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03/07/2021

La Monarchie est-elle de gauche ?

 

« La Monarchie est-elle de gauche ? » : cette question m’a été posée il y a peu par un interlocuteur inquiet d’entendre le vieux royaliste que je suis parler de justice sociale, et il croyait y discerner une dérive gauchiste qui, je le garantis ici une fois de plus, n’existe pas, ni en théorie ni en pratique. Mais cette question mérite néanmoins réponse et nécessite quelques rappels pour éviter tout malentendu. Avant toute chose, rappelons que les engagements royalistes n’engagent pas, strictement, la Monarchie elle-même, cette dernière étant le régime à atteindre et dont les applications concrètes dépendent aussi, au-delà des fondements et des valeurs qu’elle incarne, du moment et des hommes. En cela, déjà, la question des étiquettes applicables au régime politique apparaît comme hasardeuse, et la République elle-même le prouve chaque jour : si la Monarchie était installée aujourd’hui dans notre pays, comme pour la République contemporaine, la question même d’une quelconque étiquette partisane ne se poserait pas, alors qu’elle peut légitimement se poser pour les royalistes (et les royalismes) eux-mêmes, tout comme elle se pose pour les partisans de la République.

 

En fait, ce sont surtout les adversaires de la Monarchie qui sont les plus pressés à lui apposer une étiquette, par facilité plus que par discernement. Quels sont alors les arguments qui en feraient, ainsi, un régime « de gauche » ? D’abord la propension des rois de France, selon certains, à vouloir évoquer la raison d’État comme la justice (terme auquel le roi Louis XVI, en 1784, accolera le qualificatif de « sociale » dans un sens anti-féodal…) plutôt que la seule liberté économique, et à s’en prendre aux grandes fortunes, comme n’hésiteront pas à le faire, de façon parfois brutale, Charles VII avec Jacques Cœur et Louis XIV avec Nicolas Fouquet. Ensuite, l’intervention directe de l’État royal (certains diraient « l’interventionnisme ») dans l’économie par la fondation et le soutien à de grandes entreprises considérées comme stratégiques pour l’action de l’État et le prestige (et la puissance) de la France, comme du temps de Louis XIV et de son ministre Colbert. Enfin, les efforts de la Monarchie de l’après-Révolution pour limiter la « liberté économique » par quelques lois rétablissant des droits sociaux pour le monde ouvrier comme pour le monde artisan au détriment du « libéralisme sans frein » adoubé par la Révolution de 1789 et légalisé par les lois d’Allarde et Le Chapelier de 1791 : ainsi, le roi Louis XVIII rétablit le repos du dimanche dès 1814, pour le plus grand bonheur des travailleurs auxquels l’empereur Napoléon avait refusé ce même repos sur toute la journée, dans une logique franklinienne (« le temps, c’est de l’argent ».) dont il était le serviteur zélé… Sans oublier les textes sociaux du comte de Chambord (« Lettre sur les ouvriers », 1865) et du comte de Paris comme « Le Prolétariat » publié en 1937, qui ont valu à leurs auteurs des qualificatifs parfois peu aimables de la part de politiciens républicains libéraux, jusqu’à traiter le dernier nommé de « prince rouge ».

 

A bien y regarder, ce qui ferait de la Monarchie selon ses adversaires un régime « de gauche », c’est son aspect social, aussi imprécis que soit ce qualificatif : mais être favorable à la justice sociale et à la justice tout court (symbolisée par la main  de justice, attribut du roi qui lui est remis lors de la cérémonie du sacre) ; considérer qu’elle est un élément majeur de l’équilibre et de l’harmonie des société et que le bien commun et celui de l’État valent plus que les seuls profits de quelques uns ; pratiquer le « politique d’abord » au lieu de céder aux sirènes du « tout-économique » ;… Non, ce n’est pas « de gauche », et, historiquement, c’est même éminemment royal ! Le méconnaître serait oublier le sens et la portée de la Monarchie en France qui s’est construite contre, ou au-delà, des féodalismes de toute forme, remplaçant le suzerain par le souverain.

