11/08/2008
Seigneur Argent...
Une information entendue sur France-Info ce ouiquende, coincée entre deux reportages sur les Jeux olympiques et quelques brèves allusions au conflit armé entre la Russie et la Géorgie : à Meaux, le Secours populaire n’a pas recueilli assez d’argent cette année pour emmener à la mer 120 enfants privés de vacances. Du coup, seulement 80 enfants (2 bus) auront droit à cette journée de détente, et il faudra, pour l’association, faire une sélection, évidemment cruelle. Combien manque-t-il pour en emmener 40 de plus ? 1.200 euros…
Cela peut paraître dérisoire et, effectivement, ça l’est, en particulier au regard des salaires astronomiques de certains grands patrons hexagonaux ou des joueurs célèbres de balle au pied, ou encore en comparaison des millions d’euros gagnés dans une procédure douteuse par M. Tapie. On pourrait espérer un geste de charité et de partage de la part de quelques uns de ces concitoyens fortunés : on pourrait…
Malheureusement, l’heure semble plus à l’étalage de richesses qu’à leur charitable ou solidaire utilisation, comme le souligne (dans un entretien riche, sans jeu de mots, bien sûr) Régis Debray dans « La Croix » (8 août 2008), qui analyse la place de l’argent dans notre société contemporaine : « L’argent, jusqu’à une période récente, était un moyen. Il est maintenant une fin en soi. Le serviteur est devenu maître. (…)
Pour la première fois dans l’histoire de notre civilisation, l’homme exemplaire n’est plus un homme désintéressé. Le chevalier du Moyen âge, le gentleman du XIXe siècle, le curé de paroisse à la Bernanos ou le militant politique… Depuis l’effacement de ces figures d’exemplarité, la notoriété s’est totalement indexée sur le niveau de richesse. Non pas l’industriel mais le communiquant qui fait de l’argent sur le Net. L’échelle des revenus est devenue l’échelle des valeurs. (…)
L’argent a perdu de sa pudeur, il est devenu l’arbitre des élégances, des libertés et des utilités sociales. J’y vois le signe d’une société qui marche sur la tête. (…)
Ce qu’a de terrible l’américanisation de l’Europe en général et de la France en particulier, c’est que nous importons le billet vert, le culte du fiduciaire sans la foi en Dieu, le matérialisme sans le spirituel. On assiste de ce fait à la dislocation du corps social, à l’élargissement du fossé entre riches et pauvres, à la lutte de chaque catégorie sociale pour le maintien de ses privilèges, (…), le refus d’une subordination des intérêts particuliers à un bien public. »
Cela peut permettre de comprendre l’attitude d’un Tapie qui plastronne désormais dans les médias avec une indécence théâtrale en clamant partout que « justice est faite » et que, dans sa carrière, il a rapporté plus aux contribuables qu’il ne leur en a coûté, ce qui reste à démontrer, semble-t-il… Pas un mot sur les problèmes sociaux dans ses déclarations, mais juste l’évocation de son hôtel particulier… : on aurait pu attendre mieux d’un ancien ministre chargé de la Ville ! Question de pudeur et de sens politique du devoir, mais que ce radical-socialiste ne connaît visiblement pas.
Pendant ce temps, environ 42 % des Français, en particulier dans les milieux ouvriers et employés, ne partent pas en vacances : parmi eux, de nombreux enfants des quartiers, condamnés à ne pas voir la mer cet été…
Puisque, visiblement, on ne peut plus rien attendre de l’attitude individuelle de certains fortunés, faudra-t-il recourir à d’autres moyens, fiscaux par exemple, comme celle d’une taxe renforcée sur les hors-bord ou les yachts qui croisent près de nos côtes ou accostent dans nos ports ? Je n’aime guère les taxes supplémentaires mais, au regard des revenus des personnes concernées et des situations de pauvreté d’autres concitoyens, cela ne me semble pas vraiment choquant : les quelques millions d’euros ainsi récoltés ne seraient pas de trop et, redistribués aux associations caritatives, pourraient permettre quelques bonheurs enfantins supplémentaires, pour les jeunes de Meaux comme d’ailleurs…
11:54 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : argent, tapie, partage, charité, régis debray, taxe.
09/08/2008
La guerre en Ossétie.
Les Jeux olympiques, dans l’idéal classique repris par Pierre de Coubertin, devaient être un moment de paix et de trêve dans les guerres déjà engagées : encore raté, pourrait-on dire aujourd’hui, alors que la guerre déclenchée par la Géorgie, à la veille même de l’ouverture des Jeux, a des relents de « guerre froide » entre l’Occident et la Russie !
