03/08/2008
L'Action française et l'histoire (1900-1940).
Le colloque sur « l’Action française, culture, société, politique » du Centre d’Histoire de Sciences Po., premier d’une série de trois consacrés à l’AF, a donné naissance à un ouvrage universitaire titré de la même façon, ouvrage auquel il nous semble important de consacrer une série d’articles pour faire le point des connaissances sur notre propre histoire politique et en tirer des enseignements eux aussi éminemment politiques. Après l’article sur « les ligues nationalistes et l’Action française », voici celui sur l’AF et l’Histoire (de 1900 à 1940), au travers du regard porté sur deux communications rapportées dans l’ouvrage.
L’Action française a toujours accordé une grande place à l’Histoire dans laquelle elle trouvait des raisons à son monarchisme et qui venait étayer son argumentation à l’égard des nationalistes en leur montrant que les leçons de l’histoire nationale ne pouvaient que les amener à conclure à la Monarchie. Chacun à leur manière, c’est ce que montrent ou décrivent Christian Amalvi et Philippe Boutry dans leurs articles de l’ouvrage.
L’un des intérêts de ces communications est de rappeler quelques noms malheureusement souvent ignorés des monarchistes eux-mêmes et qui, pourtant, ont participé, parfois à l’élaboration, plus souvent à l’actualisation et à la diffusion de « l’Histoire capétienne » promue ou véhiculée par l’Action française : bien sûr Jacques Bainville et Pierre Gaxotte, mais aussi Frantz Funck-Brentano, Marie de Roux, Louis Dimier, Auguste Longnon et son fils Jean, mais aussi, plus proches de nous dans le temps, Philippe Ariès ou Raoul Girardet (encore de ce monde, d’ailleurs). Les deux communications, d’ailleurs, se chevauchent et se complètent fort utilement l’une l’autre, malgré quelques différences de traitement.
Dans la liste des historiens, Amalvi comme Boutry rajoutent des « non-historiens » mais qui, par leur recours et leur lecture politique de l’Histoire, ont, à leur manière, forgé une vision d’AF de l’Histoire : des idéologues, comme Maurras ; des journalistes, le plus souvent polémistes, comme Léon Daudet et Georges Bernanos, pour qui l’Histoire est à la fois une arme et un enjeu. Dans le cas du doctrinaire majeur de l’AF, M. Amalvi souligne que « le passé affleure constamment dans l’œuvre de Maurras, non comme récit chronologique, mais comme preuve concrète pour appuyer une démonstration théorique et abstraite d’une rigueur implacable », ce que confirme M. Boutry : « Maurras lui-même, en dépit de ses immenses lectures, n’est nullement un historien ; ni son argumentaire ni sa polémique n’ont, en toute rigueur, besoin du document ou de l’archive pour exister ; sa « synthèse subjective » et son « empirisme organisateur » ne sont pas fondamentalement d’ordre historique, mais doctrinal ». Sans doute Maurras signifie-t-il ainsi que, pour lui, l’Histoire est le moyen de connaître ce qui « a marché » et, au contraire, ce qui est néfaste pour la France : il en a une lecture non pas purement historienne et, en somme, « impolitique », mais au contraire, une lecture éminemment politique. Jamais Maurras, d’ailleurs, ne s’est voulu historien et il écrit en politique, mais, par le biais de l’empirisme organisateur (« la mise à profit des bonheurs du passé en vue de l’avenir que tout esprit bien né souhaite à sa patrie », suivant sa conception), il intègre l’Histoire à sa démonstration, au risque parfois de déconcerter les historiens eux-mêmes, ne serait-ce que parce qu’il privilégie le raisonnement à l’analyse purement historique.