 

Et demain ? Une instauration royale en France ne pourra négliger la question sociale : si elle se contentait de n’être que « morale » ou de « restaurer » une forme institutionnelle juste bonne à « inaugurer les chrysanthèmes », elle se priverait d’un enracinement social qui, dans l’histoire, fut longtemps sa marque de fabrique et son « assurance-vie », et qui pourrait lui donner aussi un rôle particulier dans une mondialisation qui a besoin d’un modèle social fort et susceptible de présenter une alternative à un libéralisme devenu trop souvent synonyme de démesure et d’injustices sociales. Le royaliste Maurice Pujo, au début du XXe siècle, expliquait que la Monarchie serait populaire ou, sinon, qu’elle ne serait pas, tout simplement : en disant cela, il ne faisait pas acte de gauchisme, mais rappelait l’obligation de justice de la Monarchie « ré-instaurée » à l’égard du monde du travail et du pays réel, celle qui en fait « le régime le plus social possible sans être politiquement socialiste »…

 

 

 

 

 

 

25/05/2021

Plaidoyer contemporain pour la Monarchie.

 

Le magazine Reines & Rois m’a invité dans ses colonnes à présenter les arguments contemporains pour l’établissement d’une Monarchie en France, et ma tribune a été intégralement et fidèlement publiée dans le numéro de Mai-juin-juillet 2021, ce dont je remercie la rédaction et Olivier C. en particulier. En voici le texte ci-dessous…

 

 

 

Un récent sondage nous apprenait que 17 % des Français étaient favorables à l’établissement d’une Monarchie en France, et cela plus de deux siècles après la fracture révolutionnaire et plus d’un siècle et demi après le départ en exil du dernier roi ayant effectivement régné. Entretemps, cinq Républiques sont nées et quatre ont disparu, souvent dans des affres peu glorieuses, du coup d’Etat à la défaite militaire, sans oublier deux empires et un « Etat français » : deux siècles durant lesquels la question institutionnelle ne cesse d’être posée, et cela même si l’actuelle République, cinquième du nom, semble avoir réussi une certaine synthèse entre les différentes traditions politiques du pays, synthèse néanmoins remise en question aujourd’hui par les nostalgiques de la IIIe (ou de la IVe) République qui la trouvent « trop monarchique » quand les royalistes la trouvent, eux, trop républicaine ou « monocratique », trop jacobine ou laxiste…

 

Plusieurs éléments peuvent, en tout cas, expliquer et motiver la persistance d’un courant d’opinion favorable à la Monarchie royale, même si celui ne se traduit ni dans les urnes ni dans le paysage politique lui-même, apparemment monopolisé par les seuls républicains (ou proclamés tels) de toutes les couleurs du prisme politique. L’actuelle campagne présidentielle, un an avant le premier tour de l’élection, agite déjà les milieux politiques et médiatiques, mais, à bien y regarder, ne sommes-nous pas, depuis que le quinquennat a été établi au début des années 2000, en « présidentielle permanente » ? Or, cette élection à la magistrature suprême de l’Etat apparaît toujours comme « la reine des élections », la plus courue en tout cas pour les partis et les politiciens, et la plus mobilisatrice des électeurs, désormais fort boudeurs lors des scrutins parlementaires, régionaux ou, même, municipaux. Paradoxalement, cela peut accréditer l’idée que les Français veulent élire un Chef de l’Etat auquel ils attribuent des pouvoirs importants, quasi-monarchiques, comme s’ils avaient besoin de cette autorité de type monarchique pour sentir qu’ils appartiennent au même peuple, à la même nation… L’élection du président au suffrage universel direct était, jadis, vue par ses opposants comme le signe d’une « monarchisation » du pouvoir, et, du temps du général de Gaulle, Le Canard enchaîné décrivait celui-ci comme un roi versaillais et absolu et son gouvernement comme une Cour à ses ordres, en attendant celui que le journal satirique annonçait comme le « dauphin » : le comte de Paris…

