20/06/2008
Votre République...
A l’occasion d’un débat (émission « on refait le monde », jeudi 19 juin, sur RTL) sur les communautarismes qui se font de plus en plus virulents en France, l’écrivain Denis Tillinac s’est emporté et, à plusieurs reprises, s’est adressé aux autres débatteurs en évoquant « votre République », jusqu’à ce que le présentateur Nicolas Poincaré lui rétorque « Mais c’est un peu la vôtre aussi ». Ce à quoi Tillinac a eu cette réponse fort intéressante « Je suis d’abord français » (je retranscris suivant mon souvenir de cette émission, entendue alors que j’étais en voiture).
Réponse fort intéressante mais surtout fort significative : que cet écrivain réputé, connu pour ses idées gaullistes et proche de Jacques Chirac, établisse désormais une distinction entre la France et la République montre que le climat intellectuel peut changer et que le discours qui confond France et République n’est plus obligatoire dans les milieux qui pensent et qui écrivent.
L’habileté de la République, depuis la Révolution, était de vouloir être la « totalité de la France », d’être la « vraie France », celle des « valeurs » à tel point que s’en prendre au système institutionnel français condamnait à être considéré comme un « mauvais Français », voire un « traître » durant les guerres de la Révolution, au risque d’y perdre la tête… Comme si la France était née en 1792 ! Comme si l’an I de la République était l’an I de la France ! On retrouve cet état d’esprit dans les propos de certains ministres comme Rama Yade quand elle déclare il y a quelques mois, au détour d’une phrase, que la France est née en 1789, de la Révolution donc (ce qui induit déjà une distinction qu’elle semble négliger, puisque 1789 c’est encore et pour trois ans encore la Monarchie…), en oubliant que, pour qu’il y ait « Révolution française », encore faut-il qu’il y ait d’abord une France…
Dans sa colère, Tillinac s’en prenait à cette sorte de chantage intellectuel qui veut que « hors des valeurs de la République, point de salut ». Ce que laisse entendre Tillinac, c’est justement que ce sont ces « valeurs » qui posent problème…
10:34 | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : tillinac, république, valeurs, france.
18/06/2008
Triste 17 juin...
Le livre blanc sur la Défense vient de sortir et il montre toute l’hypocrisie d’un président qui s’est fait élire sur le nom de la France et ne cesse de la diminuer, dans les faits, par son attitude et ses actes. Ce 17 juin, jour symbolique d’une certaine manière, coincé entre les anniversaires du discours de Bayeux de 1946 et de l’appel du 18 juin 1940, est un jour de tristesse pour la France, et la fin de l’indépendance militaire française, mais qui s’en soucie ? Les radios et les télévisions ne retentissent, en fait, que de la rencontre de balle-au-pied entre les Bleus et les Italiens, et notre société « distractionnaire », celle-là même dénoncée par Philippe Muray, montre sa redoutable efficacité par le brouillard qu’elle crée autour des décisions importantes de cette République de la démission qui, déjà, remplace son propre drapeau sur les édifices publics par le drapeau étoilé d’une Union européenne sans âme ni cœur…
Triste jour que celui où l’actuel locataire de l’Elysée trahit la doctrine gaullienne de l’indépendance nationale dans l’indifférence générale, en faisant un véritable bras d’honneur aux traditions capétiennes et françaises : est-ce si étonnant quand on connaît le personnage qui, en définitive, suit la logique de son héritage familial et de sa pratique politique ? Le « tropisme d’Empire » propre à la tradition hongroise, pourtant si éloigné de l’histoire française, joue aujourd’hui en faveur des Etats-Unis et il est significatif que les autres pays de l’Union européenne se félicitent du « retour » de la France dans le Commandant intégré de l’OTAN dont le général de Gaulle avait heureusement sorti notre pays il y a plus de 40 ans.
Désormais, il sera plus compliqué à la France de marquer sa différence en Occident et il nous faudra assumer cette nouvelle situation qui nous lie encore plus les mains à l’égard d’un Empire qui ne se prive pas de montrer qu’il reste le maître en Union européenne en « conseillant » sa conduite à l’UE, autant dans son élargissement que dans sa stratégie militaire… Le Traité de Lisbonne, d’ailleurs, n’est-il pas explicite à cet égard, reliant la possible Défense européenne au fonctionnement et aux décisions de l’OTAN ?
