28/06/2020
Plaidoyer pour une Monarchie royale. Partie 1 : Quand la légalité de la République ne satisfait plus le corps civique.
Les nouvelles économiques ne sont pas bonnes, et le chômage menace nombre de nos concitoyens quand, dans le même temps, le numérique et la robotisation accélérée sont présentés comme les cadres, quasiment obligatoires, du monde de demain, d’un proche lendemain qui semble s’annoncer et se déployer déjà en ce cruel aujourd’hui. Sans doute le principal choc social aura-t-il lieu à la rentrée de septembre prochain, quand plus de 700.000 jeunes arriveront sur le marché du travail et quand, dans le même temps, les entreprises et activités liées au tourisme, à la restauration et aux loisirs, feront leurs comptes qui pourraient, pour beaucoup, ne pas être bons. Mais c’est maintenant qu’il faut agir et prévenir, et c’est l’État qui devrait être le grand ordonnateur de la nécessaire réaction économique et sociale au choc, en se faisant le plus politique possible, non de manière étatiste, mais comme un stimulateur, un investisseur et un protecteur. En somme, « être l’État » et appliquer la maxime traditionnelle du « Gouverner c’est prévoir » qui n’est vraiment possible que quand l’État est conscient de sa force et décidé à l’utiliser face aux appétits des charognards économiques et aux événements, même contraires.
L’actuelle République a montré, dans les premières heures de la crise sanitaire, ses faiblesses et révélé ses carences : manque d’anticipation, absence de politique claire et efficace, sans oublier les vastes étendues de son incompétence, voire de ses fautes. Mais la révélation la plus inquiétante a été celle du désarmement de l’État face aux enjeux du temps long : la République, en ses dernières présidences et en ses derniers gouvernements, a préféré le court-terme économique et l’immédiateté électorale au long terme politique et à la durée sans lesquels il n’y a rien de solide qui puisse être établi et tenir face aux tempêtes contemporaines. L’affaire des masques, entre autres, a montré l’incapacité de la République actuelle à se projeter au-delà d’un simple calendrier électoral dont la présidentielle serait l’horizon ultime et, parfois, vain.
La politique erratique du gouvernement face à la crise sanitaire ne doit néanmoins pas cacher le fait que, au milieu de l’épreuve, l’État a su, en quelques occasions, apparaître comme le protecteur que les Français, inquiets ou angoissés, attendaient : cela peut expliquer que, malgré ses fautes avérées, la République, à travers son premier ministre plutôt que par son président, a vu sa côte de popularité remonter, dans une sorte de réflexe de peur et de reconnaissance mêlées, comme cela a pu arriver en d’autres temps et au profit d’autres personnes ou institutions. Certains y ont vu une sorte de rappel de 1940 qui avait, au cœur de la douloureuse défaite, vu les Français se regrouper autour des figures d’une nouvelle légalité qui remplaçait celle qui avait fait défaut face à l’invasion (mais, malgré le désir et l’illusion, le résultat ne fut, en définitive, guère heureux). En fait, là, en 2020, c’est comme si la République avait synthétisé un président Albert Lebrun avec un maréchal Philippe Pétain dans le même mouvement d’ensemble ! Ce qui est certain, c’est que nous avons assisté à la confirmation de Créon, de cette légalité dont il n’est pas sûr qu’elle soit entièrement légitime au regard de l’intérêt commun quand elle peut l’être, néanmoins, électoralement parlant…
« La République de la peur » : c’est ainsi qu’elle peut apparaître aux yeux de nos contemporains et des opposants, souvent démunis car incapables d’accéder aux médias qui font l’Opinion publique, « gros animal bête que l’on mène » à défaut de le préserver vraiment. Mais cette République-là tient bon, non aux événements mais à ses oppositions qui ne sont pas toujours sensées ni politiquement assurées : car, pour s’opposer efficacement à cette République de Créon, encore faut-il la conscience d’Antigone et sortir de cette pensée qui emprisonne la légitimité dans la légalité dite démocratique. Non, la légalité issue des urnes, si elle peut apparaître comme l’expression majoritaire des citoyens à un moment donné, n’est pas forcément la légitimité susceptible de donner du sens et de l’autorité aux institutions du pays et des peuples d’icelui. Une masse d’électeurs ne fait pas, seule, la légitimité d’un État et elle la fonde encore moins quand la démocratie présidentielle paraît ne plus être que le spectacle de l’affrontement entre deux « absurdités » : le choix se limite alors à l’élimination du « pire » sans satisfaire complètement une large partie du corps électoral « éliminée » dès le soir du premier tour de la présidentielle… Le résultat final accroît la frustration d’un électorat qui se croit privé de sa capacité d’intervenir vraiment, dans son identité politique (qu’elle soit de droite, de gauche, écologiste ou nationaliste, sociale ou morale), dans le choix de la direction de l’État.