Il y avait des historiens royalistes et, même, une « histoire royaliste », avant l’AF et Maurras : mais l’AF en fait un usage qui prend le contre-pied de l’histoire universitaire républicaine, et l’on peut dater la formation d’une véritable « école capétienne » sur le plan historique de la fondation de l’AF. Au-delà de Jacques Bainville, Boutry signale que « la plupart de ceux qu’on rattache, de près ou de loin, à l’influence et aux doctrines de l’Action française sont bien davantage des « compagnons de route », des sympathisants ponctuels, plus ou moins nettement affirmés (car une appartenance déclarée au mouvement maurrassien ruinerait à coup sur, dans la France radicale, une carrière universitaire), des archivistes, des érudits, des historiens conservateurs plus ou moins hostiles à la République laïque et démocratique, des journalistes et des essayistes qui trouvent dans l’Action française, son journal et ses revues, des convergences intellectuelles et politiques, des affinités de réactions et de sentiments, une « communauté émotionnelle » et une chambre d’échos (…). Une « nébuleuse », plutôt qu’un parti, à dire le vrai, mais capable de se constituer et de structurer en « école ». ».
Cela aboutit à une « véritable hégémonie culturelle » dans les années trente, « construite en quelques trois décennies sur le paysage historiographique français par les hommes de l’Action française (…) parallèlement à l’Université et en partie contre elle ». Le livre de Jacques Bainville destiné au grand public, sa célèbre « Histoire de France » (réédité dernièrement dans une collection de poche et vantée, l’été dernier, sur… France-info !), connaît un immense succès de librairie grâce à son refus du langage universitaire et son statut « d’amateur » capable de se rendre, du coup, plus lisible à un large public curieux de l’Histoire mais souvent rebuté par la rigueur (la rigidité d’écriture ?) des historiens professionnels eux-mêmes.
Cet ouvrage permet de mieux comprendre, selon M. Amalvi, la conception bainvillienne de l’Histoire : « dans sa préface, il développe les trois principes de base qui éclairent sa conception du passé : c’est d’abord une histoire psychologique traditionnelle dans laquelle la compréhension des individualités qui font l’histoire est capitale », c’est-à-dire que Bainville privilégie les « grands hommes » et, éventuellement, les « minorités énergiques » (expression de Maurras pour signifier ces petits groupes qui, entraînés par quelques personnalités, souvent autour d’un seul homme, « bousculent » l’histoire), et non seulement les masses ou les groupes sociaux (au contraire d’une certaine histoire marxisante ou au courant des « Annales »). C’est d’ailleurs une conception que Bainville a en commun avec la IIIe République qui met en valeur les grandes figures comme le prouvent à l’envi les manuels scolaires de l’époque (mais ce ne sont pas toujours les mêmes, bien évidemment, ni les mêmes jugements en particulier pour les périodes « controversées » de l’histoire de France…), soucieux de donner des « héros nationaux » à une France en cours de nationalisation et de républicanisation (cf le cas emblématique de Jeanne d’Arc, et son traitement historico-politique par les uns et les autres…).
« C’est ensuite une histoire politique classique, qui privilégie l’étude des institutions, ignorant superbement la vie économique et religieuse du pays » : sans doute est-ce là encore un effet du « politique d’abord » maurrassien mais que Bainville a reconnu avant même de le connaître chez Maurras… Cela veut-il dire, comme semble l’indiquer M. Amalvi, que Bainville (qui n’est pas, et comme Maurras ne l’est pas non plus, « toute » l’AF), qu’il méconnaît cette vie économique et religieuse ? En fait, c’est oublier que les auteurs de l’AF ont, d’une certaine manière, une lecture « utilitaire » de l’Histoire, en particulier ceux qui ne sont pas des professionnels de l’Histoire, et qu’elle leur fournit, après qu’ils y ont trouvé (et non l’inverse pour Bainville comme pour Maurras), des éléments pour étayer leur propre raisonnement politique, raisonnement fondé principalement sur la comparaison des régimes politiques qui se sont succédé en France. En écrivant (ou plutôt en regroupant des textes épars pour faire ce volume) « Nos raisons contre la République, pour la Monarchie », Maurras n’a pas pour objectif de « servir l’Histoire » mais d’en tirer des leçons ou, plutôt, de « donner du sens à l’Histoire » dans une optique politique et monarchique. La question principale de l’AF, comme de tout mouvement politique, n’est pas, en soi, de faire de l’Histoire, mais de faire l’Histoire. L’Histoire n’est pas la fin, elle n’est qu’un moyen de la politique, surtout pour l’AF et les monarchistes qui doivent désarmer les préjugés à l’encontre d’une Monarchie qui semble aller à contre-courant du « sens de l’Histoire » vanté par les démocrates et, plus encore, par les universitaires marxistes comme Matthiez ou Soboul…
Il se trouvera après Bainville des historiens proches ou issus de l’AF pour accorder moins d’importance au politique et plus aux mentalités, aux comportements, aux sociétés dans leur vie et développement : ainsi Philippe Ariès qui, tout en ne cédant rien de ses fidélités monarchistes, les réactivera par l’étude des sociétés, des communautés humaines, et de leurs réactions au monde, en réaction à une histoire bainvillienne considérée comme trop politiquement événementielle.
