09/08/2008
La guerre en Ossétie.
Les Jeux olympiques, dans l’idéal classique repris par Pierre de Coubertin, devaient être un moment de paix et de trêve dans les guerres déjà engagées : encore raté, pourrait-on dire aujourd’hui, alors que la guerre déclenchée par la Géorgie, à la veille même de l’ouverture des Jeux, a des relents de « guerre froide » entre l’Occident et la Russie !
Ainsi, le président géorgien, Mikheïl Saakachvili, a-t-il joué avec le feu en envahissant le territoire « séparatiste » de l’Ossétie du sud et en s’emparant de sa capitale Tskhinvali, après avoir détruit son centre-ville et provoqué la fuite de plusieurs milliers de civils ossètes vers le voisin russe. Sans doute pensait-il qu’en mettant la Russie devant le fait accompli (comme au moment de la séparation de la Géorgie en 1991 quand l’URSS s’effondrait et perdait, sans presque coup férir, plus de 5 millions de km2), celle-ci se contenterait de quelques grognements et se résignerait : grave erreur, comme celle de croire que l’Occident viendrait automatiquement au secours de ses « alliés » géorgiens… Saakachvili, pro-occidental formé en France et aux Etats-Unis (diplômé dans ces deux pays, entre autres), appelle au secours les puissances états-unienne et européennes, en particulier en plaçant, comme dans tous ses discours de président depuis quelques mois, le drapeau de l’Union européenne derrière lui, comme si la Géorgie était l’un des 27 Etats de l’UE (ce qu’elle n’est évidemment pas…). Cette forme de manipulation, qui met mal à l’aise les membres de l’Union eux-mêmes, est assez significative d’une certaine politique étrangère qui cherche à « mouiller » les pays européens, à leur forcer la main face à (ou plutôt contre) la Russie.
En fait, derrière le président géorgien, se trouvent les Etats-Unis qui poursuivent leur politique de « containment » de la Russie, fidèles aux principes traditionnels de la stratégie géopolitique (et militaire) : « encercler pour ne pas être encerclé » et « diviser pour mieux régner ». Les déclarations du président Bush et celles du candidat John McCain, très virulentes à l’égard de la Russie, et aussi très injustes, ne laissent guère de doutes sur ce point : décidément, les vieilles recettes de la « guerre froide » n’ont rien perdu de leur actualité… Que l’on ne s’étonne pas alors que les budgets militaires des grandes puissances (mais aussi des petites) ne cessent d’augmenter, voire d’exploser, tandis que les pays européens, eux, ne songent qu’à désarmer et à s’abandonner aux délices d’un consumérisme sans fin et sans fond si l’on n’y prend garde : situation d’avant-guerre ?
A l’heure où j’écris ces lignes, l’Abkhazie, autre territoire « séparatiste » (qui compte environ 250.000 habitants quand l’Ossétie en compte à peine 70.000, c’est-à-dire moins que la ville de Versailles…), est entrée à son tour dans la guerre, prenant la Géorgie à son propre piège et ouvrant ainsi un second front qui fragilise l’Etat géorgien.
Certains y verront une situation qui rappelle le Kosovo : en tout cas, le précédent de l’indépendance déclarée du Kosovo contre le Droit international lui-même mais avec l’accord de la plupart des puissances occidentales, a ouvert une boîte de Pandore qu’il va être difficile de refermer désormais. De plus, la Géorgie, elle-même issue d’une séparation d’avec la Russie, a voulu à toute force intégrer des régions (l’Ossétie et l’Abkhazie) dont les populations ne se sentaient pas elles-mêmes géorgiennes et préféraient rester russes, au point de former leurs propres entités séparées de la capitale géorgienne, Tbilissi. Aussi est-il délicat de parler, comme le font les officiels géorgiens (soutenus en cela et dans les mêmes termes par une grande partie des Etats de l’UE et, surtout, par les Etats-Unis), de « souveraineté » sur ces territoires, indépendants de fait mais russes de cœur, et qui, d’ailleurs, souhaitent retourner dans le giron de l’ancienne puissance tutélaire pour se protéger du nationalisme géorgien…
Les « démocraties » se prennent les pieds dans le tapis : à force de violer sans trop de scrupules les principes qu’elles proclament à longueur de temps, elles se retrouvent coincées.
