16/12/2008
Réforme Darcos.
Le ministre de l’Education Nationale Xavier Darcos a annoncé hier lundi le report de sa réforme sur l’organisation du lycée, quelques jours seulement après avoir déclaré qu’il ne serait pas le ministre de « l’hésitation nationale »… Faut-il en conclure que cette réforme est enterrée, comme croient le savoir de nombreux journalistes, ou qu’elle n’est que reportée, comme le prétendent le ministre et son président ?
En fait, le plus important n’est pas là : l’Ecole en France souffre d’une crise endémique et les réformes purement scolaires n’y changeront, en définitive, pas grand-chose, se contentant trop souvent d’accompagner des tendances de la société au lieu, parfois, de s’en démarquer et, donc, de les précéder, voire de les susciter. Ce n’était peut-être pas vrai au XIXe siècle (il y a débat sur ce thème…), mais c’est devenu une réalité très criante aujourd’hui : il suffit de constater, par exemple, combien les programmes d’histoire-géo (je parle d’abord de ce que je connais pour le constater chaque année) sont dépendants, avec toujours un large temps de retard, des idéologies et des « actualités » dominantes, à tort ou à raison, d’ailleurs. C’est quelque chose qu’il m’arrive de faire constater à mes élèves de classes de Seconde et de Première, en leur signalant la frilosité des programmes et des thèmes retenus : ainsi, en Seconde, je souligne combien des thèmes d’importance en géographie, comme « les énergies et leurs enjeux » par exemple, sont toujours absents des programmes et qu’ils n’apparaîtront que dans quelques années, quand ce thème se sera déjà imposé dans les enjeux économiques, politiques et géopolitiques depuis fort longtemps. Idem pour « la géopolitique », dont le terme même n’apparaît pas dans les manuels (ou alors de manière fort discrète…) alors que le chapitre 1 du programme de géo évoque les Etats et les frontières…
Ce qui est vrai pour les programmes l’est aussi souvent pour les méthodes et les idéologies elles-mêmes : l’Ecole était encore marxisante quand le mur de Berlin finissait de s’écrouler, elle est aujourd’hui européiste quand le sentiment européen est plus idéologique que réel et qu’il se banalise en même temps qu’il s’étiole ; elle est encore très marquée par les pédagogismes de tout genre quand ces méthodes d’apprentissage scolaire sont désormais reconnues plus déstructurantes qu’efficaces, etc.
L’Ecole ne doit pas être le reflet des modes, quelles qu’elles soient, mais elle doit former les esprits et les êtres à affronter les défis d’un monde changeant, non pas en singeant l’actualité mais en s’appuyant sur des principes simples, des connaissances qui en appellent autant à la culture générale qu’aux nouveaux savoirs et savoirs faire, des méthodes qui privilégient l’humilité devant les réalités mais aussi l’esprit de conquête (qui n’est pas exactement l’esprit de compétition mais plutôt la volonté d’aller plus loin dans la connaissance et la réflexion) et la curiosité, etc. Cela me rappelle d’ailleurs un propos de Maurras qui expliquait que la liberté n’est pas à « l’origine » mais à « la fleur »… L’Ecole peut (doit ?) aider à cette floraison.
Au-delà des annonces sur l’organisation de la scolarité au lycée, la réforme Darcos était plus une réforme de comptable que d’Etat et, en ce sens, elle ne pouvait que manquer de souffle et d’ambition : elle avait d’ailleurs un côté « démago » qui déplaisait fortement aux syndicalistes enseignants « de droite » (je pense au SNALC, qui grognait fortement contre le libéralisme libertaire de cette réforme avortée, comme le prouvent ses circulaires).
Mais la vraie réforme qui pourra permettre d’aborder les autres dans de bonnes conditions, autant pour la mise en place que pour la réussite, c’est celle des institutions, celle qui les inscrira dans la durée et permettra l’indépendance de la magistrature suprême de l’Etat, cette « révolution politique » qui a pour symbole la fleur de lys…
20:15 | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : darcos, école, éducation nationale, réforme, programmes, culture générale.
14/12/2008
Mine de Lewarde.