Dernier trait signalé par M. Amalvi : « c’est une histoire analogique, qui considère que « les hommes d’autrefois ressemblaient à ceux d’aujourd’hui et que leurs actions avaient des motifs pareils aux nôtres ». ». En somme, c’est l’idée que, fondamentalement, les hommes ne changent pas : ce qui ne signifie pas que les sociétés, elles, ne changent pas ou n’évoluent pas, que les besoins et les désirs ne soient pas différents ou que les mentalités ne penchent pas plus d’un côté que de l’autre, entre individualisme et traditionalisme, selon les époques considérées…
« De cet axiome de base découlent plusieurs conséquences de grande portée. Bainville considère en premier lieu que c’est le présent qui donne la clé du passé. » Du coup, Bainville, mais aussi Gaxotte et d’autres historiens dans la mouvance de l’AF, cherchent dans le passé des éléments du présent, des ressemblances qui permettraient aussi d’apporter, non plus en Histoire, mais en politique, des réponses à une situation donnée : conception cyclique d’une Histoire, « éternel recommencement ». En fait, il me semble que la formule la plus appropriée pour comprendre la conception « AF » de l’Histoire serait celle de Maurras : « toute vraie tradition est critique », ce qui n’empêche ni la remise en perspective ni la mise en valeur des grands axes (principes ?) de l’Histoire des hommes et des sociétés constituées, ni, bien sûr, la violente critique de la Révolution française. Il est certain que, par contre, une partie des lecteurs de Maurras, en particulier celle qui privilégiait l’Ordre sans le définir autrement que par la peur du désordre, ne cherchait dans l’Histoire qu’un refuge face à l’adversité du moment, voire une nostalgie, sans chercher à « penser la Monarchie » autrement que dans ce passé « idéalisé » d’un « avant la Révolution » forcément meilleur…
Un autre élément qu’évoquent M. Boutry comme M. Amalvi est « l’appropriation » de l’œuvre d’historiens, proches ou non, antérieurs ou contemporains de l’AF, comme Augustin Cochin (de tradition monarchiste et rédacteur occasionnel de la revue bimensuelle d’avant-guerre L’Action Française) et Fustel de Coulanges, républicain mais ayant défendu une conception « française » de l’Histoire et de la nation après la défaite de 1870 : agaçante pour les républicains ou les universitaires, elle est en définitive l’occasion pour l’AF de démontrer son « ouverture » à d’autres qu’à elle-même et de récupérer des arguments qu’elle met en ordre de bataille contre le « système » politique de la République en place.
Dernier élément évoqué de façon fort intéressante par M. Amalvi : l’existence, non d’une seule « école capétienne », mais de deux, l’une proprement politique (Maurras, Bainville, Marie de Roux, etc.) tandis que l’autre est spécifiquement (et parfois professionnellement) historienne (Pierre Gaxotte, Frantz Funck-Brentano, etc.), dont, précise l’auteur, « la lecture présente encore aujourd’hui le plus vif intérêt », ce qui est un bel hommage de l’Université contemporaine à des historiens qui, longtemps, s’en sont retrouvés en marge...