Cette crise sanitaire est l’occasion de poser donc la question de l’État légitime, et d’envisager quelles pourraient être ses possibilités, autant face à une crise sanitaire ou économique que face à celle de la représentation civique, de ce que l’on nomme communément (et peut-être abusivement) « démocratie ». Tout d’abord, quelles institutions peuvent garantir l’inscription de la volonté politique dans la durée tout en assurant la possibilité de contestation de celle-ci et de remise en cause sans atteindre à la stratégie de long terme de l’État ? Pour assurer la continuité de l’État, le mieux semble bien de garantir celle de sa magistrature suprême et cela ne peut se faire, concrètement, que par la pratique du principe de succession dynastique : le Chef de l’État succède à celui d’une génération précédente, parce le fils succède au père. Au-delà du rajeunissement immédiat de la tête de l’État, qui n’est pas une mauvaise chose, ce système permet d’éviter le choc des ambitions partisanes pour sa conquête et, donc, la dépréciation de l’État lui-même. La présidentielle, en effet, semble soustraire les voix (qu’il faut considérer comme « énergies civiques » permettant la reconnaissance et l’action de l’élu) du candidat battu au second tour des voix du gagnant, ce qui limite les marges de manœuvre du président élu, souvent de manière négative ces dernières décennies (1). Ce qui aurait pu permettre un « bain de légitimité » au-dessus des partis, comme le souhaitaient les fondateurs de la Cinquième République et le comte de Paris (1908-1999), est, très vite, devenu une désacralisation de la magistrature suprême, sans doute dès les années 1970, parce que l’élection présidentielle, au lieu d’être la rencontre d’un homme avec le peuple civique, s’est muée en « horizon ultime des ambitieux », ceux-ci affaiblissant par leurs stratégies électoralistes et leurs luttes politiciennes la tête de l’exécutif qu’ils semblaient vouloir couper avant que de l’incarner à leur tour… Chaque présidentielle depuis les années 1970 a affaibli la présidence, en particulier face aux féodalités économiques et financières de plus en plus nécessaires à l’ascension d’un candidat vers le Mont-Blanc élyséen ! Et, une fois élu, le nouveau souverain de la Cinquième est condamné à préparer sa réélection. Cette République est ainsi devenue, contre l’idée du général de Gaulle, une « présidentielle permanente ».
La transmission du père au fils, plus simple et, en définitive, plus humainement naturelle, ramène les appétits politiques à l’échelon inférieur, celui du gouvernement, qui n’est pas moins important sur le plan de l’exercice de l’État mais, du coup, cela libère la magistrature suprême de certaines pressions partisanes et lui permet de jouer un rôle d’arbitre suprême de la politique sans « abîmer » inutilement la figure de l’État, préservée des querelles, du moins dans le principe. « La première place est déjà prise », et cette règle simple établie, cela permet d’envisager la politique gouvernementale de façon aussi plus libre et moins obsédée par la conquête de l’échelon supérieur. En somme, le Roi assume, comme l’évoquait le républicain Régis Debray dans un écrit ancien préfaçant un ouvrage de réflexion royaliste (1), le « spectacle de l’État » et libère ainsi et aussi le gouvernement de cette fonction nécessaire de représentation étatique. N’est-ce pas le meilleur moyen d’assurer une plus grande efficacité au gouvernement lui-même, et cela quelle que soit sa couleur politique ?
