elle de nouvelles occasions aux pensées de La Tour du Pin de retrouver une audience parmi une jeunesse qui ne se satisfait plus de courir après un taux de croissance dont, au grand jamais, personne ne sera jamais amoureux…
22:10 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : fabrègues, la tour du pin, gagneur, libéralisme, matérialisme, meilleur, valeurs.
Surpopulation ou surconsommation ?
J’ai évoqué il y a quelques jours l’agacement que je ressentais devant la poussée de fièvre malthusienne qui s’est exprimée bruyamment à l’occasion de l’annonce des chiffres du dernier recensement en France : or, il se trouve que « Le Monde 2 », dans son édition du samedi 10 janvier 2009, publie un long article qui démonte quelques uns des arguments des néo-malthusiens, avec un à-propos tout à fait bienvenu…
Tout d’abord, il faut remarquer que les pays du Sud, en quelques années, ont vu leur taux de fécondité diminuer de façon impressionnante comme, par exemple l’Iran qui, d’un taux de 6,5 enfants par femme en 1985, en est désormais à 2, même s’il faut relativiser ce chiffre en soulignant que celui-ci est aussi le résultat d’un recul de l’âge de la maternité et signaler aussi que le principe de l’inertie démographique fait que les populations des pays du Sud vont continuer à fortement croître dans les deux ou trois prochaines décennies.
D’autre part, l’augmentation des niveaux de vie dans de nombreux pays aura, semble-t-il, tendance à freiner encore, dans le demi-siècle qui vient, l’accroissement naturel car les populations en voie d’enrichissement, par un réflexe souvent inconscient d’épargne (pour éviter la dispersion de leurs nouveaux patrimoines), limitent alors le nombre de leurs naissances. Sans oublier les politiques de contrainte comme celle de « l’enfant unique » en Chine qui, au-delà du coup de frein démographique, a entraîné un déséquilibre des naissances au grand détriment des populations féminines (100 femmes pour 117 hommes, déséquilibre qui se manifeste aussi en Inde dans des proportions pratiquement similaires).
Bien sûr, les prévisions pour 2050 tournent autour de 9 milliards d’habitants soit plus de 2 milliards supplémentaires par rapport à 2009 sur une planète qui, aujourd’hui, peine encore à réduire la sous-alimentation. Mais, et c’est ce que souligne avec pertinence l’article du « Monde 2 », sur le conseil d’experts démographes de l’OCDE, « la population ne pose pas un problème en soi. Les pressions exercées sur les ressources naturelles et l’environnement ne proviennent pas du nombre d’habitants mais de leurs habitudes de consommation. »
Ainsi, ce qui pose problème, c’est bien le principe d’une société de consommation, que l’on pourrait qualifier de « consumation », qui, de par son essence (« consommer pour produire »…), ne parvient pas à réfréner ses appétits, au risque de gaspiller les ressources animales, végétales et minérales, en quelques décennies prochaines. Comme le conclue l’article : « A nouveau, les politiques sont en cause. Pas le nombre d’habitants ».
Il faudra bien poser, un jour ou l’autre, la question de la « décroissance » (et non celle de la « dépopulation ») qui n’est rien d’autre, au-delà de l’économie ou du développement, que la grande question de la civilisation, et de ce que nous souhaitons transmettre à nos enfants : des problèmes ou des bienfaits ?
00:53 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : démographie, population, fécondité, société de consommation, iran, malthusianisme.
08/01/2009
Faire la paix.
L’intervention israélienne dans la bande de Gaza soulève les passions, y compris en France : cela m’inquiète, au regard des tensions intercommunautaires qui peuvent se révéler et dégénérer, comme quelques incidents heureusement isolés et marginaux le rappellent. Même dans les classes du lycée, on peut parfois, au détour d’une tentative d’explication de la situation complexe de la région, constater que certains se laissent emporter par une argumentation qui reflète plus une position communautaire que nationale française. Or, et je l’ai rappelé aux élèves, la France n’est pas militairement impliquée dans le conflit et elle ne doit pas devenir le champ de bataille « délocalisé » et par communautés interposées d’une guerre lointaine, même si les images vues à la télé ou sur la Toile nous rapprochent presque de façon impudique et voyeuse des événements tragiques de Gaza.