 

Quelques autres indices peuvent signaler la persistance d’une opinion monarchiste, et l’actualité nous en a fourni une nouvelle preuve avec l’émotion soulevée dans notre République lors du décès du prince Philippe, époux de la reine Elisabeth d’Angleterre, et les cinq millions de téléspectateurs hexagonaux des funérailles princières, en un après-midi ensoleillé, ne sont pas totalement anodins, y compris politiquement parlant. Car, à défaut de vivre en Monarchie, nombre de Français regardent celle de nos voisins avec des yeux émerveillés pour certains, seulement curieux pour d’autres, et beaucoup de ceux-ci se disent peut-être, au fond de leur cœur, « pourquoi pas la Monarchie chez nous ? ». Après tout, la question mérite bien d’être posée, et cela même si l’advenue d’une instauration royale en France paraît, sinon totalement compromise, encore fort lointaine…

 

En ces temps de crises et de trouble, la Monarchie royale « à la française » ne serait pourtant pas si choquante et, même, elle pourrait bien conjuguer espérance et nécessité, tout en renouant avec le fil d’une histoire qui, tranché violemment hier, pourrait à nouveau réunir des Français aujourd’hui soucieux de concorde et de tranquillité, y compris politique… Quelques arguments plaident en sa faveur comme celui de l’unité nationale au-delà des querelles politiques et des grands intérêts de ce qu’il n’est pas incongru de qualifier de féodalités financières et économiques : car le roi ne doit rien à un choix électoral forcément clivant et séparateur qui divise en clans idéologiques, et son indépendance vient du principe même de la transmission héréditaire de la magistrature suprême de l’Etat, la naissance ne pouvant s’acheter ou se forcer. Bien sûr, c’est l’argument parfois le plus difficile à entendre pour nous qui sommes habitués à choisir le Chef de l’Etat que nous semblons sacrer de notre vote avant que de le dénoncer dès les mois suivants dans un élan d’ingratitude qui, visiblement, n’appartient pas qu’aux princes… Néanmoins, l’avantage de la succession royale est qu’elle accompagne le temps et qu’elle est l’humilité devant la nature humaine et ses propres limites : dans la tradition française, ce mode de transmission de la magistrature suprême de l’Etat se résume en une formule « Le roi est mort, vive le roi ! ». C’est-à-dire que c’est de la disparition physique du prédécesseur que naît le pouvoir du successeur. D’un drame, la mort, la royauté fait un passage vers une autre vie, une autre personne, celle-là même qui savait qu’un jour elle régnerait mais qui ne savait ni le jour ni l’heure, dans une incertitude qui, pourtant, n’ouvre pas vers l’inconnu mais vers le « prévu ». Cela explique l’autre formule traditionnelle de la royauté en France : « Le roi ne meurt jamais ». En effet, la mort physique d’un monarque n’est pas la mort de l’Etat, mais son renouvellement : le fils succède au père, naturellement, tel que cela était annoncé depuis sa naissance et son titre de dauphin. Quand la République déchire autour de l’urne, la Monarchie royale unit autour du cercueil, et du trône…

 