(à suivre)
Notes :
(1) : 52 ou 66 % forment une majorité électorale, mais cela peut être calculé différemment dans une République « clivante », et si on pense en termes « d’énergies civiques », c’est plutôt par la soustraction qu’il faut penser les choses, ce qui donne alors un résultat moins beaucoup moins net : 52 % des partisans du gagnant moins les 48 % des perdants, ce qui donne alors juste un résultat de 4 % de « plus », que nous pourrions qualifier de solde énergétique civique positif, évidemment plus important quand c’est 34 % qu’il faut retirer de 66 %, mais constatons que l’énergie « minoritaire » (au regard du résultat de second tour de l’élection présidentielle de 2017) s’est muée en multiples oppositions extrêmement dynamiques et paralysantes, du moins un temps, des initiatives et actions de l’État, considérées comme légales et d’ailleurs inscrites dans la loi, mais de moins en moins acceptées et considérées, à tort ou à raison, comme « illégitimes », et cela malgré le « sacre électoral » dont l’onction semble ne plus satisfaire nombre de membres du corps civique français…
(2) Le livre « Monarchie et politique étrangère » d’Yves La Marck, publié en 1985 par la Nouvelle Action Royaliste, était préfacé par Régis Debray qui avait été un temps conseiller du président François Mitterrand.
10:04 Publié dans Blog | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : etat, république, légalité, roi, monarchie, élection.
28/05/2020
Réindustrialisation et volonté politique : la piste monarchique.
Le déconfinement a commencé depuis déjà deux semaines, et nombre d’illusions sur « le monde d’après » sont déjà entrées au cimetière des bonnes intentions, peu aptes à survivre dans une société de consommation, mais aussi « distractionnaire » comme la qualifiait Philippe Muray avec une ironie un peu triste. Ainsi en va-t-il de l’idée, souvent émise au cours de la période de confinement, de la relocalisation des industries parties hier (un hier qui remonte parfois aux années 1990…) vers les pays asiatiques ou est-européens, idée qui est déjà démentie par les propos du commissaire européen au commerce, M. Phil Hogan, et que rappelle Serge Halimi dans son éditorial du Monde Diplomatique de juin 2020 : « Quelques entreprises sanitaires seront relocalisées sur le Vieux Continent, comment faire autrement ? « Mais il s’agit là d’une exception », nous avertit M. Hogan. Et, s’adressant à ceux qui parlent de circuits courts, de décroissance, il prévient : « En 2040, 50 % de la population mondiale vivra à moins de cinq heures de la Birmanie. (…) Il me semble évident que les entreprises européennes ne voudront pas se priver de cette manne d’activité. Ce serait complètement idiot. » Il sait d’ailleurs déjà à quoi il emploiera les prochains mois : « Nous devons approfondir nos accords de libre-échange existants - on en a avec quelque soixante-dix pays - et chercher à en contracter d’autres. »
Ainsi s’accélère la logique de mondialisation, et les désirs de « rattrapage » des dividendes perdus chez nombre d’actionnaires, de plus en plus asiatiques d’ailleurs, n’y seront pas non plus étrangers : d’ailleurs, même les actionnaires français sont sensibles à ce discours, d’autant plus que nombre d’entre eux, et il n’est pas interdit de le regretter, n’ont plus guère de sens patriotique, ce sens qui n’est rien d’autre, en économie, que la solidarité des plus aisés avec les autres classes sociales, une solidarité qui, pour être complète et efficace, doit évidemment fonctionner dans les deux sens, mais selon les critères reconnus et acceptés de la justice sociale, fondement majeur de toute harmonie nationale durable. Mais, doit-on s’accommoder de cette situation et de cette mentalité individualiste et « libéraliste » qui, si l’on n’y prend garde, pourraient bien mener notre pays à la perte de sa souveraineté économique, préambule ou accélérateur de celle de toute indépendance politique ?