Il faut désormais souhaiter que la France, dont la diplomatie peut servir de médiatrice dans ce type de conflit pourvu qu’elle garde son indépendance de jugement et d’action, ne tombe pas dans le piège et qu’elle comprenne qu’il n’y aura pas de « puissance européenne » sans la Russie : MM. Sarkozy et Kouchner doivent se faire violence et renoncer à leur « occidentalisme », cette idéologie si contraire à la tradition et à la vocation de la France.
16:21 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : géorgie, russie, occident, guerre, ossétie, abkhazie.
07/08/2008
La Monarchie héréditaire à la française.
Mieux que les républicains classiques, et même si certains doivent être écoutés car ils ont un vrai sens de l’Etat et de la « Res publica », de la Chose publique, et, en ce sens, ils nous sont proches, les royalistes peuvent proposer un nouveau régime qui concilie autorité et libertés, Etat et communautés, politique et social : la Monarchie…
Entendons-nous bien : lorsque je parle de Monarchie, il ne s’agit pas de n’importe quelle monarchie, mais de celle qui, par un effort multiséculaire, a littéralement, territorialement et politiquement, « fait la France » ; celle qui transmet la magistrature suprême de l’Etat par le simple fait des générations qui se succèdent, et qui a, durant sa propre histoire, a pris des formes variées mais adaptées à la construction française et à son histoire. Il ne s’agit pas d’évoquer des monarchies étrangères qui, tout honorables qu’elles soient, ont elles-mêmes leurs traditions, leurs politiques, leurs formes, et qui peuvent, certes, servir d’exemples sans toujours être des modèles. Je dois même avouer que certains régimes monarchiques me sont détestables parce qu’ils sont l’antithèse de la monarchie « à la française »…
Cette précision s’impose où, à l’heure de la globalisation et de la confusion, le sens des mots a parfois perdu son enracinement particulier, sa propre réalité liée à une histoire elle-même particulière, et que le « One world » dénoncé par George Orwell ne laisse guère de place à l’exception, à la « dissidence », pourrait-on dire si le terme n’avait pas été récupéré et vidé de son sens premier par une « démocratie de consommation » qui s’immunise ainsi contre des pensées « alternatives ». La Monarchie dont il est ici question a un cadre, un sens, une réalité historique.
Ce qui distingue la Monarchie des autres régimes en France, c’est d’abord le caractère « héréditaire et successible » de la transmission de la magistrature suprême de l’Etat, symbolisé par deux formules célèbres : « Le roi est mort, vive le roi ! » et « Le roi ne meurt jamais », formules qui peuvent paraître contradictoires et qui, en fait, recouvrent la même réalité. Effectivement, dans la monarchie française, le fils succède au père sur le trône, mais cela dans le meilleur des cas : il arrive que, au fil de l’histoire, la succession « saute » une ou deux générations, ou qu’elle soit, par le jeu des circonstances, dévolue à un frère, voire à un cousin, parfois fort éloigné. Pourtant le principe de la succession « filiale » n’est pas remis en cause et la transmission se fait naturellement, de la manière la plus simple, selon l’ordonnancement même de la famille royale : en somme, c’est le mode de transmission du pouvoir suprême le plus naturel qui soit car fondé sur le principe même de la vie humaine et de sa pérennisation. Il n’y a pas de place pour le choix ou la brigue pour accéder à la tête de l’Etat : pas de campagne électorale entre membres de l’aristocratie politique issue des grandes féodalités partisanes ; pas de promesses et de facilités démagogiques pour « plaire » au plus grand nombre (qui peut être « la majorité plus une voix », principe même de l’élection démocratique si l’on en croit les constitutionnalistes) ; pas de « cousinage » plus ou moins discret avec les puissances financières ou économiques pour payer le travail d’accession au pouvoir présidentiel ; etc.
Le mode de succession au trône en France épargne au pays une vacance de l’Etat (d’où la formule évoquée plus haut : « le roi ne meurt jamais », qu’il faut comprendre comme l’Etat…) ou une bataille violente et forcément destructrice des amitiés, voire des équilibres politiques du pays, pour la conquête de celui-ci : c’est aussi un gage de renouvellement, ne serait-ce que par le fait qu’en général (il peut y avoir des exceptions, certes) le nouveau roi est d’une autre génération que celui à qui il succède, et qu’il est d’un « autre temps », sans pour autant dévaluer le précédent (tout le contraire de l’attitude d’un Sarkozy à l’égard de son prédécesseur…). Ainsi, tout en assurant la continuité de l’Etat, il peut en apprécier différemment la politique ou les enjeux du moment : ce n’est pas une rupture, mais plutôt une évolution, une « autre politique » rendue possible par l’arrivée d’un nouvel homme, d’une nouvelle équipe à la tête de l’Etat. La continuité ainsi permise, reliant l’hier et le demain par le roi du présent et qui ne peut se confondre avec du fixisme, assure la parole de l’Etat, garantit la réalisation des grandes politiques fondée sur la durée, tant sur le plan environnemental que social ou diplomatique : l’arrivée au pouvoir d’un nouveau roi n’est pas une remise en cause des politiques précédentes mais assure leur pérennisation ou, si elles ne semblent plus fonctionner, leur remise à plat.