Bien sûr, certains y verront une injustice ou un risque : injustice (« pourquoi lui plutôt qu’un autre ? ») et risque (« est-il vraiment à la hauteur de la charge ? »). En fait, la pire injustice n’est-elle pas que ce soit l’Argent qui, désormais, fasse les élections présidentielles, au risque d’affaiblir la nécessaire indépendance de l’Etat ? A l’inverse, cette sorte de « tirage au sort » du destin qui fait de la naissance au sein de la famille royale historique la carte d’entrée à la tête de l’Etat n’est-elle pas le meilleur moyen de garantir le meilleur pouvoir arbitral possible, au-delà même des passions du moment et des pressions des factions ou des ambitions ? Un ancien ministre centriste d’il y a quelques décennies faisait remarquer qu’en Monarchie, la première place étant prise, cela limitait les appétits de pouvoir des politiques et les forçait à se concentrer sur les questions gouvernementales… Quant au risque d’une incompétence du roi, il est limité pour au moins trois raisons : tout d’abord, ce qui compte pour le roi n’est pas la compétence ni le mérite mais bien plutôt l’indépendance liée à sa position, celle d’un arbitre et non d’un joueur, et qui l’oblige à une impartialité de fait, ce qui n’exclue pas, évidemment et bien au contraire, la liberté de décision dans le cadre des règles du jeu institutionnel et politique ; Deuxièmement, en tant que « roi à venir », l’héritier putatif du trône est préparé tout au long de sa jeunesse (voire un peu plus…) à ses fonctions de monarque et son éducation est organisée en fonction de son règne futur : cela garantit qu’il a, très tôt, les « codes » de la politique ; enfin, en France et malgré la concentration des pouvoirs régaliens entre les mains de l’Etat royal dès l’époque de François Ier, la Monarchie a une tradition plutôt « fédéraliste », précédant historiquement et pratiquement l’actuelle devise de l’Union européenne qui lui va comme un gant : « Unie dans la diversité ». Cela signifie que nombre de pouvoirs et d’administrations aujourd’hui indûment aux mains de l’Etat central seraient redistribués aux Régions, Communes et Chambres économiques (entre autres), en application d’une subsidiarité bien comprise et qui aurait évité, sans doute, bien des errements et des incompréhensions depuis le début d’une crise sanitaire sans fin débutée l’an dernier…

 

De plus, de par son principe et son histoire, la Monarchie royale a pour règle de servir et non de « se servir », ce que le général de Gaulle avait déjà relevé en son temps et qu’il avait tenté de pratiquer dans une République qui, en définitive, ne lui en sera pas toujours reconnaissante. Marcel Gauchet, quant à lui,  évoquait en 2018 la différence entre la logique macronienne et l’esprit royal : « Mais [Macron] s’est trompé sur ce que l’on attendait d’un roi. Un roi, ce n’est pas un manager, pas un patron de start-up qui secoue ses employés pour qu’ils travaillent dix-huit heures par jour pour que les Français, par effet d’entraînement, deviennent tous milliardaires ! Dans la tradition française, un roi, c’est un arbitre. Quelqu’un qui est là pour contraindre les gouvernants à écouter les gouvernés. Quand les gens accusent Macron d’être le président des riches, ils lui reprochent surtout de ne pas être l’arbitre entre les riches et les pauvres. » N’est-ce pas là, en quelques lignes, la meilleure définition du roi « à la française » ?

 

Mais il est, au-delà de toutes les argumentations politiques, un élément fondateur de la Monarchie, élément qui n’est d’ailleurs pas limité à la France : c’est la puissance du sentiment. Tout l’enjeu pour les royalistes est de faire resurgir ce sentiment qui, longtemps, a lié tous les Français, personnes comme communautés, entre eux : que la Monarchie française est d’abord une famille, celle qui incarne la France par-delà les générations et les siècles, au-delà des différences et des antagonismes… Cette famille dont, pour l’heure, la France est orpheline, regardant au-delà des frontières celle des autres avec, parfois, la larme à l’œil et une certaine nostalgie, à moins qu’il s’agisse d’une secrète espérance…

 

 

 

Jean-Philippe Chauvin

 

 

02/02/2021

Transition démocratique et continuité monarchique.

 