C’est parfois en se séparant, ou en s’éloignant, du cercle purement maurrassien, d’après M. Amalvi, que Philippe Ariès ou Raoul Girardet ont pu renouveler leur approche de l’Histoire, en privilégiant « l’autonomie de la société par rapport à l’Etat, et l’imaginaire politique » : mais Ariès n’a jamais abandonné l’idée d’une politique monarchique à la tête de l’Etat, comme tend à le prouver sa participation à « Aspects de la France » puis à « La Nation française » de Pierre Boutang, ce qui montre que « combat politique » et « réflexion historique » ne sont plus, dans l’esprit des royalistes de « l’ère post-maurrassienne », forcément mêlés. Est-ce ici la remise en cause de l’empirisme organisateur, ou du « politique d’abord » ? N’est-ce pas plutôt une séparation ou, plus sûrement encore, une autonomisation des domaines sociétal et social de la « décision politique » ? Cela n’annonce-t-il pas aussi, comme cela avait déjà le cas de beaucoup de monarchistes au profit de l’action religieuse au moment de la mort du comte de Chambord puis du « Ralliement », une certaine « démobilisation politique », un repli sur l’Histoire qu’il s’agit de comprendre et d’écrire désormais à défaut de la faire politiquement ? Autant de questions qu’il reste encore à étudier… mais pas seulement par les historiens…
19:40 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : histoire, bainville, maurras, ariès, action française.
01/08/2008
Vacances et malaise social.
Les vacances sont, pour beaucoup de Français, l’occasion de « changer d’air », en particulier lorsqu’ils résident dans des zones urbaines : cela se marque traditionnellement par de grandes transhumances vers le Sud ou vers l’Atlantique, vers la Bretagne bien sûr. Ainsi, si je prends le cas de la Côte d’émeraude, elle est, souvent depuis la fin juin jusqu’à la fin d’août, le lieu de villégiature de Parisiens, de Versaillais (j’y croise quelques uns de mes élèves), mais aussi de Lillois, etc. Toutes les classes sociales se retrouvent sur cette côte, mais les restaurants ou les lieux fréquentés ne sont pas toujours les mêmes, les prix faisant évidemment la différence. Mais la bonne humeur domine, et j’ai des souvenirs extraordinaires de ces périodes d’été où je rencontrais sur la plage des enfants de tous les horizons, géographiques comme sociaux : quand, à Rennes, j’étais dans un milieu considéré comme privilégié, constitué principalement de fils de profs et de cadres, Lancieux (mon village bien-aimé, non loin de Dinard) était un monde bien plus mélangé sur le plan social, et je ne m’en suis pas mal porté, au contraire, même si j’y avais parfois une étrange réputation d’ « intellectuel »…
Or, aujourd’hui, les différences semblent se marquer plus nettement là où, jadis, elles s’atténuaient comme par enchantement durant cette période de vacances : sans doute ont-elles toujours perduré, malgré tout, et mes souvenirs d’enfance sont-ils peut-être une « reconstruction idéale » de mes années 70. Mais aujourd’hui il me semble que l’apaisement social de la période estivale se fait moins évident. J’ai senti, ainsi, certaines tensions entre vacanciers de milieux sociaux différents lors d’un récent et bref passage à Dinard, malaise que j’avais déjà constaté l’an dernier et auquel je n’avais pas, à ce moment-là, accordé d’importance particulière.