Vendredi dernier, je participais à une sortie scolaire organisée par mon ami Eudes G. et à laquelle j’avais emmené une classe de Première S. Destination du matin : la mine de Lewarde, aujourd’hui fermée et transformée en un Centre historique minier d’un grand intérêt. Je dois avouer que j’ai eu un grand plaisir à visiter ce musée si vivant grâce à la faconde des anciens mineurs transformés en guides depuis la fermeture de cette mine en 1990 : au-delà des salles présentant les « trois âges de la mine », c’est la visite du fond (reconstitué en surface, en fait, par les mineurs eux-mêmes : un bel exemple de reconversion d’un site industriel par ceux-là mêmes qui y ont travaillé) qui a, sans doute, le plus marqué les élèves, guidés par des mineurs à l’accent du Nord si caractéristique, popularisé par un film récent. Celui qui accompagnait mon groupe avait un franc-parler un peu déroutant pour des élèves versaillais habitués à un langage plus châtié et plus conventionnel : c’était sans doute une découverte pour beaucoup que ce monde ouvrier qui ne s’embarrasse pas de circonvolutions langagières pour aborder les réalités, y compris les plus crûes…
Reconstitué, ce fond de mine n’en était pas moins « réel », reproduisant en surface quelques ambiances du travail des mineurs, éternellement soumis au bruit absolument assourdissant des machines, mais aussi à ce que nous n’avons pu constater pour des raisons évidentes, la chaleur, l’humidité, la poussière… Quand on sait que des hommes y passaient, allongés ou à genoux, plusieurs heures d’affilée, pour permettre à nos sociétés de s’industrialiser et de se chauffer durant des décennies, on comprend mieux la rudesse apparente de ces mineurs, de ces « gueules noires » qui ont tant compté dans l’histoire industrielle et combien leur disparition, en France, annonçait aussi celle des traditions ouvrières qui donnaient à la « classe ouvrière » une grande part de son identité, faite de cette conscience d’être un monde à la fois particulier et « en marge » dans notre société individualiste de consommation.
Notre mineur-guide, au cours de sa visite, l’a agrémentée de quelques réflexions qui confirment ce que j’avais évoqué aux élèves quelques semaines plus tôt : par exemple, le fait que la mécanisation n’a pas soulagé le travail de l’ouvrier mais l’a, au contraire, plus aliéné à la recherche d’un profit dont il ne touchait pas exactement les dividendes qui emplissaient pourtant les poches de ceux qui, sans avoir jamais mis les pieds au fond, en étaient les actionnaires et propriétaires. Ainsi, les mineurs, moins nombreux au fur et à mesure des années 1960-90, étaient-ils soumis à des rythmes de plus en plus empressés et à des maladies nouvelles liées à l’utilisation de machines de plus en plus performantes : cela me rappelle la formule célèbre sur « la machine du patron » qui enchaîne l’ouvrier au temps du profit. Ce que l’on peut résumer par la citation de Benjamin Franklin : « Time is money » (« Le temps, c’est de l’argent »), et qui explique comment le temps de la production, depuis les révolutions industrielles des XVIII-XIXe siècles, est aux mains de ceux qui possèdent les sommes suffisantes pour investir et, donc, de l’Argent-seigneur (à moins qu’il ne soit « saigneur », en particulier des vies et des corps ouvriers, comme l’histoire des deux derniers siècles l’a amplement, et parfois sauvagement, démontré)…
Aujourd’hui, la mine de Lewarde a cessé toute activité d’extraction du charbon depuis 1990 et la dernière mine française a fermé en 2004, laissant derrière elle une riche histoire entretenue par ceux-là mêmes qui en ont été les vrais acteurs dans ces dernières décennies tandis que les financiers et les actionnaires abandonnaient ce qui, désormais, ne répondaient plus à leurs attentes de profit, alors même qu’il reste, dans le sous-sol français, de quoi extraire plus de charbon qu’il n’en a été extrait depuis le début du XVIIIe siècle… Le charbon utilisé en France aujourd’hui (dans quelques centrales thermiques, par exemple) vient de Pologne ou de Chine !