La démocratie n’est pas toujours un long fleuve tranquille, et les récents événements survenus aux États-Unis autour et au sein même du Capitole en sont une preuve indéniable, du moins pour ceux qui cherchent le sens des choses plutôt que l’écume des seuls faits. La difficulté de M. Trump à accepter de quitter la Maison Blanche et les émeutes du 6 janvier (qui ressemblaient plus à un mouvement de colère qu’à une conjuration réfléchie) nous rappellent que la transition démocratique dépend aussi d’un contrat politique dans lequel la défaite est possible et le pouvoir issu de l’élection remis en cause à chaque nouvelle élection, deux éléments constitutifs des régimes démocratiques et, a priori, non négociables. Or, ces éléments doivent être intégrés autant par les dirigeants désignés par le suffrage (appartenant au « pays légal » sans en être toujours les véritables maîtres) que par les électeurs eux-mêmes (issus du « pays réel » sans en incarner toutes les dimensions et diversités). Dans le récent cas états-unien, c’est l’ancien président qui, bien que défait par le suffrage de façon assez nette (malgré les fraudes possibles, qui semblent néanmoins s’équilibrer de part et d’autre), a brisé le consensus autour de la nécessaire acceptation du sort des urnes, laissant souffler l’esprit de suspicion sur l’ensemble du scrutin et risquant de ruiner ses possibles chances d’un nouveau mandat dans quatre ans, tout en donnant raison à ceux de ses détracteurs qui, pour certains d’entre eux, avaient jadis contesté le résultat de novembre 2016 favorable à M. Trump. Bien sûr, la déception devant un résultat qui ne correspond ni à vos attentes ni à ce qui semblait promis par les sondages dans certains cas (Mme Clinton avait remporté tous les sondages sans emporter les suffrages suffisants…) peut entraîner des réactions d’émotion que la raison recouvre généralement le lendemain. Dans le cas de M. Trump, l’émotion est restée intacte jusqu’au 6 janvier, au point de menacer la transition démocratique et de fragiliser durablement ce processus et ce consensus d’acceptation parmi la population des États-Unis qui, désormais, seront peut-être moins certains lors des prochains scrutins.

 

Ce qui est vrai aux États-Unis peut-il l’être en France, aujourd’hui profondément déchirée entre des camps qui, depuis la révolte des Gilets jaunes, ne se parlent plus et se côtoient à peine et, en tout cas, ne se comprennent pas, leur langage et leurs principes étant de moins en moins communs ? Un indice inquiète : lorsqu’un sondage de la semaine dernière a placé Mme Le Pen à courte distance de la victoire à la prochaine présidentielle de 2022, les réactions (beaucoup moins nombreuses qu’attendues, au regard de ce qu’avait déclenché la qualification de M. Le Pen père en avril 2002) n’ont guère rassuré les tenants de la légitimité démocratique, nombre de citoyens (en particulier fonctionnaires d’État) annonçant qu’ils ne se soumettraient pas à un tel résultat et qu’ils entreraient en résistance active, sans que l’on sache exactement jusqu’où cette résistance autoproclamée pourrait aller… Le même discours est régulièrement tenu par nombre d’artistes, prêts à s’exiler d’une France « lepeniste » tel Victor Hugo se réfugiant à Guernesey pour ne pas avoir à saluer le nouvel empereur issu à la fois de l’élection (1) et, plus tard, du plébiscite démocratique à défaut d’être très régulier (2) ! L’on semble oublier que, lors de l’élection de Nicolas Sarkozy au poste suprême en mai 2007, de nombreuses grandes villes avaient assisté à des manifestations de protestation et de non-reconnaissance du résultat du scrutin, avec quelques dégâts à la clé, et que, après celle de François Hollande, un mouvement « Hollande n’est pas mon président » avait rapidement émergé et fait florès au cœur des manifestations hostiles au mariage homosexuel avant que de muer, avec une base élargie dès l’automne 2018 par le mouvement des Gilets jaunes, en mouvement « anti-Macron ».

 

Ce mouvement n’est sans doute pas inédit au regard de l’histoire de la démocratie en France, mais il semble prendre, depuis quelques temps, une ampleur nouvelle, au risque de fragiliser, non seulement les bases de la démocratie elle-même, mais aussi et surtout toute possibilité d’une transition paisible d’un président à un autre, la minorité électorale se sentant lésée et non plus seulement perdante « à la régulière ». Or, la démocratie et toute vie politique équilibrée nécessitent une reconnaissance de la défaite comme de la victoire, non pour s’en féliciter forcément (en particulier dans le premier cas…), mais pour permettre la possibilité d’une « revanche » (non pas dans le sens d’une vengeance mais, au contraire, d’une alternance ou, mieux, d’une alternative qui puisse satisfaire le camp du vainqueur sans humilier inutilement le camp du vaincu). Vaille que vaille, c’est ce modèle qui prédomine en France sous la Cinquième République, et il faut s’en féliciter, en particulier en tant que royaliste attaché à l’unité du pays et au concert des libertés. Ce qui ne signifie pas qu’il faille s’en contenter, bien évidemment !