Or, la crise sociale larvée actuelle, conjuguée aux valeurs de la société de consommation et de loisirs (qui privilégient l’avoir au détriment de l’être, et poussent les plus faibles à s’endetter pour consommer « comme tout le monde » : le désir suggéré crée le besoin…), m’inquiète car elle divise de plus en plus notre société, sans doute parce que l’idéologie dominante, en privilégiant l’économique, a désarmé le politique et a amoindri le caractère fédérateur de la nation, cadre social protecteur et « amortisseur social » indéniable qui se marque encore lors de grands événements sportifs, dernier reliquat (ou presque…) de l’unité nationale… En dévaluant la nation au profit d’une Europe lointaine et d’une mondialisation globalisante (voire globalitaire…), les élites qui nous gouvernent ont sans doute commis une erreur, voire une faute : quand le nomadisme des classes dirigeantes est érigée en valeur sociale (flexibilité et migrations de travail, au détriment des enracinements et de la « propriété de métier »), quand l’Argent devient la cause suprême, ce sont les petites gens, les classes populaires qui se retrouvent délaissées, marginalisées, méprisées souvent… La justice sociale n’y trouve pas son compte ! Et ce genre de situations prépare des lendemains délicats : si l’Etat ne voit et ne sert que les élites sociales et financières (et les affaires Tapie et Bon en sont les malheureux exemples : « selon que vous serez puissant ou misérable… »), au nom de principes plus idéologiques que réalistes et humanistes, il se discrédite aux yeux de tous.
Si la République ne tient plus son rôle d’Etat et d’arbitre juste, quelle légitimité a-t-elle encore ?
La Main de justice de la Monarchie capétienne reste le recours : « politique d’abord », cela veut aussi dire « la Monarchie comme moyen », comme magistrature suprême de l’Etat, comme puissance arbitrale publique et indépendante, pour préserver le « pacte social » de la nation française. Sans Monarchie « à la française », ce que veulent conserver les hommes attachés aux principes de justice sociale sera balayé par les « exigences » de l’économique et de la « liberté des marchés »… De plus en plus, entre les discours étatistes d’une « alter-gauche » et les pratiques libéralistes d’une certaine droite, je pense qu’il n’y a pas, qu’il ne peut plus y avoir aujourd’hui et demain, de justice sociale sans une Monarchie libre et entière.
14:54 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : vacances, justice sociale, monarchie, main de justice.
30/07/2008
Monocratie républicaine.
La récente révision constitutionnelle, adoptée dans une certaine confusion et votée par certains pour des raisons plus politiciennes que vraiment politiques, n’a pas résolu la question institutionnelle, comme le fait remarquer à juste droit Le Monde dans son édition du 23 juillet 2008 : « Cinquante ans après l’avènement de la Ve République, la France est toujours à la recherche d’un bon équilibre institutionnel. Le quinquennat institué en 2000 et la concomitance des élections présidentielle et législatives ont fortement accru le fait présidentiel et le fait majoritaire ». Bien sûr, les motivations du journal du soir ne sont pas vraiment les nôtres et sa conception de ce que doit être la République aujourd’hui ou, plus largement, un régime politique en France, ne rejoint pas exactement nos préoccupations. Mais, de la part d’un quotidien depuis longtemps considéré comme « la conscience de la République », l’aveu prend une valeur toute particulière et il serait malvenu de négliger ou de dénigrer gratuitement cette assertion.
Or, dans un monde qui se globalise de plus en plus et s’uniformise par le même mouvement, qui se donne sans retenue au règne de l’Argent et d’un matérialisme consumériste apparemment sans frein, le désir créant le besoin ; dans ce monde dans lequel l’économique semble s’emparer inexorablement (au nom de la liberté des échanges et de la sacro-sainte croissance) des postes de commande et des pouvoirs de décision jusque là dévolus au politique et donc prioritairement aux Etats, les incertitudes et les inquiétudes sont nombreuses, qui appellent un « retour du politique ».