En fait, il n’y a pas une seule réponse économique, mais bien plutôt une stratégie politique qui doit utiliser diverses propositions ou solutions économiques, avec la boussole nécessaire du bien commun et de la justice sociale, boussole qui n’est pas exactement celle de la seule logique du Marché et de sa pratique mondialisée. Cela implique un État qui ne soit pas forcément omnipotent mais, en revanche, fort et sûr, sinon de son fait (l’erreur est toujours possible, mais il faut éviter d’y persévérer…), au moins de sa légitimité pour s’imposer aux féodalités financières, actionnariales ou économiques. Il semble bien que la République, trop dépendante des puissances qui estiment n’avoir pas de comptes à lui rendre (ce que dénonçait Jean Gabin dans son fameux discours à la Chambre, dans le film - politiquement incorrect - « Le Président »…), n’arrive pas toujours à se faire entendre d’elles, au risque d’aggraver le discrédit de la fonction politique aux yeux de nos concitoyens, de plus en plus abstentionnistes, voire « inciviques » (ou « impolitiques »), et de la désarmer un peu plus encore…
Pour ce qui est de la relocalisation des entreprises, sans doute le terme, sympathique en lui-même, cache-t-il quelques ambiguïtés et faiblesses : relocaliser des entreprises automobiles qui produisent en Chine pour vendre dans ce même pays, n’aurait guère de sens et serait même peu responsable, ne serait-ce que pour des raisons écologiques ; mais relocaliser des usines, aujourd’hui asiatiques, dont les productions sont majoritairement destinées aux marchés français et européen, paraît beaucoup plus utile et efficace, même si les marges bénéficiaires des entreprises et les dividendes des actionnaires peuvent en être diminués sans être, pour autant, annihilés. Néanmoins, la relocalisation de quelques activités industrielles est-elle suffisante, au regard des enjeux contemporains, qu’ils soient industriels, économiques ou écologiques ? Louis Gallois, grand patron français, a des idées plus précises sur ce sujet quand il évoque, plutôt que la seule relocalisation (dont il complète la formule plutôt qu’il ne la rejette), la nécessaire réindustrialisation qui doit nous permettre de subvenir à nos propres besoins et de garantir cette souveraineté économique qui est l’une des clés (mais pas la seule…) de la capacité du politique à pouvoir se faire respecter face aux puissances de l’économique et sur la scène mondiale. Et quand il insiste sur trois domaines prioritaires de « relocalisations d’activités et de systèmes productifs », ceux de la Santé, de l’agro-alimentaire et du numérique (ce dernier domaine relevant, pour lui, de « l’Europe » - mais façon Airbus - plus que de la seule France, ce qui peut être discuté et, pourquoi pas, approuvé), il me semble bien qu’il a raison et qu’il faut l’entendre.
Mais, là encore, ses propositions (qu’il n’est pas impossible de compléter, dans une logique d’ententes européennes et de grands ensembles géopolitiques dans lesquelles la France aurait sa place à tenir, en tant que telle, et non comme une simple puissance « européenne » ou prisonnière de « l’Europe ») nécessitent une véritable volonté politique, au-delà même des moyens (c’est-à-dire la fameuse « intendance » évoquée par le général de Gaulle) de sa mise en pratique, . Or, la volonté politique ne se décrète pas, elle s’institue, c’est-à-dire qu’elle s’ancre dans un État, dans une forme politique qui lui assure d’être immédiatement reconnue et suivie d’effets. Après tout, la Cinquième République, quand elle se pensait comme une « monarchie républicaine » incarnée par un homme né de l’histoire (et de la tragédie surmontée), a démontré la capacité de la volonté politique à « faire l’histoire », y compris à contre-courant des idéologies dominantes. Sans doute s’agit-il désormais de faire advenir une monarchie royale qui reprenne l’élan des débuts de la Cinquième, non pour l’imiter, mais pour incarner et pérenniser la volonté politique, au-delà d’un homme, forcément faillible (et c’est tant mieux, la nature de l’homme n’étant pas de devenir un démiurge), dans une institution familiale dont les visages vieillissent et se succèdent au rythme du temps et des générations. Car la nouvelle Monarchie royale n’aurait pas pour seul rôle (même s’il n’est pas négligeable) de « symboliser » l’État mais se devrait d’en assumer la magistrature suprême et sa fonction d’arbitrage et d’impulsion (et de garantie) des grandes politiques séculaires, celles qui ne sont pas « que » gouvernementales mais qui sont, avant tout et au fil des grands cycles politiques et géopolitiques, des politiques « du temps long » : celui-là même qu’évoquait le philosophe Michel Serres dans une émission ancienne dans laquelle il se faisait (philosophiquement parlant et sans oser employer le mot exact) l’avocat de la Monarchie de transmission intergénérationnelle, successible et héréditaire, « pour donner du temps au temps »…
21:00 Publié dans Blog | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : réindustrialisation, de gaulle, volonté politique, monarchie sociale.
14/05/2020
L'Action Française face à la question sociale. Partie 3 : Dépasser la lutte des classes.