 

Mais les remises en cause contemporaines de la légitimité démocratique doivent inciter à réfléchir aux meilleurs moyens (3) d’assurer une transition politique entre deux parties différentes (au regard de leurs propositions et pratiques institutionnelles, économiques ou sociales) de la nation sans menacer l’ordre et l’unité du pays. La virulence des débats dans la Cinquième République, virulence qui n’est pas toujours une mauvaise chose si la passion alimente la vie politique sans la détruire, s’explique aussi et peut-être principalement par la volonté de conquérir la « première place », ce faîte de l’État qui, dans une République centralisée comme la française et « monocratique » (certains diraient « monarchique ») comme la Cinquième, est parée de tous les attributs du prestige et de la puissance et, donc, attire toutes les convoitises et, parfois, les prédations… En libérant la « première place », cette magistrature suprême de l’État aujourd’hui livrée au Suffrage et à cet éternel combat des chefs qui transforme la vie politique en une « présidentielle permanente », la Monarchie royale remet les ambitions au niveau inférieur mais aussi nombre de pouvoirs indûment détenus par l’État (aujourd’hui trop envahissant) aux collectivités locales, professionnelles ou universitaires, ce que l’on pourrait nommer « les républiques françaises ». En fait, la Monarchie assure à la fois la continuité (voire la perpétuité) de l’État « par le haut » sans empêcher les transitions démocratiques entre des gouvernants d’obédiences différentes, voire adverses : le Royaume-Uni, au-delà de ce qui peut séparer son régime monarchique de celui, éventuel, de la France, montre bien tout l’intérêt de cette magistrature suprême qui ne doit rien aux querelles politiciennes et les surplombe sans renoncer à ce qu’elle est historiquement et traditionnellement, capable d’écouter et, dans le secret du salon royal, de conseiller le chef du gouvernement en exercice. Si la Monarchie royale « à la française » accorde plus de pouvoirs au souverain, elle n’en reste pas moins, une fois instaurée et enracinée (4), ce système institutionnel qui permet la continuité et l’arbitrage, ce trait d’union permanent entre les gouvernements qui se succèdent et les générations qui se suivent, sans empiéter sur les libertés « à la base » qui, garanties sans être livrées à elles-mêmes, assurent la libre circulation et l’équitable confrontation des idées…

 

 

 

 

 

 

 

 

Notes : (1) : Louis-Napoléon Bonaparte a été élu à la première élection présidentielle au suffrage universel masculin, en décembre 1848.

 

(2) : Après son coup d’État du 2 décembre 1851, le président « putschiste » l’a fait approuver par un plébiscite (nom ancien du référendum) qui a eu lieu du 14 au 21 décembre 1851, et qui l’a confirmé électoralement.

 

(3) : « Meilleurs » ne signifiant pas forcément « parfaits », la logique humaine étant parfois bien éloignée de la notion de perfection…

 

(4) : Le grand enjeu d’une instauration monarchique prochaine sera de réussir à s’établir et à s’enraciner, et il y faudra sans doute deux à trois générations de monarques (la durée de chacune pouvant varier sous l’effet de nombreux facteurs) pour s’assurer d’une continuité « perpétuelle ». Les échecs précédents, sur ce point particulier, de la Restauration et de la Monarchie de Juillet, tout comme le succès de la Cinquième République depuis le général de Gaulle, doivent servir de leçons et permettre d’envisager la suite avec humilité mais sans crainte pour qui saura appliquer un sage empirisme organisateur…