Ainsi, le président géorgien, Mikheïl Saakachvili, a-t-il joué avec le feu en envahissant le territoire « séparatiste » de l’Ossétie du sud et en s’emparant de sa capitale Tskhinvali, après avoir détruit son centre-ville et provoqué la fuite de plusieurs milliers de civils ossètes vers le voisin russe. Sans doute pensait-il qu’en mettant la Russie devant le fait accompli (comme au moment de la séparation de la Géorgie en 1991 quand l’URSS s’effondrait et perdait, sans presque coup férir, plus de 5 millions de km2), celle-ci se contenterait de quelques grognements et se résignerait : grave erreur, comme celle de croire que l’Occident viendrait automatiquement au secours de ses « alliés » géorgiens… Saakachvili, pro-occidental formé en France et aux Etats-Unis (diplômé dans ces deux pays, entre autres), appelle au secours les puissances états-unienne et européennes, en particulier en plaçant, comme dans tous ses discours de président depuis quelques mois, le drapeau de l’Union européenne derrière lui, comme si la Géorgie était l’un des 27 Etats de l’UE (ce qu’elle n’est évidemment pas…). Cette forme de manipulation, qui met mal à l’aise les membres de l’Union eux-mêmes, est assez significative d’une certaine politique étrangère qui cherche à « mouiller » les pays européens, à leur forcer la main face à (ou plutôt contre) la Russie.
En fait, derrière le président géorgien, se trouvent les Etats-Unis qui poursuivent leur politique de « containment » de la Russie, fidèles aux principes traditionnels de la stratégie géopolitique (et militaire) : « encercler pour ne pas être encerclé » et « diviser pour mieux régner ». Les déclarations du président Bush et celles du candidat John McCain, très virulentes à l’égard de la Russie, et aussi très injustes, ne laissent guère de doutes sur ce point : décidément, les vieilles recettes de la « guerre froide » n’ont rien perdu de leur actualité… Que l’on ne s’étonne pas alors que les budgets militaires des grandes puissances (mais aussi des petites) ne cessent d’augmenter, voire d’exploser, tandis que les pays européens, eux, ne songent qu’à désarmer et à s’abandonner aux délices d’un consumérisme sans fin et sans fond si l’on n’y prend garde : situation d’avant-guerre ?
A l’heure où j’écris ces lignes, l’Abkhazie, autre territoire « séparatiste » (qui compte environ 250.000 habitants quand l’Ossétie en compte à peine 70.000, c’est-à-dire moins que la ville de Versailles…), est entrée à son tour dans la guerre, prenant la Géorgie à son propre piège et ouvrant ainsi un second front qui fragilise l’Etat géorgien.
Certains y verront une situation qui rappelle le Kosovo : en tout cas, le précédent de l’indépendance déclarée du Kosovo contre le Droit international lui-même mais avec l’accord de la plupart des puissances occidentales, a ouvert une boîte de Pandore qu’il va être difficile de refermer désormais. De plus, la Géorgie, elle-même issue d’une séparation d’avec la Russie, a voulu à toute force intégrer des régions (l’Ossétie et l’Abkhazie) dont les populations ne se sentaient pas elles-mêmes géorgiennes et préféraient rester russes, au point de former leurs propres entités séparées de la capitale géorgienne, Tbilissi. Aussi est-il délicat de parler, comme le font les officiels géorgiens (soutenus en cela et dans les mêmes termes par une grande partie des Etats de l’UE et, surtout, par les Etats-Unis), de « souveraineté » sur ces territoires, indépendants de fait mais russes de cœur, et qui, d’ailleurs, souhaitent retourner dans le giron de l’ancienne puissance tutélaire pour se protéger du nationalisme géorgien…
Les « démocraties » se prennent les pieds dans le tapis : à force de violer sans trop de scrupules les principes qu’elles proclament à longueur de temps, elles se retrouvent coincées.
Il faut désormais souhaiter que la France, dont la diplomatie peut servir de médiatrice dans ce type de conflit pourvu qu’elle garde son indépendance de jugement et d’action, ne tombe pas dans le piège et qu’elle comprenne qu’il n’y aura pas de « puissance européenne » sans la Russie : MM. Sarkozy et Kouchner doivent se faire violence et renoncer à leur « occidentalisme », cette idéologie si contraire à la tradition et à la vocation de la France.
16:21 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : géorgie, russie, occident, guerre, ossétie, abkhazie.
07/08/2008
La Monarchie héréditaire à la française.
