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18/01/2009

La République impuissante face aux Fouquet.

Le président Sarkozy, cette semaine, a demandé aux banques et aux entreprises automobiles qui viennent d’être renflouées par l’Etat, c’est-à-dire par les contribuables français, de ne pas distribuer de dividendes significatifs cette année à leurs actionnaires et de maintenir les emplois dans notre pays ; il a aussi exigé que les patrons des grandes entreprises renoncent à leurs parachutes dorés, exigence qu’il avait déjà formulée il y a quelques mois et qui était, évidemment, restée lettre morte, faute de contrainte législative ou exécutive.

Ces déclarations présidentielles sont-elles autre chose que des vœux pieux ? En effet, quels sont les moyens, dans une République soumise aux jeux de clientèle et d’influence, de faire plier des financiers et des hommes d’affaires, des grands patrons et des actionnaires, dont les principales valeurs sont seulement celles de leur portefeuille et pour qui « la fin justifie les moyens », quels qu’ils soient ? D’ailleurs, le grand argument des adversaires de l’intervention de l’Etat dans les affaires, c’est celui d’une possible fuite des capitaux et des sièges sociaux d’entreprise vers des pays plus accueillants et moins regardants sur la provenance des fonds et des méthodes : chantage insupportable mais révélateur, non des dérives mais de la nature même d’un capitalisme qui place la liberté d’échange et de circulation (des capitaux autant que des hommes) au-dessus de la simple justice sociale et des devoirs de solidarité…

En entendant certains néolibéraux moquer l’Etat et le protectionnisme (dénoncé comme le mal absolu par un journal comme « Le Monde » ces jours derniers), on comprend mieux a contrario la colère qui monte et ce sentiment d’impuissance qui nourrit le ressentiment chez nos compatriotes, les moins aisés comme ceux des classes moyennes de plus en plus fragilisées, et on peut légitimement s’inquiéter que l’aveuglement et l’égoïsme des oligarchies financières et économiques mènent à des éclats de fureur des populations trop longtemps flouées et dépossédées de leurs pouvoirs concrets. Nos dirigeants, eux, le comprennent-ils vraiment ? Sans doute les propos de M. Sarkozy démontrent-ils une certaine perception du sentiment flottant dans les différentes couches de la société et la volonté de désamorcer les explosions possibles mais il n’est pas certain que cela soit suffisant, faute d’une ligne politique ferme et d’une attitude d’Etat digne de ce nom de la part de la présidence française : les vacances brésiliennes ou l’attitude « décomplexée » (c’est-à-dire de compréhension, voire de connivence…) du président à l’égard de l’Argent contredisent le discours et affaiblissent sa crédibilité.

La Ière République avait vu le triomphe des financiers et des arrivistes de tout acabit, pour le pire plus certainement que pour le meilleur : la Vème, née de la volonté d’un homme d’Etat qui méprisait l’Argent et les compromissions, a, depuis longtemps, oublié les promesses de son baptême… C’est cet oubli qui risque de l’emporter elle-même: le consulat sarkoziste n’est pas une monarchie mais sa triste caricature, une monocratie nerveuse et arrogante. Face aux multiples Fouquet qui paradent dans les Champs de la République, il faudrait un Louis XIV, son sceptre et sa main (sa poigne, même…) de justice ; il faudrait surtout ce Pouvoir qui, n’ayant pas de clientèle à satisfaire ni de comptes à rendre aux féodaux politiciens, peut agir, libre, fort et droit, parfois rudement s’il le faut. S’il n’existe pas de « sceptre magique », la monarchie « libre et entière », active et sociale, aurait de belles cartes dans son jeu face aux seigneurs de l’Argent : quel dommage qu’elle soit si lointaine aujourd’hui, perdue dans les brumes de l’histoire et si faible encore dans l’Opinion qui, aujourd’hui, la méconnaît faute de l’avoir jamais connue en ces XXe et XXIe siècles. Lointaine, elle n’en reste pas moins nécessaire et le royalisme politique et social se doit d’en assumer la régence sur le front des idées, des propositions et des actions…

 

15/01/2009

Bicentenaire de la naissance de Proudhon.