Si l’on s’en tient à l’histoire des manuels scolaires ou du « politiquement correct », l’Action Française est, sur le plan social, conservatrice plus que sociale, et son monarchisme ne serait que la volonté de revenir à un ordre ancien constitué de privilèges et de hiérarchies établies une fois pour toutes en des temps lointains, voire immémoriaux : la réalité n’est pas si simple et l’AF encore moins simpliste, malgré les caricatures que certains, y compris se revendiquant du maurrassisme, ont pu donner d’elle. Il lui est même arrivée de frayer avec les syndicalistes révolutionnaires des années 1910 ou avec des « insurgés » des années 30 qui prônaient un véritable renversement du « désordre établi » et de la « démocratie capitaliste et bourgeoise », sans pour autant renoncer à une organisation « corporée » de la société du travail français, évidemment prioritairement dans le cadre national...
L’Action française ne s’arrête pas à la défense de la nation pour préserver les travailleurs : elle prône la fin du libéralisme du « renard libre dans le poulailler libre » par la mise en place d’une organisation sociale corporative qui rende aux producteurs leur juste place dans la société et leur assure la garantie de leur insertion dans la société, non comme simples consommateurs indifférenciés mais comme producteurs reconnus pour leurs qualités et dans leurs particularités professionnelles et sociales. Dans cette conception corporative, les classes sociales ne sont pas niées mais elles sont appelées à la conciliation, dans le cadre de la production et de la nation : le refus de la lutte des classes comme principe moteur de la société et des avancées sociales en faveur des travailleurs ne signifie pas que La Tour du Pin et ses successeurs de l’Action française méconnaissent l’égoïsme possible des classes dirigeantes ou dominantes, au contraire ! La Tour du Pin n’hésite pas à évoquer, comme Maurras après lui, la possibilité pour l’État de « tordre le bras » à celles-ci, si la justice sociale l’exige… Ce dernier, qui se veut disciple du premier, est d’ailleurs fort sévère avec une part de la bourgeoisie qui peut être aveugle sur la question sociale : « La bourgeoisie ne comprend pas la question ouvrière, et cela, faute de la voir ». Mais il ne s’agit pas, au contraire des marxistes, d’en appeler à la disparition des classes bourgeoises ou possédantes : « Je ne crois pas qu’il faille flétrir la bourgeoisie ni désirer qu’elle disparaisse. A quelque classe qu’on appartienne, on doit en être comme de son pays (…). Les classes moyennes composent, par le nombre et aussi par l’activité, l’élément prépondérant de notre patrie. (…) S’il faut faire mea culpa (ndlr : à propos de la Révolution et de ses conséquences sociales contemporaines), qu’on le fasse en commun et sans se renvoyer la balle. Il ne s’agit pas de récriminer, mais de réparer. » Cette volonté d’aller de l’avant et de « réparer » marque la différence d’avec l’esprit révolutionnaire (jacobin ou marxiste) qui, lui, veut « du passé, faire table rase ».
Dans cette conception maurrassienne des classes sociales et de la recherche d’une concorde nationale, et dans le cadre d’une monarchie à instaurer et enraciner, « les classes peuvent devenir des corps », selon La Tour du Pin, et la monarchie royale doit être cet État minimal garantissant une société libre et corporée, ainsi que l’exercice des libertés locales et professionnelles, et reconnaissant la légitimité de l’organisation des travailleurs, en syndicats ou à travers des corporations (ou associations professionnelles au sein d’un même corps de métier), sans que l’État ne soit autre chose qu’un initiateur, un arbitre suprême au-dessus des intérêts particuliers et le protecteur du bien public national (celui du Travail français sous toutes ses formes productives, industrielles, agricoles ou commerçantes).
La justice sociale n’est pas, alors, un alibi mais un élément fort de la légitimité nouvelle de la Monarchie, comme le signalait Marcel Bianconi dans la presse d’AF il y a près de cinquante ans : « Il le faudra bien s’il veut que se refasse, entre le peuple et lui (le roi), ce solide mariage d’amour et de raison auquel nous devons les plus grandes heures de notre histoire ». C’est aussi tout le sens de la phrase célèbre de Firmin Bacconnier : « la monarchie sera populaire, ou elle ne sera pas ! ».
(à suivre)
18:04 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : lutte des classes, question sociale, corporatisme, justice sociale, histoire, action française, libéralisme.