Mais il y a autre chose que l’historien remarque : la fin des « gueules noires » annonce aussi, dès les années 70, « le déclin de la classe ouvrière », ne serait-ce que, comme j’en ébauchais l’évocation plus haut, par la disparition de cette communauté d’esprit de métier, sa dilution dans une société plus marquée par la Consommation que par la Production, alors que, si les mineurs français ont complètement disparu (en tant qu’acteurs de la Production), il reste néanmoins encore 23 % d’ouvriers dans la population active de notre pays. La crise actuelle accélère, pour des raisons beaucoup plus financières qu’industrielles, la désindustrialisation qui est aussi une désidentification des ouvriers et un déracinement social, voire sociétal. Perte d’identité qui, d’ailleurs, se marque aussi par la quasi invisibilité de ces mêmes ouvriers dans notre société, dans les médias ou dans les films (par exemple) : comme si, déjà, le monde ouvrier gênait les regards ou les consciences à l’heure où la tendance est plutôt à la « visibilité » ethnique ou « communautaire »… Même les partis de la Gauche extrême qui se voulurent jadis « l’avant-garde consciente du Prolétariat » négligent ces ouvriers qui ont eu, il y a une vingtaine d’années, le front (sans même de jeu de mot…) de leur faire faux bond !
Le mineur de Lewarde m’a confié, avant de nous quitter, son impression, que j’ai ressentie comme une angoisse pas totalement avouée, et qui m’a rappelée celle des anciens combattants de 14-18 : dans quelques années, il n’y aura plus de témoins directs de cette histoire des mines charbonnières françaises, mais juste des photos, quelques films et des musées animés par des guides sans doute pleins d’assurance à défaut de souvenirs vécus… « Ceux du fond » auront disparu, comme « ceux de 14 »…
J’ai vu un voile de tristesse passer dans les yeux de ce mineur, si joyeux l’heure d’avant au contact de mes élèves : « Que restera-t-il de nous ? »… La réponse ne m’appartient pas, et je ne la connais pas, même si je crois comprendre la question…
20:19 | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : mine, mineur, lewarde, ouvriers, classe ouvrière.
12/12/2008
La Monarchie ne réécrit pas l'histoire, elle l'assume.
L'Histoire est pleine de surprises et d'imprévus. Certes, la possibilité d'une instauration monarchique en France paraît fort lointaine et, surtout, difficile. Mais rien n'est impossible: l'exemple espagnol est la preuve que ce qui paraît improbable peut arriver. Pour la France, il y a le fort attachement des Français à 1789 et ses suites: c'est moins vrai aujourd'hui qu'il y a 20 ans. D'autre part, hormis le fait que la part "positive" de la Révolution selon l'opinion (qui n'a pas forcément raison au demeurant) est antérieure à l'établissement même de la République en 1792, une monarchie nouvelle n'aurait pas à rentrer en conflit avec l'Histoire, fût-elle désagréable pour les rois et les royalistes, mais à l'assumer (ce qui ne signifie pas pour autant s'y "rallier"..) et à la dépasser. Le regret n'est pas une politique et la monarchie nouvelle, qui sera évidemment attendue sur ce point, devra veiller à ne pas être une nostalgie romantique. La monarchie devra être habile et faire ses preuves dans un délai fort court, mais l'impulsion d'une vaste décentralisation et d'une politique régalienne audacieuse peut lui permettre de s'ancrer dans le pays, comme cela s'est fait en Espagne en quelques années. Le point d'inconnu c'est évidemment l'"événement" fondateur de cette nouvelle monarchie. Encore faut-il aujourd'hui, en attendant ce moment, "dédramatiser" la monarchie, la rendre plus "lisible" aux Français en faisant tomber les préjugés. J'essaie, pour ma part, de le faire autour de moi et par mes écrits, et je prône une monarchie qui ne soit pas la caricature que nous apercevons trop souvent à travers les récits de la presse pipol ou par les hagiographies d’un certain royalisme irréel...
Quant au roi, qui serait-il? Un prince de la famille d'Orléans, le comte de Paris aujourd’hui, le prince Jean, son fils, demain, qui, discrètement, sillonnent la France et le monde pour écouter et proposer: ils sont formés à la politique depuis leur plus jeune âge et ils la considèrent comme un métier et un devoir. Ont-ils une chance? Ce n'est pas impossible...
23:03 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : histoire, monarchie, royalisme, action française, assumer, prince jean.