Pierre-Joseph Proudhon est né le 15 janvier 1809, il y a deux siècles, mais son nom, aujourd’hui, ne suscite guère autre chose que de l’indifférence dans le meilleur des cas : cela me semble éminemment regrettable, au regard de ce qu’il a apporté à la pensée politique du socialisme français, et à la pensée politique tout court.

Bien sûr, certains s’étonneront qu’un royaliste « traditionaliste » (ou « transmissionniste », concept qu’il conviendra que je définisse à nouveau plus clairement un autre jour) puisse s’intéresser à un personnage plus connu pour ses penchants révolutionnaires et sa filiation avec le courant anarchiste que pour un éventuel attachement à la monarchie que je prône fidèlement depuis presque trente ans… D’autres, au contraire, y verront cette éternelle attirance des monarchistes fédéralistes et antiparlementaires envers celui qui revendiquait un antijacobinisme virulent ou une défiance presque viscérale envers la « démocratie bourgeoise », y compris en ses pires aspects (je parle de sa défiance…) et avec des mots injustes. Après tout, n’y a-t-il pas eu, à la veille de la Première Guerre mondiale un « Cercle Proudhon » qui, sous le patronage de ce socialiste franc-comtois, rassemblaient des nationalistes maurrassiens fidèles au roi de France et des syndicalistes antidémocrates inspirés par la pensée de Georges Sorel ? Et, de loin en loin, des évocations « récupératrices » (?) dans la presse monarchiste, en particulier dans celle qui se veut « révolutionnaire » ou « anticonformiste » ? Et, si l’on glisse la main sur le clavier, un site monarchiste préoccupé de « social » qui a repris ce patronage de Proudhon sans timidité : www.alternative.new.fr ?

En fait, l’absence d’articles importants dans la presse française (à part un long et assez intéressant papier dans l’édition de janvier du « Monde diplomatique ») sur cet anniversaire me semble fort révélateur d’une absence d’intérêt pour les penseurs et, au-delà, pour les pensées politiques qui sortent de l’alternative « Marx ou Marché »… Aujourd’hui, la mode est, avec quelques raisons d’ailleurs, à Keynes qui, avec la crise, a retrouvé une certaine actualité aux yeux de ceux qui ne croient pas en les vertus miraculeuses de la seule « main invisible du Marché ». Mais Proudhon n’a-t-il pas lui aussi à nous suggérer quelques pistes de réflexion, et quelques unes de ses préoccupations ne sont-elles pas aussi les nôtres ? La question des libertés communales, provinciales et professionnelles, le mutuellisme, la dénonciation du rousseauisme idéologique comme celle du règne de l’Or sacré par le système clientéliste d’une certaine démocratie partisane, etc. Tout cela n’est pas encore clos, ni oublié pour qui pense politique.

Proudhon n’a jamais été de mes maîtres, mais sa lecture n’est pas inutile et j’y ai trouvé parfois quelques échos à mes propres interrogations, voire quelques réflexions (parfois désabusées, il faut bien le dire, car j’ai l’impression que Proudhon ne fut pas un homme d’espérance…) fort intéressantes. Je me souviens aussi que, lors d’un débat radiophonique au Mans, quelques semaines après une réunion royaliste qui avait tourné à l’affrontement entre militants monarchistes et manifestants d’extrême-gauche (en 1991), c’est Proudhon qui m’avait permis de désarçonner des contradicteurs qui me reprochaient d’oser m’y référer : j’avais alors lu une citation du penseur socialiste qui, en somme, trouvait quelque avantage à la monarchie par rapport au système républicain (ce qui n’en faisait pas pour autant un apologiste de celle-ci, loin de là), et cela avait littéralement abasourdi des débatteurs qui s’étaient persuadés qu’un royaliste se contentait de lire « Point de Vue » et les aventures du « Prince Eric » de Serge Dalens et de citer Stéphane Bern ou Thierry Ardisson (ce que je fais aussi, d’ailleurs)…

Au fait, quelle était cette citation ? Etait-ce celle-ci : « Un homme qui travaille à assurer sa dynastie, qui bâtit pour l’éternité, est moins à craindre que des parvenus pressés de s’enrichir et de signaler leur passage par quelque action d’éclat » ? Je n’en ai pas le souvenir mais celle-ci me semble tout à fait convenir pour terminer, sur une note éminemment royaliste, ce  petit article du soir…

12/01/2009

Le gagneur, figure du libéralisme.