Bien sûr, la réalité est parfois moins simple, mais la durée inscrite par la Monarchie à la tête de l’Etat est un gage de sécurité politique et diplomatique qui, d’ailleurs, permet aux gouvernements de travailler plus librement, sachant que la question de la magistrature suprême ne se pose plus, ce qui désarme déjà quelques velléités politiciennes…
21:03 | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : monarchie, hérédité, politique, élection.
04/08/2008
Remettre les choses à leur juste place.
Mais c’est aussi lors des déplacements eux-mêmes que j’apprends et que, parfois, je m’indigne : la radio est allumée en permanence et particulièrement sur les chaînes d’informations et de débats. Ainsi, vendredi dernier, non loin de Houdan, je suis tombé sur un débat (sur Europe 1, je crois) auquel participait François de Closets : la discussion portait sur l’affaire Siné qui remue la Gauche sur ce que l’on peut ou ne peut pas dire dans la presse, sur les idées du dessinateur anarchiste et propalestinien et sur les méthodes du patron de journal Philippe Val, un de ces débats qui agite Saint-Germain-des-prés mais qui, peut-être, n’est pas si anodin que cela. Mais François de Closets a remis les choses à leur juste place avec une certaine sévérité, de bon aloi me semble-t-il : il a fait remarquer que cette querelle entre « bonnes consciences » (et mauvaises fois…) avait occulté complètement une autre information, beaucoup plus importante et vitale que l’essayiste avait évoqué quinze jours auparavant, soit les quatorze millions d’Africains menacés d’une grave crise alimentaire dans les semaines qui viennent…
L’indignation de François de Closets portait aussi sur le fait que la presse écrite et audiovisuelle avait consacré des pages et des pages, des heures d’émissions et de débats à l’affaire Siné et seulement quelques lignes (dans le meilleur des cas) au sujet alimentaire : entre l’ego de deux personnes dont l’assiette est et sera toujours pleine, et les quatorze millions de ventres vides de contrées africaines oubliées, la Presse a fait un choix qui n’est pas le meilleur, ni le plus éthique.
Notre devoir de charité (le mot, aussi connoté soit-il, ne me fait pas peur) et de partage, pour un pays comme le nôtre, ne doit pas être oublié : certes, nous ne pouvons pas supporter sur nos épaules et résorber d’un coup de baguette magique toute la misère du monde ; certes, la culpabilisation n’est pas non plus très saine, et ne résout rien ; certes… Mais il appartient à la France de prendre des initiatives humanitaires quand, dans le monde, une urgence se fait jour.
D’autre part, les médias peuvent jouer un rôle important dans l’information des citoyens et la prise de conscience de ceux-ci face aux grands problèmes de société mais aussi de ce monde dont nous ne pouvons pas, ne devons pas être absents.
Or, j’ai l’impression que la remarque de François de Closets est révélatrice de nos abandons et d’une certaine hypocrisie des démocraties qui dénoncent les violations des droits de l’homme en Chine, là où elles ne peuvent que (timidement, d’ailleurs, pour éviter les représailles économiques…) geindre, tandis que, là où elles auraient les moyens d’agir, moyens matériels, humanitaires et militaires (car il n’y a pas d’action humanitaire possible quand il n’y a pas les moyens militaires de la protéger et de l’assumer, comme on le constate, cruellement, au Darfour et dans le sud chrétien du Soudan), elles semblent détourner les yeux : égoïsme ? Inconscience ? Lâcheté ?
Je sais que la France ne peut pas tout faire. Je sais que les problèmes du pouvoir d’achat mais aussi les vacances, et c’est bien normal, nous rendent moins sensibles à la misère des autres… Mais les gouvernements et les médias, sans tomber dans l’annonce permanente des mauvaises nouvelles ou dans le moralisme le plus agaçant qui soit, n’ont-ils pas un devoir d’information et de réaction ?
13:12 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : affamés, afrique, siné, presse, humanitaire.