Mieux que les républicains classiques, et même si certains doivent être écoutés car ils ont un vrai sens de l’Etat et de la « Res publica », de la Chose publique, et, en ce sens, ils nous sont proches, les royalistes peuvent proposer un nouveau régime qui concilie autorité et libertés, Etat et communautés, politique et social : la Monarchie…
Entendons-nous bien : lorsque je parle de Monarchie, il ne s’agit pas de n’importe quelle monarchie, mais de celle qui, par un effort multiséculaire, a littéralement, territorialement et politiquement, « fait la France » ; celle qui transmet la magistrature suprême de l’Etat par le simple fait des générations qui se succèdent, et qui a, durant sa propre histoire, a pris des formes variées mais adaptées à la construction française et à son histoire. Il ne s’agit pas d’évoquer des monarchies étrangères qui, tout honorables qu’elles soient, ont elles-mêmes leurs traditions, leurs politiques, leurs formes, et qui peuvent, certes, servir d’exemples sans toujours être des modèles. Je dois même avouer que certains régimes monarchiques me sont détestables parce qu’ils sont l’antithèse de la monarchie « à la française »…
Cette précision s’impose où, à l’heure de la globalisation et de la confusion, le sens des mots a parfois perdu son enracinement particulier, sa propre réalité liée à une histoire elle-même particulière, et que le « One world » dénoncé par George Orwell ne laisse guère de place à l’exception, à la « dissidence », pourrait-on dire si le terme n’avait pas été récupéré et vidé de son sens premier par une « démocratie de consommation » qui s’immunise ainsi contre des pensées « alternatives ». La Monarchie dont il est ici question a un cadre, un sens, une réalité historique.
Ce qui distingue la Monarchie des autres régimes en France, c’est d’abord le caractère « héréditaire et successible » de la transmission de la magistrature suprême de l’Etat, symbolisé par deux formules célèbres : « Le roi est mort, vive le roi ! » et « Le roi ne meurt jamais », formules qui peuvent paraître contradictoires et qui, en fait, recouvrent la même réalité. Effectivement, dans la monarchie française, le fils succède au père sur le trône, mais cela dans le meilleur des cas : il arrive que, au fil de l’histoire, la succession « saute » une ou deux générations, ou qu’elle soit, par le jeu des circonstances, dévolue à un frère, voire à un cousin, parfois fort éloigné. Pourtant le principe de la succession « filiale » n’est pas remis en cause et la transmission se fait naturellement, de la manière la plus simple, selon l’ordonnancement même de la famille royale : en somme, c’est le mode de transmission du pouvoir suprême le plus naturel qui soit car fondé sur le principe même de la vie humaine et de sa pérennisation. Il n’y a pas de place pour le choix ou la brigue pour accéder à la tête de l’Etat : pas de campagne électorale entre membres de l’aristocratie politique issue des grandes féodalités partisanes ; pas de promesses et de facilités démagogiques pour « plaire » au plus grand nombre (qui peut être « la majorité plus une voix », principe même de l’élection démocratique si l’on en croit les constitutionnalistes) ; pas de « cousinage » plus ou moins discret avec les puissances financières ou économiques pour payer le travail d’accession au pouvoir présidentiel ; etc.
Le mode de succession au trône en France épargne au pays une vacance de l’Etat (d’où la formule évoquée plus haut : « le roi ne meurt jamais », qu’il faut comprendre comme l’Etat…) ou une bataille violente et forcément destructrice des amitiés, voire des équilibres politiques du pays, pour la conquête de celui-ci : c’est aussi un gage de renouvellement, ne serait-ce que par le fait qu’en général (il peut y avoir des exceptions, certes) le nouveau roi est d’une autre génération que celui à qui il succède, et qu’il est d’un « autre temps », sans pour autant dévaluer le précédent (tout le contraire de l’attitude d’un Sarkozy à l’égard de son prédécesseur…). Ainsi, tout en assurant la continuité de l’Etat, il peut en apprécier différemment la politique ou les enjeux du moment : ce n’est pas une rupture, mais plutôt une évolution, une « autre politique » rendue possible par l’arrivée d’un nouvel homme, d’une nouvelle équipe à la tête de l’Etat. La continuité ainsi permise, reliant l’hier et le demain par le roi du présent et qui ne peut se confondre avec du fixisme, assure la parole de l’Etat, garantit la réalisation des grandes politiques fondée sur la durée, tant sur le plan environnemental que social ou diplomatique : l’arrivée au pouvoir d’un nouveau roi n’est pas une remise en cause des politiques précédentes mais assure leur pérennisation ou, si elles ne semblent plus fonctionner, leur remise à plat.
Bien sûr, la réalité est parfois moins simple, mais la durée inscrite par la Monarchie à la tête de l’Etat est un gage de sécurité politique et diplomatique qui, d’ailleurs, permet aux gouvernements de travailler plus librement, sachant que la question de la magistrature suprême ne se pose plus, ce qui désarme déjà quelques velléités politiciennes…
21:03 | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : monarchie, hérédité, politique, élection.