J’ai profité des dernières vacances de Noël pour m’acheter sur la Toile quelques ouvrages utiles pour compléter ma bibliothèque royaliste et, au-delà, politique. Ces jours derniers, la boîte aux lettres recueille quotidiennement ces grosses enveloppes ou ces paquets solidement scotchés qui, une fois ouverts, dévoilent quelques petits trésors dont je suis friand…

Ainsi, ce samedi 10 janvier, avec l’arrivée d’un bel exemplaire, fort bien conservé, de « la revue du siècle », dirigée par le catholique monarchiste Jean de Fabrègues, daté de l’année 1934 et consacré au penseur social René de La Tour du Pin (1834-1924), à l’occasion du centenaire de sa naissance.

Il faudrait citer toutes les pages de l’article de Jean de Fabrègues mais aussi celles de Jean Terral et de Jacques Saint-Germain, car, au-delà du contexte propre à cette époque des années trente, elles restent d’une criante actualité : la question sociale, non seulement n’est pas résolue aujourd’hui mais, même, elle redevient, en ces temps de crise, brûlante. Ce qui est intéressant dans l’approche de La Tour du Pin et de ses jeunes disciples de « la revue du siècle », c’est le fait de poser la question, non pas seulement ni d’abord en termes d’économie, mais d’abord en termes de civilisation, sans en méconnaître l’aspect politique.

« Il a osé rappeler, en un siècle de conformisme bourgeois, que la dignité de l’homme et le souci de son destin sont les premières valeurs, les seules, et que rien ne vaut contre elles. Il a osé dire, dans le silence ou la réprobation, que l’économie dite « libérale » avait livré l’homme enchaîné à la puissance matérielle du capital. » Non, ce ne sont pas les « valeurs démocratiques » que La Tour du Pin et Fabrègues mettent en avant, ces fameuses valeurs qui se contentent souvent d’être l’alibi de la « bonne conscience » de ceux qui, en définitive, ne veulent pas remettre en cause les causes profondes de l’injustice sociale, mais les valeurs éternelles qui reconnaissent en l’homme, non pas un simple consommateur dont il faudrait satisfaire à tout prix « la liberté de consommer », mais un être pensant, souffrant ou satisfait, un être de chair et de sang dont le destin n’est pas de subir mais d’agir, de réfléchir et de décider, avec ses compagnons et dans ses cadres sociaux, en citoyen et en sujet de droit (et non en simple objet de celui-ci…).

Ce rappel de l’éminente dignité de l’homme est, aujourd’hui, encore plus nécessaire quand celle-ci est moquée par cette société dite « libérale » qui abaisse la valeur de l’être à ce qu’il peut consommer ou matériellement posséder, au risque de ne plus voir ce qui différencie l’homme de la « bête à gaver ». La course indigne au profit a valorisé le « gagneur », prêt à tout pour arriver à ses fins et qui fait de la « liberté » un usage sans morale ni conscience, au détriment du « meilleur » pour qui tout n’est pas permis et qui se doit aux autres, qui sait servir et non uniquement se servir, qui a conscience que sa position lui donne plus de devoirs que de droits… Quand le gagneur ne pense qu’en termes de compétitions économiques, de valeurs financières, sonnantes et trébuchantes, le meilleur pense en termes de valeurs humaines, en termes d’honneur et de victoire sans haine ni mépris.

Mais dans notre société matérialiste, quelle chance le message de La Tour du Pin a-t-il d’être entendu et compris ? Et par qui ?

Sans doute la remise en cause du modèle consumériste et individualiste, critique qui pointe désormais au cœur même de notre pays, sous le bitume des métropoles comme sur les bancs des universités, offre-t-elle de nouvelles occasions aux pensées de La Tour du Pin de retrouver une audience parmi une jeunesse qui ne se satisfait plus de courir après un taux de croissance dont, au grand jamais, personne ne sera jamais amoureux…