Certains me trouveront bien « colère » ce soir, et ils n’auront pas tort. Mais je ne me résous pas à cette vassalisation programmée de mon pays que, sans chauvinisme (malgré mon patronyme…), j’aime profondément, cette « France libre, dans l’honneur et la dignité », selon les beaux mots du général de Gaulle…
Cela étant, l’Histoire de France montre à l’envi que ce pays ne saurait être tout à fait comme les autres, et qu’il a encore de nombreuses et belles pages à écrire : cette nuit, je relis, sans nostalgie et l’espérance au cœur, les « Mémoires de guerre » du chef de la France Libre des années 40. Espérance, douce et belle, terriblement belle sous ses voiles d’amertume…
01:00 | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : europe, otan, indépendance, de gaulle, défense, colère.
16/06/2008
1 %...
Les résultats du référendum irlandais choquent les partisans du traité de Lisbonne et irritent les gouvernements européens, furieux de voir cette nouvelle remise en cause de « l’Europe légale » par le « pays réel » d’un Etat de l’Union. L’argument du nombre est couramment utilisé par les européistes pour minorer et culpabiliser le vote irlandais, comme le montrent ces lignes du « Figaro » (samedi 14-dimanche 15 juin) : « Il a suffi de quelques trois millions d’électeurs, moins de 1 % de la population de l’Union, pour gripper à nouveau la machine européenne ». Je ne suis pas certain que cet argument, ni les propos méprisants d’un Alain Duhamel ou d’un Serge July, soient très populaires près des électeurs irlandais, considérés comme des parias ou comme des « enfants gâtés » qui auraient cassé le jouet constitutionnel européen par la simple expression d’un droit que leur reconnaît leur propre constitution nationale.
L’européiste Cohn-Bendit allait plus loin encore en se plaignant du fait que l’on puisse faire voter des citoyens d’un Etat sur un tel texte, si fondamental selon lui mais trop compliqué pour être soumis au jugement des gens… En somme, le contournement parlementaire est le meilleur moyen de faire le bonheur des peuples malgré eux… L’argument peut se défendre dans une démocratie représentative « absolue » qui nierait complètement (et interdirait même, comme en Allemagne, traumatisée à juste titre par l’usage qu’en fit Hitler) l’idée du référendum populaire, symbole de la démocratie directe. Mais certaines démocraties d’Europe, comme la France, conservent le référendum, et pas seulement comme « ultima ratio », et il serait dangereux d’oublier que cette possibilité constitutionnelle a, dans notre pays déjà très attaché à l’élection directe au suffrage universel du Chef de l’Etat (même si c’est souvent sans illusions particulières et, à mon avis, à tort), une certaine aura quand il s’agit de thèmes majeurs ou intéressant les électeurs, comme on a pu le constater en 2005… Il n’y a qu’à entendre la colère de ces citoyens français qui se sentent dépossédés d’un « droit » parce qu’ils ne sont plus convoqués pour cette ratification quand ils y ont déjà dit « non » en 2005 sur un traité « sosie »… Du coup, le « 1 % » irlandais se trouvait chargé de tous les espoirs des « nonistes » de tout poil, et beaucoup plus représentatif, symboliquement sans l’être concrètement, des aspirations de nombreux citoyens des pays de l’UE.
Il n’est pas certain que, la prochaine fois, l’Union européenne accepte qu’une nation puisse ainsi l’empêcher de « constitutionnaliser en paix » : une directive européenne sur ce thème qui puisse permettre de placer la loi européenne au-dessus de la souveraineté nationale de l’Irlande et interdirait tout vote sur l’Union européenne autre que la désignation d’élus au Parlement européen, n’est pas impossible.
D’autre part, une proposition faite par les Verts européens proposent de transformer la prochaine assemblée européenne en assemblée constituante : le même processus qu’en 1789… Celui-là même qui, après juillet de la même année, s’empressa d’oublier les 60.000 cahiers de doléances rédigés dans les territoires de France pour mieux légiférer « librement » sans se soucier des réalités populaires, au nom de cette « volonté nationale » qu’ils, et eux seuls, étaient censés incarner.
On connaît le résultat : la confiscation de la parole et de la rédaction de la loi par une assemblée majoritairement « bourgeoise », toute empreinte de libéralisme et de grands principes, tant que le peuple restait tranquille.
N’est-ce pas, en définitive, ce que souhaitent des européistes pressés de voir leur rêve aboutir, sans trop regarder les méthodes employées ? Mais à éviter le peuple dans les urnes, on risque de le croiser dans la rue… Les « nouvelles chouanneries » commencent d’ailleurs à préoccuper nos gouvernants…
00:24 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : irlande, traité européen, non, union européenne, référendum.