La nouvelle République de Nicolas Sarkozy peut-elle répondre aux attentes des citoyens et aux défis contemporains ? Son volontarisme n’est-il pas, justement, ce retour de l’Etat acteur, au point que certains croient y discerner une monarchie ? Ainsi, l’hebdomadaire républicain Marianne parle-t-il constamment de « retour à l’Ancien régime », de « pouvoir monarchique » et, même, n’évoque le fils de l’actuel président que sous le titre de… « prince Jean » ! Ainsi, nous, monarchistes devrions nous réjouir et accepter cette nouvelle dynastie née du sacre électoral de mai 2007…
En fait, la République sarkozienne n’est qu’une monocratie républicaine, comme l’a rappelé au soir du Congrès de Versailles le socialiste Arnaud Montebourg, pour une fois bien inspiré, et, au-delà de M. Sarkozy et des transformations constitutionnelles de ces dernières semaines, cette monocratie existait déjà avant lui, depuis que le général de Gaulle avait donné à la France la Ve République, tentative de concilier les traditions historiques et politiques françaises dans une synthèse qu’il fit, peut-être avec une once de regret, République et non Monarchie… Plutôt que Maurice Duverger et son livre célèbre « La Monarchie républicaine », c’est dans « Où va la République ? » (paru en 1967) du constitutionnaliste monarchiste Maurice Jallut que les analyses les plus pertinentes sur cette forme de régime se trouvent et permettent de comprendre la nature et les limites de cette monocratie française : « Dans la monocratie (…), le Chef d’Etat tire sa légitimité de la délégation de souveraineté que lui a concédée le peuple. Elle n’est donc pas opposée, quoiqu’on en dise à la démocratie, car, au fond, il n’y a pas de raison pour que les citoyens ne confient pas leur toute-puissance à un homme aussi bien qu’à une majorité parlementaire.
A première vue, cette formule semble concilier la souveraineté du peuple et l’unité comme la stabilité de l’Etat qui reposent sur un seul homme. (…) Mais, si la monocratie peut être le meilleur des gouvernements, elle peut aussi être le pire. Car la puissance qu’elle confère, bénéfique quand elle est orientée vers le bien commun, peut devenir nuisible lorsqu’elle est détournée de son but pour être appliquée au seul intérêt de celui qui en use. (…)
La monocratie s’appuyant sur la souveraineté du peuple sera nécessairement de caractère plébiscitaire. Et pour conserver la faveur des foules, elle devra briser toutes les forces indépendantes qui pourraient coaliser autour d’elles les oppositions et les mécontentements. (…)
La monocratie peut assurer une certaine stabilité gouvernementale, elle ne saurait donner la continuité à l’Etat, car elle dépend trop de la personnalité du chef. Le régime repose exclusivement sur un individu et, par conséquent, il est destiné à périr avec lui. Certes, il a lui aussi sa loi de succession puisque le Chef disparu, un autre est élu à sa place. Mais ce successeur peut être un homme tout différent par les opinions qu’il représente et sa politique peut d’autant plus réagir contre celle de son prédécesseur qu’elle pourra être plus personnelle. Au fond dans un régime monocratique, il n’y a pas de succession à proprement parler, mais substitution d’un régime personnel à un autre régime personnel. »
Ces lignes écrites il y a plus de quarante ans ont été largement confirmées par l’histoire même de la Ve République et trouvent encore confirmation par l’actuelle présidence, personnalisée à l’extrême par le locataire de l’Elysée : « La personnalisation excessive du pouvoir, tel est en effet le grand danger de la monocratie plébiscitaire. Benjamin Constant l’avait fort bien vu dans le parallèle qu’il établit entre la monarchie et ce qu’il appelait l’usurpation par opposition à la légitimité monarchique. » Que M. Sarkozy soit ce monocrate qui, aujourd’hui, occupe la magistrature suprême de l’Etat et en fait « sa chose » quand il devrait en être le fonctionnaire ne change rien à l’affaire, c’est ce système même d’une République appuyée sur l’élection du président au suffrage universel qui, comme le faisait aussi remarquer le général Gallois il y a 2 ans dans L’Action française 2000, en est responsable. Que ce caractère soit aggravé par la pratique actuelle, par un mélange d’autoritarisme et de communication « pipole », est un fait qu’il faut reconnaître mais que ce système républicain issu de 1958 permet, même s’il n’en fait pas une généralité.
22:39 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : république, réforme constitutionnelle, monocratie, sarkozy.