Bien sûr, on peut s’indigner des violences et rechercher les causes, en discuter, voire se quereller sur les moyens pour la diplomatie française d’agir pour la paix dans la région. Mais prendre parti pour un camp ou pour un autre en prenant à partie d’autres Français qui, par leurs racines ou leur religion, seraient dans le camp opposé est risqué et déplacé : il est bien l’heure de dire « France d’abord ! », c’est-à-dire que les Français, quelles que soient leurs appartenances, leurs choix ou leurs intérêts, ne doivent pas juger autrement qu’en fonction des intérêts français et de ceux de la simple humanité que la France a pour vocation de défendre et de rappeler (même si elle ne répond pas toujours à cette exigence…).
C’est d’ailleurs à cette condition que les manifestations en France pour la paix et l’arrêt des violences pourront avoir une chance d’être crédibles et acceptables pour les deux camps : ce n’est pas autrement, dans ce cas précis (qui n’est pas forcément le cas général), que l’on pourra peser sans aviver les tensions ou les ressentiments. En prônant « la paix des braves » (qui est une formule qui a le mérite de contenter chacun des camps qui peut se reconnaître, à tort ou à raison d’ailleurs, dans cette appréciation, comme l’a pensé en son temps le général de Gaulle) et, donc, un arrêt des combats qui ne pourrait s’accompagner que de la forte pression internationale nécessaire pour imposer de véritables négociations entre les belligérants ou, plus exactement, leurs représentants « légaux » (même si la légalité peut être sujette à caution…).
Certains me diront que je fais peu de cas des horreurs commises par les uns ou par les autres, chacun des camps se jetant des cadavres à la figure et se rejetant la responsabilité du commencement des hostilités. Je n’oublie rien en tant qu’historien, mais il est des heures où ce n’est pas la vengeance ni même la « justice » ou le « bon droit » qui comptent, mais bien le but à atteindre : l’extinction des feux et, au-delà, « par delà la mémoire et l’oubli », l’établissement d’une paix durable et profitable à tous. Sinon, jamais la guerre ne s’arrêtera, ni la volonté de « faire payer à l’autre » les souffrances qu’il vous a fait endurer.
Je pense en ce moment à la réconciliation franco-allemande, qui n’aurait jamais été possible si le général de Gaulle n’avait pas eu à la fois la légitimité historique (l’homme du 18 juin, le symbole du refus de l’occupation allemande) et la « capacité d’oubli » (qui n’est pas exactement de l’amnésie mais bien plutôt la capacité à « oublier » ce qui fâche ou divise lorsque l’enjeu impose le dépassement des « anciennes querelles ») qui marque les grands hommes d’Etat soucieux de préparer demain et non pas de ressasser hier. Si elle a été possible, c’est parce que, aussi, le politique primait sur le sentiment ou le religieux. C’était d’ailleurs aussi la politique, souvent incomprise des populations, des rois de France, tel « le renversement des alliances » imposé (malgré son impopularité) par Louis XV et qui rapprochait, y compris par le symbole d’un mariage entre le jeune prince Louis et l’archiduchesse autrichienne Marie-Antoinette, deux Etats adversaires pendant presque trois siècles…
La paix est un bien précieux : s’il est difficile de la faire advenir, elle n’est pas moins souhaitable, forcément nécessaire… Pour que les oliviers palestiniens abritent les colombes israéliennes, et que, à défaut de se connaître, les peuples israélien et palestinien acceptent de se reconnaître…
23:54 | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : paix, gaza, israël, palestine, de gaulle, réconciliation, oubli